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Brécourt.-Et quelle ?

Molière. Nous disputons qui est le marquis de la Critique de Molière; il gage que c'est moi, et moi je gage que c'est lui.

Brécourt.—Et moi, je juge que ce n'est ni l'un ni l'autre.

XVI. UN VIEILLARD OffensÉ.

Don Diegue

Comte, sois de mon prince à présent gouverneur ;
Ce haut rang n'admet point un homme sans honneur,
Et ton jaloux orgueil, par cet affront insigne,
Malgré le choix du roi, m'en a su rendre indigne.

Et toi, de mes exploits glorieux instrument,
Mais d'un corps tout de glace inutile ornement,
Fer, jadis tant à craindre, et qui, dans cette offense,
M'as servi de parade, et non pas de défense,
Va, quitte désormais le dernier des humains,
Passe, pour me venger, en de meilleures mains.
Entre Don Rodrigue.

Rodrigue, as-tu du cœur?

Don Rodrigue.

-Tout autre que mon père

L'éprouverait sur l'heure.

Don Diègue.

-Agréable colére!

Digne ressentiment à ma douleur bien doux !

Je reconnais mon sang à ce noble courroux ;
Ma jeunesse revit en cette ardeur si prompte.

Viens, mon fils, viens, mon sang, viens réparer ma honte,
Viens me venger.

Don Rodrigue.-De quoi ?

Don Diègue.

D'un affront si cruel,

Qu'à l'honneur de tous deux il porte un coup
D'un soufflet. L'insolent en eût perdu la vie ;
Mais mon âge a trompé ma généreuse envie ;
Et ce fer que mon bras ne peut plus soutenir,
Je le remets au tien pour venger et punir.

mortel;

Brécourt.-What is it?

Molière. We are divided as to who is the Marquis in Molière's Critique. He bets it is I, and I bet it is he.

Brécourt. And I will warrant it is neither one nor the other.

XVI. AN INJURED OLD NOBLEMAN.

Don Diego,

Count, be now the governor of my prince.

So high a charge admits not a dishonoured man;
And your jealous pride, by this signal offence,

With or without the king's choice, has made me unworthy of it.

And thou, once glorious instrument of my exploits,

But now an useless ornament to my chilly frame,

O sword, once so dread, and which in this injury
Hast help to decorate, but not to defend me,
Away; quit henceforth the lowest of men,
Pass, to avenge me into abler hands.

Enter Roderick.

Roderick, hast thou any spirit?

Don Roderick.

Any other than my father

Should be made aware of it at once.

Don Diego.

O pleasurable wrath!

Proper resentment, assuaging to my grief!

I recognize my own blood by this righteous ire,

And in its hasty wrath I feel my youth revive.

Come, my son, my own, come, wipe out my disgrace,

Come to avenge me.

Don Roderick.-For what?

Don Diego.

For so cruel an injury

That it deals death to the honour of us both.

For a blow. The offender had perished there and then.
But my age frustrated my noble desire:

And this weapon, which my arm is now unable to sustain,
I hand over to thine to avenge and punish.

Va contre un arrogant éprouver ton courage :

Ce n'est que dans le sang qu'on lave un tel outrage;
Meurs, ou tue. Au surplus, pour ne te point flatter,
Je te donne à combattre un homme à redouter;
Je l'ai vu tout sanglant, au milieu des batailles,
Se faire un beau rempart de mille funérailles.

[superflus.

Don Rodrigue.-Son nom? C'est perdre temps en propos
Don Diègue.-

Donc, pour te dire encor quelque chose de plus,
Plus que brave soldat, plus que grand capitaine,
C'est

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Don Rodrigue.-De grâce, achevez.

Don Diègue.
-Le père de Chimène.
Don Rodrigue.-Le .

Don Diègue.-

Ne réplique point, je connais ton amour :
Mais qui peut vivre infâme est indigne du jour;
Plus l'offenseur est cher, et plus grande est l'offense.
Enfin tu sais l'affront, et tu tiens la vengeance:
Je ne te dis plus rien. Venge-moi, venge-toi.
Montre-toi digne fils d'un père tel que moi.
Accablé des malheurs où le destin me range,

Je vais les déplorer. Va, cours, vole, et nous venge.

Don Arias vient de la part du roi trouver le Comte de Gormas, le seigneur qui a souffleté Don Diègue.

Le Comte.

Je l'avoue entre nous, mon sang un peu trop chaud
S'est trop ému d'un mot, et l'a porté trop haut.
Mais, puisque c'en est fait, le coup est sans remède.
Don Arias.-

Qu'aux volontés du roi ce grand courage cède :

Il y prend grande part; et son cœur irrité

Agira contre vous de pleine autorité.

Aussi vous n'avez point de valable défense.
Le rang de l'offensé, la grandeur de l'offense,
Demandent des devoirs et des soumissions
Qui passent le commun des satisfactions.

Le Comte.-Le roi peut à son gré disposer de ma vie.

Go, test thy worth against his arrogance.
'Tis but in blood such an injury can be laved;

Die or kill. Learn, though, that there be no mistake,
I match thee against no common foe.

For I have seen him, reeking with blood, amidst the fray,
Build around him a very rampart of the slain.

[words.

Don Roderick.-- His name? We lose time in unnecessary Don Diego.

Nay, then, to add worse tidings yet,

More than a daring soldier, and a great commander.

It is.

Don Roderick.-Pray, say it out.

Don Diego.--Chimena's father.
Don Roderick.-Chi . .

Don Diego.

Reply not.

I know thy love;

But he who can live disgraced, is unworthy of life;

And the dearer the offender, the greater the offence.

Thou knowest now the injury, and thou holdest the revenge. I say no more to thee; avenge us both.

Show thyself a son worthy of such a father.

Subdued by the woes which fate has brought upon me,

I

go to lament them. Thou, haste, fly, and avenge us.

Don Arias, a messenger from the King to the Count de Gormas, the courtier who has insulted Don Diego by a blow on the face.

The Count.

I confess, between us, that when I did him that injury
My blood was hot, my arm too hasty.

But, as 'tis done, it cannot be undone.

Don Arias.

Do curb that high mind of yours to the King's desire.

He is deeply concerned about the deed, and his angered

spirit

Will exert its full authority against you.

Nor have you any available excuse.

The rank of him you have injured, the greatness of the injury, Call for amends and submission

Beyond the usual amount of satisfaction.

The Count.-The King can, at his will, dispose of my life.

Don Arias.

De trop d'emportement votre faute est suivie.
Le roi vous aime encore; apaisez son courroux :
Il a dit je le veux; désobéirez-vous ?

:

Le Comte.

Monsieur, pour conserver tout ce que j'ai d'estime,
Désobéir un peu n'est pas un si grand crime;
Et, quelque grand qu'il soit, mes services présents
Pour le faire abolir sont plus que suffisants.
Don Arias.-

Quoi qu'on fasse d'illustre et de considérable,
Jamais à son sujet un roi n'est redevable.

Vous vous flattez beaucoup, et vous devez savoir
Que qui sert bien son roi ne fait que son devoir.
Vous vous perdrez, monsieur, sur cette confiance.

Le Comte.-Je ne vous en croirai qu'après l'expérience.
Don Arias.-Vous devez redouter la puissance d'un roi.
Le Comte.

Un jour seul ne perd pas un homme tel que

moi.

Que toute sa grandeur s'arme pour mon supplice,

Tout l'Etat périra, s'il faut que je périsse.

Don Arias.-Quoi! vous craignez si peu le pouvoir souve

rain

Le Comte.

D'un sceptre qui sans moi tomberait de sa main ?

Il a trop d'intérêt lui-même en ma personne,
Et ma tête en tombant ferait choir sa couronne.

Don Arias.

Souffrez que

la raison remette vos esprits. Prenez un bon conseil.

Le Comte.

-Le conseil en est pris.

Don Arias.-Que lui dirai-je enfin je lui dois rendre compte.

Le Comte.-Que je ne puis du tout consentir à ma honte. Don Arias.- Mais songez que les rois veulent être absolus. Le Comte.-Le sort en est jeté, monsieur; n'en parlons plus.

Don Arias.

Adieu donc, puisqu'en vain je tâche à vous résoudre.

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