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les il eft difficile, pour ne pas dire impoffible, de remédier. Dix ou douze Capitaines d'Alexandre fe font mutuellement la guerre après la mort pour partager entr'eux fon Empire, & pour s'affurer chacun quelque démembrement plus ou moins grand de ce vafte corps. Tantôt amis feints, tantôt ennemis déclarés, ils forment différens partis, différentes ligues, qui ne durent qu'autant que l'intérêt de chaque particulier le fouffre. La Macédoine changea de maître cinq ou fix fois en affez peu de tems. Comment mettre de l'ordre & de la clarté dans une fi grande multitude & une fi prodigieufe diverfité d'événemens qui fe croifent les uns les autres & dont le fil fe rompt à chaque inftant?

D'ailleurs, je n'ai plus d'Auteurs anciens qui puiffent me conduire dans ces ténebres & dans ce cahos. Diodore, après m'avoir guidé quelque tems, m'abandonnera, & aucun autre ne prend fa place. On ne trouve nulle part rien de fuivi. On ne peut donner ni les liaisons des événemens, ni les circonftances exactes des faits effentiels, ni les motifs des réfolutions, ni le caractere propre des principaux acteurs. Je me trouve heureux & me confole quand Polybe ou Plutarque viennent à mon fecours. Dans ce que je dirai des fucceffeurs d'Alexandre, qui eft peut-être la partie de l'hiftoire ancienne la plus com pliquée, & la plus mêlée d'obscurités & d'embarras, Ufferius, Prideaux, & M.

Vaillant, feront mes guides ordinaires ; & fouvent je ne ferai que copier Prideaux. Je ne me promets pas, avec cela, de pouvoir mettre dans cette hiftoire toute la clarté que je fouhaiterois.

Après plus de vingt ans de guerre, les principaux Compétiteurs fe trouvant réduits au nombre de quatre, , Prolémée, Caffandre, Séleucus, & Lyfimaque, l'Empire d'Alexandre fe partagea en quatre Royaumes fixes felon la prédiction de Daniel, par un Traité folemnel & par un accord conclu entre les parties. Trois de ces Royaumes, favoir, l'Egypte, la Macédoine, la Syrie ou l'Afie, auront une fuite de Rois affez claire & diftinguée. Le quatrieme qui comprenoit la Thrace, une partie de l'Alie Mineure, & quelques provinces voifines, fouffrira beaucoup de variations.

Comme le Royaume d'Egypte eft celui où il y a eu le moins de changement parce que Prolémée, qui y étoit établi fous le nom de Gouverneur à la mort d'Alexandre, s'y conferva toujours dans la fuite, & le laiffa à fa poftérité : ce fera celui qui fervira comme de base à notre chronologie, & qui fixera nos différentes épo

ques.

Ainfi ce VII. Tome renfermera l'espace de cent trois ou cent quatre ans, fous les trois premiers Rois d'Egypte : favoir, Prolémée fils de Lagus, qui régna trente-huit * ans; Prolémée Philadelphe, qui en régna

quarante ; & Ptolémée Evergete, dont le regne dura vingt-cinq ans.

Pour tâcher de jetter quelque lumiere fur l'hiftoire contenue dans ce Volume, j'en donnerai ici par avance un abrégé chronologique, qui en renfermera les principaux événemens.

Mais auparavant je prie le Lecteur de faire avec moi quelques réflexions, qui Difcours n'ont pas échappé à M. Boffuet, au fujet fur l'histoire d'Alexandre. Ĉe Conquérant, le plus reUniverfelle. nommé & le plus illuftre qui fut jamais,

a été le dernier Roi de fa race. La Ma cédoine, fon ancien Royaume poffédée par fes ancêtres depuis tant de fiecles, fut envahie de tous côtés comme une fucceffion vacante, & après avoir été long-tems la proie du plus fort, elle paffa enfin à une autre famille. S'il fût demeuré paisible dans la Macédoine, la grandeur de fon Empire. n'auroit pas tenté les Capitaines, & il eût pu laiffer à fes enfans le Royaume de fes peres. Mais parce qu'il n'avoit point mis de bornes à fa puiffance, il fut caufe de la perte de tous les fiens. Nous verrons fa famille entiérement exterminée fans qu'il en refte de traces. Ses conquêtes deviendront une occafion de meurtres & de carnage, & donneront lieu à fes Capitaines de s'entr'égorger les uns les autres. Voilà où aboutira cette bravoure d'Alexandre fi vantée ou pour parler plus jufte, cette férocité, qui, fous de beaux noms d'ambition & de gloire, alloit gratuitement

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ravager les provinces, porter par-tout le fer & le feu, & répandre le fang de tant d'hommes qui ne lui avoient fait aucun mal.

Il ne faut pas croire néanmoins que la Providence ait abandonné ces événemens au hazard. Comme elle préparoit tout pour la venue prochaine du Meffie, elle a eu foin de réunir toutes les nations qui devoient être les premieres éclairées de l'Evangile, par le lien d'une même langue, qui eft la grecque ; & elle les a mifes dans la néceffité d'apprendre cette langue étrangere en les affujettiffant à des maîtres qui n'en parloient point d'autre. Par le commerce de cette langue, devenue la plus vulgaire & la plus générale, Dieu a rendu la prédication des Apôtres plus prompte, plus facile, & plus uniforme..

On a remarqué encore que le deffein de Dieu, en étendant les conquêtes des Grecs précisément dans les contrées que l'Evangile devoit convertir, a été d'y répandre auparavant la philofophie des Grecs, afin d'humanifer l'efprit des peuples barbares; de les accoutumer à rentrer en eux-mêmes par de férieufes réflexions; de les rendre attentifs à la diftinction du corps. & de l'ame, de la matiere & de l'ef prit, de réveiller en eux l'idée de l'immor-talité de l'ame, & de la derniere fin de: l'homme, de rappeller les premiers princi pes de la loi naturelle; de diftinguer le carac tere des principales vertus,, de donner des: regles pour les devoirs de la vie, & d'éra-.

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blir les liens les plus effentiels de la fo ciété, dont les particuliers font les membres. Le Chriftianifme a profité de tous ces préparatifs, & a recueilli le fruit detoutes ces femences, que la Providence avoit jettées de loin dans les efprits, & que la grace de JÉSUS-CHRIST y a fait germer dans les tems arrêtés de toute éternité par les décrets divins.

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Qucique Dieu ait tiré pour fon Eglife tous ces avantages des conquêtes des Grecs, il ne les regardoit pas comme moins criminels, ni comme moins puniffables. Ce n'étoit point fes deffeins éternels de miféricorde qu'ils fe propofoient de fervir mais leur propre ambition & leur avarice. Sa fageffe & fa puiffance ont tourné à l'exécution de fes décrets leurs injuftes defirs.. En effet, il eft très-remarquable, comme je viens de l'observer, que prefque tous les proches & tous les Officiers d'Alexandre ont péri miférablement. Dieu a exterminé ces ufurpateurs les uns par les autres, & il s'eft fervi de leur propre miniftere pour les punir réciproquement des rapines, des injuftices, des cruautés commifes contre tant de nations, qui ne les avoient point offenfés, & dont tout le crime avoit été de vouloir demeurer libres, & de ne les point reconnoître pour maîtres. Victumque ulcifci tur orbem.

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