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Paris.

Imprimerie FELIX MALTESTE et Ce, rue des Deux-Portes-St-Sauveur, 22.

JOURNAL

DES INTÉRÊTS SCIENTIFIQUES ET PRATIQUES

MORAUX ET PROFESSIONNELS

DU CORPS MÉDICAL

RÉDACTEUR EN CHEF: M. le docteur AMÉDÉE LATOUR.
GÉRANT M. le docteur RICHELOT.

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N° 116.

Mardi 2 Octobre 1866.

SOMMAIRE.

1. HYGIENE PUBLIQUE Les nourrissons. II. CLINIQUE MÉDICALE: De la vraie pleurodynie. III. BIBLIOTHÈQUE: Physiologie appliquée. Les formes du corps humain corrigées et par suite les facultés intellectuelles perfectionnées par l'hygiène. - IV. RÉCLAMATION: Lettre de M. Alex. Mayer. V. COURRIER. VI. FEUILLETON: Une course de taureaux à Madrid.

Paris, le 1er Octobre 1866.

HYGIÈNE PUBLIQUE.

LES NOURRISSONS.

Une publication éloquente et courageuse a vivement ému l'opinon. Elle est due à l'un de nos plus honorables et des plus distingués confrères des départements, à M. le docteur Brochard, longtemps médecin à Nogent-le-Rotrou, aujourd'hui fixé à Bordeaux, et qui, dans une brochure de moins de 200 pages, a concentré les indications et les faits les plus dignes assurément d'appeler l'attention de l'Administration et du public (1).

M. Brochard pose le problème à résoudre carrément et clairement : «< Chaque année, 20,000 enfants, appartenant à toutes les classes de la population parisienne, sont, par l'intermédiaire des bureaux de nourrices, et sous l'égide administrative de la Préfecture de police, confiés à des femmes de la campagne qui les emmènent chez elles pour les allaiter. Ces nourrices, moyennant un prix convenu avec les parents, sont censées servir de mères à ces nouveau-nés, et doivent, pendant un ou deux ans, leur donner tous les soins possibles. Mais des 20,000 enfants qui partent ainsi de Paris tous les ans, combien en revient-il? Personne ne le sait; c'est un problème que nul encore n'a cherché à résoudre. »

(1) De la mortalité des nourrissons en France, etc. In-8°, Paris, 1866. J. B. Baillière et fils.

FEUILLETON.

UNE COURSE DE TAUREAUX A MADRID.

Mon cher Simplice,

Madrid, le 13 septembre 1866.

Vous serez bien étonné de recevoir cette lettre datée de la capitale de toute les Espagnes. Selon ma mauvaise habitude, j'ai secoué l'odeur de l'asphalte de nos boulevards et sacrifié mes chers rosiers d'Antony pour chercher quelques distractions en pays étranger. Cette fois l'Espagne a eu mes préférences, d'abord parce que je ne la connaissais pas, et ensuite parce qu'elle est la seule nation qui soit indemne du choléra. Il y a longtemps que j'avais l'intention de visiter ce pays, et je vois que c'est à ma grande satisfaction que je réalise ce projet. Ce pays des alcades et des sérénades a été décrit mille fois; mais rien ne peut rendre ce que la vue vous fait éprouver. J'aurais bien voulu vous donner quelques détails sur des choses sérieuses sur les hôpitaux, la Faculté, l'Académie, etc., mais tout est en vacances; et, au fait, par cette chaleur torride, il me paraît très-hygiénique de ne pas fatiguer le sensorium commune que les Espagnols, en général, ménagent bien. Sous l'influence de la température actuelle, je me sens peu disposé moi-même aux pensées sérieuses. J'espère cependant assister à une séance de l'Académie dont je suis correspondant depuis nombre d'années. Mais, moins fanatiques que nos habitués hebdomadaires de la rue des Sain's-Pères, ils laissent les tendons se contracter à leur aise et les plaies se cicatriser de même. Et, au fait, quand on voit ce Tome XXXII.

Nouvelle série.

1

Placé dans les conditions les plus favorables pour recueillir des faits sur ce sujet, M. Brochard publie les résultats de ses observations, résultats aussi tristes que possible, résultats navrants, pires cent fois que ceux de la conscription de la jeunesse dans les temps de guerre les plus néfastes, et qu'on ne pourrait comparer qu'au massacre des innocents ordonné par cet affreux tyran dont les livres saints ont flétri l'abominable mémoire.

Ce n'est pas l'analyse de ce travail que nous voudrions faire, c'est la reproduction intégrale qu'il mériterait. Rien n'y est de trop; en effet, tout y est à sa place, bien agencé, bien coordonné, logiquement déduit, éloquemment exposé. Le lecteur est comme harponné dès les premières pages; il assiste à un drame poignant d'émotion, et quand il parvient au dernier feuillet, volontiers il s'écrierait: Tais-toi, mon cœur! c'est une fiction; ce n'est pas arrivé!

Hélas! c'est bien arrivé, et tous les jours cela se renouvelle. Entrons dans quelques détails.

Les 20,000 nouveau-nés que la ville de Paris envoie en nourrice se décomposent de la manière suivante :

12,000 environ sont placés par l'intermédiaire des bureaux particuliers, dits petits bureaux de nourrices;

3,000 à 4,000 par le grand bureau, dit de la direction des nourrices;

5,000 à 6,000 sans l'entremise d'aucun bureau et sur le choix direct des parents. Or, d'après les observations de M. Brochard, il résulte que la mortalité des enfants placés chez des nourrices, par l'intermédiaire des petits bureaux, est de 0,42, tandis que la mortalité des enfants placés par l'entremise de la direction générale n'est que de 0,17.

D'où vient cette énorme différence? D'une seule condition que M. Brochard met dans une lumière éclatante la direction générale des nourrices à Paris choisit et surveille les nourrices qu'elle emploie; les nourrices prises aux petits bureaux sont ramassées par les meneurs, sans choix et sans soins, et ne sont ensuite l'objet d'aucune espèce de surveillance. Voici le tableau comparatif tracé par l'auteur des conditions bien différentes dans lesquelles se trouve placé le nourrisson surveillé et celui qui ne l'est pas :

monde de promeneurs, on s'aperçoit que les piétons redoutent peu le contact de l'air. Comment faire comprendre à un Espagnol que l'air est nuisible à quelque chose, lui qui ne vit et ne se plaît que dans les espaces où le soleil brûle, les étoiles scintillent et où la lune projette sa blanche et si sentimentale lumière ? Quelle différence de cette lune d'avec celle de Paris, et aussi quelle différence d'habitants!... Donc, à défaut de professeurs et d'académiciens, j'ai visité rapidement les bâtiments de l'hôpital, sous la conduite de deux praticiens distingués, que je me plais à nommer et à remercier, car ils ont été d'une aménité sans égale à mon égard : ce sont MM. Casas de Baptista et Roa y Vildras. Plus tard, quand il fera moins chaud, je vous entretiendrai de ces établissements. Maintenant, je veux vous signaler en passant la mesquiue salle affectée aux séances académiques. Vous qui vous plaigniez souvent de celle où siégent nos savants, je voudrais bien vous voir un instant dans celle de Madrid, où, sous un si splendide soleil, il ne fait pas jour en plein midi. A mon étonnement, mon cicerone me répondit que les séances n'avaient lieu que le soir. A voir le système d'éclairage, les yeux des académiciens ne me semblent pas bien menacés; leurs lumières propres doivent y pourvoir et prouvent qu'ici comme à Paris, les discussions y sont parfois très-animées, ce qui n'a rien d'étonnant, car à Madrid, où qu'on aille, la conversation et la discussion ne sont jamais calmes. Si nos savants antagonistes de la rue des Saints-Pères rencontraient la température de Madrid, sa hauteur avec celle si élevée de leurs discours, je ne sais ce qui adviendrait.

Voilà pour la médecine et pour les médecins. Laissez-moi vous parler maintenant de choses plus amusantes et plus intéressantes pour les touristes; car c'est par un simple acquit de conscience que je commence ma lettre par les domaines à vol d'oiseau de la médecine.

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