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DE L'ERGOT DU SEIGLE (Pl. VIII).

L'ERGOT, aussi appelé BLÉ CORNU, clou, seigle NOIR. Sclerotium, clavus, Dec.

Sphacelia segetum, Léveillé.

Cette maladie diffère des deux précédentes, et tellement que j'ai toujours regardé, jusque dans ces derniers temps, l'ergot comme un grain déformé par l'altération des tissus constituant la substance séminale. Ce n'est que depuis peu que je partage l'opinion des auteurs qui ont considéré cette maladie comme étant due à un champignon. Le mode de développement et de génération de ce parasite, qui se rapporte à la carie et au charbon, lui fait tout naturellement prendre place, dans ce travail, parmi les champignons de la première série.

L'ergot, qui est très connu des agriculteurs, vient plus ou moins abondamment, souvent très abondamment, sur le seigle; on le trouve bien aussi quelquefois sur le blé, mais assez rarement : j'ai eu occasion de l'y trouver seul ou mélangé avec la carie. On le trouve aussi sur plusieurs autres gramens, et plus particulièrement sur les bromes, Bromus secalinus, Br. mollis, Br. grossus, Br. pratensis, sur les Lolium perenne et temulentum, etc. Quelques botanistes l'ont trouvé sur plusieurs plantes de la famille des cypéracées; M. Bonafous l'a observé sur le maïs, et Aymen l'a observé sur les palmiers. Il existe plusieurs figures de cette production végétale, qui se trouvent dans divers mémoires ou recueils scientifiques.

Cette maladie est assez généralement connue sous le nom d'ergot, à cause de sa ressemblance avec l'ergot d'un coq; sa forme l'a fait aussi vulgairement appeler

dans certaines localités clou ou blé cornu. Dans le Dictionnaire général de matière médicale, les docteurs Mérat et Delens le désignent sous le nom de secale cornutum. On trouve, sur les céréales qui sont atteintes de cette affection, les épis chargés d'un ou de plusieurs de ces grains ergotés; j'ai quelquefois trouvé des épis qui en étaient couverts, et j'en conserve qui ont plus de dix grains malades. Ces grains sont de longueur variable; le plus ordinairement ils ont de deux à trois centimètres de longueur, sur deux à trois millimètres de largeur: j'en possède un que j'ai figuré (pl. VIII, fig. 10), qui a quatre centimètres de longueur, sur cinq millimètres de largeur vers le centre.

L'ergot, sur quelque point qu'on l'observe, est un grain complètement déformé, de sorte qu'il est méconnaissable. Il est fusiforme, anguleux, à angles obtus, pointu, émoussé aux deux extrémités, ayant un plus grand diamètre au centre, et plus ou moins arqué. Sa surface est d'une couleur noirâtre ou d'un brun pourpre violâtre, comme glauque et pulvérulent, par une sorte d'enduit glaucifère très mince, qui revet la paroi externe. Cette couche disparaît avec l'âge, et, dans tous les états, le grain ergoté a toujours une couleur terne et livide. La surface de ce grain est rabotteuse, et présente des anfractuosités irrégulières, longitudinales et transversales de différentes dimensions, anfractuosités qui résultent de l'extension du grain malade, et de la lacération de la substance contextile de ce grain, pendant son développement en longueur et en largeur.

Le 'sillon qui longe le grain sain dans toute son étendue, existe aussi sur le grain ergoté; il est tout aussi caractérisé, et il occupe ordinairement la partie médiane,

en changeant cependant quelquefois de direction par le fait de la torsion qui se remarque assez souvent sur l'ergot.

Ce grain ergoté est intérieurement d'un blanc mat, et quelquefois d'un blanc teinté de violet, d'une contexture homogène, compacte et ayant une certaine consistance. Il est fragile, surtout étant frais, quoiqu'il ait un peu la consistance de la corne, sans avoir l'élasticité de cette substance: il est bien autrement cassant que n'est le grain sain.

Son odeur est à-peu-près nulle lors de sa conformation parfaite, ou il s'en exhale une, très peu prononcée, qui se rapproche de celle d'une liqueur fermentée. Sa saveur m'a paru être à-peu-près nulle; cependant, en mettant la substance en dégustation, on la trouve coriace, granulée, et ayant, il m'a semblé, un peu la saveur de certains champignons consistans, tel que l'hypoxillon cornu, Hypoxillon cornutum.

L'ergot du blé est plus court, plus gros et plus obtus aux deux extrémités que l'ergot du seigle; et relativement, chaque gramen sur lequel on observe cette maladie, présente un ergot qui se rapporte, pour la forme, à la graine de la plante d'où il sort.

Origine de l'Ergot.

Quoiqu'un certain nombre d'agronomes et de botanistes se soient occupés de cette maladie, on n'est pas généralement d'accord sur son origine; il y a encore divergence d'opinion chez les savans, et surtout chez les cultivateurs praticiens, dont l'opinion s'écarte plus ou moins de la vérité.

Les botanistes s'accordent à reconnaître que cette ma¬ ladie est produite par la présence d'un champignon, et regardent l'ergot comme étant le champignon parasite qui déforme le grain, et comme tel ils ont décrit cette substance. Il en est d'autres qui reconnaissent bien dans l'ergot un champignon, mais ils ne considèrent pas le grain ergoté comme étant ce champignon, ils ne voient que ce grain déformé, mais supportant le champignon. D'autres savans agronomes ou botanistes, et beaucoup de praticiens, regardent l'ergot comme étant le résultat d'une simple altération du grain, altération qui est produite, selon les uns, par le défaut de fécondation, selon les autres, par l'habitation ou la piqûre de certains insectes. Il en est encore et c'est le plus grand nombre, qui attribuent cette maladie à quelques funestes influenees atmosphériques, telles que les brouillards, les rosées, les gelées blanches, les pluies, etc.; et enfin il en est qui l'attribuent soit au sol, soit aux engrais, soit à des causes à-peu-près semblables.

Dans tous les cas, le lieu morbide est immédiat sur toute la partie organique du grain, qui devient méconnaissable; il y a déviation dans l'organisme naturel de l'appareil fructifère; le grain est transformé, et prend un caractère de désorganisation qui l'éloigne tout-à-fait, pour le fond et pour la forme, de celui qu'il a dans son état normal.

Parmi les savans qui ont eu et qui ont encore l'opinion que l'ergot soit un champignon, on peut citer le docteur Paulet, qui l'a rangé dans la série des clavaires; le savant M. de Candolle, qui a entraîné bien des convictions, et qui a basé son opinion sur l'analogie qui existe entre cette substance et certains champignons apparte

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