NAÏS. Va, tes airs langoureux ne sauraient me séduire. DAPHNIS. Eh quoi! seule à Vénus penses-tu résister? NAÏS. Je suis chère à Diane: elle me favorise. DAPHNIS. Vénus a des liens qu'aucun pouvoir ne brise. NAÏS. Diane saura bien me les faire éviter. Berger, retiens ta main... berger, crains ma colère. DAPHNIS. Quoi! tu veux fuir l'Amour? l'Amour à qui jamais. Le cœur d'une beauté ne pourra se soustraire? NAÏS. Oui, je veux le braver... Ah!... Si je te suis chère... Berger..., retiens ta main..., laisse mon voile en paix. DAPHNI S. Toi-même, hélas! bientôt livreras ces attraits A quelque autre berger bien moins digne de plaire. NAÏS. Beaucoup m'ont demandée; et leurs désirs confus N'obtinrent, avant toi, qu'un refus pour salaire. DAPHNI S. Et je ne dois comme eux attendre qu'un refus. NAÏS. Hélas! l'hymen aussi n'est qu'une loi de peine: DAPHNIS. On ne te l'a dépeint que de fausses couleurs; Une femme est esclave. NAÏS. DAPHNIS. Ah! plutôt elle est reine. Tremble près d'un époux, et n'ose lui parler. DAPHNIS. Eh! devant qui ton sexe est-il fait pour trembler? NAÏS. A des travaux affreux Lucine nous condamne. DAPHNI S. Il est bien doux alors d'être chère à Diane. Une mère y recueille une beauté nouvelle : Mais, tes vœux écoutés, quel en serait le prix? DAPHNI S. Tout mes troupeaux, mes bois et ma belle prairie; Un jardin grand et riche, une maison jolie, Je jure de quitter tout pour te satisfaire; Mon père... NAÏS. DAPHNI S. Oh! s'il n'est plus que lui qui te retienne, Il approuvera tout, dès qu'il saura mon nom. NA is. Quelquefois il suffit que le nom seul prévienne: DAPHNIS. Daphnis; mon père est Palémon. NAÏS. Il est vrai: ta famille est égale à la mienne. DAPHNIS. Rien n'éloigne donc plus cette douce union. NAIS. Montre-les moi ces bois qui seront mon partage. DAPHNIS. Viens: c'est à ces cyprès de leurs fleurs couronnés. NAÏS. Restez, chères brebis; restez sous cet ombrage. DAPHNIS. Taureaux, paissez en paix à celle qui m'engage NAÏS. Satyre, que fais-tu? Quoi! ta main ose encore... DAPHNIS. Eh! laisse-moi toucher ces fruits délicieux... Et ce jeune duvet... Ah!... je tremble... Viens. NAÏS. Berger..., au nom des Dieux!... DAPHNI S. Et pourquoi? que crains-tu? Je t'adore. NAÏS. Non; arrête... Vois, cet humide gazon Va souiller ma tunique; et je serais perdue: Mon père le verrait. DAPHNIS. Sur la terre étendue, Saura te garantir cette épaisse toison. NAÏS. Dieux! quel est ton dessein? Tu m'ôtes ma ceinture. C'est un don pour DAPHNIS. Vénus; vois, son astre nous luit. NAÏS. Attends...; si quelqu'un vient... Ah! Dieux! j'entends du bruit. DAPHNI S. C'est ce bois qui de joie et s'agite et murmure. NAÏS. Tu déchires mon voile!... Où me cacher! hélas! DAPHNI S. A ton amant unie, De plus riches habits couvriront tes appas. NAÏS. Tu promets maintenant... Tu préviens mon envie; DAPHNIS. Oh non, jamais!... Pourquoi, grands Dieux! ne puis-je pas Te donner et mon sang, et mon âme, et ma vie! NAÏS. Ah!... Daphnis! je me meurs... Apaise ton courroux, DAPHNIS. Que crains-tu? L'Amour sera pour nous. NAÏS. Ah! méchant, qu'as-tu fait? DAPHNIS. J'ai signé ma promesse. NAÏS. J'entrai fille en ce bois, et chère à ma déesse. DAPHNIS. Tu vas en sortir femme, et chère à ton époux. |