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VI.

MNAZILE ET CHLOÉ.

CHLOE.

FLEURS, Bocage sonore, et mobiles Roseaux
Où murmure Zéphyr au murmure des eaux!
Parlez le beau Mnazile est-il sous vos ombrages?
Il visite souvent vos paisibles rivages.

Souvent j'écoute; et l'air qui gémit dans vos bois
A mon oreille au loin vient apporter sa voix.

MNAZILE.

Onde, mère des fleurs, naïade transparente,
Qui pressez mollement cette enceinte odorante,
Amenez-y Chloé, l'amour de mes regards!
Vos bords m'offrent souvent ses vestiges épars.
Souvent ma bouche vient, sous vos sombres allées,
Baiser l'herbe et les fleurs que ses pas ont foulées.

CHLOÉ.

Oh! s'il pouvait savoir quel amoureux ennui
Me rend cher ce bocage où je rêve de lui!
Peut-être je devais d'un souris favorable

L'inviter, l'engager à me trouver aimable.

OEuvres posthumes.

8

MNAZILE.

Si, pour m'encourager, quelque dieu bienfaiteur
Lui disait que son nom fait palpiter mon cœur!
J'aurais dû l'inviter d'une voix douce et tendre
A se laisser aimer, à m'aimer, à m'entendre.
CHLOÉ.

Ah! je l'ai vu: c'est lui. Dieux! je vais lui parler.
O ma bouche! ô mes yeux! gardez de vous troubler.

MNAZILE.

Le feuillage a frémi; quelque robe légère...
C'est elle! O mes regards! ayez soin de vous taire.
CHLOÉ.

Quoi, Mnazile est ici? Seule, errante, mes pas
Cherchaient ici le frais, et ne t'y croyaient pas.

MNAZILE.

Seul, au bord de ces flots que le tilleul couronne, J'avais fui le soleil, et n'attendais personne.

VII.

LYDÉ.

MON visage est flétri des regards du soleil;
Mon pied blanc sous la ronce est devenu vermeil;
J'ai suivi tout le jour le fond de la vallée.
Des bêlemens lointains partout m'ont appelée :
J'ai couru; tu fuyais sans doute loin de moi:
C'était d'autres pasteurs. Où te chercher, ô toi
Le plus beau des humains? Dis-moi, fais-moi connaître
Où sont donc tes troupeaux, où tu les mènes paître.

O jeune Adolescent! tu rougis devant moi.
Vois mes traits sans couleur : ils pâlissent pour toi.
C'est ton front virginal, ta grâce, ta décence.
Viens: il est d'autres jeux que les jeux de l'enfance.
O jeune Adolescent, viens savoir que mon cœur
N'a pu de ton visage oublier la douceur.
Bel enfant, sur ton front la Volupté réside;
Ton regard est celui d'une vierge timide.
Ton sein blanc, que ta robe ose cacher au jour,
Semble encore ignorer qu'on soupire d'amour :
Viens le savoir de moi; viens, je veux te l'apprendre;

Viens remettre en mes mains ton âme vierge et tendre,

Afin que mes leçons, moins timides que toi,
Te fassent soupirer et languir comme moi;
Et qu'enfin rassuré cette joue enfantine
Doive à mes seuls baisers cette rougeur divine.
Oh! je voudrais qu'ici tu vinsses un matin
Reposer mollement ta tête sur mon sein!
Je te verrais dormir, retenant mon haleine,
De peur de t'éveiller ne respirant qu'à peine.
Mon écharpe de lin, que je ferais flotter,
Loin de ton beau visage aurait soin d'écarter
Les insectes volans et la jalouse abeille.

VIII.

ARCAS ET PALÉMON.

PALÉMON.

Tu poursuis Damalis; mais cette blonde tête
Pour le joug de Vénus n'est point encore prête :
C'est un enfant encore. Elle fuit tes liens ;
Et ses yeux innocens n'entendent pas les tiens.
Ta génisse naissante au sein du pâturage

Ne cherche aux bords des eaux que le saule et l'ombrage;
Sans répondre à la voix des époux mugissans,
Elle se mêle aux jeux de ses frères naissans.
Le fruit encore vert, la vigne encore acide,
Tentent de ton palais l'inquiétude avide:
Va, l'Automne bientôt, succédant à des fleurs,
Saura mûrir pour toi leurs mielleuses liqueurs.
Tu la verras bientôt, lascive et caressante,
Tourner vers les baisers sa tête languissante.
Attends le jeune épi n'est point couronné d'or;
Le sang du doux mûrier ne jaillit point encor;
La fleur n'a point percé sa tunique sauvage;
Le jeune oiseau n'a point encore de plumage.
Qui prévient le moment l'empêche d'arriver.

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