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Et vierges et guerriers, jeunes fleurs de la ville,. Chantaient : << Viens dans nos murs, viens habiter notre île; << Viens, Prophète éloquent, Aveugle harmonieux, « Convive du nectar, Disciple aimé des Dieux! <«< Des jeux, tous les cinq ans, rendront saint et prospère <«< Le jour où nous avons reçu le grand HOMÈRE. »

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II.

LE MENDIANT.

C'ÉTAIT quand le printems a reverdi les prés.
La fille de Lycus, vierge aux cheveux dorés,
Sous les monts Achéens, non loin de Cérynée,

Errait à l'ombre, aux bords du faible et pur Crathis; Car les eaux du Crathis, sous des berceaux de frêne, Entouraient de Lycus le fertile domaine.

Soudain, à l'autre bord, Du fond d'un bois épais, un noir fantôme sort, Tout pâle, demi-nu, la barbe hérissée.

Il remuait à peine une lèvre glacée,

Des hommes et des dieux implorait le secours,
Et dans la forêt sombre errait depuis deux jours.
Il se traîne, il n'attend qu'une mort douloureuse:
Il succombe. L'enfant, interdite et peureuse,
A ce spectre hideux sorti du fond du bois,
Veut fuir; mais elle entend sa lamentable voix.
Il tend les bras, il tombe à genoux; il lui crie
Qu'au nom de tous les dieux il la conjure, il prie;
Et qu'il n'est point à craindre; et qu'une ardente faim

L'aiguillonne et le tue; et qu'il expire enfin.

<< Si, comme je le crois, belle dès ton enfance,

<< C'est le Dieu de ces eaux qui t'a donné naissance, Nymphe, souvent les vœux des malheureux humains << Ouvrent des Immortels les bienfaisantes mains;

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« Ou si c'est quelque front porteur d'une couronne <«< Qui te nomme sa fille, et te destine au trône, << Souviens-toi, jeune enfant, que le Ciel quelquefois Venge les opprimés sur la tête des rois.

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<< Belle Vierge, sans doute enfant d'une Déesse, << Crains de laisser périr l'étranger en détresse: « L'étranger qui supplie est envoyé des Dieux. » Elle reste. A le voir elle enhardit ses yeux; et, d'une voix encore Tremblante: «< Ami, le Ciel écoute qui l'implore. « Ce soir, lorsque la nuit couvrira l'horizon, << Passe le pont mobile, entre dans la maison: « J'aurai soin qu'on te laisse entrer sans méfiance. << Pour la dixième fois célébrant ma naissance, << Mon père doit donner une fête aujourd'hui ; « Il m'aime : il n'a que moi. Viens t'adresser à lui: « C'est le riche Lycus. Viens ce soir; il est tendre, << Il est humain: il pleure aux pleurs qu'il voit répandre. >> Elle dit, et s'arrête, et, le cœur palpitant, S'enfuit; car l'Étranger, sur elle, en l'écoutant, Fixait de ses yeux creux l'attention avide. Elle rentre, cherchant dans le palais splendide' L'esclave près de qui toujours ses jeunes ans

Trouvent un doux accueil et des soins complaisans.

Cette sage Affranchie avait nourri sa mère; Maintenant, sous des lois de vigilance austère, Elle et son vieil époux au devoir rigoureux Rangent des serviteurs le cortége nombreux. L'Enfant la voit de loin dans le fond du portique, Court, et, posant ses mains sur ce visage antique: «Indulgente Nourrice, écoute: il faut de toi Que j'obtienne un grand bien. Ma mère, écoute-moi: « Un pauvre, un étranger, dans la misère extrême, <«<Gémit sur l'autre bord, mourant, affamé, blême. << Ne me décèle point : de mon père aujourd'hui << J'ai promis qu'il pourrait solliciter l'appui. «< Fais qu'il entre; et surtout, ô mère de ma mère, << Garde que nul mortel n'insulte à sa misère.

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«< Oui, ma fille: chacun fera ce que tu veux,
Dit l'esclave, en baisant son front et ses cheveux;
« Oui; qu'à ton protégé ta fête soit ouverte.
<< Ta mère, mon élève, (irréparable perte!)
<< Aimait à soulager les faibles abattus:
<< Tu lui ressembleras autant par tes vertus
«Que par tes yeux si doux, et tes graces naïves. »

Mais cependant la nuit assemble les convives:
En habits somptueux d'essences parfumés,
Ils entrent. Aux lambris, d'ivoire et d'or semés,
Pend le lin d'Ionie en brillantes courtines;

OEuvres posthumes.

6

Le toit s'égaie, et rit de mille odeurs divines.
La table au loin circule, et d'apprêts savoureux
Se charge; l'encens vole en lougs flots vaporeux.
Sur leurs bases d'argent, des formes animées
Élèvent dans leurs mains des torches enflammées;
Les figures, l'onyx, le cristal, les métaux,
En vases hérissés d'hommes ou d'animaux,
Partout sur les buffets, sur la table étincèlent;
Plus d'une lyre est prête; et partout s'amoncèlent
Et les rameaux de myrte et les bouquets de fleurs.
On s'étend sur les lits, teints de mille couleurs.
Près de Lycus, sa fille, idole de la fête,

Est admise. La rose a couronné sa tête;

Mais, pour que la décence impose un juste frein,
Lui-même est par eux tous élu Roi du festin;
Et déja vins, chansons, joie, entretiens sans nombre,
Lorsque, la double porte ouverte, un spectre sombre
Entre, cherchant des yeux l'autel hospitalier.
La jeune enfant rougit. Il court vers le foyer,
Il embrasse l'autel, s'assied parmi la cendre;
Et tous, l'œil étonné, se taisent pour l'entendre.

Lycus, fils d'Événon, que les Dieux et le Tems

<< N'osent jamais troubler tes destins éclatans!

«

<< Ta pourpre, tes trésors, ton front noble et tranquille << Semblent d'un roi puissant, l'idole de sa ville. «< A ton riche banquet un peuple convié

<< T'honore comme un dieu de l'Olympe envoyé.

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