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relle et une colombe. Abraham les divise en deux parts et les place vis-à-vis l'une de l'autre. Des oiseaux de proie fondent sur les cadavres, mais il les chasse. Le soleil allait se coucher, lorsqu'un profond sommeil s'empare d'Abraham : il est saisi en même temps d'un sombre et grand effroi. Une voix lui explique cette terrible vision : Sache dès maintenant que, pendant quatre cents ans, ta postérité habitera dans une terre étrangère, qu'on l'asservira et qu'on l'affligera. Cependant, moi je jugerai la nation à laquelle ils seront assujétis; et, après, ils sortiront avec de grandes richesses. Pour toi, tu iras en paix vers tes pères; tu seras enseveli dans une heureuse vieillesse. Seulement, en la quatrième génération, ils reviendront ici; car l'iniquité des Amorréens n'est point accomplie jusqu'à présent.

Or, après que le soleil fut couché et qu'il y eut une obscurité épaisse, voilà une fournaise fumante et une lampe de feu qui passèrent au travers des victimes divisées. C'était l'Eternel, ratifiant ainsi l'alliance avec Abraham et lui disant de nouveau en ce jour : Je donnerai cette terre à ta postérité, depuis le fleuve d'Egypte jusqu'au grand fleuve d'Euphrate (1).

Vision à la fois terrible et consolante. Nous la verrons s'accomplir en son lieu. Pendant quatre cents ans, la postérité du patriarche, commencée en son fils Isaac, habitera dans une terre qui ne sera point à elle, et Chanaan et l'Egypte. Dans cette dernière, elle sera asservie et affligée; mais, à la quatrième génération, elle viendra posséder le pays des Amorréens, dont les iniquités seront alors à leur comble.

Abraham épouse Agar.

Abraham savait ainsi d'avance l'histoire de sa postérité; mais cette postérité même, il ne la voyait pas venir. Toutes les apparences y étaient contraires. Sara, sa femme, était stérile, et, de plus, avancée en âge, car elle avait soixante-quinze ans. Elle-même, voyant tout cela, dit à son mari : Voilà que l'Eternel m'empêche d'avoir des enfants; de grâce, prenez pour femme ma servante (c'était une Egyptienne, nommée Agar), peut-être enfanterai-je par elle. Abraham s'étant rendu à sa prière, prit de sa main Agar pour femme du second rang. C'était la dixième année depuis qu'ils eurent commencé d'habiter en la terre de Chanaan. Mais Agar voyant qu'elle avait conçu, dédaigna sa maîtresse. Celle-ci en fit des plaintes. Abraham lui répondit qu'elle avait toujours la même puissance sur sa servante. Sara s'étant donc mise à la châtier sévèrement, Agar s'enfuit. Mais l'ange de Jéhova lui apparut dans la solitude, et lui dit : Retourne vers ta maîtresse et humilie-toi sous sa main. Je multiplierai ta postérité prodigieusement: on ne pourra la compter, tant elle sera nombreuse. Voilà que tu as conçu, et tu enfanteras un fils que tu appelleras du nom d'Ismaël (c'est-à-dire Dieu a (1) Gen., 15.

entendu), parce que l'Eternel a entendu ton affliction. Ce sera un homme farouche sa main sera levée contre tous, et la main de tous contre lui; et il plantera ses tentes vis-à-vis de tous ses frères (1).

Prédiction étonnante, qui s'accomplit depuis bientôt quarante siècles. Depuis quarante siècles bientôt, la postérité d'Ismaël, les Arabes ismaélites, forme un peuple farouche, nomade, indomptable; depuis quarante siècles bientôt, elle traverse les déserts, dresse ses tentes vis-à-vis de ses frères les Israélites, les Iduméens et les autres descendants d'Abraham par Céthura. Ses courses vont de Maroc et d'Alger jusqu'au-delà des ruines de Babylone et de Ninive. Toujours indépendante, ni l'Assyrie, ni la Perse, ni l'Egypte, ni Rome, ni la Porte n'ont pu la réduire. Sa main est levée contre tous, la main de tous contre elle; mais nul ne peut l'anéantir; elle a une promesse. Ah! sachons reconnaître, du moins dans l'accomplissement, ce qu'Agar sut reconnaître dans la promesse seule. Quand le personnage qui lui parlait se retourna pour s'en aller, elle y reconnut l'Eternel et s'écria : O Dieu qui m'avez vue et qui vous êtes rendu visible ! car, dit-elle, lorsque celui qui me voit me tourna le dos, n'en ai-je pas vu quelque chose? Elle appela donc le puits auprès duquel cette apparition eut lieu, le puits du vivant et du voyant, ou bien, le puits du vivant qui me voit. Il est dans le désert de Sur, entre Cadés et Barad.

Agar s'en étant retournée chez sa maîtresse et s'étant humiliée sous sa main, enfanta un fils à Abraham, qui le nomma Ismaël, selon l'ordre que le Seigneur en avait donné. Abraham avait alors quatre-vingt-six ans (2).

Abraham et Sara changent de nom. La circoncision. Isaac prédit.

Jusque-là ce patriarche s'appelait Ab-ram, c'est-à-dire père élevé, et sa femme Saraï, c'est-à-dire ma princesse. Le Seigneur, qui voulait par eux commencer les plus grandes choses, leur changea leurs noms de la manière qui suit :

:

Abram entrait dans sa quatre-vingt-dix-neuvième année, lorsque l'Eternel lui apparut et lui dit : C'est moi le Dieu tout-puissant; marche devant moi et sois parfait; et j'établirai mon alliance entre moi et toi, et je multiplierai infiniment ta race. Abram tomba prosterné sur sa face; Dieu continua C'est moi! mon alliance sera avec toi, et tu seras le père d'une multitude de nations. Et on n'appellera plus ton nom Abram, mais Abraham (c'est-à-dire, par contraction, père élevé de la multitude), parce que je t'ai établi le père d'une multitude de nations; et je te ferai croître extraordinairement, je te ferai devenir des nations entières, et des rois sortiront de toi; et j'établirai mon alliance entre moi et toi, et entre ta postérité après toi en ses générations, par un pacte éternel, afin que je sois ton Dieu et le Dieu

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de ta postérité après toi; et je te donnerai, et à ta postérité après toi, la terre de ton pélérinage, toute la terre de Chanaan, en possession éternelle, et je serai leur Dieu.

Non-seulement Dieu donne au patriarche un nouveau nom pour être le mémorial de ses promesses, il veut encore qu'il porte dans sa chair un signe extérieur de son alliance.

Voici l'alliance que vous garderez entre moi et vous, et ta postérité après tci : Tout mâle d'entre vous sera circoncis, et vous circoncirez votre chair, afin que ce soit là un signe de l'alliance entre moi et vous. L'enfant mâle de huit jours sera circoncis parmi vous, comme aussi tout mâle en vos générations, et le serviteur né en votre maison, et le serviteur acheté de l'étranger et qui ne serait pas sorti de votre race. Et ce pacte en votre chair sera le signe de l'alliance éternelle; et le mâle dont la chair n'aura point été circoncise au huitième jour, sera retranché de mon peuple, parce qu'il a violé mon alliance.

Dieu dit encore à Abraham : Tu n'appelleras plus ta femme du nom de Saraï, mais du nom de Sara (c'est-à-dire la princesse par excellence), et je la bénirai, et d'elle je te donnerai un fils que je bénirai aussi; et elle deviendra des nations, et des rois de peuples sortiront d'elles. Abraham tomba sur sa face, et rit, en disant dans son cœur : Pense-t-on qu'un fils naisse à un homme de cent ans, et que Sara, à quatre-vingt-dix ans, puisse enfanter? Et il dit à Dieu : De grâce! qu'Ismaël vive devant vous. En vérité, répondit le Seigneur, Sara, ta femme, t'enfantera un fils, et tu appelleras son nom Isaac (c'est-à-dire, il a ri et il rira), et j'établirai mon alliance avec lui comme une alliance éternelle, et avec sa postérité après lui. Et je t'ai également exaucé pour Ismaël voilà que je le bénirai, et je le ferai croître et multiplier extraordinairement; il engendrera douze princes et je le ferai devenir une grande nation. Mais quant à mon alliance, je l'établirai avec Isaac que Sara t'enfantera l'année qui va venir en cette saison.

:

Lorsque Dieu eut achevé de lui parler, il s'éleva d'auprès d'Abraham. Celui-ci prit aussitôt son fils Ismaël, et tous les serviteurs nés en sa maison, et tous ceux qu'il avait achetés, et généralement tous les mâles qui étaient parmi ses domestiques, et il circoncit leur chair en ce même jour, comme Dieu le lui avait commandé. Enfin, ce même jour encore, il se circoncit lui-même il avait alors quatre-vingt-dix-neuf ans, et Ismaël en avait treize accomplis (1).

En mémoire de leur ancêtre, les Arabes remettaient la circoncision après la treizième année: Josèphe nous en est témoin (2). Les Arabes dominèrent quelque temps en Egypte. Il est donc possible que les prêtres et les savants égyptiens aient pris d'eux l'usage de se circoncire la quatorzième année,

(1) Gen., 17. —(2) Antiq., 1. 1, c. 13.

:

comme nous l'apprend saint Ambroise (1). Un mot d'Hérodote semble appuyer cette conjecture. Il dit que de son temps (il écrivait vers le milieu du cinquième siècle avant l'ère vulgaire) les Egyptiens ne savaient pas si la circoncision avait commencé chez eux, ou si elle leur était venue des Ethiopiens (2). Or, ce dernier nom, anciennement fort vague, se donne dans l'Ecriture à une tribu d'Arabes, les Madianites (3). Hérodote lui-même parle d'Ethiopiens d'Arabie, qui pouvaient être des Arabes ismaélites (4). Quand cet auteur ajoute, et après lui Diodore de Sicile, que les Syriens de Palestine ou les Juifs avaient apporté la circoncision d'Egypte, comme ils ne connaissaient les Juifs que depuis leur émigration de ce pays, ils avaient raison dans leur sens. Du reste, au jugement de l'Egyptien Manéthon, Hérodote est un garant peu sûr quand il s'agit de l'histoire égyptienne. Un fragment, attribué au Phénicien Sanchoniathon, nous offre des indices plus vrais il y est dit qu'un personnage divin, qui régna en Phénicie et qui immola au ciel son fils unique, se circoncit lui-même et obligea tous ses compagnons à en faire autant (5). Il est difficile de ne point reconnaître Abraham à ces traits : le pays de Chanaan et de Phénicie est absolument le même. Un ancien auteur, Artapan, assure que ce fut Moïse qui communiqua la circoncision aux prêtres d'Egypte et même aux Ethiopiens (6). II ne nous paraît point impossible de concilier ces divers témoignages. Plus de mille ans avant Hérodote, les prêtres égyptiens auront appris à connaître et à estimer la circoncision par le gendre du grand-prêtre d'Héliopolis, le patriarche Joseph, et ensuite par toute la famille de Jacob: Moïse, instruit dans toutes leurs sciences, les aura confirmés dans cette idée. Au temps d'Hérodote, ils n'auront plus su, ou, ce qui est bien plus croyable, ils n'auront pas voulu dire d'où ils la tenaient originairement. Les Ethiopiens audessus de l'Egypte auront pu la recevoir par le même canal. Quant aux habitants de la Colchide, chez qui Hérodote trouva la même pratique, c'était probablement une colonie des dix tribus d'Israël, dispersées alors par tout le monde. Finalement, et les descendants d'Abraham par Agar, les Arabes ismaélites, et ses descendants par Sara, les Israélites et les Iduméens, et ses descendants par Céthura, entre autres les Madianites, appelés aussi Ethiopiens, ont pu facilement introduire la circoncision dans des pays où l'on ne s'attend guère à la rencontrer. Un seul trait suffira toujours pour nous ramener à sa source première; partout ailleurs l'histoire en est vague, l'origine inconnue, la signification nulle. Chez les Juifs seuls tout est précis, tout y prend un caractère moral et figuratif où se dessinent les plus profonds mystères de la nature humaine.

(1) De Abraham, 1. 2, c. 11. — (2) L. 2, c. 104. ·

(3) Num., 12, 1. — (4) L. 3, p. 225, cdit. greco-latin. Henr. Steph. — (5) Apud Euseb. præp. ev., l. 1, c. 10, p. 38 et 40.--(6) Apud Euseb., 1. 9, c. 27.

Lorsque Dieu prescrit la circoncision à Abraham, il lui donne, ainsi qu'à sa femme, un nouveau nom : il leur annonce un fils nouveau, né d'une manière nouvelle et miraculeuse. Tout proclame un renouvellement, une régénération. Ce qui est vieux est donc dégénéré, il y a donc quelque chose de vicié dans la nature humaine, quelque chose qu'il faut retrancher pour devenir une créature nouvelle. Circoncisez donc le prépuce de votre cœur, dit Moïse aux descendants d'Abraham (1). Circoncisez-vous à l'Eternel, et ôtez l'incirconcision de vos cœurs, hommes de Juda et habitants de Jérusalem, ajoute le prophète Jérémie (2); c'est-à-dire, comme l'explique saint Paul dans toutes ses épîtres, retranchez les convoitises charnelles. Mais ce dépouillement du vieil homme, cette transformation en l'homme nouveau ne se fait que par la grâce du nouvel Isaac; la régénération de l'humanité entière n'aura lieu que quand il aura paru. C'est lui qui sera l'Isaac véritable, lui qui apportera la joie du ciel dans cette vallée de larmes. Alors, la réalité venue, la figure disparaîtra; car en Jésus-Christ la circoncision n'est rien, non plus que l'incirconcision, mais la foi qui opère par la charité (3).

Visite des trois anges. L'annonce de la ruine de Sodome. Prières d'Abraham.

Abraham étant ainsi devenu, même dans sa chair, un homme nouveau, Jéhova se manifeste à lui d'une manière nouvelle dans la vallée de Mambré. Il était à l'entrée de sa tente, lorsque, levant les yeux, il aperçut trois hommes debout à quelque distance de lui. Aussitôt il courut au-devant d'eux de l'entrée de sa tente, adora jusqu'à terre et dit : Mon Seigneur, je te prie, si j'ai trouvé grâce à tes yeux, n'outre-passe pas ton serviteur. Permettez que l'on apporte un peu d'eau, lavez vos pieds et vous reposez sous l'arbre. J'apporterai un peu de pain, vous fortifierez votre cœur, puis vous irez plus loin; car c'est pour cela sans doute que vous êtes venus vers votre serviteur. Ils répondirent : Fais comme tu as dit. Et Abraham se hâta d'aller en sa tente, vers Sara: Pétris vite trois mesures de fleurs de farine, dit-il, et fais des pains sous la cendre.

Lui-même courut au troupeau et prit un veau tendre et excellent, et il le donna à un serviteur, qui le fit cuir aussitôt. Et il prit du beurre et du lait, et le veau qu'il avait fait cuire, et il le mit devant eux; et lui-même se tenait debout près d'eux sous l'arbre.

Quand ils eurent mangé, ils lui dirent: Où est Sara, ta femme? Et il répondit: La voici dans la tente. Et l'un dit: Je reviendrai vers toi en ce temps-ci, et tu vivras, et Sara, ta femme, aura un fils. Ce que Sara ayant entendu, elle rit derrière la porte de la tente; car ils étaient tous deux vieux

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