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gieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi. »

(Voir le Moniteur du 25 au 26 août 1789.

La question de l'émancipation des israélites fut agiten de nouveau dans plusieurs séances de l'Assemblée nationale. Nous ne pouvons mieux faire que de la suivre dans toutes ses phases, en citant textuellement le Moniteur.

ASSEMBLÉE NATIONALE.

Séance du jeudi 3 septembre, au soir.

Présidence de Mgr. DE LA LUZERNE, évêque de Langres

L'on y a examiné l'affaire des juifs; ils demandent : 1° Que l'Assemblée prononce d'une manière expresse sur leur sort, en leur décernant le titre de citoyen.

2° Qu'ils puissent demeurer dans toutes les villes, izpendamment de toutes les lois, de tous priviléges.

3. D'abolir à jamais toutes les taxes arbitraires et injustes auxquelles ils sont assujettis. (Cette taxe, sous le nom de tave de protection, se payait au profit de la maison de Brancas.

4° Qu'ils seront libres dans l'exercice de leur religion, loss, rits; qu'ils conserveront particulièrement leur synagogue pu blique à Metz.

On a nommé un comité pour s'occuper de cette affaire. (Moniteur du 5 au 4 septembre 1789.

Séance du lundi 28 septembre, au soir.

Présidence de MOUNIER.

On interrompt toutes les discussions étrangères à l'ordre du jour pour en venir à l'affaire des juifs de Metz qui demandent protection à l'Assemblée nationale.

M. de Clermont-Tonnerre (1) parle avec beaucoup d'éloquence

(1) Il est à regretter que le Moniteur n'ait pu reproduire, dès cette epoque, les discours mêmes des orateurs.

L'Avant-Moniteur ne donne qu'un sommaire de la discussion.

sur les causes de l'avilissement de cette nation, toujours dispersée, toujours errante, toujours fugitive. Le mépris des chrétiens, des lois barbares lancées contre elle, en forcent les membres à devenir usuriers, et justifient en quelque sorte tous les vices que nous leur reprochons.

Il est décrété què M. le président écrira aux différentes municipalités de la Lorraine pour leur manifester que la déclaration des Droits de l'homme est commune à tous les habitants de la terre, et que le roi sera supplié de l'appuyer de toute son autorité. (Moniteur du 28 septembre 1789.) L'abbé Grégoire plaida aussi avec beaucoup d'éloquence dans cette séance la cause des israélites.

Séance du mercredi 14 octobre, au soir.

Présidence de FRÉTEAU.

Messieurs les députés de la Lorraine demandent que plusieurs envoyés juifs des provinces des Trois-Évêchés, d'Alsace et de la Lorraine, soient admis à la barre.

L'Assemblée les fait introduire. ́

M. Besr-Isam-Besr (Berr-Isaac Berr) (1), orateur de la députation, a prononcé, à la barre, le discours suivant:

« Messeigneurs, c'est au nom de l'Éternel, auteur de toute justice et de toute vérité, au nom de ce Dieu, qui, en donnant à chacun les mêmes droits, a prescrit à tous les mêmes devoirs; c'est au nom de l'humanité outragée depuis tant de siècles par les traitements ignominieux qu'ont subis dans presque toutes les contrées de la terre les malheureux descendants du plus ancien de tous les peuples, que nous venons aujourd'hui vous conjurer de vouloir bien prendre en considération leur destinée déplorable.

(1) M. Berr-Isaac-Berr a pris la part la plus active à l'émancipation des israélites, soit à cette époque, soit lors de la réunion de l'assemblée générale des juifs et du grand sanhédrin sous l'empire. · Son fils, le savant Michel Berr, secrétaire de ces deux grandes assemblées, a droit aussi à la reconnaissance des israélites.

--

Partout persécutés, partout avilis, et cependant toujours soumis, jamais rebelles, objet, chez tous les peuples, d'indignation et de mépris, quand ils n'auraient dù l'être que de tolérance et de pitié, les juifs que nous représentons à vos pieds se sont permis d'espérer qu'au milieu des travaux importants auxquels vous vous livrez, vous ne dédaignerez pas leurs plaintes, vous écouterez avec quelque intérêt les timides réclamations qu'ils osent former au sein de l'humiliation profonde dans laquelle ils sont ensevelis.

Nous n'abuserons pas de vos moments, messeigneurs, pour vous entretenir de la nature et de la justice de nos demandes ; elles sont consignées dans les mémoires que nous avons eu l'honneur de mettre sous vos yeux. Puissions-nous vous devoir une existence moins douloureuse que celle à laquelle nous sommes condamnés! Puisse le voile d'opprobre qui nous couvre depuis si longtemps se déchirer enfin sur nos têtes! Que les hommes nous regardent comme leurs frères! Que cette charité divine, qui vous est si particulièrement recommandée, s'étende aussi sur nous! Qu'une réforme absolue s'opère dans les institutions si ignominieuses auxquelles nous sommes asservis, et que cette réforme, jusqu'ici trop inutilement souhaitée, que nous sollicitons les larmes aux yeux, soit votre bienfait et votre ouvrage! *

M. le président : Les grands motifs que vous faites valoir à l'appui de vos demandes, ne permettent pas à l'Assemblée nationale de les entendre sans intérêt; elle prendra votre requête en considération et se trouvera heureuse de rappeler vos frères à la tranquillité et au bonheur, et provisoirement vous pouvez en informer vos commettants.

L'Assemblée leur donne séance à la barre; et arrête que leur affaire sera traitée dans la première session.

(Moniteur du 13 au 15 octobre 1789.)

(Notes inédites de feu M....., membre de l'Assemblée constituante

dans l'Avant-Moniteur, à la suite des Mémoires de Bailly.

La réponse du président a été applaudie par l'Assemblée, avec l'attendrissement que méritent les malheurs et les préjugés dont les juifs sont victimes.

(Notes ci-dessus citées.)

Séance du lundi 21 décembre 1789.

Présidence de FRETEAU.

M........ représente que l'édit de 1787 exclut les non-catholiques des places de municipalités auxquelles sont attachées des fonctions de judicature; que les décrets de l'Assemblée n'ayant pas dérogé à cette loi, on pourrait s'en prévaloir contre des citoyens qui doivent avoir les mêmes droits que les autres citoyens. Cette prétention ne manquerait pas d'exciter des commotions violentes dans diverses provinces.

M................... propose de décréter que les non-catholiques qui auront d'ailleurs rempli toutes les conditions d'éligibilité, pourront être élus dans tous les degrés d'administration.

M. de Clermont-Tonnerre: Je n'ajoute pas un seul mot à une chose qui n'a pas besoin d'être développée pour vous frapper.

Je propose seulement la formule du décret que voici :

« L'Assemblée nationale décrète qu'aucun citoyen actif réunissant les conditions d'éligibilité ne pourra être écarté du tableau des éligibles, ni exclu d'aucun emploi public, à raison de la profession qu'il exerce, ou du culte qu'il professe.

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Plusieurs personnes réclament la discussion sur l'état des juifs, comme tenant à la Constitution.

M. Rewbell: Je pense sur les juifs, comme les juifs euxmèmes; ils ne se croient pas citoyens. C'est dans cette opinion que j'admets l'amendement de M. de Clermont-Tonnerre, parce qu'il les exclut en se servant de cette expression: citoyen actif.

(Moniteur du 21 décembre 1789.)

Séance du mercredi 23 décembre 1789.

Présidence de DESMEUNIERS.

La motion rédigée avant-hier par M. le comte de ClermontTonnerre au sujet de l'éligibilité des juifs, des protestants et des comédiens, est la première à l'ordre du jour.

M. le comte de Clermont-Tonnerre: Vous avez, par la Déclaration des Droits, assuré les droits de l'homme et du citoyen; vous avez ensuite irrévocablement établi les conditions de l'éligibilité pour les assemblées administratives. Il semblait qu'il n'y avait plus rien à faire sous ce rapport. Un honorable membre est cependant venu nous apprendre que les habitants non catholiques de plusieurs parties de provinces voyaient attaquer leurs droits par des motifs tirés des lois rendues à leur égard. Un autre a appelé votre attention sur des citoyens qui trouvent dans leur profession des obstacles à ce qu'ils jouissent des mêmes droits. J'ai proposé une rédaction dont le but était de ne pas augmenter les clauses d'éligibilité. J'ai donc deux objets à examiner: l'exclusion relative à la profession, l'exclusion relative au culte.

(Ici l'orateur traite le premier point.)

Je vais m'occuper maintenant du culte, Vous avez déjà prononcé sur cet objet en disant dans la Déclaration des Droits, que nul ne serait inquiété, même pour ses opinions religieuses. N'est-ce pas inquiéter essentiellement des citoyens que de vouloir les priver du droit le plus cher à cause de leurs opinions? La loi ne peut atteindre le culte d'un homme, elle ne peut rien sur son âme, elle ne peut que sur ses actions, et elle doit les protéger quand elles ne nuisent point à la société. Dieu a voulu que nous nous accordions sur la morale, et il nous a permis de faire des lois morales, mais il n'a réservé qu'à lui seul les lois dogmatiques et l'empire des consciences. Laissez donc les consciences libres; que le sentiment ou la pensée dirigés de

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