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Continuation du même Sujet.

Grand Dieu, souverain maître de l'univers, quel lieu de la terre pourrais-je parcourir, où je ne trouve partout sur mes pas les marques sensibles de votre présence, et de quoi admirer la grandeur et la magnificence de votre saint nom? Si des peuples sauvages ont pu laisser effacer l'idée que vous en aviez gravée dans leur ame, toutes les créatures qu'ils ont sous les yeux, le portent écrit en caractères si ineffaçables et si éclatans, qu'ils sont inexcusables de ne pas vous y reconnaître. L'impie lui-même a beau se vanter qu'il ne vous connaît pas, et qu'il ne retrouve en lui-même aucune notion de votre essence infinie; c'est qu'il vous cherche dans son cœur dépravé, et dans ses passions, Dieu trèssaint, plutôt que dans sa raison. Mais qu'il regarde du moins autour de lui, il vous retrouvera partout; toute la terre lui annoncera son Dieu; il verra les traces de votre sagesse, imprimées sur toutes les créatures; et son cœur corrompu se trouvera le seul dans l'univers, qui n'annonce et ne reconnaisse pas l'auteur de son être.

Qu'est-il besoin, en effet, mon Dieu, de vaines recherches et de spéculations pénibles pour connaître ce que vous êtes? Je n'ai qu'à lever les yeux en haut; je vois l'immensité des cieux, qui sont l'ouvrage de vos mains, ces grands corps de lumière qui roulent si régulièrement et si majestueusement sur nos têtes, et auprès desquels la terre, n'est qu'un atome imperceptible. Quelle magnificence, grand Dieu! Qui a dit au soleil: sortez du néant, et présidez au jour; et à la lune : paraissez, et soyez le flambeau de la nuit? Qui a donné l'être et le nom à cette multitude d'étoiles qui décorent avec tant de splendeur le firmament, et qui sont autant de soleils immenses attachés chacun à une espèce de nionde nouveau qu'ils éclairent? Quel est l'ouvrier dont la toute-puiasance a pu opérer ces merveilles, où tout l'orgueil de la raison éblouie se perd et se confond? Eh, quel autre que vous, souverain Créateur de l'univers, pourrait les avoir opérées? Seraient-elles sorties d'ellesmêmes du sein du hasard et du néant? Et l'impie sera-t-il assez désespéré pour attribuer à ce qui n'est pas, une toute-puissance qu'il ose refuser à celui qui est essentiellement, et par qui tout a été fait? Massillon, Ps. viii.

Continuation du même Sujet.

Il est un Dieu. Les herbes de la vallée et les cédres de la montagne Le bénissent; l'insecte bourdonne ses louanges, l'éléphant le salue au ever du jour; l'oiseau le chante dans le feuillage; la foudre fait éclater sa puissance, et l'océan déclare son immensité. L'homme seul a dit: il n'y a point de Dieu.

Il n'a donc jamais, celui-là, dans ses infortunes, levé les yeux vers le ciel, ou, dans son bonheur, abaissé ses regards vers la terre? La nature est-elle si loin de lui, qu'il ne l'ait pu contempler, ou la croit-il le simple

résultat du hasard? Mais quel hasard a pu contraindre une matière désordonnée et rebelle à s'arranger dans un ordre si parfait ?

On pourrait dire que l'homme est la pensée manifestée de Dieu, et que l'univers est son imagination rendue sensible. Ceux qui ont admis la beauté de la nature comme une preuve d'une intelligence supérieure, auraient dû faire remarquer une chose qui agrandit prodigieusement la sphère des merveilles; c'est que le mouvement et le repos, les ténèbres et la lumière, les saisons, la marche des astres, qui varient les décorations du monde, ne sont pourtant successifs qu'en apparence, et som permanens en réalité. La scène qui s'efface pour nous, se colore pour un autre peuple; ce n'est pas le spectacle, ce n'est que le spectateur, qui change. Ainsi Dieu a su rendre, dans son ouvrage, la durée absolue et la durée progressive: la première est placée dans le temps; la seconde dans l'étendue: par celle-là les grâces de l'univers sont unes, infinies, toujours les mêmes; par celle-ci elles sont multiples, finies, et renouvelées: sans l'une, il n'y eût point eu de grandeur dans la création; sans l'autre, il y eût eu monotonie.

Ici le temps se montre à nous sous un rapport très-nouveau; la moindre de ses fractions devient un tout complet, qui comprend tout, et dans lequel toutes choses se modifient, depuis la mort d'un insecte jusqu'à la naissance d'un monde: chaque minute est en soi une petite éternité. Réunissez donc en un même moment, par la pensée, les plus beaux accidens de la nature. Supposez que vous voyez à la fois toutes les heures du jour, et toutes les saisons, un matin de printemps et d'autonine, une nuit semée d'étoiles et une nuit couverte de nuages, des prairies émaillées de fleurs, des forêts dépouillées par les frimas, des champs dorés par les moissons, vous aurez alors une idée juste du spectacle de l'univers. N'est-il pas bien prodigieux que, tandis que vous admirez ce soleil, qui se plonge sous les voûtes de l'occident, un autre observateur le regarde sortir des régions de l'aurore? Par quelle inconcevable magie, ce vieil astre qui s'endort fatigué et brûlant dan la poudre du soir, est-il en ce moment même ce jeune astre qui 'éveille humide de rosée, dans les voiles blanchissans de l'aube. A chaque moment de la journée le soleil se lève, brille à son zénith, et se couche sur le monde; ou plutôt nos sens nous abusent, et il ny a ni orient, ni midi, ni occident vrai. Tout se réduit à un point fixe, d'où le flambeau du jour fait éclater à la fois trois lumières en une seule substance. Cette triple splendeur est peut-être ce que la nature a de plus beau; car en nous donnant l'idée de la perpétuelle magnificence et de la toute-présence de Dieu, elle nous fait aussi concevoir une image de sa trinité glorieuse.

Conçoit-on ce que serait une scêne de la nature, si elle était aban, donnée au mouvement de la matière ? Les nuages obêissant aux lois de la pesanteur, tomberaient perpendiculairement sur la terre,ou monteraient en pyramide dans les airs; l'instant d'après l'atmosphère serait trop épaisse ou trop rarêfiêe pour les organes de la respiration. La lune trop prês ou trop loin de nous, tour-à-tour serait invisible, pour-à-tour se montrerait sanglante, couverte de taches énormes, ou

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reinplissant seule de son orbe démesuré tout le dôme céleste. Tout à coup un signe d'été serait atteint par un signe d'hiver; le bouvier conduirait les pléïades, et le lion rugirait dans le verseau. Là, des astres passeraient avec la rapidité de l'éclair; ici, ils sembleraient morts et immobiles. Quelquefois ils se presseraient en groupes, comme dans la voie lactée, puis disparaissant tous ensemble, ils laisseraient apercevoir les abîmes de l'éternité.

Mais de pareils spectacles n'épouvanteront point les hommes, avant le jour où Dieu lâchant les rênes de l'univers n'aura besoin pour le détruire, que de l'abandonner.

M. de Châteaubriand.

Génie du Christianisme.

Invocation à l'Auteur de la Nature.

Grand Dieu! dont la seule présence soutient la nature, et maintient l'harmonie des lois de l'univers; vous qui, du trône immobile de l'empirée voyez rouler sous vos pieds les sphères célestes sans choc et sans confusion; qui, du sein du repos, reproduisez à chaque instant leurs mouvemens immenses, et seul régissez, dans une paix profonde, ce nombre infini de cieux et de mondes: rendez, rendez enfin le calme à la terre agitée: qu'elle soit dans le silence! qu'à votre voix, la discorde et la guerre cessent de faire retentir leurs clameurs orgueilleuses. Dieu de bonté, auteur de tous les êtres, vos regards paternels embrassent tous les objets de la création; mais l'homme est votre être de choix ; vous avez éclairé son ame d'un rayon de votre lumière immortelle; comblez vos bienfaits, en pénétrant son cœur d'un trait de votre amour: ce sentiment divin, se répandant partout, réunira les natures ennemies; l'homme ne craindra plus l'aspect de l'homme; le fer homicide n'armera plus sa main; le feu dévorant de la guerre ne fera plus tarir la source des générations; l'espèce humaine, maintenant affaiblie, mutilée, moissonnée dans sa fleur, germera de nouveau, et se multipliera sans nombre: la nature, accablée sous le poids des fléaux, stérile, abandonnée, reprendra bientôt, avec une nouvelle vie, son ancienne fécondité; et nous, Dieu bienfaiteur, nous la seconderons, nous la cultiverons sans cesse, pour vous offrir à chaque instant un nouveau tribut de reconnaissance et d'admiration.

Buffon.

Avantages de la Religion.

Un des plus grands avantages, un des plus touchans attributs de la religion, ce sont les consolations qu'elle présente à tous les fidèles, et contre les dégoûts de l'opulence, et contre les horreurs de la pauvreté, et contre la fureur des persécutions, et contre les angoisses même de la mort. Il le faut avouer; la plus sublime philosophie est bien loin d'offrir à l'homme un pareil secours. En le courbant sous le sceptre de

fer de la nécessité, en promettant au trépas son être tout entier, l'incrédulité laisse le raisonneur en proie au désespoir le plus affreux. Plus ce raisonneur sera juste, honnête, vertueux, plus il aura à gémir de l'impunité des crimes qui l'environnent, des méchans qui l'accablent, des iniquités dont il sera la victime. Mais la foi soutient, au contraire, le courage des hommes pénétrés de ces vérités célestes. Elle les ranime, et s'ils sont éprouvés dans cette vie par des afflictions qui l'empoisonnent, rien n'altere du moins leur espérance, qui est, selon l'expression des livres saints, pleine d'immortalité. Spes eorum immortalitatis plena.

Linguet,

Bonheur de la Religion.

Religion, quel est ton empire! que de vertus te doivent les humains! ob, qu'il est heureux le mortel qui, pénétré de tes vérités sublimes, trouve sans cesse dans ton sein un asile contre le vice, un refuge contre le malheur! tant que l'inconstante fortune sourit à ses innocens désirs, tant qu'il coule des jours sans nuage, tu sais les embellir encore: tu viens ajouter un nouveau plaisir au bien qu'il fait à ses semblables; tu donnes un charme de plus aux délices d'une bonne action. Ta sévérité même est un bienfait: tu ne retranches du bonheur que ce qui pourrait le corrompre: tu ne défends de chérir que ce qu'on rougirait d'aimer Si le sort accable au contraire une ame soumise à tes lois saintes, c'est alors, surtout, c'est alors qu'elle trouve en toi son plus ferme appui. Sans prescrire l'insensibilité que la nature heureusement rend impossible, tu nous apprends à supporter les maux dont tu permets qu'on s'afflige, tu descends dans les cœurs déchirés pour calmer leurs douleurs cuisantes, pour leur présenter un dernier espoir, et tu n'éteins pas ce pur sentiment qui les fait souffrir et qui les fait vivre.

Florian. Gonsalve de Cordoue.

L'Eloquence Chrétienne.

Les anciens n'ont connu que l'éloquence judiciaire et politique : l'éloquence morale, c'est-à-dire, l'éloquence de tout temps, de tout gouvernement, de tout pays, n'a paru sur la terre qu'avec la loi évangélique. Cicéron défend un client, Démosthène combat un adversaire, ou tâche de rallumer l'amour de la patrie chez un peuple dégénéré: l'un et l'autre ne savent que remuer les passions, et fondent toutes leurs espérances de succès sur le trouble qu'ils jettent dans les cœurs. L'éloquence de la chaire a cherché les siens dans une région plus élevée. C'est en combattant les mouvemens de l'ame, qu'elle prétend séduire; c'est en apaisant toutes les passions, qu'elle s'en veut faire écouter: Dieu et la charité voilà son texte, toujours le même, toujours inépui sable. Il ne lui faut ni les cabales d'un parti, ni des émotions populaires,

ni de grandes circonstances pour briller. Dans la paix la plus profoude, sur le cercueil du citoyen le plus obscur, elle trouvera ses mouvemens les plus sublimes; elle saura intéresser pour une vertu ignorée ; elle fera couler des larmes pour un homme dont on n'a jamais entendu parler. Incapable de crainte et d'injustice, elle donne des leçons aux rois, mais sans les insulter; elle console le pauvre, mais sans flatter ses vices. La politique et toutes les choses de la terre ne lui sont point inconnues; mais ces choses, qui fesaient les premiers motifs de l'éloquence antique, ne sont pour elle que des raisons secondaires; elle les voit des hauteurs où elle domine, comme un aigle aperçoit du sommet de la montagne les objets abaissés de la plaine.

Châteaubriand. Génie du Christianisme.

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Je me souviens de lui avoir entendu répéter le début d'un premier sermon qu'il prêcha dans l'église de St. Sulpice, à Paris, en 1751. La plus haute compagnie de la capitale vint l'entendre par curiosité. Bridaine aperçut dans l'assemblée plusieurs évêques, des personnes décorées, une foule innombrable d'ecclésiastiques; et ce spectacle, loin de l'intimider, lui inspira l'exorde qu'on va lire. Voici ce que ma mémoire me rappelle de ce morceau dont j'ai toujours été vivement frappé, et qui ne paraîtra peut-être point indigne de Bossuet ou de Démosthènes.

"A la vue d'un auditoire si nouveau pour moi, il semble, mes frères, que je ne devrais ouvrir la bouche que pour vous demander grâce en faveur d'un pauvre missionnaire, dépourvu de tous les talens que vous exigez quand on vient vous parler de votre salut. J'éprouve cependant aujourd'hui un sentiment bien différent; et, si je suis humilié, gardezvous de croire que je m'abaisse aux misérables inquiétudes de la vanité. A Dieu ne plaise qu'un ministre du ciel pense jamais avoir besoin d'excuse auprès de vous! car, qui que vous soyez, vous n'êtes, comme moi, que des pécheurs ; c'est devant votre Dieu et le mien que je me sens pressé dans ce moment de frapper ma poitrine. Jusqu'à présent j'ai publié les justices du Très-Haut dans des temples couverts de chaume; j'ai prêché les rigueurs de la pénitence à des infortunés qui manquaient de pain; j'ai annoncé aux bons habitans des campagnes les vérites les plus effrayantes de ma religion qu'ai-je fait malheureux ? j'ai contristé les pauvres, les meilleurs amis de mon Dieu; j'ai porté l'épouvante et la douleur dans ces ames simples et fidèles, que j'aurais dû plaindre et consoler. C'est ici, où mes regards ne tombent que sur des grands, sur des riches, sur des oppresseurs de l'humanité souffrante, ou sur des pécheurs audacieux et endurcis: ab! c'est ici seulement qu'il fallait faire retentir la parole sainte dans toute la force de son tonnerre, et placer avec moi dans cette chaire, d'un côté la mort qui vous menace, et de l'autre mon graud Dien qui vient vous juger. Je tiens aujourd'hui votre sentence à la main. Tremblez donc devant moi, hommes superbes et dédaigneux qui m'écoutez. La nécessité du

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