Images de page
PDF
ePub

tions, son climat, ses mœurs, le caractère et les besoins de ses habitans, le nombre et l'importance de ses villes manufacturières, l'influence plus ou moins prédominante des théories de civilisation et d'économie politique anglaises, et celle des sentimens de religion et de charité. Nous avons cherché enfin à interroger toutes les circonstances, causes de moralité, de travail, de prospérité ou de misère qui pouvaient être raisonnablement appréciées. Rapprochant ensuite ces observations de notions positives ou très approximatives recueillies dans une longue carrière administrative et dans une correspondance suivie avec la majeure partie de MM. les préfets du royaume, nous sommes arrivés à des résultats qui nous semblent se rapprocher d'autant plus de la vérité, qu'ils s'accordent avec ceux du dénombrement opéré par la première de nos assemblées législatives.

Un tableau général de la population indigente de la France, formé par département d'après ces diverses combinaisons (B), présente une masse de 1,583,540 indigens, c'est-à-dire le 1/20 1|10 de la population générale portée à 51,880,674 habitans dans le récensement de 1827 (1). Dans ce nombre ne sont pas compris les indigens admis dans les hospices et les hôpitaux, ni ceux qui sont passagèrement privés de moyens suffisans de travail et d'existence.

Cette proportion de 1|20 1|10, établie comme moyenne par tous les départemens du royaume, est nécessairement très variable suivant les localités, et surtout d'après le nombre et l'importance des villes elle s'accroît surtout

:

(1) On a vu dans le tableau précédent que nous établissions cette moyenne à 1/20. La différence provient de ce que nous avons opéré sur une population de 32,000,000 d'habitans, résultat, en nombres ronds, du dernier recensement ; et que nous avons dû augmenter, dans le même rapport, le nombre des indigens du royaume, élevé dans ce calcul à 1,600,000 individus. »

au milieu des populations manufacturières ou de celles qui ont souffert dans leur industrie agricole. Ainsi, par exemple, le rapport du nombre des indigens à la population totale, qui serait de 1 sur 6 pour le département du Nord, de 1 sur 8 pour le département du Pas-de-Calais, de 1 sur 13 dans le Rhône, de 1 sur 14 dans les départemens de l'Aisne, de la Seine et de la Somme, n'est plus que du trentième dans les départemens de la Meuse, de la Meurthe et de la Moselle, du quarantième dans la Lozère, le Bas-Rhin, etc., arrive à son dernier terme (158) dans la Creuse (1).

On peut donc, sous ce rapport, diviser la France en trois régions ou zônes du paupérisme.

1o La zone souffrante: elle renferme vingt départemens, 10,062,769 habitans et 770,626 indigens, ou 1|13 de la population indigente totale.

2o La zône moyenne : trente-huit départemens s'y trouvent compris; leur population réunie s'élève à 15,045,514 habitans, sur lesquels on compte 550,235 indigens, ou 125 1855 de la population totale.

3o Enfin, la zone favorisée: elle présente vingt-huit départemens, dont la population s'élève à 8,774,391 individus on y trouve 263,480 indigens formant le 153 de la population générale.

:

L'échelle du paupérisme se trouve graduée du sixième au cinquante-huitième de la population: les départemens du Nord et de la Creuse sont placés aux deux extrémités.

La carte que nous plaçons ci-contre indique, par les diverses dégradations des teintes, les départemens où l'indigence est le plus ou moins répandue.

(1) Il est remarquable que le département de la Creuse, le dernier dans l'échelle de l'industrie, soit celui où l'on compte à la fois le moins de pauvres et le moins de délits.

La proportion du nombre des pauvres à la population varie très sensiblement entre les villes et les campagnes." En général, le rapport peut s'établir, pour les villes, de 1 à 10, et d'environ 1 à 30 pour les campagnes. Or, la population totale des villes et des communes ayant une population agglomérée de 1,500 habitans et au-dessus, étant de 7,672,450 habitans (1), et celles des communes rurales de 24,205,718, il en résulterait que la population des villes offrirait 767,245 indigens, et celle des campagnes 819,195.

Il existe encore une différence des plus sensibles entre la situation des classes indigentes, dans les provinces du nord et de l'ouest de la France, et dans les contrées du centre, de l'est et du sud.

Les provinces méridionales sont favorisées d'un climat doux et tempéré qui exige peu de besoins. Outre les ressources que fournit la pêche aux habitans du littoral maritime, la terre offre en abondance les céréales, les fruits et les autres productions qui forment la principale nourriture d'une population en général sobre et frugale, autant que saine et vigoureuse. Les principes religieux y ont été plus généralement conservés (2). Le luxe exagéré y est à peine connu. Des cultures successives et variées pour toutes les saisons, celle de la vigne surtout, donnent du travail à tous les bras valides pendant presque toute l'année. Le système d'industrie prédominant dérive de l'agriculture.

(1) Les villes de 5,000 habitans et au-dessus donnent une population 5,041,302 habitans. 2.634.154

de.

Les communes de 1,500 à 5,000

[ocr errors]
[blocks in formation]

(2) La statistique morale de la France a prouvé que les départemens où se trouvent le plus grand nombre de prêtres catholiques, sont ceux où l'on compte à la fois le moins de pauvres, le moins de crimes et de délits contre la propriété, et le moins de suicides.

Le commerce intérieur s'alimente de produits nationaux ; les propriétés sont très divisées, la population peu agglomérée; le prix des loyers est modique; les grands froids ne durent guère au-delà de six semaines, de sorte que le combustible et les vêtemens chauds ne sont pas un objet de première nécessité. Les machines qui économisent les bras de l'homme sont encore peu répandues dans les établissemens industriels; le travail ne manque à personne, et, en général, les salaires sont suffisamment élevés.

Dans les départemens méridionaux, les bureaux de bienfaisance ne sont que peu ou point dotés, mais la plupart des communes possèdent des terrains vagues où les pauvres peuvent mener paître des chèvres ou des brebis. Celles dont le territoire s'étend aux montagnes des Pyrénées ont même, en propriété, de très grands espaces de terre couverts de prairies ou de forêts qui recèlent des marbres et des mines de différente nature. Il est vrai que dans ces communes les propriétaires fonciers se sont arrogés le droit d'être seuls admis au partage des pâturages, parce qu'ils possèdent des masses de bestiaux capables de consommer les herbes produites par ces montagnes pastorales dont ils usurpent ainsi le monopole. Quant aux forêts, les coupes sont vendues au profit des caisses communales; les habitans non propriétaires, et par conséquent les pauvres, sont exclus des bénéfices et demeurent donc frustrés des avantages de la communauté. Ces contrées présentent un plus grand nombre d'indigens, et, pendant l'hiver, si la température est rigoureuse, la misère est excessive et douloureuse dans les classes indigentes.

A cette exception près, on peut affirmer que la condition physique des pauvres, dans la région du midi, n'est pas de nature à alarmer trop vivement l'humanité. D'une part, peu de besoins de chauffage, de vêtemens, de nourriture (car les méridionaux consomment moins d'alimens que les autres peuples); de l'autre, plus de travail, et comparati

vement de meilleurs salaires et plus d'abondance des choses nécessaires à la vie. L'activité et le goût du travail ne manquent pas non plus aux populations du midi de la France. Elles n'appartiennent point à cette zône méridionale de l'Europe où l'excessive chaleur du climat porte à la mollesse, au repos et à l'oisiveté. Le peuple de Marseille, par exemple, n'a aucun point de ressemblance à cet égard avec celui de Naples ou de Lisbonne.

Dans les départemens de l'est, placés sous l'influence d'un climat généralement tempéré et qui présente, comme le midi, la culture de la vigne réunie à la plupart des autres productions de la France, la situation des indigens est également loin d'être défavorable. Une agriculture très avancée et une industrie qui s'exerce plus spécialement sur les produits du sol et en partie dans les campagnes, occupent à l'envi les bras valides. L'instruction est très répandue et le nombre des écoles tenues par des sœurs hospitalières fort considérable. Les communes sont propriétaires de terrains plus ou moins étendus dont les pauvres profitent. Les habitans ont, en général, des droits d'affouage dans les vastes forêts royales et communales. Dans un grand nombre de localités, la majeure partie des propriétés communes est distribuée en petits lots concédés temporairement aux habitans domiciliés suivant leur rang d'ancienneté dans l'habitation. Tous ont un droit égal au parcours et à la vaine pâture dans les terres non closes, lorsque les terres communales ne sont pas divisées en portions dites ménagères. Les produits de leur location, excédant les besoins municipaux, tournent au profit des habitans. Ainsi le pauvre participe autant que le riche aux bénéfices de la propriété commune, surtout par la faculté d'élever sans frais quelques bestiaux dont le lait forme sa principale nourriture. Le nombre des indigens admis à la charge de la charité publique se trouve ainsi fort diminué sous l'influence de ce régime communal généralement

« PrécédentContinuer »