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raissait dans les derniers mois de l'année 1851. Il se demande dans la préface à qui profitera sa peine et qui lira ces trois volumes... Mais alors même qu'il n'obtiendrait pas l'attention qu'il croit mériter, il aura la satisfaction d'avoir servi la science.

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Depuis ce grand ouvrage, les publications relatives à Montpellier se succèdent sans interruption. Il serait impossible de les énumérer ici en détail. Disons seulement que dans la Bibliothèque de l'Institut elles forment quatre grands recueils in-4o, sans parler d'une Histoire du commerce de Montpellier antérieurement à l'ouverture du port de Cette (1866), qui à elle seule forme deux volumes. Quant à la valeur de ces travaux, au jugement des hommes compétents, les résultats obtenus par l'auteur peuvent être regardés comme acquis; les documents qu'il a déchiffrés, publiés, datés, répondent à toutes les exigences de la critique. La plupart de ces monographies avaient été composées pour la Société archéologique ou pour l'Académie des sciences et lettres de Montpellier. Par sa conversation, par l'exemple qu'il donnait, il répandait autour de lui la curiosité scientifique et la connaissance des vraies méthodes. Montpellier lui doit une bonne partie de son mouvement littéraire. Connu et respecté de tous, malgré la franchise de son langage, ou plutôt à cause de cette franchise, i exerçait une autorité incontestée comme l'a dit à ses funérailles un de ses collègues, l'on était fier de lui.

«En même temps, M. Germain remplissait avec une scrupuleuse exactitude ses devoirs de professeur. Depuis 1861 il était doyen de la Faculté; il exerça les fonctions du décanat pendant vingt ans, jusqu'à ce que, les trouvant trop lourdes pour son âge, il demanda d'en être relevé. Longtemps aussi il fut le bibliothécaire de la Faculté, car il aimait à tout faire par lui-même, portant en toutes choses le même amour de l'ordre. Quand il montait en chaire, sa parole un peu solennelle était d'accord avec son costume; le dernier dans nos Facultés des lettres, il persista à porter la robe en y renonçant, disait-il, il aurait cru manquer de respect à son auditoire. Ses leçons étaient écrites; mais elles paraissaient parlées, tant il savait, en mêlant des digressions, en insérant des anecdotes, imiter les allures de l'improvisation.

Sa pensée, qui aimait à se tenir dans les régions moyennes, c'està-dire dans celles de l'expérience et du bon sens, était toujours nette et claire jamais l'expression juste ne lui faisait défaut.

Dans ces dernières années notre confrère avait tourné spécialement son attention vers l'histoire de l'Université de Montpellier. Ce qu'il en a publié constitue une série à part de monographies. Il a donné, par exemple, une Étude historique sur l'École de droit de Montpellier, de 1160 à 1793. Un autre mémoire, terminé l'année dernière, traite Des anciennes thèses de l'École de médecine. Tous ces morceaux devaient entrer dans un grand travail d'ensemble que la mort l'a empêché d'achever. Il en était fort occupé, quand je le vis pour la dernière fois au printemps de l'année 1886, robuste et alerte, comme de coutume. Pendant qu'il me faisait parcourir sa maison, bâtie au centre du vieux Montpellier, sur l'emplacement de l'ancien couvent des Frères Prêcheurs, où se célébrait tous les dimanches la messe de l'Université, pendant qu'il me montrait d'un côté le vieux Collège royal de médecine, transformé aujourd'hui en École de pharmacie, de l'autre le Collège du pape Urbain V, en face le Collège de Girone, plus loin encore le Collège du Vergier ou de la Chapelle noire, je me souviens que par moments il me semblait être en compagnie d'un de ces anciens Recteurs dont il a transcrit les Registres. Il en avait la simplicité des mœurs et l'indépendance du caractère.

«Je ne saurais finir sans rappeler un dernier trait. M. Germain était un chrétien convaincu et sincère. Les professions de foi religieuses ne manquent pas dans ses ouvrages. Mais jamais l'ardeur de ses croyances n'a altéré son impartialité de savant. Dans son livre sur l'Eglise de Nîmes, où abondent les citations tirées de la Bible et des Pères de l'Église, et qui est dédié à MgTM Jean-François-Marie Cart, évêque de Nîmes, l'auteur, amené par la suite du récit à la révocation de l'édit de Nantes, ne craint pas de dire e que c'est un de ces mystères d'iniquité sur lesquels la science historique n'a pas encore donné son dernier mot ». Parole qui honore le catholique en même temps qu'elle donne confiance en l'historien !

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Ce qui frappe surtout dans cette vie, c'est la continuité et

IMPRIMERIE NATIONALE.

l'unité. Il semble que pas un jour n'en ait été perdu. Tandis que tant d'autres jeunes maîtres, transportés au loin, déclarent que le travail, hors de Paris, est impossible, ce Parisien s'est fait méridional par adoption et est devenu comme la personnification du Montpellier savant et lettré. Il avait lancé l'idée d'une grande fêté universitaire à célébrer en 1889, en l'honneur du sixième centenaire de la réunion des écoles de Montpellier en Université, par le pape Nicolas IV, en 1289. Alexandre Germain manquera cette fête dont il eût été l'âme consciente du passé. Mais ses ouvrages seront présents pour lui et le rappelleront à tous. Il est de ceux qu'on ne peut oublier, parce qu'il a rendu des services qui lui survivent. Montpellier lui doit une reconnaissance durable et notre Académie un affectueux souvenir.»>

Le SECRÉTAIRE PERPÉTUEL donne lecture d'un décret, en date du 2 février, par lequel l'élection de M. Viollet, comme membre ordinaire, est approuvée. M. Viollet est introduit dans la salle des séances. Le Président l'invite à prendre place parmi ses confrères.

Le Ministre de l'instruction publique adresse à l'Académie la liste des archivistes paléographes nommés par un arrêté, en date du 1er février dernier, pris conformément aux propositions du Conseil de perfectionnement de l'École des chartes. Cette liste sera lue dans la prochaine séance publique.

Le SECRÉTAIRE PERPÉTUEL donne lecture: 1° de son rapport sur les Travaux des Commissions de publication de l'Académie pendant le second semestre de l'année 1886 (1); 2° de la lettre de M. Le Blant, annoncée dans la séance précédente (2).

L'Académie procède à l'élection d'une Commission chargée de présenter des candidats à la place d'associé étranger, vacante par suite du décès de M. Madvig. Sont élus MM. Renan, Perrot, G. Paris, G. Boissier.

M. le marquis D'HERVEY DE SAINT-DENYS met sous les yeux des membres de l'Académie divers objets qui ont été trouvés dans l'intérieur d'une idole d'un temple de Hué (Cochinchine), et qui

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lui ont été communiqués par M. le capitaine Delaunay, de l'artillerie de marine. Ce sont :

Un morceau d'étoffe de coton;

Un écheveau de fils de soie;
Un petit miroir rond;

Un imprimé bouddhique en langue chinoise.

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M. d'Hervey de Saint-Denys ne cherche pas à savoir comment ces objets sont sortis de l'intérieur de l'idole où ils étaient enfermés. H se contente d'examiner ce qu'ils signifient et l'époque à laquelle pourraient remonter des monuments du même genre.

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En ce qui regarde particulièrement la statue dont on vient de faire l'autopsie, cette dernière question n'a pas d'importance, car l'imprimé qu'elle contenait porte un nom d'année qui répond à 1830. Elle était donc bien moderne; mais la pratique religieuse d'enfermer des objets semblables dans les idoles remonte à une époque déjà très ancienne et c'est sur ce point qu'il est bon de donner quelques détails.

Suivant un ouvrage chinois consulté par M. d'Hervey, le mor ceau d'étoffe et les fils de soie sont des symboles représentant la chair, les nerfs et les veines qui doivent compléter l'incarnation de la divinité figurée. Le miroir indique sa clairvoyance; les actions et les pensées les plus secrètes des hommes viennent s'y réfléchir.

Ce fut seulement sous la dynastie des Han, c'est-à-dire vers lé commencement de notre ère et après l'introduction du bouddhisme à la Chine, que l'on imagina de représenter des esprits sous des formes sensibles, et ce fut seulement sous les Tang (vir, vir et Ix siècles de notre ère) que l'on commença à enfermer des symboles à l'intérieur des statues bouddhiques de la Chine. A l'origine, cet usage ne s'appliquait qu'aux grandes statues des grands temples; plus tard, il s'étendit aux moindres idoles. Mais la doctrine de Confucius et de l'école des lettrés n'a point admis les idoles et le Chang-ti n'a jamais été représenté.

M. ALEXANDRE BERTRAND SOUmet à l'examen de l'Académie divers bijoux trouvés par M. Philippe Delamain dans un cimetière mé

rovingien situé à Courbillac, près de Jarnac (Charente). Cette communication provoque plusieurs observations de M. Deloche. M. Bertrand et M. Deloche s'accordent à reconnaître dans ces bijoux des produits de l'industrie des Francs. On en avait trouvé souvent de pareils dans la région du nord-est de la Gaule, mais jamais en Aquitaine (1).

SÉANCE DU 11 février.

Le SECRÉTAIRE PERPÉTUEL lit les lettres de candidature de MM. Hartwig Derenbourg, Clermont-Ganneau, Léon Gautier et l'abbé Duchesne au fauteuil laissé vacant par suite du décès de M. N. de Wailly. L'Académie se forme en comité secret pour l'examen des titres de ces candidats.

La séance redevient publique.

M. HÉRON DE VILLEFOSSE Soumet à l'Académie, au nom de M. L. Maxe-Werly, divers objets antiques de l'époque romaine, trouvés dans un puits à Grand (Vosges). Ce sont des vases de bronze et de terre, différents ustensiles de fer, par exemple une scie à main, serrula manubriata, pièce rare dans les collections, deux cadenas bien conservés et encore pourvus, l'un de sa chaîne, l'autre de son anse, articulée au milieu de l'arc. La pièce la plus importante est un fragment de calendrier ou horologium romain. M. Héron de Villefosse donne lecture d'une note de M. le lieutenant-colonel G. de La Noë, qui décrit en détail la construction et l'emploi de cet instrument.

Le calendrier se compose d'un disque de bronze, mesurant exactement un pied romain de diamètre. Sur le bord, à peu de distance de la circonférence, sont disposés des trous, dont le nombre répond à celui des jours de l'année bissextile. Pour faire connaître le nom du jour que représentait chaque trou, des inscriptions ont été placées de distance en distance: elles désignent, dans chaque mois, le huitième jour des calendes, les

(1) Voir aux COMMUNICATIONS, n° VIII, la note de M. Al. Bertrand et les observations de M. Deloche.

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