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a fait voir qu'il donnoit tout à l'intérêt public, et rien à la faveur.

Hors ces cas d'une juste sévérité, et tous ceux où la fermeté est nécessaire, il ne s'est annoncé que par sa bonté, son affabilité et sa douceur. Rempli de condescendance et d'égards; plein de dignité, mais sans fierté et sans hauteur; faisant respecter la Religion par sa conduite; honorant la vertu dans toutes les conditions; récompensant partout le mérite supérieur, les connoissances utiles et les talens distingués; ne choisissant, pour les places, que les hommes les plus capables et les plus intègres ; faisant jouir la Noblesse de toutes les prérogatives, et de tous les avantages qui lui sont dûs dès qu'elle en est digne; ménageant à la Province des grâces essentielles, toutes les fois qu'il a été à portée de les lui procurer; adoucissant le joug de l'autorité de la part du Monarque, en même tems qu'il lui assure la soumission de ses sujets; se montrant tout à la fois l'homme du Prince et l'homme du peuple; il a fait chérir son administration; il a épuré les mœurs; il a fait fleurir l'agriculture, le commerce et les arts, dont il éloigne tout ce qui n'est propre qu'à amollir et à corrompre; il a rétabli le crédit au moment où il étoit près de se perdre ; il a rendu

rendu à la Province une partie de son ancien éclat; et s'est acquis pour lui-même la considération, le respect et l'amour de tous les Ordres qui la composent. Il ne s'est pas enrichi, il est vrai; mais est-il, mon père, des · gains plus réels que ceux qu'il a faits? Il a enrichi tout un peuple, dont il obtient chaque jour les bénédictions et les éloges; et il laisse à ses enfans, pour héritage, son nom et le souvenir de ses vertus.

Pourquoi faut-il que de pareils exemples soient si rares (5)? Eh! ne seroit-on pas assez payé du bien que l'on fait, quand il en coùteroit davantage pour le faire ?

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NOTES.

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(1) Les violences, les concussions, les rapines furent éclai rées de près, punies et réprimées, etc. Il n'est pas étonnant qu'il y ait de ces sortes d'abus dans les Provinces, puisqu'il s'en glisse de si crians aux portes mêmes de la Capitale. Des taxes et des amendes arbitraires, de faux procès-verbaux, des saisies injustes et ruineuses, des envois de la Province ou des Pays étrangers, changés de nature en passant par la main des Commis, tant d'autres,., rapines dont on a des exemples journaliers, sont précisément ce qui occasionne les murmures et ce qui multiplie les fraudes. Ce n'est certainement pas l'intention du f Ministère ; ce n'est pas, on doit le croire, l'intention des Fermiers; c'est donc aux Commis qu'il faut s'en prendre:› Tome V. N

et comment réprimer leurs vexations? En rendant public chaque année, en faisant même afficher aux barrières, le tarif des entrées; en recevant les plaintes contre les exacteurs, bien loin de les soutenir et de rendre leurs préposés juges dans leur propre cause; en ne permettant pas qu'ils se renvoient l'un à l'autre le délit, de manière qu'on ne puisse savoir à qui on doit l'imputer; en leur faisant porter avec la plus grande sévérité la juste peine de leurs vexations et des frais qu'elles occasionnent. Qu'on prenne toutes ces précautions, le commerce en sera plus libre, les droits justement dûs en paroîtront moins onéreux, et en seront plus respectés.

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(2) Achevoit de décourager les laboureurs, qui ne trouvoient point d'issue pour leurs denrées. D'après toutes les observations qu'on a faites, il paroît que deux excès opposés sont également à craindre sur cet article: l'un est la trop grande difficulté de l'exportation et du transport, soit par le mauvais état des routes et la difficulté des débouchés, soit par l'excessive contrainte imposée à cet égard; l'autre est la trop grande liberté d'exporter, non pas de Province à Province, mais dans les pays étrangers. » On a beaucop écrit, depuis plusieurs années, en faveur de la liberté du commerce des grains et de l'exportation; et on l'a fait avec une chaleur inconsidérée, qui a obscurci le jugement des têtes les mieux organisées. On n'a pas senti, qu'en se privant de son superflu, sur l'espérance d'une récolte incertaine, avant d'avoir mis en réserve une suffisante quantité de bled, on rend précaire la vie du peuple, et qu'on l'échange contre l'or des commerçans et des monopoleurs, qui hâtent le moment de la disette pour faire rentrer leurs fonds avec usure. On n'a pas même senti que le renchérissement d'une denrée de laquelle la vie de l'homme dépend, entraîne avec lui la chûte des Manufactures et des Arts, et l'émigration de

ceux dont les biens, l'industrie, ou le travail ne peuvent atteindre le prix des grains; que ce n'est qu'en faisant consommer à bas prix, sur les lieux, le surplus des récoltes, qu'on peut faire fleurir les Arts, augmenter les Manufactures, et encourager la population par la certitude de l'abondance; et qu'en tout cas, si l'exportation peut avoir quelques avantages, ce ne seroit qu'en la restreignant au superflu; mais qu'il ne peut y avoir de superflu, que lorsque le nécessaire est assuré et sous la main, pour ainsi dire, dans des greniers d'abondance toujours prêts à être ouverts dans les disettes: car plus la population est considérable, plus les disettes sont à crain→ Supplément à l'Encyclopédie, tome I, au mot Abon

dre «. dance.

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(3) L'espèce d'appauvrissement où les avoient réduites de grands projets mal concertés, ou des dépenses ruineuses et › superflues. L'instabilité des fortunes paroît un petit mal. Si un prodigue se ruine, direz-vous, un autre s'enrichit, et l'État ne se ruine pas *. Mais d'abord, cet homme fait tort à plusieurs particuliers qu'il ne paye pas; et dans ces sortes d'affaires, ce sont presque toujours les malhonnêtes gens qui se tirent d'embarras, par les premiers gains qu'ils ont faits. Le Chef de l'administration doit prévenir ces désordres. J'abhorre ces politiques, qui croiroient se déshonorer, si, dans leurs vastes projets,

* Que diroit-on d'un père de famille, qui, voyant que son fils dissipe tout son bien, s'en inquiéteroit peu, sous prétexte qu'il en dépense une partie chez l'un de ses frères, qu'il en fait autant dans la maison de l'autre, et qu'ainsi tout n'est pas perdu pour la famille? Le Prince est le père de tous ses Sujets ; il doit penser que si l'un d'entre eux s'appauvrit par un luxe excessif, c'est déjà un grand mal pour celui qui se ruine, et dont l'intérêt particulier doit être de quelque prix à ses yeux ; c'en est un pour toute la société, à laquelle, rar son appauvrissement, il devient souvent inutile et quelquefois même onéreux; c'en est un relativement aux dépenses ruineuses qu'on lui laisse faire, puisqu'après tout, le bien qu'il dissipe passe en grande partie dans des mains étrangères.

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les particuliers étoient de quelque considération. Ils n'ont, selon moi, que des idées vagues ; le tout est la réunion des parties. Et pensez-vous d'ailleurs que le commerce ne souffre pas de cette variation perpétuelle ? Le Commerçant donnera-t-il sa confiance, quand il verra que les fortunes les mieux établies manquent tout à coup? Se risquera-t-il facilement à faire des affaires importan→ tes avec un homme nouvellement sur la scène ? Dans le commerce, il existe une Noblesse d'ancienneté de maison. La probité et l'économie soutiennent la considération acquise par les ancêtres «. Entretiens de Péri

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De ces principes si vrais, que de conséquences à tirer contre le luxe, contre nos mœurs actuelles, contre l'éducation et la façon de penser de nos jeunes gens, qui ne savent plus que dissipper la fortune de leurs ancêtres, au lieu de la soutenir et de l'augmenter au profit de l'État! Du petit au grand, dans toutes le conditions, et sous quelque rapport qu'on la considère, la stabilité des fortunes est, pour la législation même, d'un beaucoup plus grand intérêt qu'on ne pense.

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(4) Un présent reçu par un de ses Officiers, à qui on l'avoit offert pour l'intéresser à une cause juste d'ailleurs, a suffi pour le faire chasser. Les Mémoires de la maison de Noailles nous offrent un bel exemple en ce genre. » Les modèles de probité, dit M. l'Abbé Millot, sont rares dans tous les tems; dans le nôtre, où ils sont plus nécessaires que jamais, un Historien doit les saisir avec ardeur, et les citer avec courage, pour apprendre du moins au vice à rougir. M. d'Aguesseau (Intendant du Languedoc, digne père du célèbre Chancelier), loin de favoriser, pour ses amis ou ses subalternes, des profits honteux sur les objets de l'administration, regardoit comme un opprobre qu'on achetât leurs services: ayant

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