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gés à donner, comme ils l'ont fait, un témoignage public de leur reconnoissance. Le secret et la promptitude ont favorisé cette démarche, que M. de Lausane n'a pu parer.

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Non content de ce premier succès, M. de Verzure a fait sous main des informations.. Il a su, par un transfuge, qu'un Secrétaire de mon mari, dont je crois vous avoir parlé *, étoit passé dans le camp des ennemis peu de tems après être sorti de prison; qu'il s'y étoit introduit auprès du Cénéral et avoit su gagner sa confiance. Il a pensé que cet homme avoit pu servir d'instrument à M. de Lausane pour le complot qu'il avoit tramé, et, sur cette idée, il est parti aussitôt pour aller communiquer au Monarque, dont il connoît le tendre attachement pour Valmont, les soupçons qu'il a formés..

Voilà, mon père, l'état où sont les choses.. Le Ciel se déclare-t-il en notre faveur? Veutil faire éclater sa justice, et l'innocence de mon mari? Je commence du moins à m'en flatter et à rougir de ma défiance. Déjà, après la dernière lettre que je vous ai écrite, je me sentois plus forte et plus résignée: maintenant que j'ai tant de raisons d'espérer, il me semble que ma soumission augmente; je me crois prête à tous les sacrifices; j'accepte,

* Voyez la soixante-quatrième Lettre, vers la fin.

en supposant des évènemens contraires, tout ce qu'il plaira à Dieu d'ordonner. Mais j'ai trop appris à ne me défier que de moi-même. Hélas! que deviendroit cette prétendue force, s'il plaisoit au Seigneur d'anéantir toutes mes espérances?

LETTRE LXX I V.

De la même.

O JOIE! & bonheur ! M. de Verzure est

arrivé. Nous reverrons Valmont. Nous le reverrons justifié. Le Secrétaire est en route..... Le Roi saura bientôt..... L'Ambassadeur de ce grand Prince, de ce digne Monarque...... Mon père, je ne sais ce que je vous écris. Je vais voir la Reine.... Je reprendrai ma lettre, quand je serai un peu remise. Ah! mon père, que n'êtes-vous au milieu de nous !

Je reviens promptement de chez la Reine, pour ne pas laisser passer l'heure du courrier. Peut-être me posséderai-je un peu plus que lorsque j'ai commencé ma lettre. J'avois différé de vous écrire, jusqu'à ce que j'eusse quelques nouvelles intéressantes à vous marquer. L'arrivée de M. de Verzure ne nous permet plus que de nous répandre en louan

ges, en actions de grâces envers le ToutPuissant, et en sentimens de reconnoissance envers nos généreux bienfaiteurs. C'est surtout à M. de Verzure, que nous devrons, après Dieu, l'honneur, la vie, et la gloire de mon mari. Le Prince, auprès duquel il a signalé son zèle pour le Comte, l'a accueilli avec le plus tendre empressement; il sembloit que c'étoit lui-même que M. de Verzure obligeoit ; il est entré dans toutes ses vues, et a dépèché sur le champ un courrier au Général de l'armée ennemie, avec cette lettre.

» Vous avez près de vous, Monsieur le » Maréchal, un ancien Secrétaire de M. le >> Comte de Valmont, que je crains bien qui » n'ait trempé dans le complot qu'on a formé » pour le perdre. Ce n'est point le Comte » qui vous l'a adressé. Je puis vous être ga>> rant de sa fidélité envers son Prince. Ju» gez-en par une réponse qu'il m'a faite et >> que je vous envoie. Je connois, Monsieur » le Maréchal, la noblesse de vos sentimens; >> vous êtes incapable de contribuer à la >> perte d'un homme plein de mérite et d'hon» neur, en autorisant la plus noire de toutes » les perfidies. Interrogez ce Secrétaire, me»> nacez-le, intimidez-le: s'il est, coupable, » comme j'ai lieu de le penser, vous tirerez

» de lui le secret de toute cette intrigue; et >> vous saurez jusqu'à quel point, en vous >> compromettant vous-même, on aura violé, » à l'égard du Comte, les droits les plus sa»crés. Après l'aveu du complot, daignez >> m'envoyer ce Secrétaire sous bonne garde. >> Je me charge de le faire passer en France. » Sa présence y justifiera M. de Valmont, » et éclairera le Prince sur le caractère de » ceux qui ont si indignement abusé de sa >> confiance »>.

Le même Courrier a rapporté au Monarque cette réponse.

SIRE,

» Je ne me pardonnerai jamais d'avoir si >> mal jugé de M. de Valmont. J'ai été trompé » par les apparences. L'intérêt, l'ambition, >> des mécontentemens particuliers, ont jeté » tant de grands hommes dans des partis >> extrêmes, et leur ont fait oublier si sou» vent ce qu'ils devoient à leur Prince et » ce qu'ils se devoient à eux-mêmes, que » j'ai pensé que les mèmes causes avoient pu » produire en lui les mèmes effets. J'aurois » dû, il est vrai, sur sa réputation, me for>> mer de lui une autre idée; mais les moyens » dont on s'est servi pour me surprendre, sa

>> signature contrefaite, son cachet qu'on y >> avoit joint, les instructions qu'il étoit sup» posé me donner, les propositions, les ou» vertures, et les vues qu'on lui prêtoit, >> étoient si fort de nature à m'en imposer, » que je n'ai pas eu le moindre soupçon des » piéges qu'on lui tendoit ainsi qu'à moi. » J'envoie à Votre Majesté, comme elle le » désire, celui qui a été l'instrument de tant » de noirceurs. Ce malheureux m'a tout » avoué. C'est M. de Lausane qui l'a mis en » jeu. C'est au Vicomte qu'a été remise une » lettre que j'écrivois à M. de Valmont, >> et qui contenoît les arrangemens que je >> croyois prendre avec lui. C'est sur cette » lettre qu'on l'a arrêté. Parmi tous les re>> proches que je me fais, et les peines que >> je ressens, quelle consolation pour moi, » Sire, que Votre Majesté ait bien voulu me >> rendre justice, en me croyant incapable >> d'autoriser de pareilles infamies! Si j'avois >> maintenant quelque chose à envier à M. le >> Comte, ce seroit l'attachement qu'un si >> grand Prince lui témoigne, et qui honore >> également l'ami et le Monarque. Je ne >> vais plus former de vœux que pour la >> paix, qui en assurant le repos de tant de » Nations, me permettra d'aller me mettre » aux pieds de Votre Majesté, etc. «.

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