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d'être utile au Prince en l'éclairant; de relever l'honneur de la patrie; de la soutenir sur le penchant de sa ruine; d'y faire refleurir, s'il se peut, l'ancien esprit, le vrai courage, le patriotisme, la Religion, les mœurs; de secourir enfin l'humanité souffrante, en soulageant le peuple et en le rendant tout à la fois plus sage et plus heureux ?

LETTRE LXXVIII

Du Marquis, au Comte et à la Comtesse de Valmont.

Oui, mes chers enfans, vos vœux sont remplis. J'oublie mes anciennes résolutions, ou plutôt, je cède à l'intention de la Providence, qui semble avoir tout fait pour les changer. Je vais jouir du doux spectacle de votre bonheur mutuel; je vais passer près de vous le reste de mes jours; et s'il est vrai qu'ils puissent être encore de quelque valeur, je consacrerai jusqu'à mes derniers momens à un Prince, qui, appuyant son Trône sur la sagesse et sur l'équité, n'a besoin que de consulter ses propres lumières et son cœur, pour être le meilleur des Rois et le plus digne de notre amour. Lorsque je sens mes forces re

naître, qu'ai-je besoin de ses ordres pour aller lui rendre grâces de tout ce qu'il daigne faire pour mon fils?

Cher Valmont! le Ciel a donc fait voir que plus il est lent à punir, plus ses châtimens sont terribles *. Trop heureux encore le coupable contre lequel il ne remet point à une autre vie à exercer ses vengeances! Pour nous qui éprouvons sa bonté, ne cessons de le louer et de le bénir. Mettons en commun les faveurs qu'il nous dispense. M. de Veymur les reçoit avec transport; notre chère Senneville, notre aimable Hortense ne peuvent contenir les tendres sentimens dont elles sont pénétrées: mais, parmi tant de sujets de joie, elles donnent encore des larmes au souvenir de Julie.

* Dieu est patient, a dit un Père de l'Église, parce qu`il

est éternel,

RÉFLEXIONS

Trouvées dans les papiers de M. de Valmont, sous ce titre :

Le fruit des leçons de mon père, et mon plan de conduite au milieu du Monde.

DANS les quinze années de mon exil, éclairé par les leçons, soutenu par les conseils du guide le plus sage et du plus tendre de tous les pères, j'ai pu suivre sans peine la route qu'il m'avoit tracée. Aujourd'hui, privé de sa présence, livré plus que jamais, par état et par devoir, au tourbillon du monde; mûri, il est vrai, par l'âge et par les réflexions, mais environné de plus de dangers encore que je n'en ai couru dans ma première jeunesse, assailli par les passions des autres, et devant toujours craindre les miennes ; je sens combien il m'est nécessaire de rentrer en moimême, de me rendre compte de mes dispositions, et de me former un plan fixe, qui serve de règle à mes sentimens et à ma conduite.

* Voyez la vingt-septième Lettre, tome IV. On a cru qu'il étoit d'autant plus convenable de mettre ces Réflexions et ce Plan sous les yeux du Lecteur, qu'ils sont comme le Précis de tout ce qui a été dit dans ces Lettres.

Les funestes égaremens auxquels se laissent aller la plupart des hommes, et dont j'ai fait la triste expérience, naissent, pour l'ordinaire, ou du peu de principes qu'ils se sont faits, ou du peu de soin qu'ils prennent de les consulter; ce qui les rend le jouet de l'illusion et du caprice, et les expose à tomber à chaque instant en contradiction avec eux-mêmes.

Pour me mettre à l'abri de tous les maux que cette bizarrerie entraîne, considérons quel est le point d'où je pars, et quel est le but auquel je dois tendre.

Je puis me passer maintenant de discussions profondes sur tout ce qui a été anciennement l'objet de mes recherches. Je ne suis plus réduit, comme autrefois, à examiner si la matière et le mouvement ont pu produire des êtres intelligens; si, dirigés par la nécessité ou par le hasard, ils ont pu former ce monde, où éclatent de toute part l'ordre et la sagesse. Des preuves de sentiment, moins de raisonnemens et plus de bonne foi, suffisent à une ame droite. :

Il falloit à mon cœur un Être aussi parfait que celui que m'offre la Religion. C'étoit là mon premier besoin; et j'avoue que je serois à plaindre, si la réalité n'alloit pas en ce genre jusqu'où peut aller ma pensée, et aussi

loin que mes désirs. Tout ce qui est imparfait, n'a de force que pour me faire soupirer après un objet sans défaut. Qu'il seroit donc triste pour moi d'avoir à douter de son existence ! Mais indépendamment de toutes les démonstrations qu'on m'en a données, j'ouvre les yeux, je contemple la Nature; je me contemple moi-même; et j'adore la souveraine Intelligence qui m'a formé. Je fais plus; je remonte à la véritable source de mon penchant pour le bonheur; je la trouve dans cet Étre suprême, qui en a imprimé en moi le désir, et qui peut seul le satisfaire. Je ne doute plus ; je n'hésite plus; et en attendant cette félicité parfaite pour laquelle je sens qu'il m'a créé, j'en jouis d'avance par l'amour et par l'espérance.

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C'est déjà là un premier culte que je lui rends: mais il en est un autre qu'il exige de moi; c'est celui de la vertu, pratiquée sous ses yeux, et dans la vue de lui obéir et de lui plaire.

Je rougis d'avoir pu mettre en question s'il y a une différence réelle entre le bien et le mal; si je suis libre de faire le bien ; si l'Auteur de mon être regarde du même œil la vertu et le vice, et leur réserve le même sort. Des doutes de cette nature, démentis par l'instinct moral, plus fort que tous les

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