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absurde que celui où l'on entreprendroit de lui donner ces fondemens solides, qui n'ont lieu que pour le Christianisme.

Ce court exposé a fait sur le Monarque une impression profonde. Jusque-là sans doute il n'avoit été que foiblement instruit de tout ce qui démontre la vérité et la grandeur de notre sainte Religion. Frappé de l'éclat d'un si beau jour, il m'a rendu les plus vives actions de grâces des connoissances précieuses qu'il venoit d'acquérir. Je conçois maintenant, a-t-il ajouté, ce que je dois penser de la doctrine de l'influence des climats, par rapport à la Religion. Dès qu'on a prouvé qu'elle est émanée de la Divinité, il s'ensuit que ce n'est plus une de ces institutions arbitraires, que la Politique peut plier à son gré; que bien loin que ses principes soient de nature à varier selon les lieux et les circonstances, une fois développée, elle doit, pour tout ce qui constitue son essence, être invariable comme Dieu même; que, souverainement dans tous ses desseins et dans toutes ses œuvres,

sage

il n'a pu que la proportionner aux besoins de tous les hommes, dans toute espèce de Gouvernement, sous toutes sortes de climats, et la rendre propre à tous les lieux comme à tous les tems.

Cela est si vrai, ai-je repris, qu'en effet le Christianisme a fleuri avec un égal succès dans les climats les plus opposés. Il n'en est point qu'il n'ait embrassé, et où il n'ait porté les plus heureux fruits, lorsqu'il y a régné dans toute sa force et sa pureté *. Le climat influe sans contredit sur l'esprit et sur le tempérament des diverses Nations; parce qu'il influe sur les organes, qu'il les rend plus ou moins flexibles, qu'il rend plus prompt ou plus lent le cours des esprits animaux: mais il ne détermine pas nécessairement le caractère moral des différens peuples, leurs vertus et leurs vices, et il ne fut jamais incompatible avec la vraie Religion.. Aussi voyons-nous combien, par la seule influence des causes morales, politiques et religieuses, tantôt agissant de concert, et tantôt opposées l'une à l'autre, les mêmes peuples ont changé en différens tems de caractère, sans changer de climat..

Mais, Sire, il est une dernière question que vous m'avez faite, et qu'il est important de résoudre, quelque grande que soit l'idée que vous vous formez maintenant de la Re

» On a prétendu, dit M. de Voltaire, que les reli>gions sont faites pour les climats. Mais le Christianisme a régné long-tems dans l'Asie; il commença dans la » Palestine, et il est venu en Norwège «

ligion chrétienne. Cette seule Morale naturelle, m'avez-vous dit, qui consiste à craindre Dieu, à servir sa Patrie, à être juste, ajoutons même, à être bienfaisant, ne suffiroit-elle pas aux hommes?

que

Sans doute, mon. Prince, elle auroit pu leur suffire dans cet âge d'or, dont les Poëtes nous ont tracé de si douces images, comme un reste des plus anciennes traditions. Elle eût suffi dans l'état du premier homme, tel que nous le répresente la Religion elle-même; dans cet état, où, n'ayant pas encore perdu sa droiture originelle, il n'avoit des notions exactes et précises, des lumières vives et pures, une connoissance profonde de la Divinité, dont la présence lui étoit familière, qu'il retrouvoit dans toutes ses œuvres, et avec laquelle il formoit l'union la plus intime; dans cet état, où son cœur étoit naturellement bon, où ses penchans. n'avoient rien que de légitime, où toutes ses inclinations étoient bienfaisantes, où il étoit juste par goût et par principes, sans que rien altérât cette droiture qui étoit en lui. Mais en prenant l'homme tel qu'il est, avec un entendement obscurci par les plus épaisses ténèbres, sujet à mille erreurs, rempli de notions confuses, faussés, ou incertaines; avec un amour-propre déréglé;

avec le sentiment d'un intérêt personnel, presque toujours aveugle et exclusif; avec des sens impérieux et rebelles, des passions ardentes et fougueuses; cette Morale naturelle ne lui suffit pas. Lui dire, Crains Dieu, sans le lui faire connoître par la révélation, c'est l'abandonner aux fausses idées des Dieux qu'il se sera faits, c'est lui permettre de se forger une Divinité fière et dédaigneuse, ou facile et complaisante, au gré de ses passions. Lui dire, Sers ta Patrie, sans l'attacher à elle par le genre de soumission que la Religion lui prescrit (3), c'est lui laisser, comme le font nos Sages, le droit de juger ceux qui nous gouvernent, et de déterminer ce que la Patrie nous doit, avant de lui rendre ce qui lui est dû. Lui dire, Sois juste, sans lui donner, d'après la Religion révélée, les vraies notions de toute justice, c'est le livrer au risque d'établir pour règle de sa conduite une justice incomplète, arbitraire, opposée aux vrais intérêts de la Société, et dont il étendra ou restreindra les devoirs selon ses goûts et ses intérêts particuliers. A l'entendre, il sera juste et ne fera de tort à personne, parce qu'il n'envahira pas la fortune d'autrui: mais il ne craindra pas de ravir à un citoyen le cœur de son épouse, l'honneur do sa fille; et l'adultère ou la séduction, sous le

nom de galanterie, ne seront pour lui qu'un jeu. Il se flattera d'ètre rempli de droiture dans ses procédés, d'être fidèle à ses engagemens, de tenir exactement sa parole; mais il sera prodigue, fera des dettes, et mourra insolvable. Lui dire, Sois bienfaisant, et ne pas lui apprendre, d'après la Religion, le légitime usage qu'il doit faire de ses facultés ou de ses richesses, c'est lui permettre de régler ses prétendus bienfaits sur son goût pour le luxe, pour les plaisirs, et pour tous ceux qui les favorisent; c'est lui laisser croire que, par de grands mots et quelques actes d'humanité et de bienfaisance, souvent mal entendus, il a satisfait en ce genre à toute espèce de devoir; c'est lui laisser oublier la chaîne qui lie toutes les vertus, et qui ne se trouve d'une manière exacte et précise que dans les lumières que nous donne le Christianisme; c'est le dispenser peut-être de la noblesse et de la pureté des motifs

*

* Qu'est-ce que la vertu ? dit un Sage dans un code philosophique. C'est de nous faire du bien. Fais-nous-en, cela suffit: nous te ferons grâce des motifs. Ainsi, un bienfait dicté par l'intérêt, par la volupté, par la vanité, sera un acte de vertu.

Aussi l'Auteur du Livre de l'Esprit a-t-il dit que » Le désir de plaire, qui conduit la femme galante chez le Rubanier, chez le Marchand d'étoffes ou de modes, lui fait non seulement arracher une infinité d'Ouvriers à l'indi

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