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mauvaises intentions, et lui permettait un semblant d'indépendance pour mieux l'asservir.

De temps à autre, quelque pair insoumis tentait de faire entendre de fières paroles, rappelant la chambre à de plus dignes sentiments, et la provoquant à donner des preuves de virilité. Le vieux corps usé s'affaissait sur lui-même et subissait humblement ou les ordres du ministre ou la suprématie de l'autre chambre.

C'était surtout à la fin des sessions, au vote du buget qu'apparaissait, dans toute son étendue, la nullité du Luxembourg. Lorsque arrivaient dans l'enceinte les lois financières, les députés se dispersaient dans leurs provinces, sans attendre une sanction qu'ils savaient obligée. La pairie se plaignait d'être traitée d'une façon aussi cavalière ; mais là se bornait son courage; ses plaintes ne servaient qu'à mieux constater l'insulte, et elle-même la justifiait en votant ce qui lui était commandé plutôt que demandé.

Rien ne prouvait mieux l'inutilité d'une seconde chambre, et cette démonstration périodique ébranlait, chaque année, les fondements du vieux palais.

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En fait, tous les pouvoirs étaient concentrés dans la chambre des députés; elle seule faisait et défaisait les ministères, elle seule donnait aux lois leur autorité; ce qu'elle ne discutait pas, n'existait pas, ce qu'elle votait n'avait besoin d'autre sanction. En vain la charte parlait des deux chambres; il n'y en avait véritablement qu'une; en vain l'on invoquait le droit : le droit sans application, sans force, le droit éludé, vaincu, inutile disparaissait devant le fait. Et le fait était l'humiliation, l'annulation acceptée par la pairie elle-même, et, ce qui était plus grave, acceptée par le public.

Le droit d'amender le budget n'existant plus au Luxembourg, la discussion ne pouvait être ni longue, ni sérieuse. Le projet fut sanctionné dans la séance du 14 juillet. Le 15, eut lieu la clôture du parlement.

Ce jour même s'accomplissait à Londres une trahison diplomatique qui devait troubler la paix de l'Europe et amener la chute du ministère du 1er mars.

CHAPITRE V.

Nouvelles subventions accordées aux journaux.- Article 696 du code

de procédure.

de M. Golbéry.

Pétitions pour la réforme électorale.

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- Discours de MM. Arago et Garnier-Pagès. M. Thiers et le suffrage universel. Abnégation de la gauche dynastique. Incident sur deux écrivains de la presse. · Effets extérieurs du rejet de la pétition. - Banquets patriotiques. — Projet de banquet à Saint-Mandé obstacles créés par la police. - Protestation des gardes nationaux. Ajournement du banquet. Banquet de Châtillon. Banquets dans les départements.

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Le ministère du 1er mars avait traversé à grand'peine une session parlementaire de trois mois, transigeant avec les uns, rusant avec les autres, ne prenant d'autorité sur personne. Le roi, qui l'avait subi comme une nécessité, ne lui offrait ni appui, ni bonne volonté ; la gauche, qui l'avait accepté comme une espérance, perdait jour par jour ses illusions; les radicaux, qui l'avaient accueilli avec méfiance, voyaient justifier toutes leurs craintes. Aucune satisfaction n'était accordée à de légitimes réclamations; la presse restait opprimée sous une législation brutale, les droits élec

toraux demeuraient un privilége aux mains d'un petit nombre. La corruption moins audacieuse, mais non moins active, se cachait sous de faux semblants de puritanisme. Le ministère avait solennellement déclaré qu'il renonçait à subventionner des journaux, et, en effet, les subventions connues étaient supprimées. Mais elles étaient aussitôt remplacées par voie détournée. Le Messager était acheté au compte du ministère; une revue hebdomadaire recevait une subvention de 30,000 fr.; une autre subvention était déguisée sous forme de prise d'actions. Le Moniteur Parisien devenait, moyennant indemnité, un organe semi-officiel. Enfin, il se glissait à cette époque dans le code de procédure un article qui sous des apparences inoffensives devait être pour la corruption une arme nouvelle, et d'autant plus dangereuse que l'agent de corruption était la magistrature.

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Cet article résultait d'un mauvais amendement introduit dans une bonne loi. On sait que dans les ventes d'immeubles par autorité de justice, le code de procédure prescrivait des formalités ruineuses pour toutes les parties, et par les délais et par les frais obligés. Ramener ces formalités à toute la rapidité, à toute la simplicité compatibles avec les intérêts divers engagés dans la procédure, tel fut l'objet d'une loi soumise par le gouvernement aux délibérations de la chambre des pairs.

La loi était un progrès et fut discutée avec calme et maturité. Mais à l'article 696, M. Mérilhou demanda que ce ne fût plus le poursuivant, mais les cours royales qui désignassent les journaux où seraient insérées les annonces judiciaires. Cet amendement adopté laissait désormais à l'arbitraire d'une magistrature trop docile la faculté d'accorder

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