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importe de resserrer tous les liens qui unissent les hommes de la même opinion; qu'il importe d'éclairer le pays sur la nécessité de la réforme, et que toute manifestation du parti démocratique emprunte une nouvelle autorité quand elle se rattache à quelqu'une de ces traditions qui rappellent la toute-puissance de la souveraineté nationale;

Après avoir pris l'avis de nos camarades, nous avons résolu ce qui suit :

«1° Le banquet du 14 juillet n'aura pas lieu;

« 2o Il est ajourné au mois d'août prochain. » Cette pièce, empreinte de modération en même temps que de fermeté, fit l'effet qu'on en attendait; elle montrait dans le parti radical des signes de force, le calme et la discipline. Le ministère l'eût mieux aimé turbulent et désor donné.

Cependant le pouvoir ne se rassura que médiocrement à ces protestations pacifiques. Le lendemain, 14 juillet, des mesures extrêmes de précaution furent prises; les troupes furent consignées dans leurs casernes, des cartouches furent distribuées, et jusqu'à onze heures du soir de fortes patrouilles sillonnèrent le faubourg Saint-Antoine.

A ces démonstrations exagérées, les citoyens opposèrent un calme inaltérable; aucun prétexte ne fut offert à la violence.

On nous pardonnera sans doute d'avoir retracé, avec quelques détails, ces premiers mouvements des banquets réformistes, qui, renouvelés plus tard, devaient conduire à de si grands résultats.

En rapprochant des faits de même nature reproduits à huit ans de distance, on peut voir, non sans profit peutêtre, combien, chez certains hommes, les opinions ou du

moins les discours changent avec les positions. M. Thiers, président du conseil, interdisait, en 1840, le droit de réunion, et M. Thiers, rentré en 1848 dans l'opposition, se montrait, dans la discussion de l'adresse, un des accusateurs les plus énergiques du ministère, qui agissait identiquement comme lui. On ne saurait trop rappeler ces fameuses paroles prononcées par lui à cette occasion : « Mon droit est écrit dans la charte, il m'appartient, il est aussi sacré que celui de la royauté. » Qu'eût-il dit, en 4840, si un orateur avait fait entendre ces paroles insurrectionnelles?

D'autres analogies avec 1848 se présentèrent encore.

Le banquet avait été ajourné au mois d'août. Mais les réformistes ne se dissimulaient pas qu'ils rencontreraient de la part du pouvoir les mêmes obstacles, et ils ne voulaient pas s'écarter de la même modération. Une chicane légale leur étant opposée, ils l'éludèrent par un stratagème bien légitime. La loi de police qu'on invoquait contre eux ne s'appliquait qu'aux réunions faites dans un établissement public. Dans un local privé, la police n'avait pas le même droit d'intervention. Ils louèrent donc un vaste emplacement hors de Paris, dans la plaine de Châtillon, et là se réunirent, le 31 août, six mille convives, malgré l'éloignement, malgré la chaleur, malgré toutes les entraves suscitées par un pouvoir ombrageux.

Cette fête populaire fut remarquable autant par l'ordre qui y présida que par l'enthousiasme avec lequel furent salués tous les discours en faveur de la réforme. Sur la plaine, en amphithéâtre, étaient dressées treize tables de trois cent cinquante couverts chacune, et, tout autour, de petites tables complétaient le nombre des couverts. Au centre, un màt

pendant toute la durée du cabinet du 1er mars, qui, jusqu'à son dernier jour, dut entendre les réclamations énergiques des citoyens exclus de leurs droits et bien décidés à les conquérir.

CHAPITRE VI.

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Les ou

Questions sociales. Le salaire et le capital. · Séance du 9 mai. Paroles de M. Gauguier. - Réponse de M. Sauzet. - Députation des ouvriers auprès de M. Arago. - Discussion entre les ouvriers tailleurs et les maîtres. Les radicaux proposent un arbitrage. vriers en papier peint poursuivis pour coalition. - Abus commis par deux fabricants. - Réunion des menuisiers à la barrière du Maine. -Brutale intervention de la police. - Arrestations nombreuses. Rassemblements dans les faubourgs. - Déploiement des forces militaires. Poursuites judiciaires et condamnations.

Rapports nécessaires des réformes politiques avec les réformes sociales. - Mort du roi de Prusse. - Mort de Runjet-Singh.

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l'honneur de Guttenberg. - Fête du 28 juillet.

reurs du gouvernement.

Fête à Strasbourg en

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Sentiments de la population.

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nifestations patriotiques.

Il s'agitait à cette époque une autre question qui devait occuper dans la politique une place importante, se mêler activement aux premières luttes de 1848, et devenir de nos jours le thème principal d'un parti formidable. Nous voulons parler de la question du salaire et de tout ce qui s'y rattache, comme le sort des ouvriers, la protection du travail, et la conciliation si difficile des intérêts et des droits opposés du travailleur et du capitaliste. Tous ces problèmes, jusque-là renfermés dans les écrits des spéculateurs,

faisaient leur première apparition dans le domaine politique. Nous devons les signaler pour retrouver l'origine des luttes qui se produiront plus tard, et pour démontrer combien est lente à se faire jour toute idée d'amélioration sociale, toute innovation même dans des systèmes surannés. Du reste, chez les conservateurs, nulle intelligence de la question, nulle compassion des misères, aucun souci d'avenir, aucune conscience du péril, mais de superbes dédains, et d'aveugles approbations pour les faits existants.

Leurs sentiments se manifestèrent d'une manière significative dans la séance législative du 9 mai. Il s'agissait de la loi sur les sucres. M. Gauguier crut qu'il n'était pas possible de fermer le débat sans qu'il fût au moins fait mention des nombreux ouvriers qu'intéressait si vivement la culture indigène. Mais à peine le mot ouvriers eut-il été prononcé, qu'une clameur générale étouffa la voix de l'orateur il fut obligé de descendre de la tribune, non sans avoir protesté. « Vous ne voulez pas, dit-il, qu'on vous parle des ouvriers; hé bien! chargez-vous de leur donner de l'ouvrage.» La réponse de M. le président Sauzet fut d'une audacieuse naïveté. « Nous sommes chargés, ditil, de faire des lois et non pas de donner de l'ouvrage aux ouvriers. >>

Les radicaux firent entendre d'énergiques protestations: « Vous ne savez donc pas, disaient-ils, que c'est là précisément la première obligation d'un gouvernement, de faire que tous les hommes valides aient du travail, et un travail suffisant pour vivre avec leur famille? C'est là le but des lois et de la société, et s'il n'est pas atteint, autant vaudrait retourner dans les bois, où le plus fort tuerait et mangerait le plus faible. Votre devoir, à vous qui nous représen

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