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tions propres à la maintenir, rendirent, dès le principe, une grande fraction des radicaux hostile à toute espèce d'ouvrages militaires autour de la capitale. Il est bien certain, en effet, que la première pensée de Louis-Philippe fut de profiter des élans belliqueux de la nation pour obtenir la réalisation d'un projet qu'en toute autre occasion on eût repoussé avec méfiance. Moins que personne, cependant, il croyait à la guerre. Mais feignant d'y croire et faisant éclater hautement des paroles de colère, il se donnait le droit de provoquer des mesures qui semblaient dirigées contre l'ennemi extérieur.

Dans cette circonstance, les radicaux opposants ne se préoccupant que de la pensée royale, et la sachant menaçante avant tout pour les libertés publiques, combattaient avec violence ce qui pouvait la satisfaire, et voyaient dans les fortifications moins une mesure de défense que d'oppression.

D'autres radicaux, au contraire, considéraient plutôt la chose en elle-même que dans l'intention de Louis-Philippe. Poursuivis par les souvenirs des désastres de 1814 et de 1815, avertis depuis longtemps des mauvaises dispositions de l'Europe monarchique envers la France, mieux instruits encore par la coalition nouvelle faite sous les auspices du czar, ils voulaient avant tout épargner à Paris les hontes d'une autre capitulation, entourer de remparts le cœur et la tête de la France, et faire du centre des idées démocratiques une place invulnérable. Pas plus que d'autres, ils ne se faisaient illusion sur la pensée secrète qui guidait LouisPhilippe. Mais cette pensée n'était à leurs yeux qu'une insigne aberration. En effet, pour toute insurrection imprudente, pour toute émeute sans portée, le gouvernement

n'avait pas besoin du secours des forts détachés; les troupes ordinaires suffisaient. Pour tout mouvement général, pour ces formidables insurrections de toute la population parisienne qui renversent si facilement un trône, les forts seraient impuissants, ou plutôt ils resteraient muets. Inutiles pour des crises passagères, insignifiants dans une commotion sérieuse, les forts ne pouvaient donc avoir d'effet que contre l'ennemi extérieur. Telle était l'opinion de beaucoup de radicaux, et tout en connaissant les véritables préoccupations de Louis-Philippe, ils se montraient disposés à le seconder dans une entreprise qui, en préparant au roi de tristes déceptions, assurait la défense du territoire national et des révolutions à venir.

De là naquit cependant une violente scission entre les différents organes du parti radical. Nous y reviendrons plus tard.

Pour le moment, cependant, Louis-Philippe au comble de ses vœux, profitait des velléités belliqueuses de M. Thiers pour hâter l'exécution des forts détachés, qu'il considérait désormais comme la sauvegarde de sa couronne. Aussitôt ce projet formé, M. Thiers qui, depuis le 1er mars, n'avait guère rencontré à la cour que froideur et dénigrement, devint l'objet de soins empressés et de nombreuses caresses. Louis-Philippe se montrait envers lui prodigue de prévenances. Ceux qui avaient d'abord cru à un changement de ministère, s'étonnaient de ce redoublement de faveurs, quoique, pour des yeux exercés, ce fût un symptôme fâcheux plutôt que rassurant.

CHAPITRE VIII.

Etat de nos possessions en Afrique.

Médéah.
Mouzaia.

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Le col de

Prise de Médéah.

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Expédition de

Attaque du col sous les ordres du duc d'Orléans.

Combat du bois des Oliviers.

Milianah. Situation de la ville. · Prise de possession.

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au col de Mouzaia. - Combat glorieux et sanglant de l'arrièregarde. Incursions des Arabes dans la plaine de la Mitidjah. Ravitaillement de Médéah et de Milianah. Fin de la campagne.

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Dans nos possessions d'Afrique, de brillants faits d'armes venaient adoucir les amertumes des humiliations extérieures.

La colonisation, qui exige avant tout la sécurité, ne pouvait être entreprise avec quelque succès, que lorsque la circonférence du territoire occupé se trouverait fortement protégée contre les invasions ennemies par une ceinture de places liées entre elles et se soutenant mutuellement dans une puissante unité. Or, la disposition des lieux indiquait d'elle-même les points importants sur lesquels devait s'appuyer l'occupation pour avoir de la force et de la durée. Les possessions françaises formaient un vaste demi-cercle dont les extrémités Bone et Cherchell touchaient la mer, tandis

que le centre s'arrondissait dans les terres, sur une profondeur d'environ trente lieues, en passant par Milianah, Médéah, Hamza, Sétif et Constantine. Mais les deux premières places avaient été cédées à l'émir par le traité de la Tafna, de sorte que l'ennemi se trouvait campé, pour ainsi dire, au milieu des postes français. Aussi Abd-el-Kader avait-il fait de Médéah le centre de ses opérations militaires. De son côté, le maréchal Valée, comprenant toute l'importance de cette position, avait résolu de l'enlever, et de frapper ainsi l'ennemi au cœur. La prise de Médéah devait livrer toute la province de Tittery, dont elle était la capitale, et la chute de Milianah devait bientôt suivre ce premier succès.

De grands préparatifs avaient été faits pour cette expédition; nos soldats pour la première fois allaient franchir l'Atlas; deux fils du roi, le duc d'Orléans et le duc d'Aumale prenaient rang parmi eux; tout annonçait une campagne décisive.

Le 25 avril, le corps expéditionnaire, composé d'environ dix mille hommes prit position sur la Chiffa de Koléah, au camp de Bélidah. Le 27, il franchissait la Chiffa, et rencontrait sur les bords de l'Ouad-Jer la cavalerie du kalifat de Milianah, avec laquelle il y eut un engagement sérieux.

Les jours suivants se passèrent dans des combats continuels avec les Arabes et les Kabyles qui occupaient tous les passages, toutes les rivières, toutes les gorges de montagues. Abd-el-Kader, ayant sous ses ordres 1,200 cavaliers et 7,000 fantassins, multipliait les attaques et accumulait les obstacles, voltigeant sur les flancs des colonnes, et sans cesse engagé avec l'arrière-garde. Pour opérer une diversion, il fit attaquer Cherchell par de nombreuses troupes de Kabyles, qui durant six jours s'acharnèrent sur cette place

où le commandant Cavaignac leur opposa une opiniâtre résistance, et leur fit éprouver des pertes considérables. Dès que la ville fut dégagée, le maréchal s'y porta luimême. C'est de là qu'il partit pour franchir l'Atlas au col ou Teniah de Mouzaïa.

Le col de Mouzaïa se trouve dans un enfoncement de la chaîne principale de l'Atlas, à peu de distance d'un piton élevé qui domine au loin la position. La route qui y conduit, construite en 1836 par le maréchal Clausel, suit d'abord une arête qui se dirige du sud au nord, et qui permet d'arriver, sans de grandes difficultés, jusqu'au tiers de la hauteur. La route se développe ensuite jusqu'au Teniah sur le versant occidental de la montagne, en tournant plusieurs arêtes; elle est dominée constamment par les crêtes qui se rattachent d'un côté au piton de Mouzaïa et de l'autre au col lui-même. A droite de la route se trouve un profond ravin qui prend naissance au Teniah, et dont la berge occidentale extrêmement tourmentée semble presque inabordable. A l'ouest du col, la chaîne se bifurque, s'abaisse et se rattache par une arête peu élevée au territoire de Boualouan.

Le côté le plus abordable du Teniah, en venant par la route de Cherchell, était donc la crête orientale, dominée tout entière par le piton de Mouzaïa. Abd-el-Kader avait, depuis six mois, fait exécuter d'importants travaux pour le rendre inattaquable; un grand nombre de redoutes, reliées entre elles par des branches de retranchements, couronnaient tous les saillants de la position, et sur le point le plus élevé du piton, un réduit formidable avait été construit ; d'autres ouvrages se développaient ensuite sur la crète jusqu'au col. Les arêtes que la route contourne avaient été également couronnées par des redoutes, et le col lui-même était armé

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