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Tuileries en faire part au roi. C'était, pour ainsi dire, lui porter le bulletin de sa défaite personnelle. Cependant LouisPhilippe l'accueillit avec des félicitations qui semblaient de bon aloi, soit qu'il eût prévu d'avance le résultat, soit qu'il fût rassuré par la souplesse de son premier ministre, peu fait pour abuser de la victoire.

M. Thiers se croyait maître du terrain politique, parce qu'il avait étouffé la voix de l'opposition parlementaire. Mais en dehors de ce cercle étroit du monde officiel, il ne voyait pas l'opposition extérieure prenant une place plus grande et une position plus forte, à mesure qu'elle se dégageait sinon des alliances, au moins des voisinages qui la gênaient. Les radicaux, peu nombreux à la chambre, mais s'accroissant tous les jours au dehors, gagnaient en influence tout ce que perdaient les constitutionnels. Seuls désormais en face du ministère, ils recueillaient sans partage les bénéfices de la popularité, et comme ils n'avaient transigé sur rien, leur parole avait d'autant plus d'autorité que les opposants dynastiques avaient transigé sur tout.

Parmi les améliorations politiques réclamées par l'opinion, parmi les questions débattues à la chambre, la réforme électorale tenait le premier rang. Le ministère l'avait ajournée, l'opposition dynastique l'avait abandonnée ; les radicaux en firent le premier article de leur programme. C'est sur ce terrain qu'ils vont désormais combattre, sans relâche, sans découragement, maintenant toujours leur principe, tantôt seuls, tantôt avec les dynastiques revenant à eux, mais n'y revenant qu'après de longues déceptions. Le ministère du 1er mars, en abaissant les partis parlementaires, en plaçant le parti populaire en face du pouvoir, a été la première date importante du mouvement réformiste, l'origine

sérieuse de la lutte qui devait aboutir à une révolution. Au surplus, l'opposition dynastique tarda peu à s'apercevoir du piége où elle s'était si étourdiment engagée. Lorsque vint la discussion des fonds secrets à la chambre des pairs, le ministère dévoila franchement ses tendances et ses pensées. M. Thiers ne s'écriait plus : « Je suis fils de la révolution »; mais, par l'organe du rapporteur, M. de Broglie, il faisait pour ainsi dire amende honorable pour son triomphe sur la couronne, et désavouait autant qu'il était en lui le vote anti-monarchique qui l'avait appelé au pouvoir. Le rejet de la dotation était, disait le rapporteur, un événement imprévu dont le ministère n'avait point à répondre. On savait que M. de Broglie avait eu une influence directe sur la formation du cabinet, que M. Thiers l'avait humblement consulté, que MM. Jaubert et de Rémusat n'y étaient entrés que sur ses conseils et presque avec son autorisation. De telles paroles prononcées par lui étaient assez significatives. Il en ajouta d'autres qui ne l'étaient pas moins, en promettant, au nom du ministère nouveau, le maintien des lois de septembre sans exception, sauf un engagement pris par l'administration précédente, et que le ministère actuel, ajoutait-il, ne rétractait point par respect pour des scrupules constitutionnels dont lui-même n'était pas atteint.

Avec un si louable programme, le ministère était assuré du concours de la pairie. Il y ajoutait des garanties pour les conservateurs en place. « Point de réaction contre les personnes, » disait en son nom M. de Broglie. 143 voix contre 53 récompensèrent l'abnégation de M. Thiers. Les opposants ralliés de la chambre élective portaient déjà la peine de leur aveugle soumission. Un peu d'habileté politique eût dû le faire prévoir. Mais personne ne s'attendait à ce que

la leçon fût si prompte et la palinodie si audacieuse. Il ne restait pas même à l'opposition la ressource d'une plainte légitime, qui n'eût été qu'un aveu public de sa malhabileté ; elle était condamnée à n'être plus rien tant que durerait le cabinet du 1er mars, et elle était condamnée cependant à le soutenir.

CHAPITRE II.

Affaires extérieures.- Premières conséquences de la convention du 27

Accord des puissances contre la France. ·

juillet. Changement de politique chez Louis-Philippe. L'alliance anglaise négligée pour l'alliance autrichienne. - Rivalités des cabinets de Paris et de Lon

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importante de lord Aberdeen.

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Querelle de territoire avec les

Discussion de l'Angleterre avec le royaume de Naples.

- Question des soufres.

Commencement d'hostilités. - Prohibi

tion en Chine de la vente de l'opium. Réclamations de la compa

gnie des Indes; déclaration de guerre.

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Complications d'embarras

pour l'Angleterre.

Au moment de raconter les actes d'un nouveau cabinet, il nous faut jeter un coup d'œil sur l'ensemble des affaires extérieures qui doivent avoir sur son existence une influence si décisive.

L'Orient, terrain brûlant de discussions diplomatiques, venait d'ouvrir une phase nouvelle aux intrigues des chancelleries. La convention du 27 juillet, qui semblait assurer l'unité du concert européen, n'avait été au contraire qu'une nouvelle occasion de discorde. Le gouvernement français en

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