Images de page
PDF
ePub

qu'un équivoque parlementaire qui, en déplaçant la question, ne devait amener ni discussion ni vote.

Dans la séance du 27 mai, pendant que se débattaient les articles du budget des recettes, le président énonça le chapitre des produits et revenus de l'Algérie; M. Guizot aussitôt demanda la parole, et la chambre crut qu'enfin la grande discussion allait s'ouvrir sur la question des lettres.

<< Depuis quelque temps, dit le ministre, d'insignes faussetés ont été laborieusement répandues, au sujet de prétendus engagements que le gouvernement du roi aurait contractés envers les puissances étrangères, ou telle puissance étrangère, pour l'abandon complet ou partiel de nos possessions d'Afrique. Si ces faussetés s'étaient produites à cette tribune, nous les aurions à l'instant même relevées et qualifiées comme elles le méritent. On ne l'a pas fait. Personne n'a apporté ici les faussetés auxquelles je fais allusion. Nous n'avons pas voulu, nous n'avons pas dû leur faire un honneur que personne ne leur accordait.

« Cependant, elles continuent à se montrer audacieusement ailleurs. La chambre est près de se séparer; nous ne laisserons pas fermer cette enceinte sans donner à ces calomnies, quelles qu'elles soient, le démenti le plus formel.

« Jamais, je le répète, par personne, envers personne, aucun engagement n'a été contracté ou indiqué. Toute assertion contraire est radicalement fausse et calomnieuse. >>

M. le duc de Valmy, qui avait cru voir une allusion personnelle au discours non récité mais publié par lui, s'élança aussitôt à la tribune, et chacun put croire que l'orateur légitimiste allait achever la grande campagne com

mencée par la France; mais l'arrogance s'était changée en réserve, l'audace en prudence. M. de Valmy protesta que, dans son discours, il avait entendu seulement défendre la restauration du reproche de complaisance envers les Anglais. M. Guizot répliqua qu'il n'entendait attaquer aucun gouvernement; chacun des deux adversaires se déclara satisfait, et le président, avec une prestesse qui ne lui était pas habituelle, mit aux voix le paragraphe, qui fut voté au milieu d'une hilarité générale. Une comédie était le dénoûment du drame.

Quant aux lettres, il n'en fut plus question; et les journaux du ministère eurent enfin le bon esprit de n'y pas revenir. Il est vrai que le parti légitimiste avait fait à la chambre si mauvaise figure, que les amis du château purent se vanter d'une apparence de victoire.

Les imprudents, il est vrai, les naïfs parmi les conservateurs, reprochaient à M. Guizot de n'avoir pas franchement abordé la question, de n'avoir pas déclaré en termes exprès que les lettres étaient fausses. Ils ne se dissimulaient pas que cette fameuse victoire n'était qu'un avor tement. Mais, à vrai dire, ils avaient tort de demander davantage. M. Guizot avait fait tout ce qu'il pouvait faire. Parler pour ne rien dire était sa seule ressource. Réveiller le débat eût été une insigne folie. Il fallait finir par un orage ou par un éclat de rire. M. Guizot préféra le dernier parti. C'était une solution misérable, indigne d'un gouvernement, sans doute; mais la force d'une situation domine toute énergie personnelle. Le talent vient s'y briser, l'habileté du sophisme y échoue, l'audace même s'y trouble et s'y perd. L'affaire des lettres demeurait donc ce qu'elle était, une accusation terrible contre la personne royale,

fortifiée par les témoignages des hommes d'Etat de l'Angleterre, par les documents des chancelleries, par le verdict du jury, et surtout par la défense équivoque des ministres.

Quel que fût, au surplus, le véritable mot de l'énigme, le trône en fut profondément ébranlé. Les partis politiques jouèrent avec habileté leur rôle; le ministère accomplit le sien misérablement.

[merged small][ocr errors]

CHAPITRE IV.

Demande de fonds secrets.

Réforme parlementaire, rejet. Loi sur

les ventes judiciaires d'immeubles, sur les ventes des marchandises vendues à l'encan.— Propriété littéraire. - Discussion confuse, rejet du projet.

La session législative ne fut pas dans son ensemble bien différente de celles qui l'avaient précédée, dramatique et animée dans les questions personnelles, pâle et languissante lorsque s'agitaient les intérêts généraux du pays.

Il semblait que la lutte de récriminations entre les ministères du 1er mars et du 29 octobre, dût être épuisée par la discussion de l'adresse. Elle se réveilla sur le thème toujours renouvelé des fonds secrets.

On ne saurait assez s'étonner de la pauvreté des arguments ministériels dans ces manoeuvres parlementaires périodiquement répétées, et ce n'est pas un médiocre embarras pour l'historien que de retracer tous les ans la même comédie sur la même scène. A l'ouverture de la session la harangue royale vante l'habileté du gouvernement, proclame

« PrécédentContinuer »