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ciaire. Un cri général d'indignation retentit dans tous les organes de la publicité. Parmi les journaux ministériels, le Journal des Débats, honteux de ce triomphe, se condamna au silence; la Presse, qui avait toujours vigoureusement appuyé le ministère, fit entendre en cette occasion d'éner giques réprobations. « S'il est, dit-elle, une vérité immuable, sacrée, tutélaire, c'est que la politique ne doit jamais intervenir dans les décisions de la justice. La société a d'autres moyens de se défendre; quand elle croit n'avoir plus que celui-là pour se sauver, elle est perdue! »

Tous les autres journaux menacés dans leur indépendance préparèrent une protestation collective. Cette protestation, signée par les rédacteurs de seize journaux de Paris, réunis aux délégués de la presse départementale, contenait l'énonciation des lois qui garantissaient la liberté de discussion, et invitait, en des paroles fermes et modérées, tous les citoyens à défendre les droits menacés.

« Nous respectons, disaient les signataires, le principe de la chose jugée...... Mais il nous sera permis de signaler un résultat qui s'élève aux proportions d'un malheur public. Dans un état où les citoyens ont part au gouvernement, un fait judiciaire de la nature de celui qui afflige et qui émeut aujourd'hui jusqu'à la presse ministerielle doit alarmer la société.

« L'arrêt de la cour des pairs ne se borne pas à frapper un écrivain politique, il pèse sur la liberté même de discussion. La jurisprudence que cet arrêt tend à établir va même au delà des lois de septembre; elle est encore plus menaçante, et l'arbitraire n'avait jamais été introduit aussi formellement dans la légalité. >>

A partir de ce jour, la plupart des journaux signataires

résolurent de ne plus rendre compte des débats de la cour et de la chambre des pairs.

Pendant que le ministère s'applaudissait de cette triste victoire, des défaites multipliées lui apportaient d'autres avertissements. Les faits qui s'étaient passés à Toulouse avaient été, après une longue procédure, l'objet de poursuites judiciaires. Les accusés, renvoyés devant la cour d'assises de Pau, y avaient comparu le 29 novembre. Fidèles aux leçons de M. Martin (du Nord), les juges instructeurs avaient rendu la presse complice des troubles, et sur les bancs des accusés figuraient les rédacteurs de l'Emancipation. Mais là, les citoyens n'avaient plus affaire à un tribunal exceptionnel, les libertés publiques étaient sous la sauvegarde du jury et un verdict d'acquittement répondit aux provocations du ministère public. Les journalistes de Toulouse, constamment environnés des sympathies populaires, quittèrent la ville au milieu des ovations.

Dans d'autres localités, les agents de M. Martin (du Nord) ne furent pas plus heureux. A Lille, l'Impartial du Nord, à Arras, le Progrès-du-Pas-de-Calais, à Nancy, le Courrier de la Moselle sortirent triomphants des luttes judiciaires. Partout où le pays était consulté dans ses véritables organes, il se proclamait hautement le défenseur de la liberté. Les implacables ressentiments de M. Guizot se brisent devant l'énergique résistance des citoyens armés de leurs droits; mais sourd aux avertissements, fatalement entraîné par un orgueil impuissant, il poursuit sa route à rebours pour ne s'arrêter qu'en tombant.

CHAPITRE VII.

Transactions diplomatiques de M. Guizot.― Hatti-schériff du 13 février.

Avances faites par les ambassadeurs de Prusse et d'Autriche. Résistance de lord Palmerston. - Soumission complète de MéhémetConvention des détroits. Chute du ministère whig.—Traité Les États-Unis refusent de s'y associer. — Émo

Ali.

du droit de visite. · tions en France. · Ouverture de la session. Discussion du droit de visite. Défaite du ministère. — Embarras du cabinet tory. Discussion sur la politique intérieure. — Atteintes à l'institution du jury. Lettre du procureur-général de Riom. Confession de M. Martin (du Nord). Les jurés probes et libres. Vote de l'adresse.

Lorsque l'on passe de l'histoire intérieure aux faits du dehors, la physionomie du 29 octobre change entièrement de caractère. Aux rigueurs succèdent les complaisances; l'arrogance fait place à la souplesse, et les mêmes voix qui par leurs menaçants éclats appellent en France les troubles civils, s'adoucissent à l'étranger et murmurent dans toutes les cours de pacifiques refrains. Il importait beaucoup à M. Guizot de montrer comme gage de son habileté la France ramenée dans le concert européen, surtout après s'être annoncé en réparateur des fautes du 1er mars. Mais les désirs mêmes qu'on lui connaissait à cet égard rendaient les

négociations plus difficiles; et les difficultés étaient augmentées par les méfiances de l'intérieur. Accusé hautement de vouloir sacrifier la dignité nationale, contraint de céder pour mériter un retour dans l'alliance commune, il lui fallait satisfaire à des exigences opposées, et en acceptant cette position équivoque, se condamner à de pauvres subterfuges, que ne comportaient ni la gravité de la situation, ni l'honneur de la nation qu'il représentait.

La note du 8 octobre avait assurément beaucoup simplifié la difficulté. En posant comme ultimatum les droits du pacha à la possession de l'Egypte, le gouvernement français avait implicitement abandonné la question de Syrie. M. Guizot s'empressa d'accepter la position qui lui était faite, et, bien convaincu que l'Egypte au moins serait respectée, il reprit de l'arrogance et en inspira à ses agents diplomatiques. « Je dis très-haut et très-ferme, écrivait de Londres M. de Bourqueney, que le traité de juillet n'a pas mis l'Egypte en question; qu'il en faudrait un nouveau pour cela, et que c'est assez d'un seul traité conclu sans la France. >>

Cependant lord Palmerston, dans une conversation avec notre chargé d'affaires, lui disait que si le pacha persistait dans sa résistance, même après l'évacuation de la Syrie, la Porte serait autorisée à suivre les opérations militaires jusque contre l'Egypte rebelle.

«Non, Milord, répéta encore une fois M. de Bourqueney, il faudrait pour cela un nouveau et plus grave traité 1. » Ce fier langage fut encore une fois démenti par l'événement. A quelques jours de là, les Anglais attaquèrent

Dépêche de M. le baron de Bourqueney, 18 novembre 1840.

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