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cher à la charte pour la compléter ou la réviser. Une législature, pouvoir constitué en vertu de-la loi, n'a d'autre autorité que celle qui ressort de la législation, de la constitution. Organiser la régence d'un roi mineur, décider dans quelles mains cette fonction est remise, remplacer, non pas le roi qui existe, qui est là, mais la royauté qui est en sommeil, c'est ajouter à la constitution de l'État. Une loi de cette importance ne saurait être faite par une assemblée qui n'a pas de mandat spécial, et par conséquent il n'appartient pas aux députés actuels de la rendre. Dans ces conditions, c'est la nation qui doit être consultée, qui doit être représentée par une assemblée constituante. La régence ne saurait être déléguée dans l'intérêt du roi mineur, ni dans celui d'une famille, mais dans celui du pays. La régence ne peut donc être un droit inhérent à une famille; on doit la déférer suivant les circonstances, suivant les garanties offertes par les hommes sur lesquels le choix peut s'arrêter. Différente de la tutelle, qui n'a d'autre objet que l'intérêt du mineur, la régence n'a d'autre objet que l'intérêt du peuple la tutelle appartient à la famille, la régence à la nation. Cette thèse, soutenue par les journaux radicaux, fut développée avec intelligence et talent dans une brochure publiée par M. E. Duclerc, qui traita la question à fond, et ne laissa aucun argument à la réplique.

Les radicaux, en cette occasion, étaient les véritables défenseurs des principes: il était difficile de répondre à leurs arguments. On aima mieux n'en pas tenir compte. Pendant que l'on contestait à la chambre le droit de prononcer, les portes du Palais-Bourbon se rouvraient. La séance royale eut lieu le 26 juillet; le 9 août, on présentait la loi sur la régence.

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voir constituant. - Vote de la loi.-M. Thiers n'obtient pas la récompense de son dévoûment.

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Souffrances matérielles. Situation

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de la propriété foncière. — Industrie vinicole. — Pétition des propriétaires de la Gironde. - Projet d'union commerciale avec la Belgique. Coalition des grands industriels. — Réunion Fulchiron. —

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Déjà étaient oubliées les douleurs feintes ou sincères; la loi de régence n'était plus qu'une occasion pour les ambitions ou les intrigues. M. Guizot comptait que la gravité de la question ferait taire toutes les résistances; M. Thiers espérait se rapprocher du pouvoir par une éclatante adhésion; M. O. Barrot voulait regagner quelque popularité par de prudentes réserves.

Quant aux républicains, ils trouvaient le moment venu pour eux d'invoquer les droits de la souveraineté nationale. Ils portèrent hardiment la question sur ce terrain. Leur principal organe dans la chambre fut M. Ledru-Rollin.

Nouveau venu dans l'enceinte du Palais-Bourbon, il y prit place, en cette occasion, parmi les premiers orateurs. Sa thèse était bien simple : il niait la compétence de la chambre. Le projet de loi sur la régence était conçu en des termes qui engageaient l'avenir; il appartenait, par sa nature même, aux lois fondamentales du royaume; le pouvoir législatif, avec ses attributions limitées, n'avait pas le droit de voter une loi semblable; il fallait donc recourir au pouvoir constituant. Tel fut le résumé du discours de M. LedruRollin, et il développa sa théorie avec une éloquence calme et fière, où la franchise se joignait à la mesure, la logique à l'élévation. « Au nom du peuple, s'écriait-il en terminant, je proteste contre votre loi, qui n'est, à mes yeux, qu'une usurpation. >>

La chambre était peu faite à ce hardi langage, et c'était quelque chose d'inouï pour elle, que de se voir contester son droit; M. Guizot vint la rassurer par des sophismes qui n'avaient pas même le mérite du bon goût.

<< Si, dit-il, on prétend qu'il y a dans la société deux pou voirs, l'un constitutionnel et l'autre constituant; l'un, si je puis parler ainsi, pour les jours ouvrables, l'autre pour les jours fériés; on dit une chose insensée, pleine de dangers, une chose fatale............

« J'ai vu, dans le cours de ma vie, trois grands pouvoirs constituants : en l'an VIII, Napoléon; en 1814, Louis XVIII: en 1830, la chambre des députés ; tout le reste, l'appel au peuple, les ratifications, tout cela n'a été que fiction et simulacre. >>

M. Guizot en concluait que les trois pouvoirs constitutionnels suffisaient à tout ordonner, parce qu'ils formaient la souveraineté sociale organisée.

M. de Lamartine ne voulut pas s'occuper du pouvoir constituant. « Je viens, dit-il, rabaisser la discussion à la sphère du fait éminemment actuel, éminemment pratique............ Je parlerai de l'investiture personnelle au profit du prince le plus près du trône, et de l'exclusion à tout jamais du droit des mères. >>

Il y avait quelque habileté à placer ainsi la discussion entre la régence héréditaire et la régence élective. Il est vrai que l'orateur réservait le droit électif à la chambre, mais c'était plus que ne voulait accorder le projet ministériel, et M. de Lamartine fut entraîné par la logique même de son sujet à des aveux qui le séparaient profondément des conser

vateurs.

« Si je veux, leur disait-il, associer la nation et la dynastie comme vous, je ne veux pas subordonner l'un à l'autre. Non, je ne veux pas glisser du gouvernement national au gouvernement dynastique, exclusivement dynastique. La dynastie doit être nationale, et non la nation dynastique. >>

<< Non, s'écriait-il ailleurs, la loi que vous faites n'est ni conservatrice ni dynastique..... On l'appelle conservatrice, et elle est grosse de révolutions; on l'appelle dynastique, et elle est grosse d'usurpations. Elle chasse la mère du berceau et y place le compétiteur et le rival! »

Faisant ensuite appel aux sentiments de dignité de la chambre, l'orateur ajoutait :

«Dans les grandes et neuves situations où le pays se trouve placé depuis cinquante ans, à l'origine, à la fondation même du gouvernement représentatif qui doit concilier, dans une proportion égale, les influences de la prérogative sacrée de la royauté et le libre et plein exercice de la liberté

nationale, quand il se présente une occasion, une occasion fatale, que nous aurions repoussée de toute la force de nos sentiments, mais enfin une occasion plus forte que nous, donnée par une destinée cruelle, de saisir momentanément l'exercice régulier, normal, pacifique, parlementaire de ce grand pouvoir national, je dis qu'il y a honte pour nous à ne pas la saisir. Je dis qu'il y a désertion de la mission grave, de la mission audacieuse quelquefois que nous avons reçue de notre époque, de notre temps et de toutes les révolutions dont nous représentons l'esprit, l'esprit sage, modéré, mais progressif, dans cette enceinte. Je dis que se réfugier timidement et à la hâte, en pareil cas, dans le seul pouvoir dynastique, c'est déclarer à la face de la France et du monde qu'on ne croit pas le pays capable et digne de se gouverner lui-même.

<«< Or, une régence de femme c'est le pouvoir du pays, c'est le gouvernement dans le parlement, c'est la dictature de la nation à la place d'un dictateur royal. »

Tandis que M. de Lamartine se séparait ainsi, avec éclat, des conservateurs obstinés, M. Thiers sortait des rangs de l'opposition pour faire offre à la couronne de ses dévoùments les plus empressés. M. Guizot peut-être n'en était que médiocrement touché, car son rival devenait dangereux par ses docilités. Mais Louis-Philippe, qui, après tout, ne s'engageait à rien en acceptant des services, se réjouissait d'avoir acquis au duc de Nemours un si puissant avocat. D'ailleurs, en même temps qu'il fortifiait sa propre cause, il affaiblissait l'autorité de M. Thiers, désormais compromis avec l'opposition et faiblement réconcilié avec les conservateurs. Si M. Thiers n'aperçut pas le piége, au moins fit-il tous ses efforts pour l'éviter, en multipliant les protesta

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