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tache Dachkovitch, transfuge lithuanien, qui avait quitté le service de Vassili, en même temps qu'Ostrojski, pour suivre le parti de Sigismond, se réunit aux Tauriens, et ils inquiétèrent les possessions russes. Sur ces entrefaites, mourut Mengli-Ghireï; Makhmet, son fils aîné, lui succéda. Cet avide Tatar tendait alternativement la main à Vassili et à Sigismond, mais les présents de ce dernier faisaient pencher la balance en sa faveur. Dans une expédition qu'il fit contre la Russie, ses nombreux cavaliers furent repoussés par les princes Odoïevski et Vorotinski. Cependant, le tsar de Kazan étant mort, il se rapprocha du grand prince, et dévasta une partie de la Lithuanie.

Vers cette époque, Herbenstein, ambassadeur de Maximilien, vint à Moscou, pour tâcher de négocier la paix entre Vassili et Sigismond; mais l'exagération des prétentions de l'un et de l'autre était un obstacle insurmontable. Tandis que l'Europe s'efforçait d'attirer le grand prince dans une coalition générale contre la Porte, celui-ci caressait Sélim, et lui persuadait d'inquiéter la Pologne. En même temps, l'ordre Teutonique concluait une alliance avec Vassili, qui avait su mettre dans ses intérêts Christiern II, roi de Danemark. Le pape Léon X essaya inutilement de consommer l'ouvre de la paix. Vassili comprenait que le plus grand fardeau d'une guerre contre les Turcs tomberait à sa charge, et que, dans un accommodement avec Sigismond, sous les auspices de la politique chrétienne, son rival serait mieux traité qu'un prince déterminé à persister dans l'hérésie. La guerre continuait done avec acharnement. Plusieurs fois Ostrojski avait eu le dessous, et Albert, chef de l'ordre Teutonique, aidé de l'or du grand prince, harcelait les provinces de Sigismond. Réduit à une position presque désespérée, le roi ne perdit pas courage; il profita d'un armistice, ravitailla ses places, et parvint à isoler les troupes du grand maître, qui bientôt furent obligées de se dissoudre :

cette circonstance réduisit Albert à implorer la paix. La mort de Sélim et une révolte à Kazan produisirent une diversion favorable à la Lithuanie. Le tzar Schig-Aleï, ami des Russes, fut détrôné par Sahib-Ghireï, qui le renvoya à Moscou bientôt après, les Tauriens, réunis aux Tatars Nogaïs et aux Cosaques du Dniepr, fondirent sur la Russie, battant les voïévodes moscovites, tandis que les Kazanais, remontant le cours du Volga, s'avancaient aussi vers la capitale. MakhmetGhireï et Sahib-Ghireï opérèrent leur jonction à Kolomna, massacrant tout sur leur passage; et déjà, des hauteurs de Vorobief, ils contemplaient Moscou, cette ville tant de fois pillée par leurs ancêtres, et que Vassili avait abandonnée pour se réfugier à Volok. L'artillerie de la forteresse aurait pu protéger longtemps la capitale : mais telle était la terreur du prince et des boyars, qu'on n'avait pas même eu la précaution de s'approvisionner de poudre. La lâcheté de Vassili avait passé dans le cœur des chefs: on offrit de riches présents à Makhmet, qui, peu habile dans l'art des siéges, se retira, en stipulant que la grande principauté lui payerait le tribut qu'exigeaient autrefois les khans. Rien ne manqua à l'humiliation de Vassili, pas même la générosité du vainqueur, qui se retira jusqu'à Riazan. Là, il fit parvenir au gouverneur, Khabar - Simski, l'acte par lequel le grand prince se reconnaissait tributaire du khan; et, en même temps, ses troupes s'approchèrent de la place. Un coup de canon en tua quelques-uns; et Makhmet, informé que les Tatars d'Astrakhan venaient de fondre sur ses États, se retira précipitamment, laissant l'acte entre les mains de Simski.

Sigismond avait vu avec satisfaction les revers des Russes; épuisé luimême, et peu confiant dans l'alliance des Tatars, il crut l'occasion favorable pour renouveler les propositions de paix. Enfin, on conclut une trève pour cinq ans, et les Russes conservèrent Smolensk. Cette lutte, qui avait duré dix années, n'avait eu que des résul

tats peu importants; elle entraîna la ruine de l'ordre Teutonique, et permit aux Tauriens d'exercer d'affreux ravages, tant sur le sol lithuanien que sur fe territoire moscovite. Plettenberg, grand maître de l'ordre de Livonie, renouvela pour dix ans un traité de paix avec la Russie.

Vassili avait le caractère astucieux de son père; il fit naître des prétextes pour dépouiller le prince de Riazan, et réunit ses domaines à la couronne. Le prince de Séverski, Vassili Chémyakin, fidèle défenseur de la Russie méridionale, avait trop de mérite et d'indépendance de caractère pour ne pas attirer les soupçons du souverain; il fut accusé de trahison, absous une première fois; il se vit ensuite chargé de fers, et on le jeta dans un cachot où il mourut.

Makhmet-Ghireï venait d'envahir la province d'Astrakhan, et de déposséder le tzar Oussein. A cette nouvelle, Sahib-Ghireï égorge les Russes qui se trouvaient à Kazan, ainsi que l'ambassadeur du grand prince. Mais bientôt Makhmet lui-même est massacré dans sa tente par Mamaï, prince des Nogais, et son compagnon d'armes : ce dernier poursuit les Tauriens jusque dans Prékop, où ils implorent la protection du sultan. En même temps, T'hetman des Cosaques du Borysthène se jette sur la Tauride, et détruit les fortifications d'Otchakof. Sahib-Ghirei, que protégeait le sultan, fut déclaré khan de Tauride.

Au printemps de l'année 1524, une armée russe se mit en campagne contre Kazan; à cette nouvelle, Sahib s'enfuit en Tauride, laissant la ville à son neveu Safa-Ghirei, âgé seulement de treize ans. Les Kazanais détestaient les Russes; indignés de la lâcheté de Sahib, ils choisirent Safa pour leur tsar, et il se montra digne de leur confiance. Les convois des Russes furent interceptés, et leurs barques qui descendaient le Volga, pillées ou coulées à fond par les Tchérémisses; enfin, les voïévodes se retirèrent honteusement, ramenant les débris de leur armée, dont le fer ennemi et les ma

ladies avaient fait périr la moitié. Une trêve de cinq ans suivit cette funeste expédition; mais Vassili, pour se venger des Kazanais, défendit aux marchands russes d'aller commercer avec eux; il leur fixa l'emplacement où s'éleva depuis Makarief, pour l'échange de leurs produits contre les denrées de l'Orient. Cette mesure entrava les relations commerciales du midi de l'empire, et les Russes en furent les premières victimes.

Vassili n'avait point d'enfant; il répudia sa vertueuse épouse, la força à prendre le voile, et contracta un nouvel hymen avec Hélène, fille de Vassili - Glinski. Toujours occupé de la politique extérieure, il recevait les légats romains dont la mission tendait à le faire déclarer contre les infidèles, en lui promettant le titre de roi s'il voulait consommer l'œuvre de la réunion des deux Églises, avantage dont le grand prince ne se souciait nullement. A la mort de Maximilien, Vassili ouvrit des relations avec CharlesQuint, espérant se faire un allié puissant contre Sigismond, dans le cas où ce dernier refuserait la paix. Il n'en résulta qu'une prolongation de la tréve. Vers la même époque, une autre trêve de soixante années fut conclue avec Gustave Vasa, qui venait de soustraire la Suède au joug du Danemark.

Au milieu de ce repos général, les Tauriens seuls inquiétaient la Moscovie; de part et d'autre, on massacrait jusqu'aux ambassadeurs. Safa-Ghireï, tsar de Kazan, recommença les hostilités; après une lutte opiniâtre, l'armée russe, commandée par Belzki, était sur le point de s'emparer de la ville, lorsque ce voïévode, séduit par de riches présents, consentit à s'éloigner. Safa fut dépossédé, et les Kazanais mirent à sa place Enalei, prince de Mechtchersk, dévoué aux intérêts des Russes. Il était difficile d'arrêter la paix sur des bases durables avec les khans de Crimée, de Kazan et d'Astrakhan; souvent, tandis que leurs ambassadeurs traitaient à Moscou, une révolution, survenue dans leurs

États, donnait aux affaires une face toute nouvelle. En 1533, le khan de Crimée fit une incursion, qui coûta plus de cent mille hommes à la Russie. Vassili tomba tout à coup malade, et il expira en 1533, après avoir désigné pour successeur son fils Jean, qui n'était encore que dans sa troisième année; à ses derniers moments, il avait pris la robe monacale. On peut dire de ce prince, qu'il ne manqua pas d'une certaine habileté; mais, avec l'instinct du despotisme, et les puissants moyens d'exécution dont il pouvait disposer, il ne fit rien de grand; il se montra clément sans magnanimité, et cruel sans passion. Ses vices, qu'explique la barbarie des temps, restèrent au niveau de ses qualités. Pour donner une idée du luxe qui l'entourait, nous citerons les paroles du baron Herberstein, qui le rencontra à la chasse. " Dès que nous eûmes aperçu le monarque russe dans la campagne, nous mîmes pied à terre, et nous nous avançâmes vers lui. Il était monté sur un beau coursier, et magnifiquement vêtu. Sa tête était couverte d'un bonnet fort élevé, brodé en pierres précieuses, et surmonté de plumes dorées, que le vent faisait flotter: un poignard et deux couteaux étaient attachés à sa ceinture. Il avait à sa droite Aleï, tsar de Kazan, armé d'un arc et de flèches; à sa gauche, deux jeunes princes, dont l'un tenait sa hache, et l'autre, une massue d'armes. Sa suite était composée de plus de trois cents cavaliers.

LE GRAND PRINCE JEAN IV, SURNOMMÉ

LE TERRIBLE.

1533-1584. L'enfance du grand prince laissait les destinées de l'État aux mains de la princesse Hélène et de conseillers ambitieux et avides. Parmi ces derniers, on remarquait Michel Glinski, oncle de la régente, et Télennef son favori. On debuta par l'arrestation d'Youri, oncle de Jean, soit qu'on l'eût accusé calomnieusement d'aspirer au pouvoir souverain, soit qu'en effet la minorité de son neveu lui eût inspiré le désir de s'élever jus

qu'au trône : quoi qu'il en fût, il mourut emprisonné quelques années après, dans les tortures de la faim. Plusieurs boyars mécontents se décidèrent à passer en Lithuanie sur ces entrefaites, Michel Glinski, qui blâmait la passion d'Hélène pour Télennef, fut arrêté et mis à mort. Ces actes de cruauté effrayèrent André, frère puîné d'Youri; il fève une armée, réunit à son parti quelques boyars; mais, poursuivi par le prince Nikita Obolenski, il consent à le suivre à Moscou: là, malgré l'assurance que lui avait donnée le favori Télennef que sa personne serait respectée, il fut jeté dans les fers, et mourut après six mois de captivité. Ainsi le règne de Jean le Terrible s'inaugurait par d'atroces supplices.

Cependant la Moscovie était en paix avec la Suède, la Livonie et le hospodar des Moldaves, qui bientôt dut se Soumettre au pouvoir de Soliman. A la même époque, les Nogais, ennemis des Tauriens, lièrent des relations amicales avec la grande principauté : mais la Lithuanie, la Tauride et Kazan étaient plus particulièrement l'objet de la politique du conseil. Les Kazanais se reconnurent sous la dépendance de la Russie. Les Tauriens recommençaient leurs excursions, quelquefois repoussés, mais toujours redoutables. Sigismond crut l'occasion favorable pour recouvrer les domaines, but constant de sa politique et de ses efforts, mais ses généraux furent repoussés avec perte, et une armée nombreuse vint ravager ses États. Sigismond parvint à rassembler quarante mille hommes, et, secondé par les Tauriens, il porta le fer et la flamme dans les provinces méridionales de l'empire.

Tandis que la guerre contre les Lithuaniens se poursuivait avec des chances diverses, une sédition éclata à Kazan. Énaleï, mis à mort, fut remplacé par Safa-Ghireï, et les Russes résolurent de replacer sur le trône Schig-Aleï qu'on retenait en prison à Bélozersk; mais la pusillanimité des voïévodes rendit cette expedition inutile.

Sigismond, dont le général Némirof venait d'être battu complétement devant une forteresse que les Russes avaient élevée dans ses propres États, entama des négociations dont le résultat fut une trêve de cinq années. Helene profita de cette tranquillité passagère pour agrandir l'enceinte de Moscou; on lui doit aussi des ordonnances utiles sur les monnaies, et des règlements qui assuraient de grands avantages aux Lithuaniens qui consentiraient à se fixer en Russie: mais son origine étrangère, la cruauté de sa politique et l'omnipotence indécente de son favori Télennef lui avaient suscité un grand nombre d'ennemis. Elle mourut subitement, quoique sa jeunesse et sa santé parussent lui promettre une longue carrière. Herberstein assure que le poison termina ses jours. L'ambition du vieux prince Chouiski semble le désigner comme l'auteur intéressé de cet attentat; chef du conseil, il avait su se ménager l'appui des ennemis nombreux de Télennef. Tout à coup, au milieu de l'attente et de l'incertitude générale, il ose se déclarer chef du gouvernement. Le corps d'Hélène était à peine refroidi, qu'il ordonne l'arrestation des personnes les plus chères à Jean. Télennef est condamné à mourir de faim sa sœur Agrippine, gouvernante de Jean, fut éloignée malgré les larmes du grand prince, et forcée à prendre le voile. Schouiski, aidé de son frère Jean et des deux Belzki, gouverna le conseil, l'empire et le jeune tsar mais, à peine monté au faite du pouvoir, cet ambitieux tomba malade et mourut. Son frère Jean, moins effrayé de sa fin subite qu'envieux de son pouvoir, lui succéda, et exerça des vengeances particulières auxquelles ne put échapper le métropolitain Daniel. La régence des Schouiski fut une ère de rapines à l'intérieur, et de lâcheté devant les étrangers; le sang russe coulait à flots sous le glaive des Kazanais et des Tauriens. Cependant quelques actes utiles jetèrent un peu d'éclat sur cette époque d'intrigues et d'abaissement. On envoya des

ambassadeurs à Constantinople, à Stockholm; et les boyars confirmèrent la traité de paix avec la ligue anséatique, en même temps qu'ils renouvelaient l'alliance conclue avec Astrakhan. Sigismond, au terme de sa longue carrière, semblait ne plus aspirer qu'au repos.

Cependant Schouiski qui s'était fait un ennemi du nouveau métropolitain, dut accorder aux sollicitations générales l'élargissement de Jean Belzki, dont le parti reprit une grande influence. Sous l'administration de ce dernier, la Russie eut quelques instants de gloire; les persécutions cessèrent, et les prisonniers d'État furent rendus à la liberté, ou virent adoucir leur captivité. L'invasion des tsars de Kazan et de la Tauride échoua devant la fermeté des voïévodes, et n'eut d'autre résultat que la dévastation de quelques provinces; mais la générosité de Belzki causa sa perte. Schouiski, qui ne respirait que vengeance, se fit un parti puissant, se jeta inopinément dans le Kremlin, s'empara de la personne de son rival, de celle du métropolitain, et usurpa l'autorité de régent. Le vertueux Belzki fut massacré, et tout retomba dans le désordre.

Cependant Jean atteignait sa treizième année; les manières hautaines des Schouiski, les actes arbitraires qu'ils se permettaient, même lorsqu'ils contrariaient le monarque, et plus encore, l'adresse des Glinski et du métropolitain, arrachèrent au jeune prince un acte de vigueur, mais qui portait l'empreinte d'une férocité precoce. Il fit dévorer par les chiens André Schouiski; Bouterlin, pour quelques propos indiscrets, eut la langue coupée. Tout ce qui portait ombrage aux Glinski fut éloigné ou jeté dans les fers. C'est ainsi que les imprudents boyars, qui flattaient les caprices et les passions de leur maître, se préparaient à eux-mêmes la juste punition de leurs encouragements corrupteurs.

Jean, dans un âge si tendre, se plaisait à répandre le sang des animaux; il se divertissait à pousser son cheval sur les vieillards et les femmes,

et de stupides courtisans applaudissaient à ces jeux féroces. Il fit trancher la tête à des boyars illustres, sans preuve, et sur la simple déposition de leurs ennemis. Cependant il y avait de la grandeur dans cette ame, et une meilleure éducation, en donnant une direction utile à ses passions, aurait peut-être épargné à la Russie la tyrannie la plus arbitraire qui ait jamais pesé sur cette terre d'esclavage.

Sigismond-Auguste avait ratifié la trêve conclue avec son père; mais les Kazanais, qui n'étaient point dupes de la prétendue protection de la grande principauté, ne se faisaient aucun scrupule de piller les provinces moscovites, sauf, plus tard, à s'en excuser sur des motifs dont il fallait bien se contenter. De leur côté, les Russes, qui convoitaient cette riche province, ne négligeaient rien pour l'affaiblir, dès qu'ils pouvaient se passer de sa coopération. En 1446, deux armées moscovites s'avancèrent jusque sous les murs de cette ville, et s'en retournèrent chargées de butin. Le khan fit périr quelques traîtres vendus à l'ennemi, et ses vengeances allèrent si loin, que les Kazanais le forcèrent à s'enfuir, et mirent à sa place Schig-Aleï, créature des Russes. Mais bientôt, soit que leur turbulence ne s'accommodât d'aucun gouvernement, soit que le joug d'un prince dévoué aux étrangers leur fût devenu insupportable, ils le forcèrent à s'enfuir, et rappelèrent Safa-Ghireï qui marchait contre Kazan, à la tête d'un parti de Nogaïs. La réaction fut sanglante; un grand nombre de princes, de mourzas, cherchèrent un asile à Moscou, en même temps que des envoyés tchérémisses promettaient de se joindre aux Moscovites contre l'implacable Safa-Ghireï; mais l'heure de Kazan n'avait pas encore sonné.

Le grand prince, qui venait d'entrer dans sa dix-huitième année, eut la fantaisie de se faire sacrer et de se marier. Le couronnement se fit avec une grande pompe, et bientôt après il épousa Anastasie, jeune fille d'une naissance obscure, mais douée de tou

tes les vertus et d'une rare beauté. Il prit à cette époque le nom de tsar, quelquefois employé, souvent omis dans les actes publics et les négociations étrangères; et depuis, ce titre passa à tous les souverains de la Russie.

Le sacre et le mariage étaient loin d'avoir corrigé Jean. Cruautés, spoliations, emportements, signalaient tous les pas du monarque et de ses dignes favoris. Un événement déplorable vint faire une triste diversion au mécontentement général. A une distance d'environ six semaines, le feu détruisit, à deux reprises différentes, presque toute la ville de Moscou. Les boutiques, les entrepôts, le magasin à poudre, le Kremlin, les palais du tsar, les armes, les archives, les livres et jusqu'aux images et aux reliques furent la proie de l'incendie. Un violent ouragan propageait les flammes qui devoraient les édifices presque tous en bois. En lisant les descriptions que les annalistes font de ce désastre, le souvenir se porte involontairement sur une catastrophe plus récente, mais qui fut plus funeste aux ennemis de la Russie qu'à elle-même.

Le peuple était furieux de dénûment et de douleur; les ennemis des Glinski profitent de cette circonstance pour les perdre; on sème des bruits absurdes, et quelques boyars déclarent au tsar qu'une si grande calamité provenait des sortiléges de quelques scélérats. Ils assemblent les habitants sur la place du Kremlin, et leur demandent quels peuvent être les auteurs de l'incendie. Quelques voix s'élèvent, et accusent les Glinski : « La princesse Anne, leur mère, a arraché les entrailles des morts, et a aspergé de sang les rues de Moscou. >> Youri, fils d'Anne, se trouvait présent; il est massacré dans la basilique; tout ce qui appartenait aux Glinski est pillé; leurs serviteurs, un grand nombre d'enfants boyars sont égorgés. Le jeune tsar tremblait dans son palais de Vorobief, quand tout à coup paraît un moine nommé Sylvestre: il s'avance vers Jean, le doigt levé, et

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