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à Vichnévetzki qu'il désirait voir Dmitri. Peut-être le roi ne fut-il pas dupe de cette imposture; mais il accueillait avec empressement l'occasion de placer sur le trône d'une nation rivale un homme à qui la reconnaissance imposerait des sacrifices dans l'intérêt de la politique polonaise. Peut-être aussi les jésuites qui le gouvernaient lui montrèrent-ils la résurrection de Dmitri comme un coup du ciel, qui préparait par cette voie la réunion des deux Eglises; et l'on songeait moins à la vérité qu'aux avantages probables que promettait l'erreur. Des conventions préalables furent faites; l'imposteur fit bon marché de la religion grecque ; et Rangoni promit d'appuyer ses droits non-seulement à Rome et en Pologne, mais dans toute l'Europe. Il le conduisit solennellement au paJais de Sigismond, qui l'accueillit en tsar, lui assigna un revenu de quarante mille florins, et lui permit d'avoir tels rapports qu'il jugerait convenable avec les seigneurs polonais qui montreraient du zèle pour son service. Dimitri devait embrasser immédiatement la foi latine; mais on différa de publier cette cérémonie, dans la crainte de le rendre odieux aux Russes qu'il importait de ménager. L'abjuration se fit en secret dans la maison des jésuites, à Cracovie. S gis.nond, sourd aux représentations de Zamoïski et de quelques seigneurs polonais, qui lui representaient l'inconvenance et le danger de rompre la trève conclue avec Boris, ordonna à Mnichek et à Vichnévetzki de lever l'étendard contre Godounof, au nom de Dmitri, fils d'Ivan, et d'assembler une armée de volontaires: puis il fit partir l'imposteur pour la Galicie, où déjà ses partisans se réunissaient. Mnichek avait une fille, nommée Marine, que l'adroit Otrépief avait su mettre dans ses intérêts, et qu'il promit d'épouser dès qu'il serait reconnu tsar de Russie. Mnichek donna avec joie son consentement à cette alliance qui, en procurant un trône à sa fille, devait réparer les brèches de sa fortune. ·

La petite armée d'Otrépief était trop

faible pour une invasion; il la grossit de quelques Russes, et s'adressa aux Cosaques du Don, ennemis de Godounof qui en avait fait exécuter quelquesuns. Persuadés, d'après la réception faite en Pologne à Otrépief, qu'il était réellement le tsarévitch, ils se réunirent à ses défenseurs.

Cependant on répandait partout la nouvelle que Dmitri s'avançait en Russie pour reprendre le sceptre paternel; le peuple ne savait qu'en penser; mais les brigands et les vagabonds n'hésitèrent pas à embrasser une cause qui leur promettait du pillage. Les Cosaques zaporogues, chez lesquels il avait fait l'apprentissage des armes, se déclarèrent également pour lui. Godounof ne pouvait ignorer ces mouvements; il lui semblait peu digne d'employer les ressources de l'empire contre un diacre à la tête de quelques milliers d'aventuriers. Il soupçonna d'abord les boyars d'avoir ourdi cette trame; mais bientôt il apprit toute la vérité, et il feignit une tranquillité qui pouvait déjà paraître de l'imprudence; il eut l'air d'épargner Smirnof, ce secrétaire qui avait négligé de faire exiler Otrépief; mais quelque temps après, il ordonna son exécution comme concussionnaire des deniers publics. Il était plus que temps de prendre des mesures: Boris, voyant l'effet que produisaient les proclamations d'Otrépief, essava de les intercepter; mais bientôt il prit le parti de publier l'histoire du diacre, avec les témoignages de quelques-uns de ses compagnons ; il envoya même en Pologne, auprès de Sigismond et des seigneurs, l'oncle de l'imposteur, pour qu'il le confondit en leur présence; mais on ne l'écouta pas. Un autre envoyé, Kroutchof, fut adressé aux Cosaques pour les détromper; ceux-ci l'enchaînèrent et le conduisirent devant le faux Dmitri. L'ayant considéré pendant quelques instants, Kroutchof versa des larmes, et se jeta à ses pieds en s'écriant : « Je retrouve Ivan dans les traits de ton visage, et je me dévoue à toi pour jamais. Etait-ce crainte ou conviction? Peutêtre les boyars, qui détestaient Godou

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nof, lui avaient-ils confié ce rôle dangereux à remplir. Traître ou dupe, il donna des renseignements précis sur la disposition des esprits, et sur la mauvaise santé de Godounof; et ces récits nourrissaient l'espoir de l'imposteur et de ses adhérents.

Cependant Sigismond n'avait pas rompu la trêve, et il répondait à Boris qu'il ne songeait nullement à la guerre; cette levée de boucliers, disait-il, était l'œuvre de quelques seigneurs, qu'il ferait punir comme des séditieux. Les tentatives faites par le clergé russe auprès des dignitaires de l'Église lithuanienne pour démasquer Otrépief, restèrent sans résultat. Le soi-disant tsarévitch entra en Russie, à la tête de quinze mille hommes de troupes régulières, et d'une foule indisciplinée qui ne méritait pas le nom d'armée. Ålors seulement Boris songea sérieusement à se défendre, et se hâta de mettre en campagne des forces imposantes. Otrépief s'avançait, tenant d'une main le glaive et de l'autre des proclamations, tandis que les Polonais répandaient un autre manifeste au nom du roi de Pologne, qui prenait l'engagement de faire remonter le prétendant sur le trône de ses pères. Tous ces témoignages ébranlaient la fidélité des Russes qui, pour la plupart, attendaient l'événement. Les habitants de Moravsk furent les premiers à trahir Godounof: Otrépief usa de cet avantage avec modération; Tchernigof lui ouvrit ses portes; il y trouva un trésor considérable qu'il partagea entre ses partisans; ensuite il marcha sur Novgorod où commandait Pierre Basmanof, frère du voïévode qui avait été tué par les brigands: il défendit la place avec habileté et courage; et l'entreprise d'Otrépief fut sur le point d'échouer devant cette ville. Ses armes étaient plus heureuses d'un autre côté; le prince Massalski livra Poutivle, et un grand nombre de villes impor

tantes le saluèrent comme souverain. Toute la Russie méridionale était en révolte; les habitants enchaînaient les voïévodes restés fidèles à Boris, et les amenaient au faux Dmitri qui s'em

pressait de les rendre à la liberté. Sa troupe grossissait de jour en jour, et le prestige de son nom neutralisait les résistances. Boris fit marcher sur Briansk un corps d'armée, dont il donna le commandement au prince Mstislavski, et ne négligea aucun moyen pour détromper les Russes; mais il était déjà trop tard; entre autres mesures, il fit célébrer des services à la mémoire de Dmitri, et le clergé maudit solennellement Otrépief et ses adhérents. Il y eut, près de Novgorod, une affaire assez chaude, où les Polonais eurent l'avantage; mais, comme elle fut loin d'être décisive, les défenseurs d'Otrépief se découragèrent, et il ne lui resta qu'environ quatre cents Polonais. Cependant, loin de perdre courage, il arma les cultivateurs et les aventuriers, et occupa Séversk, où les Russes vinrent l'attaquer; quoique bien inférieur en nombre, il s'avança à leur rencontre, déploya un grand courage et une habileté digne d'un général consommé ; mais il fut défait, et perdit six mille hommes. Les trophées de cette victoire furent portés à Moscou, et ranimèrent les espérances de Boris. L'imposteur s'était réfugié à Poutivle. Cependant, une lenteur inconcevable présidait aux mouvements de l'armée russe. De misérables forteresses en bois résistaient aux efforts des voïévodes, et le mécontentement de Boris, exprimé par des reproches séveres, achevait de lui aliéner tous les cœurs. On assure qu'il essaya de se defaire de son rival par le poison, et que d'un autre côté le faux Dmitri lui écrivit une lettre pour lui conseiller de se retirer dans un couvent, l'assurant de sa protection spéciale. Sur ces entrefaites, Boris mourut subitement; mais il avait eu le temps de bénir son fils comme tsar de Russie, et de se faire sacrer moine. Le caractère de cet homme extraordi

naire reste un problème pour la postérité. Administrateur habile, pieux jusqu'à la dernière heure, appui de la Russie dans le danger, et père des pauvres, il se montra soupçonneux jusqu'à la cruauté; faible et indécis

devant un compétiteur dont le nom usurpé lui rappelait le premier, le plus grand de ses forfaits, il eut le regret d'avoir contribué lui-même à ses succès, en entourant d'obscurité le tombeau de sa victime.

FÉODOR BORIssovitch.

1605. Les obsèques de Boris furent célébrées avec pompe; et les Moscovites prêtèrent serment au jeune Féodor, prince d'une grande espérance, mais qui devait porter la peine du crime de son père. Mstislavski et les deux Schouiski furent désignés pour lui servir de conseil; et l'on donna le commandement de l'armée à Basmanof, célèbre défenseur de Novgorod. Les soldats jurèrent fidélité au nouyeau tsar; mais le chef lui-même, Basmanof, se jeta aux pieds du moine Otrépief. En présence des défections et des turpitudes des boyars de cette époque, on est tenté d'absoudre Jean IV et Godounof d'avoir persécuté de tels hommes. Maître du sort de la Russie, il comprenait tout le parti qu'il pouvait tirer d'une trahison. Sous Feodor, Basmanof n'eût joué qu'un rôle subalterne; mais en donnant le trône au faux Dmitri, il pouvait compter sur la seconde place de l'empire. L'armée salua l'imposteur du nom de tsar, et la guerre cessa. Le faux Dmitri cacha la joie sous l'apparence d'une dignité majestueuse; il semblait s'attendre à un résultat si inovi. Il ne remercia pas l'armée, il lui pardonna, et attribua cette révolution à la justice providentielle. Il visita Kromi où six cents Cosaques avaient résisté à une armée russe de quatre-vingt mille hommes, congédia pour un mois une partie des troupes qui avaient besoin de repos, dirigea les autres sur Moscou, et les suivit de Join à la tête de quelques milliers de ses soldats d'elite. Il trouva partout les marques serviles du dévouement; la foule se pressait autour de son cheval, et baisait les pieds de l'imposteur. Quelques voïévodes, restés fidèles, avaient apporté cette nouvelle à Mos

cou. Féodor se hâta de les récompenser, et attendit son sort avec résignation. Il est probable que les boyars étaient dans le complot, et qu'ils spéculaient sur les avantages prochains d'une trahison définitive. Si la résistance leur paraissait impossible, ils pouvaient du moins faire accompagner en Suède le jeune tsar, et balancer ainsi l'influence de la Lithuanie. Déjà les émissaires du faux Dmitri lisaient ses manifestes aux portes de la capitale. Les habitants de Krasnoïé-Sélo le proclamèrent les premiers. Aussitôt toute la ville s'émeut, on court à la place publique pour écouter les conditions du tsar de l'armée, qui annonce grâce ou vengeance; le nom de Godounof est répété avec fureur; le peuple court au Kremlin; malgré les pleurs de sa mère, il arrache Féodor du trône et le conduit avec la tsarine et sa fille dans une maison où ils sont gardés à vue. On allait enfoncer les caves du palais, lorsque Belzki représenta au peuple qu'en pillant les propriétés de la couronne, on s'attaquait à Dmitri lui-même. Le peuple prêta serment à l'imposteur depuis que le règne de Jean l'avait écrasé de tout le poids d'un despotisme féroce, on eût dit qu'il se hâtait de faire et de défaire les tsars, cherchant à chaque avénement un espoir que les autocrates semblaient prendre à tâche de ne jamais justifier.

Le clergé et quelques boyars allèrent au-devant du faux Dmitri jusqu'à Toula, pour lui porter des paroles de soumission. Déjà il était informé de tout; il avait dépêché à Moscou quelques affidés, et Pierre Basmanof, à la tête d'un fort détachement, pour hâter le dénoûment de cette étrange usurpation. On commenca par le chef de l'Église, dont Otrépief avait été diacre; Job fut saisi dans l'église de l'Assomption, à l'instart où il célé brait la messe : en face des autels, il trouva quelque fermeté et déplora hautement le triomphe du parjure et de l'hérésie. Après l'avoir accablé d'outrages, on le confina dans le couvent de Staritza. Les Godounof et leurs al

liés furent mis aux fers et envoyés aux extrémités de l'empire. Il restait à frapper le coup définitif. Les princes Galitzin et Massalski, assistés de Moltchanof et Schéréfédinof, se transportèrent avec trois strélitz à la demeure où l'on gardait Féodor, sa mère et sa sœur. La tsarine fut étranglée; mais Féodor, doué d'un grand courage et d'une force extraordinaire, lutta longtemps contre quatre assassins qui ne parvinrent qu'avec peine à l'étouffer. Si la pitié qui s'attache aux grandes infortunes n'a point exagéré le mérite de ce jeune prince, ses grâces, ses qualités et ses vertus faisaient augurer de son règne les plus légitimes espérances. Mais lui aurait-il été donné de rester pur au milieu de la bassesse et de la corruption qui entouraient son trône? La belle et pudique Xénie eut un sort plus déplorable encore: Otrépief avait entendu parler de ses charmes ; l'infâme Massalski la prit dans sa maison, et la réserva au dernier outrage, à la lubricité de l'usurpateur.

Les corps de Marie et de son fils furent exposés en public avec les marques d'une mort violente, et livrés aux insultes de la populace: on exhuma les restes de Boris qu'on plaça dans un cercueil de bois, et l'on réunit l'époux, l'épouse et le fils dans la même sépulture.

Cependant l'imposteur était à Toula, entouré de toute la pompe tsarienne, et s'essayant, pour ainsi dire, à porter avec noblesse le sceptre qu'un hasard inouï avait jeté à ses pieds. Il faut convenir que, soit dans ses discours, soit dans ses actes extérieurs, rien ne dénotait la bassesse de son origine. Les apparences lui étaient tellement favorables que bien des gens furent ses dupes on refusait de croire qu'un fugitif eût pu, en si peu temps, deviner tous les secrets de la science militaire et de l'administration. Les bovars lui présentèrent le sceau de l'Etat, les clefs du trésor du Kremlin, les ornements des tsars, et une foule de courtisans destinés à son service. Lorsqu'il apprit qu'il n'avait plus de com

pétiteur, il se rendit à Moscou où il reçut les félicitations et les présents d'usage. Il fit parade de générosité et de clémence, et dit aux chefs allemands: Soyez pour moi ce que vous avez été pour Godounof; j'ai plus de confiance en vous que dans mes Russes. Ces paroles pouvaient être franches, mais, dans une telle circonstance, elles étaient encore plus impolitiques. Le 20 juin (1605), il fit son entrée solennelle dans la capitale : nous laisserons parler Karamzin: « La marche « était ouverte par les Polonais; après << eux venaient les timbaliers, les « trompettes, une troupe de cavaliers « armés de lances, les arquebusiers, « des chars attelés de six chevaux, « et les chevaux de main du tsar, ri«chement caparaçonnés : ensuite mar« chaient les tambours et les régiments « russes enfin le clergé, portant la

croix, précédait le faux Dmitri qui, « monté sur un cheval blanc, et vêtu « d'un costume magnifique, portait à « son cou un collier estimé cent cin« quante mille ducats. Il était environ«né de soixante boyars ou princes << que suivaient les Lithuaniens, les Al«<lemands, les Cosaques et les strélitz. « Toutes les cloches de Moscou son«naient. Les rues étaient encombrées «< d'une foule innombrable; les toits << des maisons et des églises, les tours « et les murailles étaient également « couverts de spectateurs. En aperce<< vant le faux Dmitri, le peuple se prosternait en s'écriant: Vive notre père, le souverain et grand-duc Dmitri Ivanovitch; Dieu l'a sauvé pour « le bonheur de la Russie! »

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Il répondit à tous par des paroles de bienveillance; quand tout à coup un ouragan violent s'eleva, et les Russes superstitieux en tirèrent un fâcheux augure. Au grand scandale des Moscovites, il laissa pénétrer avec lui dans l'église de l'Assomption, des étrangers d'une autre croyance que ses sujets; enfin, dans l'église de l'Archange Michel, il s'inclina en pleurant sur le tombeau d'Ivan, et prononça, avec l'accent d'une profonde émotion, ces paroles: O mon père bien-aimé! tu

m'avais laissé orphelin dans l'exil; mais par tes saintes prières je suis sauvé et je règne. Et le peuple répétait : C'est le veritable Dmitri. Otrépief répandit des largesses au peuple, et accorda des faveurs et des distinctions aux grands. Parmi les dignités qu'il conféra, il en était de nouvelles pour les Russes, et que le tsar empruntait à la cour de Pofogne. Il affecta surtout de réhabiliter dans leurs honneurs tous ceux qui avaient essuyé les persécutions de Boris. Il s'efforça ensuite de gagner l'affection des Russes par des mesures d'utilité générale. Il doubla les appointements des fonctionnaires et de l'armée, fit solder toutes les dettes de la couronne contractées sous le règne de Jean, supprima quelques impôts sur le commerce et les procédures, punit les juges prévaricateurs, et fit publier qu'il recevrait lui-même les suppliques du peuple à certains jours désignés, sur le péristyle du palais. Il ordonna qu'on rendit à leurs anciens propriétaires les serfs fugitifs, et déclara libres les esclaves dont la dépendance n'était point confirmée par des titres authentiques. Pour témoigner une entière confiance aux Russes, il congédia les gardes polonais qui entouraient sa personne, en leur accordant des gratifications. Comme il avait étudié avec soin les formes du gouvernement de Pologne, il résolut de porter la réforme jusque dans le conseil; il y introduisit non-seulement le patriarche, ce qui s'était déjà vu dans des cas extraordinaires, mais encore quatre métropolitains, sept archevêques et trois évêques. Il nomma sénateurs tous les membres du conseil qu'il présidait luimême chaque jour, et en porta le nombre à soixante et dix.

On assure qu'il se distinguait parmi les dignitaires les plus expérimentés, par un coup d'œil sur et par une éloquence un peu verbeuse qu'il déployait avec une certaine complaisance. Il professait une estime particuliere pour Henri IV, et répétait dans l'intimité: « J'ai deux moyens de me maintenir sur le trône, la tyrannie et la clémence; je veux essayer de celle-ci, et te

nir religieusement le serment que j'ai fait à Dieu de ne point répandre le sang des hommes. »>

La cérémonie du sacre manquait à la sécurité d'Otrépief; le Grec Ignace, choisi pour remplacer Job, reçut l'ordre de tout préparer pour cette solennité en attendant, il osa invoquer à la face de la nation le témoignage de celle qu'il disait sa mère, et qui devait lever tous les doutes. Le peuple croyait au faux Dmitri; on se demandait pourquoi la tsarine ne l'avait pas hautement reconnu. La position de Marpha était délicate; en cas qu'elle niât, son sort n'était pas douteux; elle se montra faible devant un imposteur tout-puissant, se rappelant tout ce qu'elle avait eu à souffrir de l'ambition de Godounof. Il envoya ostensiblement un de ses dignitaires au couvent de Vyksa, pour demander à la tsarine sa bénédiction maternelle, et il s'avança lui-même à sa rencontre. Ils eurent un entretien secret, que l'histoire regrette d'ignorer, mais que la suite des faits peut interpreter. Ils sortirent d'une tente richement dressée pour cette entrevue, avec toutes les démonstrations de la joie la plus sincère, et le peuple fut la dupe de leurs larmes hypocrites. Marpha avait sans doute fait ses conditions; la veuve de Jean rentra au palais du Kremlin, en attendant qu'on lui eût préparé une demeure somptueuse au couvent de Voznessensk, où elle eut une cour particu lière. Enfin, le couronnement fut célébré avec la pompe accoutumée; mais déjà l'engouement général commençait à faire place à de sérieuses et tardives réflexions. Otrépief oubliait quelquefois son role au point d'outrager par des railleries grossières les boyars qui l'entouraient; il leur reprochait leur ignorance, il dénigrait tout ce qui était national, vantant les mœurs et les institutions étrangères; enfin, il montrait une prédilection particulière pour les Polonais. Le seul Basmanof jouissait de la faveur du monarque; mais l'influence qu'on lui accordait dans le gouvernement était loin de répondre a ses vues ambitieuses. Il est

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