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cruel pour un courtisan de voir échapper les avantages qu'il croyait acheter par un crime.

Otrépief blessait également le peuple en frondant avec légèreté ses pratiques superstitieuses, et refusait même de se signer devant les saintes images. Il se mettait à table au son des instruments, négligeant les prières d'usage. Il favorisa les jésuites, leur assigna un local dans l'enceinte du Kremlin, et leur permit de célébrer la messe latine. Vêtu à la polonaise, il sortait à la dérobée du palais, pour visiter les peintres, les joailliers et d'autres artistes. Il se plaisait à dompter des étalons sauvages, et à tuer de sa main des ours en présence de la cour et du peuple; il éprouvait lui-même des canons neufs, et les pointait avec une adresse remarquable. Tantôt il exerçait les troupes, les formait à la petite guerre, et se précipitait dans la mêlée. Ces occupations valaient bien les passe-temps de Jean IV; mais rien ne déplaît au peuple comme les innovations imposées par les étrangers. Les Russes, d'ailleurs, ne pouvaient se dissimuler que le faux Dmitri n'avait saisi la couronne que protégé par les armes lithuaniennes, et ils se voyaient traités moins en sujets qu'en vaincus.

On murmurait aussi de ses prodigalités capricieuses. Son trône était d'or massif, orné de glands en diamants, et soutenu par deux lions d'argent; ses équipages étaient magnifiques, et ses livrées surpassaient en richesse le costume des plus hauts dignitaires. Comme pour imiter Jean le Terrible, il se livrait à la dissolution la plus effrénée; les retraites saintes étaient souvent les témoins de ses debauches; enfin, pour avilir la mémoire de son prédécesseur, ou peut-être sans autre but qu'un libertinage moins vulgaire, il condamna Xénie à partager sa couche; quelques mois après son déshonneur, l'infortunée prit le voile, sous le nom d'Olga. A ce crime audacieux, le peuple pouvait reconnaître le sang de Jean IV; et, par une bizarrerie de sa position, le débordement de ses

mauvais penchants semblait jusqu'à un certain point confirmer son origine. Cependant, comme il ne prenait point la peine de se cacher, quelques personnes commençaient à être frappées de sa ressemblance avec le diacre Otrépief. Le premier qui osa dire tout haut la vérité fut un moine du couvent de Tchoudof, qui avait appris à lire à Otrépief: il fut mis à mort secrètement. Mais un nouveau témoignage bien autrement redoutable allait s'élever contre l'imposteur. Vassili Schouiski avait vu lui-même le fils de Jean dans le cercueil; la réussite d'un aventurier, l'aveuglement de la nation, et l'extinction de la race de Monomaque, tout semblait l'inviter à saisir le sceptre; mais, réservé par calcul, il se contentait de révéler à quelques intimes ce qu'était le prétendu tsar.

Toutefois Basmanof, que la perte d'Otrépief eût entraîné, découvrit et dénonça ce complot. Schouiski et ses frères furent arrêtés, et on les jugea avec des formes nouvelles; l'affaire fut soumise à un jury composé de citoyens choisis dans tous les rangs et dans toutes les classes, comme si la nation entière eût été prise pour arbitre. Schouiski se conduisit avec une fermeté qui ne se démentit point un seul moment, et dédaigna de se rétracter. Il fut condamné à la mort, et ses frères à l'exil. Basmanof, au jour de l'exécution, et devant le peuple assemblé, prononça au nom du tsar les paroles suivantes : Vassili Schouiski m'a

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« trahi, moi Dmitri, fils de Jean, sou« verain de toute la Russie; il a eu <«< recours à la calomnie pour m'aliéner « le cœur de mes fidèles sujets, et m'a « traité de tsar imposteur; il a voulu « me renverser du trône; voilà le crime qu'il doit expier par le supplice. Le peuple gardait un morne silence; Schouiski vit couler ses larmes lorsque, déjà dépouillé de ses vêtements, il lui dit : « Frères, je meurs pour la « vérité, pour la religion chrétienne « et pour vous.... >>

Déjà sa tête était sur le billot... Le cri Arrête! se fait entendre. C'était la grâce du condamné. Cette clémence

excita des acclamations de joie; mais quelques-uns disaient : Le fils de Jean n'eût point pardonné. Cependant le bruit se répandit que la tsarine Marpha avait intercédé pour Schouiski, ainsi que plusieurs Polonais; toutefois les Schouiski furent exilés, et leurs biens frappés de confiscation. Bientôt l'oncle, la mère et le frère d'Otrépief le reconnurent; on enferma ces deux derniers, l'autre fut exilé en Sibérie. Dès lors le faux Dmitri eut recours à la terreur; les délations se succédèrent; et l'on vit renaître le temps des tortures et des supplices. Otrépief prit le silence de la crainte pour de la tranquillité; mais il s'entoura d'Allemands, et en choisit trois cents pour ses gardes du corps, qu'il divisa en trois compagnies; leurs chefs étaient le Français Margeret, le Livonien Knoutzen, et l'Écossais Vandeman. A peine se crut-il affermi sur le trône, qu'il offrit sa main et sa couronne à la fille de Mnichek, auquel il devait son élévation: le trésorier Vlassief fut chargé d'aller demander solennellement la jeune Marine. Le nonce du pape n'oubliait pas ses instructions; Otrépief, qui n'ignorait pas combien un changement de religion eût exaspéré le mécontentement des Russes, évitait de se prononcer à cet égard; mais il entrait avec chaleur dans le projet d'une croisade contre les infidèles, espérant que des victoires donneraient un légitime éclat à une couronne usurpée. Déjà fier de son succès, il mécontentait Sigismond par des prétentions ridicules, sans oser encore le heurter de front. Les fiançailles furent célébrées à Cracovie, en présence du roi, de Vladislas, son fils, et d'Anne, reine de Suède. La cérémonie fut égayée par Pignorance complète où était Vlassief, des formes usitées en pareilles circonstances; ne pouvant comprendre qu'il représentait son souverain. il n'osa échanger les bagues nuptiales, et se prosterna lorsqu'on but à la santé du tsar; quand on lui demanda si Dmitri n'était pas déjà fiancé à quelque autre, il répondit: Cette question n'a pas été prévue dans mes instructions.

Marine, en prenant congé de Sigismond; tomba à ses pieds; le roi la releva d'un air affectueux, et lui dit : N'oublie pas ce que tu dois au pays où tu laisses tes parents; à ces lieux où une fortune inouïe est venue te trouver; entretiens dans ton époux une juste amitié pour nous: conserve dans ton cœur la crainte de Dieu, et ne renonce jamais aux usages polonais; puis il se découvrit, et donna sa bénédiction à la jeune tsarine. Vlassief séjourna encore quelque temps à Cracovie, pour assister au mariage de Sigismond avec une archiduchesse d'Autriche, et partit pour Slonim, où il devait rejoindre Marine et Mnichek. Ce dernier, dont la confiance dans son gendre commençait à diminuer, refusait de partir avant d'être rentré dans ses avances; plus tard, il s'arrêta encore en Galicie pour y faire des préparatifs fastueux, et ne se mit en route qu'à l'époque du dégel.

Cependant Moscou était dans la joie des fêtes; les étrangers, comblés des faveurs du souverain, étalaient une grande magnificence. Le tsar, qui passait ses jours dans les festins et les réjouissances, pardonna aux Schouiski: on leur rendit leur rang et leur fortune; et Vassili devint l'idole du peu- · ple. Ce prince, qui avait vu la mort de si près, était du sang de Ruric; il alliait la ruse à l'intrépidité; après avoir signé l'engagement de rester fidèle à Otrépief, il épiait d'un œil attentif toutes les démarches de l'imposteur; sous le masque du dévouement le plus complet, il lui donna de dangereux conseils, voyant, dans les fautes de son maître, les gages de sa prochaine élévation. Des circonstances, futiles en apparence, augmentaient sans cesse la haine contre le tsar.

Un jour, il ordonna de construire une forteresse en glace, à trente verstes de Moscou; il s'y rendit avec ses gardes du corps, un détachement de cavalerie polonaise, les boyars et les premiers officiers de l'armée. Les Russes devaient défendre le fort, et les Allemands s'en emparer. On combattit avec des boules de neige; Otré

pief, à la tête des étrangers, s'élança le premier à l'assaut, et s'écria: C'est ainsi que je m'emparerai d'Azof. Plusieurs avaient été blessés par les assaillants, dont quelques-uns s'étaient servis de pierres. On fut sur le point d'en venir à un combat réel; mais l'exaspération resta dans les cœurs.

Les étrangers affectaient de se conduire dans les temples avec peu de révérence, agitant leurs armes, ou s'appuyant sur les tombeaux des saints. Les Cosaques n'étaient pas moins détestés; ils se vantaient hautement des services qu'ils avaient rendus au faux Dmitri, et insultaient impunément les Moscovites.

Le clergé n'avait pas lieu d'être plus satisfait: Otrépief se fit présenter une liste de tous les biens ecclésiastiques, annonçant l'intention de ne laisser aux couvents que le strict nécessaire, et de consacrer le surplus à la solde des troupes; il chassa même les prêtres de certains quartiers pour y établir ses gardes du corps.

Vers cette époque, un autre imposteur, nommé Iléika, parut sur la scène. Les Cosaques du Don et du Térek, jaloux des honneurs de leurs confrères du Don, voulurent aussi produire un prétendant. Ils publiaient qu'Irène, en 1592, avait mis au monde un fils appelé Pierre, et qu'on lui avait substitué une fille qu'on avait nommée Théodosie. En attendant, ils pillaient les voyageurs; et Otrépief, qui voulait sans doute attirer Iléika dans un piége, le fit inviter à se rendre à Moscou, s'il était réellement fils de Jean IV, afin d'y être reçu avec les honneurs qui lui étaient dus. Personne n'était la dupe de cette nouvelle imposture; mais ce rapprochement de circonstances était loin d'être favorable à Otrépief.

Les grands, en voyant les dispositions du clergé et du peuple, hésitaient encore à renverser le nouveau tsar, les uns par crainte, le plus grand nombre par cette répugnance naturelle à détruire un gouvernement qu'on a concouru à établir. On ne pouvait refuser à Otrépief beaucoup d'habileté et de courage; on attendait qu'il s'amendât; mais l'in

concevable légèreté de sa conduite fit cesser les irrésolutions; et l'on aima mieux courir les chances d'une révolution, que de se résigner à un avenir plein d'humiliations. Ceux qui lui étaient dévoués ne cachaient plus la vérité; ils se contentaient de dire: Nous lui avons prêté serment, il est donc notre souverain, et nous devons le soutenir, puisque nous ne pourrions en trouver de meilleur. Les autres étaient d'avis qu'un serment surpris par une imposture n'était point obligatoire. Schouiski trouva les esprits si bien préparés, qu'il organisa une conspiration dont le fil, partant du conseil, passait par toutes les classes de la nation, jusqu'aux derniers rangs du peuple. Pour achever de le rendre odieux, on répandait mille bruits sinistres on lui faisait un crime de sa passion pour la guerre et en effet, Otrépief menaçait à la fois le sultan et la Suède. On l'accusait aussi de vouloir soumettre l'Église grecque au pontife de Rome, et livrer à la Pologne une grande partie des provinces russes. De temps en temps, quelques voix courageuses s'élevaient contre Otrépief: des strelitz l'accusèrent publiquement d'être l'ennemi de la religion; on les fit périr, sans pouvoir leur arracher une rétractation. Le diak Ossipof, exalté par le jeûne et la prière, l'appela, au milieu même du palais, Grichka (*) Otrépief, enfant du péché et de l'hérésie. Le tsar, troublé, garda quelque temps le silence; mais bientôt il ordonna de le mettre à mort

Au mois d'avril, Mnichek entra en Russie, avec une suite de deux mille chevaux. Marine voyageait entre des rangs de cavalerie et d'infanterie. La fiancée fut reçue à la frontière avec les honneurs dus à une tsarine. Mnichek, son fils, et le prince Vichnévetzki, prirent les devants, et farent reçus en audience solennelle. Otrépief écouta avec une apparente sensibilité les félicitations de son beau-père ; mais, à table, il le fit servir à part dans une

(*) Diminutif injurieux de Grégori ou Grégoire.

vaisselle d'or. Durant le repas, on amena vingt Lapons qui étaient venus payer le tribut. On raconta, pour satisfaire la curiosité des étrangers, que ces sauvages vivaient aux confins du monde, ne connaissant ni maisons, ni nourriture cuite, ni lois, ni religion. A ce propos, le faux Dmitri parla longuement de l'étendue de son empire, et de la diversité de ses peuples. Les jours suivants furent remplis par des festins et des réjouissances. Marine, apres être restée quelques jours à Viazma, fit son entrée à Moscou dans un char magnifique traîné par dix chevaux; le cortège et la marche répondaient à la pompe de cette solennité. Le peuple regardait tout avec curiosité, mais sans enthousiasme; il remarquait surtout dans le cérémonial les formalités nécessitées par la différence des religions, et quelques innovations polonaises. Le char s'arrêta au Kremlin, près du couvent des Vierges; là, Marine fut reçue par la tsarine religieuse; elle y vit son fiancé, et y resta jusqu'à son mariage, qui ne fut célébré que six jours après. Pour loger convenablement tous ces étrangers, on chassa des plus belles maisons leurs propriétaires, de quelque rang qu'ils fussent, ecclésiastiques, gentilshommes et boyars; cette courtoisi peu nationale excita des murmures unanimes.

Les envoyés de Sigismond, Olesnitzki et Gossetzki, qui devaient assister au mariage, et renouveler au nom de leur souverain l'alliance avec la Russie, arrivèrent bientôt avec une suite nombreuse. Les Moscovites s'alarmaient à la vue de tous ces hôtes, armés comme en temps de guerre. Marine, dont le caractère était aussi léger que celui d'Otrépief, abrégeait les heures qu'elle devait passer au couvent, en recevant seule son fiancé, qui, pour la distraire, faisait exécuter devant elle des danses et des chants profanes; et le peuple ne l'apprit qu'avec indignation.

Dmitri venait de donner la mesure de son inconséquence; il donna presqu'en même temps celle d'une condescendance humiliante. Lors de la ré

ception solennelle de Mnichek et des ambassadeurs polonais, Olesnitzki remit la lettre de Sigismond à Vlassief, qui, après en avoir lu l'adresse au tsar, la rendit aux envoyés en disant qu'elle était destinée à un certain Dmitri qu'il ne connaissait pas; que le monarque de Moscou était César, et que les ambassadeurs devaient reporter cette lettre à leur souverain. Olesnitzki répliqua avec aigreur, et reprocha au tsar son ingratitude envers Sigismond, auquel il devait son élévation. Otrépief répliqua lui-même, mais sans pouvoir persuader le fier Polonais, qui soutenait que son maître ne pouvait donner à Dmitri un titre qu'il n'avait accordé à aucun de ses prédécesseurs; il finit en le rendant responsable devant Dieu du sang qui allait être verse. La lettre de Sigismond fut acceptée, et l'ambassadeur exigea que le tsar se levât en prononçant le nom du roi : il fallut encore se soumettre à cette prétention, ce qui blessa également les Russes et les Polonais.

Le 7 de mai, Marine quitta le couvent, qui s'était changé pour elle en un séjour de joies mondaines; et elle fut conduite, pour les fiançailles, dans la salle des festins par la princesse Massalski et le voïévode de Sandomir. Les parents de Mnichek, et les dignitaires chargés de quelques fonctions dans cette cérémonie, furent les seuls qui y assistèrent. Les vêtements des fiancés resplendissaient d'or et de pierres précieuses. De là, on se rendit à la salle Crénelée, où se trouvaient réunis les hauts dignitaires russes et étrangers. Deux trones y étaient élevés, l'un pour Otrépief, et l'autre pour la tsarine. Sur l'invitation de Schouiski, Marine s'assit Michel Nagoï tenait devant elle le diadème et la couronne de Monomaque. Le cortége se rendit à l'église de l'Assomption, où Marine fut couronnée : cérémonie jusqu'alors sans exemple dans les fastes de la Russie de sorte que la fille de Mnichek porta le diadème avant même d'être l'épouse d'Otrépief. A la fin de la liturgie, on fit sortir tous les assistants, à l'exception des premiers dignitaires,

et la consécration religieuse fut célébrée. Le souverain et sa jeune épouse sortirent du temple, se tenant par la main, tous deux la couronne sur la tête; et ils furent salués par les acclamations de la foule, qui se mêlaient au bruit des canons et des cloches. Le prince Mstislavski, sur le seuil de l'église, versa sur les deux époux des pièces d'argent renfermées dans un vase précieux, et jeta au peuple des ducats et des médailles, portant.pour effigie une aigle à deux têtes. Mnichek et un petit nombre de boyars prirent part au festin : après quoi le père de la tsarine et Vassili Schouiski accompagnèrent les nouveaux époux jusqu'au lit nuptial.

Au milieu des fêtes et des réjouissances qui se succédèrent, le mécontentement ne cessait de s'accroître par la jactance et les insultes des Polonais, qui affectaient de traiter les Moscovites comme des ennemis vaincus. Schouiski jugea qu'il était temps d'agir: il entretenait l'exaspération des uns, et entraînait les irrésolus en leur prédisant la ruine prochaine de la Russie, sous le règne d'un moine imposteur: il leur montrait les satellites étrangers de la créature de Sigismond, tirant le glaive dans les rues, déshonorant les femmes et les filles, et forçant les portes des habitations. Il leur exposa avec force la dilapidation du trésor, la religion menacée, et les anciennes provinces de l'empire promises comme un salaire à l'étranger. On accueillit les paroles accusatrices de Schouiski par des protestations de dévouement. Les centeniers répondirent du peuple; les officiers, des soldats; et les seigneurs, des domestiques.

Du 12 au 15 de mai, on remarqua une grande agitation parmi le peuple; on répandait le bruit que le tsar, craignant pour ses jours, avait l'intention de faire périr les boyars, les fonctionnaires les plus distingués, et les bourgeois; que le 18, jour fixé pour une petite guerre, on mitraillerait les Moscovites, tandis que les Polonais s'empareraient de la capitale. Des contes plus absurdes encore étaient accueillis

par la crédulité des Russes, qui commençaient à parler tout haut de leurs craintes et à maltraiter les étrangers.

Otrépief n'ignorait point ces circonstances, mais il affectait une confiance sans bornes. Dans la nuit da 15 au 16, on arrêta dans le Kremlin quelques hommes suspects, sans qu'on pût rien découvrir de leurs desseins. Dmitri négligea de renforcer la garde du palais; il se contenta de faire placer des strelitz dans les rues, pour protéger les Polonais. Le 16, toutes les boutiques furent fermées pour les étrangers; et, pendant la nuit qui précéda le jour décisif, un grand nombre de soldats s'introduisirent dans Moscou, pour se joindre aux conjurés. Déjà les affidés de Schouiski s'étaient emparés des portes de la ville, et le faux Dmitri s'amusait à entendre de la musique dans ses appartements. Les maisons habitées par les seigneurs polonais avaient été marquées de signes particuliers. Le 17 mai, la ville etait en pleine révolte; le tocsin appelait les Russes; et déjà les enfants-boyars, les strélitz, les marchands, étaient en armes sur la grande place, où ils avaient trouvé les boyars à cheval, environnés d'une foule de princes et de voievodes: une foule innombrable se joignit à eux. Alors le prince Vassili Schouiski, tenant d'une main le crucifix et le glaive de l'autre, entra dans le Kremlin; et, après s'être prosterné devant l'image de la sainte Vierge, il s'écria : « Au nom de l'Éternel, marchez contre l'odieux hérétique.» Réveillé par le tumulte, Otrépief s'habille à la hâte; il entend les cris du peuple, et voit de sa fenêtre briller les piques et les glaives. Il appelle Basmanof, qui s'élance dans le vestibule, déjà envahi par la foule qui le somme de lui livrer l'imposteur : il rentre avec précipitation, ferme la porte, et ordonne aux gardes du corps d'arrêter les révoltés: «Tu n'as pas voulu me croire, dit-il au tsar; tout est fini..... Moscou demande ta tête.» A peine achevait-il ces mots, qu'un gentilhomme, qui l'avait suivi, se présente, exigeant, au nom du peuple, que le tsar

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