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mats sauvages, n'ont pas été mieux traités que les naturels. Objets de la haine et de la jalousie du peuple, ils réclament en vain les avantages qu'on leur a promis, ou il faut qu'ils les achètent non-seulement par leurs services, selon la teneur de leurs engagements, mais encore en se conformant à une discipline humiliante, à des châtiments corporels auxquels plusieurs n'ont pas voulu survivre. Là ne se bornent pas leurs récriminations : Pierre, disent ces juges sévères, fit payer chèrement sa faveur à ceux dont les services lui étaient indispensables. Sans égards pour Catherine, il l'entraîna, au milieu de ses grossesses, d'un bout de l'empire à l'autre, et même hors de ses États; aussi les cinq fils qu'elle lui donna moururentils en bas âge. A la moindre contradiction, il levait sa canne sur ses conseillers intimes, s'obstinant à réduire toutes les vertus, dans toutes les conditions et dans toutes les circonstances, à l'obéissance passive. En présence de charges si accablantes, et cependant fondées, on serait tenté de vouer la mémoire de Pierre à l'exécration de la postérité; l'on s'étonne presque que l'Europe lui ait donné le nom de Grand, désormais inséparable du souvenir qu'il réveille. Dira-t-on que ses vices furent ceux de son époque, et ses vertus, le résultat de ses rapports avec les étrangers? Quel est donc le souverain contemporain qui peut lui être comparé pour la persévérance à marcher vers un but dont l'utilité et la grandeur ne pouvaient être appréciées que par les générations à venir? Charles XII l'emportait sans doute sur Pierre en courage chevaleresque; mais qu'est-il resté à son peuple de ses victoires? Louis XIV eut un règne plus éclatant; mais quelle différence de position! La grandeur de ce monarque, préparée par des ministres de génie, entourée d'une foule d'illustrations nées de la maturité des mœurs et des institutions, marquait l'apogée du régime monarchique, et ne promettait après elle qu'affaiblissement et décadence. Pierre dut façonner jusqu'aux

matériaux qu'il employa, et il en arrêta l'ordonnance avec un instinct si sûr, que ses successeurs n'eurent rien de mieux à faire que de continuer son œuvre (*). Les conseils des étrangers

(*) Dans un ouvrage composé sur les documents recueillis par les agents du ministère des affaires étrangères, on donne longuement le plan qu'avait conçu Pierre I pour l'agrandissement de son empire; et si l'on suit la marche de la politique russe depuis ce monarque, on reconnaîtra que le cabinet de Pétersbourg n'a point changé de maître. En voici quelques articles :

« Ne rien négliger pour donner à la nation russe des formes et des usages européens.

«

Maintenir l'État dans un état de guerre continuelle.

bles, vers le nord, le long de la Baltique; «S'étendre, par tous les moyens possiau sud, le long de la mer Noire.

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Entretenir la jalousie de l'Angleterre, du Danemark et du Brandebourg contre la Suède, qu'on finira par subjuguer.

Intéresser la maison d'Autriche à chasser

les Turcs de l'Europe, et, sous ce prétexte, entretenir une armée permanente; établir des chantiers sur le bord de la mer Noire; et en avançant toujours, s'étendre jusqu'à Constantinople.

"

Alimenter l'anarchie de la Pologne, et finir par subjuguer cette république.

Entretenir, au moyen d'un traité de commerce, une alliance étroite avec l'Angleterre, qui, de son côté, favorisera tous les moyens d'agrandissement et de perfectionnement de la marine russe, à l'aide delaquelle on obtiendra la domination sur la Baltique et la mer Noire.

« Se pénétrer de cette vérité, que le commerce des Indes est le commerce du monde, et que celui qui en peut disposer exclusivement, est le souverain de l'Europe.

«Se mêler à tout prix dans les querelles de l'Europe, et surtout de l'Allemagne.

«Se servir de l'ascendant de la religion sur les Grecs désunis ou schismatiques, rédans les parties méridionales de la Polopandus dans la Hongrie, dans la Turquie,

gne.

«Enfin, mettre en lutte l'une contre l'autre les cours de France et d'Autriche, ainsi que leurs alliés, et profiter de leur affaiblissemoitié de ce plan est exécutée; le plus dif. ment réciproque pour tout envahir. » La

ont nécessairement guidé ses vues, régularisé ses moyens d'action; la différence qu'il y avait entre ces étrangers et lui, c'est que le tsar commença son éducation plus tard, et qu'il eut le courage d'apprendre une civilisation entière. Mais si, comme souverain, il a droit à notre admiration, faudra-t-il le condamner comme homme, et ne trouverons-nous pas, dans cette vie si pleine comme vie publique, une foule d'actions qui révèlent une nature privilégiée ? On est d'abord frappé, en lisant les jugements si divers dont Pierre a été l'objet, de retrouver dans les louanges une unité de sentiments, une analogie dans les déductions, dont le caractère est celui de la persuasion et de la conscience; tandis que le blâme est si divergent, qu'il semble plutôt l'effet d'une singularité d'amour-propre qui veut protester contre une gloire incontestable, et ne voir que des taches là où il y a harmonie et splendeur: c'est comme si, pour faire connaître la flore d'un pays, on se bornait à l'énumération des poisons que produit le sol. Frédéric II a comparé les réformes de Pierre Ier à de l'eau forte qui ronge du fer. Rousseau et Mirabeau n'accordent au tsar que le génie de l'imitation. Mais en général, les esprits d'une haute portée, même en cédant à la partialité, ont compris que Pierre n'ayant eu qu'un but unique, celui de la civilisation de ses peuples, ne devait être jugé, dans la plus haute acception du sens historique, que sur les difficultés et le succès de son œuvre. Ils ont négligé les détails, et ne lui ont point fait un crime d'avoir déraciné ou broyé de sa main puissante les obstacles qui traversaient son chemin. Mais voyons enfin si, dans ces traits anecdotiques, où l'homme privé échappe à l'homme des masses, on ne trouve aucune de ces saillies de l'âme, si précieuses dans l'histoire des grands hommes, parce qu'elles encadrent, pour ainsi dire, cette gloire

ficile reste à faire : mais l'Europe est désunie, et la population de la Russie triple en un siècle.

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La plupart des hommes supérieurs ont dédaigné cette recherche de luxe et cet éclat d'entourage dont la médiocrité ne peut se passer. Cette simplicité sans affectation est un des traits caractéristiques de Pierre le Grand. Sa signature habituelle était Pitre; dans sa mise, comme dans son ameublement, il préférait l'usage à l'élégance; ses repas ordinaires se composaient des aliments les plus communs, et qu'il était sûr de rencontrer partout; il couchait sur la dure, se levait à quatre heures du matin, et, dans ses excur sions fréquentes, il n'avait souvent pour reposer sa tête que le corps d'un de ses officiers d'ordonnance qui, pendant le sommeil de son maître, restait immobile comme le meuble qu'il remplaçait. Il acceptait volontiers les invitations des soldats, buvait avec eux et plus qu'eux, pour étudier, au milieu de leurs épanchements, leurs besoins et les abus de pouvoir dont ils étaient victimes. Il tenait, comme l'a dit sa fille, tous les enfants qu'on voulait un baiser à l'accouchée, un ducat sous son chevet, et c'était tout. Il dédaignait les formes de l'etiquette: on l'a vu donner audience à l'ambas-sadeur d'Autriche, à cinq heures du matin, au milieu du désordre de son cabinet d'histoire naturelle; l'envoyé de Prusse eut une réception encore plus singulière il ne put joindre le tsar pour lui présenter ses lettres de créance qu'à bord d'un vaisseau. Pierre était sur le hunier, travaillant à la manœuvre. Le diplomate, qui aurait été fort embarrasse d'une réception aérienne, dut attendre que le souverain redescendit jusqu'à lui. Un jour, Pierre s'était arrêté près d'une forge, et se rappelant ses anciennes occupations, il se mit à ce rude travail pendant plusieurs heures. De retour à Moscou, il se présente chez le maître de l'usine, convient du salaire qu'il a gagné, reçoit huit altines, et achète de cet argent une paire de chaussures dont il avait grand besoin. C'est ainsi, ajoute

M. de Ségur, qu'il essayait de guérir ses nobles de l'orientale et orgueilleuse paresse dont ils étaient imbus.

Quoi qu'on en ait dit, la reconnaissance fut une de ses vertus. Il laissa éclater une vive douleur à la mort de Lefort et de Schérémétief. Bien longtemps après la perte du premier, on l'entendit s'écrier à la nouvelle d'une victoire de ses troupes contre les Suédois « Voilà, depuis la mort de Lefort, la première joie que j'éprouve sans mélange d'amertume. » Il suivit à pied, et la tête découverte, le convoi d'Areskins, son médecin, et soigna avec la plus tendre sollicitude, dans leurs maladies, Mentchik of et plusieurs de ses généraux. Peut-être pourraiton soupçonner que l'intérêt qu'il témoigna à ses favoris n'était excité que par le besoin qu'il avait de leurs services sans doute, pour mériter l'amitié du tsar, il fallait plus que le talent de plaire; mais ce qui prouve que ses affections étaient sans calcul, ce sont les larmes qu'il répandit sur la mort de Charles XII.

La simplicité et la reconnaissance supposent presque toujours l'amour de de la justice; il put quelquefois errer dans les moyens, mais presque toujours, jusque dans ses ordres les plus barbares, il n'est cruel que pour avoir dépassé un but louable. Nous avons dit ce qu'il fit de plus important pour la guerre, la marine, l'administration civile, le commerce, les sciences et les arts; il s'acquit encore une autre gloire qui, pour être appréciée, exigerait de longs développements: il sentit le besoin de coordonner en système toutes ses réformes, en un mot il fut législateur. Dès l'année 1710, il conçut le projet de rédiger un code civil, criminel et militaire, et Dolgorouki ne cessait de lui en rappeler la nécessité. En 1711 il constitua le sénat, qu'il ouvrit au mérite; en 1716, it dressa un code militaire et un règlement de procédure; en 1718, il remplaça par des colléges ou ministères, l'ancienne organisation des prikazes. Dès que la guerre contre la Suède lui eut permis de s'occuper avec

en

plus de suite de ses travaux législatifs, Dolgorouki lui dit : Jusqu'à ce jour, d'autres soins ont pu te distraire; mais tu dois la justice à tes peuples. Tsar, je t'avertis qu'il est temps que tu y penses: et, dès 1719, il promulgue, sous le titre de Concordance des lois, un digeste, qui est moins un nouveau code de lois qu'une amélioration de l'Oulajénié, complété par une ordonnance réglementaire du clergé. Un an après, il charge une commission de revoir encore ce travail, et d'en extraire les éléments d'un code civil et criminel; enfin, 1723, il publie un code maritime. Quand on pense à la difficulté d'un semblable travail, dans un pays où les mœurs étaient une protestation continue contre toute nouveauté, on est moins surpris de l'arbitraire qui régnait dans les lois fiscales, sans l'exécution desquelles tout devenait impossible. C'est grâce à ce système financier, et peutêtre à cause même de l'arbitraire laissé aux percepteurs, que Pierre put dire à la paix de Neustadt : « J'aurais pu soutenir encore vingt et un ans` la guerre, sans être obligé de contracter des dettes. »>

Malgré sa violence naturelle, une réponse digne et ferme le rendait à lui-même, en réveillant en lui le sentiment de l'équité. Un jour, traversant la Néva avec un sénateur, il s'emporta contre lui jusqu'à le menacer de le précipiter dans le fleuve :

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Tu peux me noyer, lui dit tranquillement celui-ci, mais ton histoire le dira; » et l'histoire, en cette circonstance, n'a eu qu'à consigner l'empire de Pierre sur sa colère fougueuse. Une autre fois encore, Pierre, toujours pressé d'arriver, ayant poussé outre mesure l'attelage d'un isvotchik, un des chevaux du loueur succomba. Le conducteur demande une indemnité, Pierre refuse; le différend est porté devant un tribunal; le tsar perd sa cause, et paye le dédommagement fixé.

Peu de souverains ont été aussi avides de connaissances; on l'a vu serrer dans ses bras, avec toute l'effu

sion d'une joie paternelle, son petitfils, dont les progrès annonçaient un prince distingué, et lui conférer, entre autres marques de sa satisfaction, le grade d'enseigne, n'oubliant jamais le côté utile dans la récompense. Ses filles Anne et Élisabeth parlaient quatre langues, et Nathalie, leur tante, cultivait avec succès la littérature. Quand il était content d'elles, il les baisait au front, les encourageait par des présents, et s'écriait qu'il donnerait un de ses doigts pour avoir reçu une éducation aussi soignée. C'est dans les réunions qui avaient lieu chez ces princesses ou dans le palais de Mentchikof, qu'il s'appliquait à polir les mœurs russes, en mettant en honneur les formes de la bonne société. Un jour, à l'une de ces réunions, quelqu'un se livrait devant lui à une médisance passionnée; Pierre l'interrompit par ces paroles, qu'on croirait empruntées aux héros de Plutarque: «Eh quoi! n'as-tu donc pas remarqué dans cet homme dont tu médis, quelque chose de bien, et ne saurais-tu nous en entretenir ? »>

Il remplaça par un travail constant ce qui lui manquait par le vice de son éducation. Il entretenait une correspondance suivie avec plusieurs savants étrangers, et entre autres avec Leibnitz. Lui-même a traduit des traités sur le tracé des cartes et la levée des plans, ainsi que sur l'art de construire des écluses. Par son ordre, les écrivains les plus habiles de son empire ont enrichi la langue russe d'ouvrages d'une utilité générale. Assez grand pour n'accueillir que la vérité, il repoussait la flatterie, qui n'est qu'un mensonge intéressé. Un jour que, dans une traduction de Puffendorf, on avait cru devoir affaiblir quelques passages un peu sévères pour les Russes, il exigea que la pensée de l'auteur fût conservée, ne voulant pas, disait-il, flatter ses sujets, mais les instruire, et surtout leur montrer ce qu'ils avaient été, afin qu'ils changeassent par leurs efforts l'opinion de l'Europe. Une autre fois, on lui lisait un passage du Spectateur, dans lequel l'auteur an

glais le mettait au-dessus de Louis XIV: «Je sais, dit Pierre, que Louis a été plus grand que moi; cependant, je crois l'emporter sur un point: il s'est laissé conduire par son clergé, tandis que j'ai réformé le mien. »

Cet homme, dont la volonté de fer domptait la résistance de tout un peuple, subissait lui-même l'influence de la vertu. Dans une année de disette, Pierre venait de rendre un oukase, dans lequel la subsistance de Novgorod était sacrifiée à celle de Saint-Pétersbourg. Dolgorouki se saisit de cette pièce en plein sénat, l'emporte, et se rend dans une église prochaine. Le tsar l'apprend, retourne au sénat, et fait mander l'audacieux sénateur. Celui-ci, sans s'émouvoir, continue ses devoirs pieux, et se rend enfin aux ordres réitérés du tsar. Dès qu'il l'aperçoit, Pierre, hors de lui, tire son épée, et s'écrie: « Tu vas périr! » Dolgorouki reste impassible, et présentant sa poitrine : « Frappe, dit-il, je ne crains pas de périr pour une cause juste; et Pierre, redevenu lui-même, lui rend grâce de sa courageuse sincérité. On raconte deux autres traits semblables qui honorent Pierre et Dolgorouki: ce vénérable tuteur de la gloire de son maître osa déchirer un oukase impérial, à l'occasion de corvées nouvelles imposées pour l'achèvement du canal de Ladoga; il supprima également un ordre de recrutement; et des larmes d'attendrissement succédèrent à la colère impétueuse du souverain, lorsque Dolgorouki lui eut dépeint avec une simplicité touchante, l'épuisement de la génération présente, qu'il sacrifiait sans pitié aux générations à venir.

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Comme les héros des premiers âges, il eut à lutter, non-seulement contre les obstacles naturels, mais encore contre les brigands qui infestaient les routes. Un jour, il est assailli par huit scélérats, dont le chariot arrête le sien. Pierre en saisit un par les cheveux, l'arrache du milieu de ses compagnons, l'entraîne dans un lieu sûr, et le force à dénoncer le repaire de ses complices. Une autre fois, moins

heureux, il fut, comme César, obligé de capituler avec une troupe nombreuse de bandits, et de signer de sa main l'ordre de leur payer sa rançon.

Nous citerons encore quelques traits qui prouvent qu'il fut bon quand de grands intérêts ne le portaient pas à être sévère. Nous avons déjà rapporté comment, au mépris de ses jours, et déjà miné par la maladie, il sauva tout l'équipage d'une chaloupe près du port de Lakhta; nous dirons encore que son affection pour ses sujets s'est souvent révélée dans des circonstances qui, pour être moins éclatantes, n'en peignent peut-être que mieux les habitudes bienveillantes de l'âme. Pierre avait remarqué les suites funestes que l'absence de chaussures avait sur la santé des paysans de la Finlande; il leur envoya des Russes pour leur apprendre à se faire des lapti avec de l'écorce de tilleul ou de bouleau. Pour attirer le peuple dans son cabinet d'histoire naturelle, il ordonna de distribuer aux visiteurs des rafraîchissements gratuits : n'était-ce pas montrer une connaissance profonde des hommes que de vouloir leur inculquer des idées justes, par l'attrait d'un plaisir octroyé? Un jour, il apprend qu'on refuse au peuple l'entrée d'un de ses parcs; il s'en étonne, et s'écrie: «Comment a-t-on pu s'imaginer que j'aie dépensé tant d'argent pour moi seul? » Cette leçon d'un monarque absolu pourrait profiter à plus d'un prince constitutionnel.

Tel fut cet homme extraordinaire, assemblage étonnant de faiblesses et de grandeur, mais grand par son but jusque dans ses écarts. Quand on le suit dans son œuvre, on ǹe voit plus les taches de son règne que comme des imperfections qui, en expliquant les secrets de sa nature, révèlent celui de ses vertus. Ce serait nier l'évidence que de ne pas reconnaître que la Russie, telle qu'elle est, est l'œuvre de ses travaux et de son génie. Nous dirons plus; il l'a poussée vers ses destinées d'une main si puissante, qu'elle lui devra encore tout ce qu'elle peut devenir; et si la liberté ne peut

être que le partage des lumières, son despotisme inflexible, en l'arrachant à l'ignorance et à la barbarie, l'a plus rapprochée de cette liberté que n'eussent pu le faire dix règnes de patience et de mansuétude.

CATHERINE I, ALEXÉIEVNA.

1725-1727. A peine Pierre le Grand eut-il fermé les yeux, que Catherine monta sur le trône : la garde était gagnée; et Mentchikof avait préparé les esprits à cette mesure. Il paraît, au reste, que le peuple, le clergé et la noblesse étaient favorablement disposés à son égard. Elle avait fait sa forgénéralement à reconnaître qu'elle tune à petit bruit, et l'on s'accorde avait souvent usé de son crédit pour obtenir de Pierre des grâces ou des adoucissements de peines. Le parti attaché aux anciennes mœurs crut avoir beaucoup gagné en voyant le sceptre passer des mains fermes du réformateur entre celles d'une femme. Cependant, la haine qu'on portait à Mentchikof avait été sur le point de déjouer toutes les mesures qu'il avait prises avec l'impératrice. On appréhendait, non sans raison, que ce parvenu, aussi habile qu'orgueilleux et avide, n'abusât de l'ascendant que lui aurait donné ce nouveau service. Il était même question de placer Pierre II sur le trône. Mais les esprits, façonnés à l'obéissance servile par un si long règne, n'eurent pas assez d'énergie pour l'exécution. L'archevêque Theophane, devoué aux intérêts de Catherine et de Mentchikof, contint le clergé et les nobles, en disant que Pierre lui avait confié qu'il ne faisait couronner son épouse que pour lui assurer le droit de régner après lui.

Maîtresse de l'empire, et appuyée de Mentchikof, Catherine essaya de continuer l'œuvre de Pierre I"; mais le respect qu'elle devait à sa mémoire ne l'empêcha point de rappeler de l'exil le vice-chancelier Schafirof et la sœur de Moëns, madame de Balk. Pour se concilier la faveur des troupes, elle leur fit payer un arriéré con

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