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afnée, c'est-à-dire, de proclamer une fille d'Ivan. La postérité immédiate du frère aîné de Pierre le Grand se composait de la duchesse de Mecklenbourg, alors à Moscou, et de la duchesse de Courlande. On se décida en faveur de cette dernière, parce qu'elle était veuve, et que sa sœur aînée était mariée à un prince étranger. La véritable raison, dit Manstein, c'est que la duchesse de Courlande était absente, et qu'on voulait avoir le temps de prendre des mesures convenables pour assurer la nouvelle constitution. En conséquence, on dressa dans le plus grand secret les articles suivants: 1° L'impératrice ne gouvernera que d'après les délibérations du conseil souverain. 2o Elle ne fera de son chef ni la paix ni la guerre. 3° Elle ne mettra aucun impôt, et ne disposera d'aucune charge considérable sans l'agrément du conseil. 4° Elle ne punira de mort aucun gentilhomme qui n'aura pas été convaincu de crime capital. 5° Elle ne pourra confisquer les biens de qui que ce soit. 6o Elle ne pourra, dans aucun cas, disposer des domaines de la couronne, ni les aliéner. 7° Elle n'aura la liberté de se marier et de se choisir un successeur qu'avec l'agrément du conseil souverain. Ces dispositions, qui auraient mis l'impératrice en tutelle, prouvaient plutôt l'ambition de l'aristocratie russe que ses lumières. En supposant même qu'à cette époque un gouvernement constitutionnel eût été possible en Russie, au moins fallait-il laisser à la souveraine le pouvoir de faire le bien, que cette charte lui interdisait. Trois députés représentant le conseil souverain, le sénat et la noblesse, partirent immédiatement pour aller porter ces propositions à la duchesse de Courlande. Ils devaient la supplier en même temps, si elle les acceptait, de ne point amener avec elle Biren, gentilhomme de sa chambre.

Il paraît assez probable que le conseil s'attendait à un refus; et en effet il valait mieux rester duchesse de Courlande que de ne recevoir le titre d'impératrice que pour se voir lier

les mains au sceptre. Le comte Iagouchinski dont Pierre le Grand avait distingué le mérite, était alors à la tête des affaires; il pénétra les vues du conseil, et comprit tout l'avantage qu'il pourrait tirer d'une indiscrétion. Il dépêcha, en toute hâte, un homme sûr vers la duchesse pour l'informer de son élection, en lui donnant le conseil de souscrire provisoirement à tout. Il ajouta qu'il était urgent qu'elle se rendit à Moscou aussitôt après son acceptation; qu'en attendant, elle pouvait compter sur son zèle. Le prince Dolgorouki découvrit par ses espions que l'impératrice avait été prévenue, avant même l'arrivée des ambassadeurs. L'agent d'Iagouchinski fut cruellement maltraité, et le comte, dépouillé de ses fonctions et dégradé, fut jeté dans un cachot du Kremlin.

Cependant l'impératrice signa tout ce qu'on voulut. « Elle arriva à Moscou, dit Manstein, le 25 février. Le grand chancelier, à la tête des membres du conseil, lui présenta, dans un bassin d'or, le cordon de Saint-André avec l'étoile. Sitôt qu'elle le vit: Il est vrai, dit-elle, que j'ai oublié de m'en revétir. » Et quand le grand chancelier voulut la complimenter, elle lui imposa silence. Bientôt après, elle nomma Soltikof, parent de sa mère, lieutenant-colonel des gardes : puis, comme si elle eût été satisfaite de ces actes d'autorité, elle parut se plier sans répugnance à toutes les exigences du conseil.

Cependant elle ne négligeait rien pour se faire un parti. Bientôt, au mépris de ses promesses, elle fit venir à Moscou son favori Biren. Elle tâcha de gagner l'esprit des gardes par des libéralités, sema la désunion parmi les membres du conseil, et fit insi

nuer à la noblesse de second ordre que le pouvoir du conseil ne faisait que substituer plusieurs volontés à l'unité monarchique, au grand détriment de ceux qui n'appartenaient pas aux familles privilégiées. Ses partisans rappelaient la conduite des Dolgorouki, depuis le règne de Pierre II, leur soif de dominer, leur partialité

pour leurs créatures, et leur dureté envers quiconque n'entrait pas dans leurs vues ambitieuses. Les princes Troubetskoï, Bariatinski et Tcherkaski étaient l'âme du parti impérial. Ils se rendirent au palais, accompagnés de six cents gentilshommes, pour demander audience à la souveraine. A la suite de cette mesure concertée d'avance, ils la supplièrent de convoquer le conseil suprême, à l'effet d'examiner quelques points concernant la régence. En même temps, Soltikof s'empare de toutes les issues du palais, et la garde reçoit l'ordre de se tenir sous les armes. D'un autre côté, le conseil et le sénat s'étaient assemblés pour aviser au parti à prendre dans cette circonstance imprévue. L'ordre de comparaître devant l'impératrice interrompit leurs délibérations. En présence de ces deux corps réunis et de la députation de la noblesse, le comte Matvéïef, s'adressant à la tsarine, au nom des gentilshommes de l'empire, lui représenta qu'elle avait été surprise par les députés du conseil suprême, et que toute la nation la suppliait de prendre les rênes du gouvernement. Anne feignit une grande surprise; elle se fit apporter la capitulation de Mittau, et ayant ordonné au grand chancelier de la lire, à chaque article elle demandait si cet article convenait à la nation. Les

gentilshommes ne manquèrent pas de répondre négativement; alors elle se plaignit d'avoir été trompée, et déchirant cet écrit comme inutile, elle déclara: « que l'empire de Russie, n'ayant jamais été gouverné que par une seule personne, elle voulait jouir des mêmes prérogatives que ses ancêtres, puisqu'elle était montée sur le trône, non par voie d'élection, comme le prétendait le conseil, mais par droit d'héritage, et que tous ceux qui s'opposeraient à l'exercice de sa puissance souveraine, seraient punis comme coupables de haute trahison. » L'assemblée répondit à ce discours par des acclamations; on prit les mesures nécessaires pour comprimer toute résistance, et des courriers furent expé

diés dans toutes les provinces de l'empire pour répandre la nouvelle de ce changement. Le peuple en témoigna une vive joie, non, comme on l'a dit, parce qu'il était fait pour l'esclavage, mais parce qu'il se souciait peu d'une liberté qui n'était profitable qu'à quelques grands. Cependant, le même soir, l'horizon parut d'un rouge de sang, et la superstition expliqua ce phénomène comme l'annonce de grands malheurs. Les cruautés de Biren se chargèrent plus tard de l'interprétation.

Ce récit, emprunté, à la forme près, au général Manstein, présente l'impératrice comme ayant renversé le conseil suprême avec autant de prudence que de fermeté; les détails donnés sur ce même événement par le général Betzki, que cite Leclerc, sont moins favorables à cette princesse. Selon lui, elle montra une grande irrésolution et une timidité plus conforme à son caractère. Elle eut besoin pour soutenir son rôle de l'assistance de sa sœur. Après avoir déchiré la capitulation, elle ordonna d'aller chercher Iagouchinski qui était dans les fers, et le réintégra dans ses fonctions. Bientôt Biren afficha un despotisme insupportable; il voulut même exiler en Sibérie Iagouchinski; mais Anne se rappelant ce qu'elle lui devait, se contenta de l'envoyer en ambassade à Berlin.

Le conseil suprême était frappé de consternation; le prince Galitzin conserva seul sa présence d'esprit il dit à ses collègues, en faisant allusion au pouvoir oligarchique qu'il avait essayé d'établir: Le repas était apprêté, mais les convives n'en étaient pas dignes. La justesse de ce mot prouve la vanité de l'entreprise. C'est de ce moment qu'on doit dater le règne d'Anne Ivanovna, car jusqu'alors elle n'était que la représentation morte d'un pouvoir qui résidait réellement dans le conseil suprême. La chute de cette constitution éphémère a été attribuée à plusieurs causes, telles que l'absence d'unité dans les vues; l'oubli impolitique des intérêts du clergé, dont Galitzin redoutait l'influence, et l'imprudence plus grande encore de négliger l'appui

des gardes. Sans doute toutes ces causes contribuèrent à la ruine du conseil souverain; mais les mœurs de la nation, et les prétentions jalouses de la petite et de la moyenne noblesse étaient des obstacles plus puissants encore, contre lesquels il aurait fallu lutter avec une rigueur peu faite pour mettre en évidence les avantages réels d'un pareil changement.

ANNE IVANOVNA.

1730-1740. Anne semblait attendre que son autorité ne fût plus contestée pour abandonner le soin de l'empire à son favori. Biren était petit-fils d'un palefrenier de Jacques III, duc de Courfande. Cet homme eut deux fils, dont l'un entra au service de Pologne, et l'autre à celui de Courlande. Če dernier accompagna, en qualité d'écuyer, le fils de son maître qui fut tué d'un coup de feu au siége de Bude; et il obtint à son retour la place de capitaine des chasses. Il eut trois fils: Ernest, l'aîné, se rendit à Pétersbourg pour y briguer la place de gentilhomme de la princesse de Wolfenbüttel, épouse d'Alexis; mais il reçut l'ordre de sortir de l'empire. De retour à Mittau, il gagna les bonnes grâces de Bestoujef, grand maître de la cour de la duchesse de Courlande, et parvint à se faire nommer gentilhomme de la chambre de cette princesse. Il ne fut pas longtemps sans obtenir ses bonnes grâces; et le premier usage qu'il fit de son crédit, eut pour résultat la ruine de son bienfaiteur. La noblesse de Courlande, humiliée d'un tel choix, chercha tous les moyens de mortifier le favori; en vain Biren essaya de se faire agréger au corps de la noblesse courlandaise; la cour de Russie, instruite de ses intrigues, et le connaissant pour un homme dangereux, avait mis au nombre des conditions imposées à la duchesse, que son favori ne la suivrait pas en Russie. Il est probable que les boyars étaient moins blessés de l'extraction roturière de Biren que de sa qualité d'étranger. En fait d'élévation subite, le règne de

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Pierre le Grand leur fournissait des exemples non moins extraordinaires.

L'impératrice le nomma son chambellan; et dès lors il se donna la satisfaction de persécuter ceux dont il avait eu à se plaindre. L'ancien conseil fut cassé, et remplacé par un autre sous le nom de conseil du cabinet. Ce conseil, qui transmettait au sénat et aux autres départements les décisions suprêmes pour toutes les affaires majeures, était composé de Munich, de Tcherkaski, et d'Ostermann; le premier ayant été nommé maréchal général des armées, et commandant de Pétersbourg et de l'Ingrie, Ostermann et Tcherkaski restèrent seuls au cabinet; ce qui fit dire aux Russes que Tcherkaski était le corps d'un cabinet dont Ostermann était la double áme.

La disgrâce des Dolgorouki suivit bientôt la dissolution du conseil; la famille Galitzin eut le même sort. Les uns furent exilés ou renfermés; on se débarrassa des autres par des emplois dans des résidences éloignées. La jeune princesse Catherine Dolgorouki, qui avait été fiancée à Pierre II, fut reléguée dans un couvent. Quelques années plus tard, le favori vindicatif, furieux que l'impératrice eût rappelé le prince Serge Dolgorouki, résolut la perte de toute cette famille; il suborna de faux témoins, accusa toute cette famille de correspondances criminelles avec les puissances étrangères, et fit conduire les accusés à Novgorod, où leur procès fut bientôt instruit. Les princes Ivan et Vassili furent roués vifs, deux autres écartelés, et les trois qui restaient eurent la tête tranchée.

Après le sacre de l'impératrice, qui eut lieu le 28 avril, Biren fut nommé grand chambellan, et élevé à la dignité de comte.

Pendant les deux premières années du règne d'Anne, Biren affecta de ne point se mêler des affaires; mais plus tard il attira tout à lui, et gouverna avec un despotisme tel que les Russes eux-mêmes s'en étonnèrent. Il eut assez de crédit pour rompre le mariage projeté entre sa souveraine et l'infant

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dom Emmanuel de Portugal; pour éloigner toute idée d'alliance, il obtint de l'impératrice qu'elle se désignerait un successeur. Son choix tomba sur sa nièce, fille de la duchesse Catherine, mariée au duc Charles de Mecklenbourg. Cette jeune princesse changea son nom de Catherine pour celui d'Anne, en abjurant la religion protestante. Il fut d'abord question de lui faire épouser le margrave Charles, de la maison de Prusse; mais la cour de Vienne traversa ce projet d'alliance, et fit agréer le prince Antoine Ulric de Brunswick-Lunébourg, neveu de l'impératrice d'Autriche. Le peuple murmura, et manifesta le regret de voir Élisabeth écartée du trône: Anne prit des mesures pour contenir les mécontents, et fut, dit-on, sur le point de reléguer cette princesse dans un couvent; mais Biren intercéda pour elle; on explique cette démarche si étrangère à son caractère, par le désir qu'il nourrissait de marier son fils à cette même Élisabeth, et sa fille au duc de Holstein, veuf depuis quelque temps.

La Pologne, à l'avénement de la duchesse de Courlande au trône de Russie, avait essayé de partager cette province en palatinats et en voievodies; mais Biren avait d'autres vues, et l'influence du cabinet russe parvint à la maintenir en duché électif. La cour se disposa à quitter Moscou pour Pétersbourg. Ce changement de résidence nécessita plusieurs mutations dans les emplois. Le général Roumiantzof fut désigné pour diriger le département des finances: il s'en excusa sur son inexpérience dans cette partie de l'administration, et ce refus consciencieux lui valut l'exil. Plusieurs personnages de distinction, pour avoir parlé librement du favori, eurent un sort pareil.

Munich s'occupait activement de l'organisation de l'armée; il fonda le corps des cadets, et forma plusieurs régiments de cuirassiers. L'impératrice rendit quelques ordonnances favorables au commerce; réduisit certains droits, et renouvela les anciens trai

tés. Les conquêtes de la Perse étaient un fardeau pour l'empire; elle en fit sagement l'abandon à Thamas-KouliKhan (1732).

L'année suivante, des troubles sérieux éclatèrent en Pologne. Auguste II venait de mourir; le primat ouvrit la diete, qui déclara exclus de la souveraineté de Pologne tous les princes étrangers. Les cours de Vienne et de Pétersbourg appuyèrent l'élection de l'électeur de Saxe; et deux corps russes marchèrent, l'un vers l'Ukraine, et l'autre vers la Courlande. Cependant Stanislas fut élu. Alors les seigneurs, voyant l'impossibilité de réussir pour eux-mêmes, se réunirent pour procurer la couronne à Auguste III, et demandèrent la protection de la Russie contre le parti du primat, qui était celui de la France. Anne profita de l'occasion pour faire entrer des troupes en Pologne. Pendant que Stanislas s'emparait de Dantzick, le parti de l'opposition, appuyé du général russe Lascy, procéda à une nouvelle élection; de sorte que les Polonais eurent deux rois Stanislas, l'élu de la noblesse, et Auguste, imposé à la nation par la Russie, et par quelques grands entêtés de leurs prétentions. La présence de Stanislas en Pologne remettait tout en question. Dès l'année suivante, Munich, que Biren redoutait, fut chargé de presser le siége de Dantzick; il s'en rendit maître au nom du roi Auguste, après quatre mois et demi de siege. Ce succès, qui assura la couronne à Auguste, n'amena pas la pacification de la Pologne, qui fut déchirée par des guerres intestines. La tête de Stanislas fut mise à prix par Munich; et ce prince ne parvint à s'échapper qu'à la faveur d'un déguisement. Lorsque la paix fut signée, en 1736, il renonça à toutes ses prétentions, et gouverna avec douceur les duchés de Bar et de Lorraine.

La république était enfin soumise, et Munich se préparait à retourner à Pétersbourg, lorsqu'il reçut l'ordre de faire les préparatifs du siége d'Azof. Les déprédations des Tatars sur le territoire russe étaient le prétexte de

cette guerre, dont le motif véritable est attribué à la jalousie du favori qui craignait l'influence de Munich. Cette campagne, qui rehaussa la réputation militaire du maréchal, coûta à l'empire cent mille hommes; et il fallut, en définitive, acheter la paix par l'abandon des conquêtes faites sur les Turcs. Ce fut surtout pendant cette guerre, observe Rulhière, que Munich, par une rigueur inflexible, acheva d'établir dans les armées russes la discipline qu'elles ont conservée. Les officiers généraux étaient, pour les moindres fautes, enchaînés à des canons, et traînés ainsi dans de longues marches. La plupart des soldats, par la crainte de s'avancer dans les déserts sablonneux qui séparent les deux empires, feignaient des maladies pour ne pas sortir des frontières. Munich, qui vit, par cette ruse, ses troupes diminuer de moitié, fit publier dans son armée une défense d'être malade, sous peine d'être enterré vif; et le lendemain, ayant fait enterrer trois soldats sur le front du camp, les maladies cessèrent, et l'armée passa outre. Au siége d'Oczakof, une bombe alluma dans la ville un incendie irremédiable. Munich commanda aussitôt une attaque environnante. L'incendie s'étendant de plus en plus, et faisant sauter consécutivement trois magasins à poudre, ensevelit au loin sous les ruines une partie de la ville, et des bataillons entiers d'assiégeants. Les Russes refusant alors de monter à un assaut pour entrer dans cette ville embrasée, Munich fait pointer contre ce détachement une batterie de canons; et ces troupes, ainsi forcées de combattre, emportent cette malheureuse ville. Réunissant la grandeur des vues à l'habileté de la tactique, ce général conçut le premier le plan de faire soulever contre les Turcs toutes les peuplades chrétiennes soumises depuis trois siècles à leur dépendance; il parvint à arrêter l'impétuosité de la cavalerie tatare par des chevaux de frise, toujours prêts à protéger toutes ses lignes.

Cependant la paix de Belgrade per

mit à la Russie de s'agrandir du côté de la Crimée; Ostermann en avait réglé les conditions; elles portaient que les ouvrages extérieurs d'Azof seraient démolis; que la Porte ne pourrait construire de nouvelles forteresses du côté de la mer, qu'à trente verstes au delà de cette ville; que les Russes seraient libres d'étendre leurs frontières à vingt milles d'Allemagne, dans les steppes, et qu'ils garderaient Samara; enfin que les Turcs reprendraient Oczakóf et Kenbouroï.

Il ne fut question, dans ce traité, ni de Taganrok, ni des limites du Dniepr, ce qui ouvrait un champ libre aux prétentions de la Russie sur la Pologne, et frappait de nullité l'article du traité du Pruth, qui lui interdisait de s'immiscer dans les affaires de ce royaume.

Avant la conclusion de la paix qui eut lieu en 1739, les Tatars du Kouban furent soumis à la domination russe, et Biren obtint l'investiture du duché de Courlande. Ce favori vindicatif put persécuter à loisir les nobles courlandais, qui ne lui avaient pas épargné les humiliations, et qui se virent forcés de reconnaître pour leur souverain ce même homme auquel ils avaient interdit l'entrée de leurs assemblées. Biren, dit Manstein, avait un singulier expédient pour imposer silence à ceux qui se plaignaient de son administration. Il les faisait enlever par des personnes masquées qui les jetaient dans une voiture couverte, et les emmenaient ainsi dans les provinces les plus reculées de l'empire.

Vers cette époque, l'impératrice fit célébrer le mariage de la princesse Anne de Mecklenbourg, sa nièce, avec le prince Antoine Ulric de Brunswick; les fêtes données à cette occasion présentèrent un mélange curieux de mauvais goût et de magnificence. On renouvela quelques-unes des scènes burlesques qu'on avait vues sous le règne de Pierre le Grand; et l'on poussa encore plus loin que lui l'oubli des convenances. Anne aimait les bouffons; elle en avait six, dont quatre appartenaient à la plus haute noblesse.

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