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sont réservées pour Moscou et Constantinople; celles d'une qualité médiocre vont à la foire d'Irbit (Sibérie), et le reste s'échange avec les Chinois. Tobolsk a l'inconvénient d'être écarté de la ligne principale des communications; Irkoutsk, au contraire, est un lieu de passage très-fréquenté déjà le luxe des cités européennes s'y est introduit, et de riches équipages, sortis des ateliers de l'Europe, roulent dans ses rues spacieuses et bordées de constructions élégantes et commodes. Cette ville, située sur l'Angara, près du lac Baikal, semble destinée à prendre un grand accroissement, surtout si l'on parvient à organiser un système de navigation intérieure dans ces vastes contrées.

L'organisation administrative de la Sibérie n'est pas encore complète, et il faut reconnaître que ce travail offre de grandes difficultés. Aux gouvernements de Tobolsk, Tomsk et Irkoutsk, on a ajouté celui d'lénisséisk, dont l'étendue est à peu près sept fois celle de la France, et dont la population moyenne n'est pas au-dessus de deux habitants par lieue carrée. On a divisé ce désert en quatre provinces ou districts. Le chef-lieu d'un de ces districts, celui de Krasnoïarsk, a donné son nom au gouvernement; les deux autres chefs-lieux ne méritent pas le nom de ville. Touroukansk, située sous le cercle polaire, n'a qu'une centaine de maisons, un fortin où logent le commandant et la garnison, une église cathédrale et deux autres temples.

Tomsk, capitale du gouvernement de ce nom, est très-bien située pour le commerce et la facilité des subsistances; elle est bâtie sur le Tom, affluent de l'Ob. C'est dans ce gouvernement que sont les mines de Kolivan, d'où l'on tire du cuivre, de l'argent et de l'or; et celles de Schlaugenberg, qui fournissent du plomb aurifère exploité aux usines de Barnaoul. L'administration générale des mines de la chaîne de l'Altaï réside dans la ville qui s'est formée près de ces usines, et sa surveillance s'étend jusqu'aux mines de Nertchintsk et d'Irkoutsk. Au reste,

le produit des mines de métaux précieux a été fort exagéré; dans la Sibérie comme partout ailleurs, l'exploitation du fer, du cuivre et du plomb offre plus de bénéfices que l'or, l'argent et le platine.

Le gouvernement de Tobolsk n'est pas aussi riche en métaux que ceux de Tomsk et d'Irkoutsk. La Russie d'Europe, comme on l'a vu, a empiété sur les provinces asiatiques, et s'est approprié une grande partie des mines des monts Ourals. Toutefois, on n'a pas encore achevé la reconnaissance minéralogique de ce vaste espace qui comprend soixante et quinze mille lieues carrées. Il reste aussi à faire des recherches dans les autres gouvernements et dans les provinces dont l'organisation n'est pas définitivement arrêtée; ces provinces sont celles d'Omsk, d'Yakoutsk, d'Okhotsk et du Kamtchatka. Celle d'Omsk, la plus méridionale, arrosée par l'Irtich, est peu boisée, mais propre à la culture; les provinces d'Yakoutsk et d'Okhotsk ne peuvent être cultivées que dans la partie sud. Quant à la presqu'île du Kamtchatka, le climat y est plus rigoureux que dans le reste du continent asiatique, à la même latitude. Les vents froids, les brumes, les tremblements de terre, ne permettent point d'espérer, pour ces vastes contrées, une amélioration prochaine. On y remarque cependant un phénomène d'autant plus frappant, qu'il contraste singulièrement avec les scènes environnantes: c'est une rivière d'eau thermale. qui forme plusieurs cascades, et dont les rives, épargnées par l'hiver polaire, étalent tout le luxe de la végétation. Le voisinage d'un volcan en éruption, d'autres volcans éteints qui ont formé des îles non-seulement dans l'archipel des Kouriles, mais, plus au nord, parmi les îles Aléoutes, quelques cratères d'où il s'échappe par intervalles des flammes et de la fumée, tous ces in dices prouvent que le nord de l'Asie orientale a été travaillé par des feux souterrains. Cependant d'autres motifs paraissent avoir décidé les Russes à placer leurs principaux établisse

ments maritimes sur la côte orientale de la mer d'Okhotsk, préférablement au Kamtchatka. L'accès en est moins difficile, et ils se trouvent ainsi plus à portée des pays cultivés, et des ressources nécessaires.

L'Amérique russe contient plus de soixante-quatre mille lieues carrées de pays peu connus, et beaucoup moins peuplés que le nord de l'Asie. Mais la politique, qui met en compte les éventualités de l'avenir, n'a pas négligé ces contrées presque désertes. D'ailleurs il n'était pas sans attrait pour l'amour - propre national de compter en provinces presque continentales des possessions dans trois parties du monde. C'est là que les glaces se prolongent jusqu'au bord de la mer, quoique sous une latitude qui, en Europe, se prêterait à quelques cultures.

Un grand nombre de faits déposent que le nord du nouveau monde est beaucoup plus froid que les régions de notre continent, placées à une même distance du pôle; et, par une conséquence naturelle, plus on se rapproche de ces régions, à la même latitude, et plus la température se refroidit. La transition de l'une de ces températures à l'autre est préparée au nord de l'Asie, de sorte que les hivers de la côte orientale de la Sibérie sont plus rigoureux que dans la Norwége.

Les îles Aléoutes, dont le climat est en général plus doux, sont assez rapprochées pour que le cabotage favorise les relations entre les deux continents. Les Russes ont déjà formé plusieurs établissements dans ces îles; et les indigènes adoptent sans répugnance les mœurs de leurs maîtres. Il sera beaucoup moins facile de civiliser les sauvages américains. Les Russes, considérant le nord de l'Amérique comme une nouvelle Russie, lui ont donné le nom significatif de Novorossiiski, de même qu'ils ont appelé Nouvelle Sibérie les îles découvertes dans la mer Glaciale, au nord-est de l'embouchure du Léna.

Bientôt la Tatarie indépendante sera effacée de la carte. Les descendants des anciens Scythes, resserrés d'un

côté par la Chine, et de l'autre par la Russie, se verront réduits à accepter la protection de ces mêmes peuples qu'ils ont si souvent fait trembler. Les Kirguizes Kaïssaks se sont presque tous soumis à la Russie; et leurs steppes sont comprises dans les limites de l'empire, qui reçoit ainsi un accroissement de quatre-vingt-huit mille lieues carrées. Ces peuples s'adonnent peu à l'agriculture; leur principale richesse consiste en chevaux d'une excellente race; le même propriétaire en possède quelquefois plusieurs milliers. Leur habileté à les manier est très-remarquable; et la cavalerie russe n'a pas de meilleurs éclaireurs, si ce n'est peutêtre les Cosaques du Don et de la mer Noire. Ces troupes ne reçoivent aucune solde dès qu'elles sont sur le pays ennemi; le pillage est pour elles une haute paye, et les Kirguizes se font peu de scrupule de traiter les alliés en ennemis. En général, leur pays est peu susceptible de culture, si ce n'est sur le bord des rivières. On y rencontre des lacs salés en assez grand nombre pour faire supposer que la Caspienne a couvert jadis ces contrées. Les pins et les bouleaux s'y montrent çà et là, et forment même des forêts; mais les plaines dominent; elles sont en général sablonneuses, et dominées par des collines dont le sol est de même nature. Ces peuples sont divisés en trois hordes qui portent les noms de petite, moyenne et grande horde: la dernière ne mérite plus ce nom, car elle est devenue la moins nombreuse. Leur religion est l'islamisme, avec un mélange de croyances et de pratiques superstitieuses. Quelques-uns ont adopté un singulier expédient pour dire leurs prieres: ils les font écrire sur des banderoles d'étoffe bénites par le mallah, et les attachent au bout d'une perche qu'ils plantent près de leurs tentes, en dirigeant vers le ciel le côté où sont tracés les caractères, et laissant aux vents le soin de l'interprétation.

Sous la dénomination de provinces caucasiennes, on comprend l'ancien gouvernement du Caucase, la chaîne entière de ces montagnes soumise au

jourd'hui à l'empire de Russie, car quelques résistances partielles ne consfituent point l'indépendance, et enfin l'Arménie. C'est une superficie d'environ dix-huit mille lieues; mais sa population ne surpasse guère celle de la Suisse sur un territoire huit fois moins étendu. Ce pays et ses habitants ont été décrits dans la collection dont notre travail fait partie; il ne reste donc plus qu'à les considérer dans leurs rapports avec l'empire russe.

La Russie trouve non-seulement dans cette nouvelle acquisition un accroissement important de territoire sous un ciel tempéré, et aux dépens de la Turquie et de la Perse, mais elle augmente les ressources de sa marine sur les mers séparées par le Caucase. Elle possède maintenant le littoral de la mer Noire jusqu'au delà du Phase (Rion), à partir des bouches du Danube; et, sur la Caspienne, plus de la moitié des côtes lui appartiennent. Ses chantiers de constructions peuvent être abondamment pourvus de matériaux : le Caucase seul suffirait pour les approvisionnements. Lorsque les peuplades des montagnes seront entièrement soumises, la Russie pourra en tirer d'excellents soldats; et quand le séjour des régions caucasiennes, qui peuvent rivaliser avec les contrées les plus favorisées de la nature, pour la beauté des sites, la richesse et la variété des produits, s'enrichira encore de tous les bienfaits de la civilisation, on verra sans doute v affluer les étrangers; même après l'Italie et la Suisse, Te Caucase offrira à la curiosité des touristes tout ce qu'ils vont chercher hors de la terre natale; des ruines, des souvenirs, et à côté des vestiges antiques, une nature tour à tour sévère, riante et vigoureuse, des habitants qui garderont longtemps encore leur physionomie typique, même quand leurs mœurs seront adoucies. Dans l'état actuel, les provinces caucasiennes sont peut être plus onéreuses que profitables à l'empire. Les montagnards s'insurgent fréquemment, et si leur nombre est peu inquiétant, leur courage, leur activité infatigable et la

connaissance des lieux leur donnent souvent l'avantage sur les soldats envoyés pour les réduire. Les officiers qui servent dans cette partie de l'empire ont une haute paye, et ces frais continuels ne doivent pas être couverts par l'exploitation encore si incomplète des produits du sol. La végétation forestière y est magnifique; des buis y parviennent à une grosseur prodígieuse, mais la difficulté des communications condamne ces richesses à mourir sur le sol qui les a produits : quant aux mines, on en tire déjà du fer, du plomb, du cuivre, et un peu d'or et d'argent; les indices observés sur plusieurs points promettent à l'exploitation des produits abondants.

Il a été sérieusement question de joindre la Caspienne à la mer Noire; cette jonction, à moins que l'on n'ouvrit une voie directe qui présenterait mille obstacles, ne serait peut-être praticable qu'en faisant communiquer le Don et le Volga. Les autres rivières, qui abrégeraient cette navigation, coulent dans les plaines entre les deux mers: ce sont le Kouban et le Térek, qui ont tous deux leur source dans les montagnes; mais leurs eaux sont si basses pendant l'été et l'automne, que des barques médiocres ne pourraient y circuler. Si l'on parvenait à les canaliser par la réunion de quelques autres courants, elles déborderaient sur les plaines dans la saison des grandes eaux.

Les deux villes principales du gouvernement du Caucase, sont Kizlar et Mozdok, l'une et l'autre sur le Térek. L'ancienne capitale était Géorgievsk, forteresse, dont la construction répondait à des convenances purement militaires. Le siége du gouvernement a été transféré à Staropol, autre forteresse dont la position n'est guère plus favorable au commerce et à l'industrie de ses habitants. Tous ces forts, rendus nécessaires par les insurrections fréquentes des peuplades du Caucase, cesseront d'être utiles à l'époque de leur soumission définitive, de sorte que les petites villes qu'ils protégent pourront être abandonnées quand des établisse

ments plus avantageusement situés s'élèveront avec des conditions de prospérité qui attireront à elles la population et l'industrie.

La Géorgie, l'Imérete, le Daghestan, sont en partie dans les montagnes, et s'étendent par delà la chaîne, quoique le terrain y conserve beaucoup de relief; le Schirvan, l'Arménie sont contigus à la même chaîne, mais on y trouve de hautes montagnes. Tous ces pays réveillent de grands souvenirs; et l'attention se reporte involontairement à ce qu'ils furent, même lorsqu'on s'est proposé de les étudier tels qu'ils sont. Ces contrées, jadis illustres, ne forment pas toute la chaîne du Caucase; un espace de plus de quatre mille lieues carrées, dans les régions les plus élevées, sert de refuge aux peuplades rebelles au joug. C'est de là que, comme les aigles dont les nids sont voisins de leurs demeures, les montagnards fondent à l'improviste sur les voyageurs qui s'écartent imprudemment des lieux protégés; ils mettent souvent à un trèshaut prix la liberté de leurs captifs, quand ils n'ont pas jugé plus prudent de s'en céfaire pour les dépouiller. Cette férocité de moeurs semble une anomalie lorsqu'on étudie le caractere des montagnards en général. Les obstacles physiques qu'ils rencontrent à chaque l'horizon plus vaste qui s'offre à leurs regards, et la variété des scènes qui les entourent, agissent sur leurs impressions dans un sens favorable au développement intellectuel, et le beau physique les rend ordinairement plus sensibles au beau moral. Cependant, comme les montagnes recrutent leur population parmi celle des plaines, le caractère primitif des habitants de cellesci se retrouve dans le montagnard, mais plus développé, soit en bien soit en mal. L'histoire des régions caucasiennes indique suffisamment comment le brigandage, la vente des esclaves de l'un et l'autre sexe, par les membres de la même famille, ont pu dépraver le caractère des indigènes. Le contact des Russes avec la population des plaines réagira donc, quoique avec lenteur, sur les mœurs des montagnards cauca

siens; et plus ces rapports seront nombreux et fréquents, plus l'œuvre de la civilisation sera prompte et efficace.

Les montagnes de l'Arménie sont entièrement séparées de celles du Caucase, et cet isolement explique la différence de caractère qui existe entre les habitants de ces deux pays. L'Arménien, industrieux et patient, semble né pour les arts de la paix; déshérité de ses gloires historiques, il s'est fait le courtier du Levant. Les sources du Tigre et de l'Euphrate, qui naissent dans les montagnes de l'Arménie, l'Aras (Araxe des anciens), qui arrose ses plaines avant de se jeter dans la Caspienne, ont fait entrevoir la possibilité d'établir une voie navigable entre cette mer et le golfe Persique; et ce qui exigerait des travaux plus dispendieux encore, de faire communiquer ce golfe avec l'Euxin par l'intermédiaire de l'Euphrate mais des soins d'une utilité plus pressante, réclameront longtemps encore la sollicitude du gouvernement.

La Géorgie est organisée en gouvernement, mais régie par des lois particulières : les autres régions caucasiennes n'ont pas jusqu'à ce jour une organisation définitive; avant de songer à l'administration, il faut achever la conquête. Les autres provinces ont des villes, des bourgs, et ont fait l'abandon de leur indépendance. L'ancien gouvernement du Caucase, dont le territoire se compose presque entiè rement de steppes, est le moins peuplé en raison de son étendue. L'Arménie, malgré ses hautes montagnes, compte quatre cents habitants par lieue carree, ce qui ne donne que deux cinquièmes comparativement à la population moyenne de la France sur une surface équivalente; mais nous devons faire observer que ce chiffre, qui n'est point appuyé de documents officiels, ne peut être garanti comme authentique.

Le royaume de Pologne, c'est-à-dire, la partie érigée par Napoléon en grandduché de Varsovie, ajoute à l'empire russe une superficie de six mille trois cent sept lieues carrées, sur laquelle on compte trois millions huit cent cin

quante mille habitants. Nous ne nous arrêterons pas, dans cette courte notice, à faire ressortir les causes de la chute de la Pologne. Ce peuple a brillé en Europe du double éclat des armes et de la civilisation; mais il portait en lui-même des germes de destruction, et l'on peut dire que ses revers ont été la dure expiation de ses fautes politiques. Dans ses plus beaux moments, il a négligé de faire tourner à son profit ces circonstances décisives qu'il faut savoir saisir, car il est rare qu'elles se représentent deux fois dans la vie des nations. La plus grande faute qu'ils aient commise à notre avis, c'est de ne pas s'être montrés franchement les amis ou les ennemis des Russes. Quand ils l'ont fait, la lutte était trop inégale pour qu'il en sortit autre chose que la gloire d'une noble chute. Le catholicisme qui commença leur civilisation, a paralysé, plus tard, par ses efforts infructueux contre l'hérésie grecque, tous les moyens d'action de la Pologne sur les populations slaves. On la voit se heurter contre la Turquie, au profit des Russes ou des Allemands; et tandis que ses voisins grandissent autour d'elle, une sorte de fatalité lui dérobe le danger, et elle laisse tomber une à une au pouvoir de ses ennemis les provinces qu'elle eût pu conserver ou acquérir, si elle eût été plus soucieuse de ses intérêts. Quand il est question des Russes et des Polonais, les sympathies françaises accordent tous les avantages à ces derniers, à l'exception de la force numérique; mais pour celui qui a lu avec attention l'histoire de ces peuples rivaux, quoique d'une même origine, il reste démontré que l'unité de vues, et un système patient d'agrandissement devaient finir par l'emporter. Si l'on nous accusait d'être trop sévère dans ce jugement, nous pourrions répondre que l'Europe, en donnant les mains au partage de la Pologne, a commis elle-même une faute irrépara ble, et que le danger qui en est résulté pour toutes les puissances, sans en excepter l'Autriche et la Prusse, bien qu'elles aient eu leur part de dépouilles, n'en est pas moins sérieux, quoique en

veloppé dans l'avenir. Mais revenons à la Pologne russe.

La constitution de Pologne, telle qu'elle existait avant l'insurrection de 1831, était une concession de l'empereur Alexandre. Peut-être la politique de ce prince entrevoyait-elle la possibilité de préparer ainsi l'émancipation constitutionnelle des provinces slaves les plus avancées dans la civilisation. Quoi qu'il en soit, l'établissement d'une constitution libérale dans un pays conquis, et à côté du despotisme russe, devait amener une crise prochaine, malgré les prérogatives que s'était réservées le pouvoir. L'initiative appartenait au trône, et si l'interprétation de la diète donnait aux mesures de ce corps délibérant une direction qui contrariait les vues du gouvernement, le veto royal pouvait tout arrêter. Nonobstant ces restrictions, la charte de 1815 plaçait les Polonais bien audessus des Russes; elle garantissait l'égalité devant la loi, la liberté des cultes, la liberté individuelle et celle de la presse; elle donnait le pouvoir législatif au roi et à deux chambres, dont l'une était élective; l'autre se composait de membres nommés par le roi et à vie. Le système électoral était assis sur une base plus large qu'il ne l'est en France; la capacité n'était pas écartée; les places qui obligeaient les titulaires à justifier de certains grades universitaires conféraient le droit d'électeur. Si l'on ajoute à ces garanties une quasi-responsabilité ministérielle, l'inamovibilité des juges, les emplois réservés aux seuls Polonais, l'organisation d'une armée nationale, on comprendra sans peine que la Pologne soit parvenue à renverser, en s'appuyant de ces libertés, le gouvernement qui ne lui en avait accordé l'exercice qu'en lui montrant à quel prix elle pouvait les conserver. La dénomination même de royaume de Pologne tendait à perpétuer le souvenir de l'ancienne indépendance, et l'on s'habitua à considérer comme des concessions les institutions qu'Alexandre avait octroyées. Les Russes eux-mêmes ne cessèrent de regarder les libertés de la Pologne comme

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