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religion — ne fût-ce que le fétichisme le plus primitif, vaut mieux, au point de vue social, que l'irreligion, que la négation pure, fût-elle éclairée. Nous ne marchandons pas le juste tribut de vénération et d'une sympathie respectueuse dû à chaque phase de l'évolution humaine. Nous nous inclinons particulièrement devant les grandes synthèses polythéiques et monothéiques qui ont abrité pendant une longue suite de siècles d'innombrables générations d'hommes de leur tutelle salutaire. Nous ne cachons nullement notre admiration enthousiaste envers le culte et le régime catholiques qui, pendant les splendeurs du moyen âge tant calomnié, ont évoqué, comme dans une vision suprême, l'image prématurée de l'état final de l'Humanité tel que nous le rêvons et tel qu'il sera sans aucun doute : l'état pacifique et industriel.

Mais, d'un autre côté, nos sympathies sont acquises au même degré à ceux qui ne se trouvent pas à leur aise dans l'enceinte quelque peu vermoulue de la vieille théologie; qui ont secoué, bon gré mal gré, les vieux préjugés dont on a nourri leur enfance; aux émancipés qui aspirent vers un nouvel ordre, vers une synthèse plus vraie, plus solide, basée sur les vérités de la science. Le travail que nous présentons au public s'adresse donc exclusivement aux émancipés. On s'est proposé de démontrer à ces derniers qu'il est possible de construire sur la science abstraite une philosophie, une politique et, ce qui est plus, une synthèse, une religion, lesquelles conviennent, à un degré dont rien n'a approché jusqu'ici, aux trois aspects de la nature humaine : l'intelligence, le sentiment et l'activité. Les plus hautes aspirations dont la nature humaine est susceptible trouvent dans cette synthèse un aliment substantiel, de sorte qu'on peut dire, sans s'exposer à être taxé d'exagération qu'elle correspond réellement mieux à l'état viril, à la maturité du genre humain que les constructions analogues léguées par le passé et qui sont par cela même quelque peu surannées. Encore une fois : nous nous adressons aux fintelligences, aux cœurs disponibles. Nous leur offrons la religion de l'Humanité en guise de fanal, pour les aider à sortir de l'isolement individuel, des divagations sans bornes, de l'anarchie intellectuelle et morale. S'ils veulent bien prendre pour guide la doctrine positiviste, il leur sera facile d'éviter tous ces écueils et d'atterrir dans le port, de poser le pied sur la nouvelle terre promise, exempte d'illusions décevantes, de fantasmagories oppressives, dans le règne du Vrai, du Beau et du Bon.

Cette religion ne se propose qu'un but terrestre, réalisable exclusivement sur cette terre et par des moyens purement humains.

Ce but c'est, d'un côté, de rendre cette planète plus habitable et de la mieux approprier à nos besoins, et de l'autre, de perfectionner la race humaine au point de vue matériel, intellectuel et moral. Quels sont les moyens à employer et comment les mettre en œuvre? A ces questions le lecteur trouvera la réponse dans le petit ouvrage que nous lui soumettons ici. Nous lui dirons avec le grand saint Augustin: « Tolle, lege : prends et lis. >>

A ceux qui, après avoir lu et médité, voudront se joindre à nous, on ne leur promet ni avantages matériels ou autres, ni distinctions, ni autorité. Bien au contraire, on leur demandera un léger sacrifice en rapport avec l'état de leur fortune. Car l'intérêt qu'on porte à une doctrine quelconque se mesure en première ligne par le sacrifice matériel qu'on accepte volontairement. Par contre, ils auront la conscience de soutenir de leurs deniers une tentative d'apaisement social et moral de premier ordre. Car quoi qu'en disent ceux qui sont intéressés dans le maintien de l'ordre actuel, les champions de la morale religieuse, il est de toute évidence que les émancipés de toute théologie, les mécréants voués à l'anathème et aux peines éternelles, sont en possession d'une morale et d'une religion qui ne le cède à aucune des vieilles croyances. Bien au contraire, la morale positiviste est bien plus vigoureuse et plus stricte, quoique relative, que ne l'ont été ses prédécesseurs et avant tout bien plus désintéressée. Car ce n'est pas l'appât des récompenses posthumes, ni la peur de l'enfer et du purgatoire qui pousse ses adhérents à faire le bien et à fuir le vice, mais des considérations sociales et morales de l'ordre le plus relevé. Sous l'inspiration des bons sentiments et des penchants altruistes, éclairés par une raison solide, nous nous efforçons, autant que la fragilité de la nature humaine le permet, de vivre par et pour la Famille, la Patrie et l'Humanité.

Le Positivisme ne se répand pas en récriminations aussi injustes qu'inutiles; il ne reproche aux siècles écoulés ni leur barbarie, ni leur fanatisme, ni l'obscurantisme. Au contraire, nous sommes intimement convaincus que les anciennes synthèses ont toutes eu leur utilité à leur moment. Nous reconnaissons volontiers que les sentiments désintéressés, altruistes, les hautes pensées et les aspirations et les actes salutaires ont de tout temps existé sur cette terre au moins dans une infime minorité de la race humaine. Il s'agit maintenant de systématiser selon les indications d'une saine science les bons penchants existant naturellement dans la nature humaine et de faire converger vers un seul but, inaccessible aux passions mesquines, tous les efforts isolés, selon la méthode et avec

les moyens que l'évolution humaine, remontant à trente siècles, nous a démontrés comme les plus justes et les plus efficaces. Avec cela nous recommandons et nous exerçons la plus large tolérance envers les partisans sincères des croyances arriérées, y compris les plus intolérantes. Ce n'est pas un nouveau ferment qu'il faut à notre nation déjà partagée en tant de camps différents et hostiles les uns à l'égard des autres, mais une doctrine de conciliation et de tolérance qui puisse raffermir la paix et l'union dans les âmes.

Que tout ceci n'est pas un simple artifice oratoire : quiconque lira avec quelque attention et bienveillance ce petit ouvrage, s'en convaincra aisément. Nous le soumettons avec une entière tranquillité au jugement éclairé du public. Nous sommes convaincus qu'il ne le lira pas sans intérêt et sans fruit. Peut-être même quelques-uns de nos lecteurs éprouveront-ils le besoin de s'initier davantage dans la doctrine régénératrice et de joindre leurs efforts aux nôtres pour aider, dans la mesure de leurs moyens, à la réalisation du grand but qu'elle se propose. Le grand Hippocrate, médecin et philosophe, l'avait déjà dit, il y a plus de vingt-cinq siècles: Consensus unus, concursus unus, conspiratio una.

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Enfin, pour terminer, il faut que nous rassurions le lecteur que la division de la matière selon les différentes sciences fondamentales qui forment le dogme du Positivisme ne provient point de la prétention — qui serait tout-à-fait déplacée ici — de faire montre d'érudition et d'effrayer les simples par l'aspect rébarbatif de l'exposition. La division par sciences en vaut bien une autre, et si aucune idée essentielle n'est restée en dehors du cadre de l'exposition, elle a parfaitement rempli son but. La chose essentielle, à notre avis, c'est qu'après les appréciations critiques et peu bienveillantes qui ne manquent pas dans notre littérature (voyez l'Histoire de la Philosophie de Lewes, traduction Banoczi, les travaux de MM. Palagyi, Kozary, Gruber-Buday, etc.), notre public ait enfin à sa disposition une exposition du Positivisme faite par un positiviste. Car comme on ne puiserait pas la connaissance du catholicisme, par exemple, dans un ouvrage fait par un protestant ou un grec orthodoxe, ainsi on n'aurait guère une idée plus juste du Positivisme si on voulait le juger d'après les travaux plus ou moins hostiles ou simplement indifférents de ses adversaires. Budapest, le 3 Moïse 108.

(Traduit du hongrois et résumé.)

Samuel KUN.

MATÉRIAUX

POUR SERVIR A LA

BIOGRAPHIE D'AUGUSTE COMTE

BIBIOTHÈQUE D'AUGUSTE COMTE

Je commence la publication du catalogue de la bibliothèque d'Auguste Comte aussi détaillé que possible. J'y ajoute des notes, où je fixe tous les souvenirs que je puis avoir à ce sujet, résultant surtout de conversations à diverses époques avec Auguste Comte.

Le catalogue de la bibliothèque d'un homme supérieur est certainement, comme l'a fait justement observer Joseph de Maistre, un document important. J'espère qu'on me saura gré de cette publication.

Cette première publication porte sur les bibliothèques situées dans le cabinet de travail d'Auguste Comte. Ces bibliothèques sont en acajou, s'ouvrant par une porte à deux vantaux vitrés dans le haut. Les dimensions de ces bibliothèques sont les suivantes :

Hauteur 2,20; largeur 1,28; profondeur 0,37cm.

Paris, le 15 mars 1896 (19 Aristote, 107).

P. LAFFITTE.

BIBLIOTHÈQUE SCIENTIFIQUE (faisant face à la cheminée)

1er RAYON (supérieur).

Euvres complètes de Buffon, mises en ordre et précédées d'une notice historique par M. A. Richard, professeur à la Faculté de médecine de Paris. Paris, Pourrat frères, éditeurs, rue des Petits-Augustins, 5.-Roret, libraire, rue Hautefeuille, 10, 1835. 22 volumes in-8° reliés.

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Ornée d'un portrait de l'auteur, cette édition de Buffon a été rachetée par moi à la vente de Mme Auguste Comte, le samedi 17 mars 1877... Lors de la vente de la bibliothèque et des livres d'Auguste Comte après sa mort, provoquée par sa veuve, je me proposais de racheter tous les livres de sa bibliothèque, mais comme Mme Auguste Comte me paraissait, dans ses enchères qu'elle soutenait contre moi, un peu trop exploiter le désir que j'avais d'acquérir tout ce qu'avait laissé Auguste Comte, je pris le parti de lui en abandonner un certain nombre, comme la Synthèse subjective et les œuvres de Buffon. A la vente qui suivit le décès de Mme Comte, je rachetai le Buffon; quant à la Synthèse subjective, elle m'offrit elle-même de me la revendre; nous échangeâines, à ce sujet, une correspondance qui, au fond, est assez plaisante et caractérise bien l'esprit de cette dame. Ennuyée d'un tel achat qui ne pouvait lui servir à rien, elle offrit de me la revendre en insistant que c'était pour me faire plaisir; de mon côté, je m'obstinais à affirmer que je le faisais pour lui rendre service. Ce rachat se fit du reste dans des conditions raisonnables. P. L. Nouveau dictionnaire d'Histoire naturelle, appliquée aux arts, à l'agriculture, à l'économie rurale et domestique, à la médecine, etc., par une Société de naturalistes et d'agriculteurs. Nouvelle édition presque entièrement refondue et considérablement augmentée; avec des figures tirées des trois règnes de la nature. De l'imprimerie d'Abel Lanoe, rue de la Harpe, à Paris. - Chez Deterville, libraire, rue Hautefeuille, 8, MDCCCXVI. 36 volumes in-8° reliés.

2e RAYON.

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Caroli Linnoi, Medic. et Botan. in acad. Upsaliensi Professoris Acad. imperialis, Upsaliensis, Stockholmensis et Monspeliensis. Soc. Systema naturae. In quo proponuntur Naturae regna tria secundum Classes, Ordines, Genera et Species. Editio quarta ab Auctore emendata et aucta. Accesserunt nomina Gallica. -Parisiis, Sumptibus Michaelis-Antonii-David, Bibliopolae, viâ Jacobeâ, sub signo Calami aurei, MDCCXLIV, cum privilegio regis. — 1 volume in-8° relié.

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Théorie élémentaire de la Botanique, ou Exposition des principes de la classification naturelle et de l'art de décrire et d'étudier les végétaux, par M. A.-P. de Candolle, professeur d'Histoire naturelle à l'Académie de Genève, directeur du Jardin botanique, correspondant de l'Institut de France, des Académies royales des sciences

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