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machines établies aux pertuis existant sur les rivières de la Sarthe et de l'Oudon. Cette affaire étant en instance, je me borne à appuyer le renvoi de la pétition à M. le ministre du commerce et des travaux publics.

(Le renvoi est ordonné.)

M. Pavée de Vandeuvre, rapporteur, continue Les sieurs Morteo, Coheusolal et Antinori, propriétaires et chargeurs du navire sarde la Madona di Montenero, et le sieur Meitani, chargeur du navire toscan, la Carolina, capturés pendant le blocus d'Alger, sollicitent l'intervention de la Chambre pour obtenir l'annulation des décisions qui ont déclaré ces prises bonnes et valables. Messieurs, le navire la Madona di Montenero, capitaine Morteo, avait fait deux voyages à Alger, à la fin de 1828; au mois de mars 1829, ce même navire partit de Livourne pour Tanger avec un chargement de marbres manufacturés et des petites planches.

Les mauvais temps obligèrent le capitaine Morteo à faire route vers la côte méridionale de Barbarie, où il fut aperçu par les bâtiments de guerre de la croisière française.

Le commandant de la station, M. Latreyte, examina lui-même les papiers de bord, vérifia sur le journal le fait des deux voyages précédents, et déclara que le navire était saisi et serait conduit à Toulon.

Quant au navire la Carolina, capitaine Stellato, il était également parti de Livourne, sa destination était Gibraltar; son chargement consistait en clous, planches, cornes de buffle et rhum.

Le capitaine Stellato fut arrêté une première fois à la hauteur d'Alger; mais M. le commandant Latreyte, après avoir pris connaissance de son journal, et avoir cru y trouver la preuve que le mauvais temps seul l'avait fait approcher de la côte, lui permit de continuer sa route; mais arrêté de nouveau à peu de distance par le brick de l'Etat le Rusé, et amené par luí devant le commandant Latreyte, celui-ci donna ordre de le diriger sur Toulon.

Une fois ces deux navires arrivés à Toulon, l'administration de la marine a procédé à l'instruction de l'affaire, conformément aux dispositions de l'arrêté du 6 germinal an VIII.

Toutes les pièces ont été transmises par l'intermédiaire de M. le garde des sceaux au comité du contentieux du conseil d'Etat, substitué par l'ordonnance du roi du 9 janvier 1815 à l'ancien conseil des prises.

Les propriétaires ont présenté leurs moyens de défense au comité, et, sur son rapport, le conseil d'Etat entendu, est intervenu une ordonnance du roi, en date du 4 mars 1830, qui a déclaré la prise de ces deux navires bonne et valable.

Aujourd'hui les propriétaires de ces deux navires s'adressent à la Chambre; ils demandent son intervention pour obtenir l'annulation de ces décisions.

Leur pétition est un long mémoire dans lequel ils énumèrent toutes les raisons qui, suivant eux, prouvent que le conseil d'Etat a mal jugé. Votre commission n'a pas cru qu'il lui fùt permis de prendre connaissance de son plaidoyer en faveur des navires capturés, où du moins elle n'a pas cru devoir vous en entretenir.

Elle a pensé que le jugement du conseil d'Etat, faisant fonction de conseil des prises, était souverain; qu'elle devait respecter ses décisions

comme ayant force de chose jugée, et qu'il ne lui appartenait pas plus de critiquer ou même d'examiner ses actes, qu'il ne lui appartiendrait d'admettre un recours contre un jugement de cour royale en matière civile, ou contre un jugement de cour d'assises en matière criminelle.

En fait, la capture de ces bâtiments a été déterminée sur ce que les capitaines de ces deux bâtiments, suffisamment avertis de l'état de blocus des ports de la régence, ont été surpris au moment où ils manœuvraient pour échapper à nos bâtiments de guerre.

En droit, l'instruction de ces deux affaires a eu lieu régulièrement, d'après l'arrêté de germinal an VIII sur les prises: le conseil d'Etat a statué, toutes les parties entendues, comme l'aurait fait autrefois le conseil des prises luimême.

Une ordonnance du roi ayant déclaré la prise de ces bâtiments valable, il n'y a plus, dans l'ordre administratif, de juridiction à saisir en appel. C'est un jugement souverain.

En conséquence, la commission, sans s'occuper du fond de l'affaire, et ne s'appuyant que sur cette fin de non-recevoir, m'a chargé de vous proposer l'ordre du jour.

M. Estancelin. Messieurs, je ne méconnais pas plus que la commission la puissance de la chose jugée, mais je ne crois pas toutefois que ce principe soit d'une telle rigueur qu'il doive mériter toute exception. Les jugements des hommes, vous le savez, peuvent être rendus irrévocables, mais ils ne sont point infaillibles.

Des étrangers, dépouillés de leur fortune par un jugement rendu sous l'empire du gouvernement déchu, appellent au gouvernement régénéré de l'erreur dont ils sont les victimes. L'examen attentif et tout consciencieux que j'ai fait de cette affaire m'a convaincu que, par les vices de la procédure alors en vigueur, ces étrangers ont été, comme ils le disent, privés des moyens de défense que les règles de haute équité et nos lois mêmes leur assuraient. Je suis convaincu que la décision du conseil d'Etat a faussé à leur égard le principe consacré du droit des gens et du droit public français.

Voilà, Messieurs, ce qui me détermine à appeler la plus sérieuse attention de la Chambre sur cette importante pétition.

Deux ordonnances rendues au conseil d'Etat, le 4 mars 1830, ont déclaré valables les prises suivantes La Madona di Montenero, brick sarde, propriété des sieurs Morteo, Coheusolal et Antinori, a été condamné, pour prétendue violation du blocus d'Alger; la Carolina, brick toscan, appartenant au capitaine Jean Stellato, et chargé par la maison Meïtani de Livourne, a été condamné pour prétendue violation du blocus d'Oran.

Ces deux prises, sur le sort desquelles le conseil d'Etat prononça le même jour, doivent être bien distinguées. Si la cause de leur capture est la même, les circonstances sont tout à fait différentes; c'est pourquoi il est important de les distinguer.

La Madona di Montenero, capitaine Simon Morteo, avait fait deux voyages ou relâches à Alger à la fin de 1828 avant que le blocus de ce port fût effectif. Dans ces deux voyages qui eurent lieu du mois de septembre à la fin de 1828, le capitaine Morteo non seulement ne s'était pas vu inquiété par nos croiseurs, mais dans le pre

mier il fut chargé par le comte d'Atilli, consul général sarde à Alger, qui, après la déclaration de guerre, a veillé sur les intérêts des Français, de porter à M. de La Bretonnière, commandant le vaisseau la Provence, des dépêches du dey. Il remplit cette mission le 27 septembre 1828, et il reçut du commandant du blocus un sauf-conduit. Le capitaine Morteo, peu de temps après, partit de Marseille avec un chargement pour Tetuan; il prétend que des avaries, causés par le mauvais temps, mirent son bâtiment en danger de périr, ce qui l'obligea à relâcher à Alger où les associés ou commis des chargeurs exigèrent qu'il débarquât sa cargaison, dont ils lui payèrent le nolis. Cette fois encore, le consul sarde lui ordonna de mettre le plus tôt possible à la voile, et d'aller à la recherche de M. de La Bretonnière, pour lui porter la dépêche qu'il lui confia. N'ayant pu rencontrer le vaisseau la Provence, le capitaine Morteo, forcé par le mauvais temps, fut obligé de laisser courir, gagna le port de Livourne, et remit immédiatement la dépêche dont il était porteur à M. le consul de France, qui lui en donna, par l'intermédiaire du chevalier Spagnolini, consul général de Sardaigne, un reçu le 28 février 1829.

Après des relations aussi patentes, et en quelque sorte implicitement avouées jusqu'alors, le capitaine Morteo pouvait croire qu'en se conformant aux dispositions du règlement du 26 juillet 1778, applicables aux neutres, c'est-à-dire en ne chargeant aucune marchandise de contrebande, en ne portant aucun secours à des places bloquées, investies et assiégées, il pourrait désormais, si les vents l'y poussaient, s'approcher des rivages de la régence, sans crainte d'être arrêté comme violateur du blocus, auquel il savait qu'il devait se soumettre. C'est dans cette confiance qu'il prétend avoir agi dans son troisième voyage.

La Madona di Montenero, montée de 7 hommes y compris son capitaine, ayant 6 passagers à bord, et une cargaison composée de fer en barre, douelles, planches, merceries, vêtements et autres marchandises de pacotilles, partit de Livourne le 10 mars 1829, à la destination de Tanger. Le 21 mars, à la pointe du jour, le navire se trouva en vue de la côte de Barbarie, au nord-ouest, à une distance d'environ 8 milles du cap de Matifoux vers les 7 heures du matin, il est joint par la croisière française et son capitaine, appelé à bord de la frégate l'Iphigénie. Il résulté du procès-verbal, dont nous copions le texte dans le considérant de l'ordonnance, que M. le capitaine de vaisseau Latreyte, commandant le blocus, donna l'ordre d'arrêter la Madona di Montenero, « attendu que ce bâtiment, qui s'était déjà rendu deux fois à Alger depuis le mois de septembre précédent, indiquait clairement, par sa position et sa manoeuvre, l'intention de s'y rendre encore.» La goëlette est donc capturée; 3 hommes de son équipage et les 6 passagers sont obligés de monter à bord de la frégate; 7 matelots français montent la prise, qu'un élève de première classe est chargé de conduire à Toulon, où elle arrive le 26 mars. Quant aux passagers et aux 3 hommes de l'équipage retenus sur la frégate, ils n'arrivèrent à Toulon que le 12 avril, et ne furent en libre pratique que le 21 du même mois.

Le capitaine Morteo et ses passagers s'empressèrent de protester devant le préfet maritime contre l'irrégularité de la prise, et se pourvurent en réclamation, vis-à-vis du gouvernement, par la voie du chargé d'affaires de Sardaigne. Ce ne

fut que le 4 mars 1830, c'est-à-dire une année après la prise, que l'affaire a été jugée par le conseil d'Etat.

Ainsi, Messieurs, un bâtiment don la cargaison ne contient pas d'objets propres à la guerre ni au ravitaillement d'une place bloquée est arrêté, saisi, confisqué, parce que son capitaine s'était rendu deux fois à Alger depuis la déclaration du blocus (et vous avez vu comme il s'y était rendu), et parce que sa position et sa manœuvre faisaient soupçonner l'intention de s'y rendre encore. Tel est, Messieurs, le droit maritime dont la civilisation a fait usage sur la côte de Barbarie.

Si le principe de la communauté et de la liberté des mers, consigné dans les lois comme un droit général et imprescriptible de tous les hommes, n'est depuis longtemps qu'une stérile théorie, il était réservé à notre siècle de le voir violer outrageusement par des actes inouïs jusque-là. D'après l'article 17 du traité d'Utrecht, l'Angleterre elle-même reconnaissait (ce qu'elle raya si souvent de son code) qu'en temps de guerre le pavillon neutre couvre et protège la propriété privée. Le droit sur les blocus réglait au moins les conditions auxquelles les neutres devaient se soumettre; il cessa d'en être ainsi, après la rupture du traité d'Amiens; il avait fallu jusqu'alors un blocus réel, effectif, pour empêcher les neutres de pénétrer dans un port; il avait fallu, pour les arrêter et s'en saisir, dans le cas de violation, toutefois encore après des avertissements, qu'ils fussent chargés de marchandises ou d'objets expressément prohibés. Cette jurisprudence fut foulée aux pieds; des continents entiers furent déclarés en état de blocus; aucun pavillon neutre ne couvrit la marchandise, quelle qu'elle fût; aucune condition n'imposa de règles à cette piraterie légale. Cet excessif abus de l'impitoyable guerre maritime devait cesser en 1814, avec la cause qui lui donna naissance : il n'en fut pas malheureusement ainsi. N'avons-nous pas vu, dans les misérables débats de deux nouveaux Etats de l'Amérique méridionale, l'un d'eux prononcer le blocus de l'embouchure de la Plata, et sur cette téméraire déclaration, courir sus et s'emparer de plusieurs navires français, qu'il fallut faire réclamer par une de nos escadres.

Ces congrès, où l'édifiante philanthropie britannique protesta si hautement et si justement contre la traite et l'esclavage des noirs, qui avait cessé de leur être utile, ne s'occupèrent point de fixer les droits sacrés de la neutralité; ces droits restèrent ce qu'ils sont encore, soumis aux seules lois qu'il plaît à la force et à la violence d'imposer. Qu'il n'en soit plus ainsi, et que la France qui, du moins, s'imposa des lois dans son règlement du 26 juillet 1778, et dans l'arrêté du 29 frimaire an VII, obtienne de son alliance avec la première des puissances maritimes la réparation de cette lacune du droit public, et préserve pour l'avenir les droits de l'humanité et les intérêts du commerce contre les attaques de la violence et de la barbarie. Espérons que ce vœu ne sera pas sans succès, et qu'enfin toutes les nations proclameront, comme le fit la reine Elisabeth, que la mer aussi bien que l'air est chose libre et commune à tous, et qu'une nation particulière n'y peut prétendre droit à l'exclusion des autres, sans violer les droits de la nature et de l'usage public.

Le brick la Carolina, navire toscan, commandé par le capitaine Stellato, qui en était propriétaire, mit à la voile de Livourne, le 16 février 1829, à destination de Gibraltar, avec un chargement

consistant en planches, clous, cornes de buffles, et 50 colis de diverses marchandises expédiées par le baron Georges Meitoni et compagnie, négociant à Livourne, à la consignation de Juda Benoniel, consul de Maroc, à Gibraltar.

Selon le pétitionnaire, la Carolina, assaillie par la tempête, fut jetée hors de sa route, et, le 27 février, elle se trouva vers le cap Matifoux, à 6 lieues d'Alger, en vue de la division française: appelé à bord de la frégate l'Iphigénie, le capitaine Stellato produisit tous ses papiers, sur lesquels le commandant fit mention de la visite qu'il venait d'opérer, et consigna l'avis du blocus des ports de la régence. Après cette visite, la Carolina fit route pour sa destination. Les vents, suivant son capitaine, ne lui permirent pas de se relever au N.-O., et le retinrent presque toujours en vue des côtes de Barbarie. Le 4 mars au matin, il reconnut et doubla le cap Ferat, à 70 lieues ouest d'Alger, et à 7 d'Oran; il manoeuvra aussitôt de manière à s'élever plus au large, afin de se diriger vers Gibraltar. Il avait dépassé le cap Falcone, dont il se trouvait déjà à 7 lieues un tiers, quand il fut joint par le brick de guerre le Rusé, commandé par le lieutenant de vaisseau Salun, qui l'arrêta. Il résulte du procès-verbal, dont nous copions le texte dans l'arrêt du conseil, « que ce bâtiment a été saisi, parce que sa manœuvre annonçait positivement qu'il se rendait à Oran; que ses papiers portaient d'ailleurs la preuve qu'il s'était présenté dans la baie d'Alger, d'où il avait été éloigné par ceux de nos bâtiments composant la croisière établie devant ce dernier port. "

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Le capitaine Stellato observe qu'au moment où il fut rallié par le Rusé, il avait déjà doublé le cap Falcone, le dernier des côtes de la régence, vers l'état de Maroc, et par conséquent dépassé le port d'Oran, où on lui avait supposé l'intention d'entrer. Que ses manoeuvres eussent lieu de soupçonner l'intention qu'on lui prête, de simples conjectures ne suffiraient pas, sans doute, pour autoriser sa capture; mais ses papiers avaient été, comme on l'a vu, visés le 27 février par le commandant du blocus. Le capitaine Stellato prétend que pour éviter les inconvénients d'une longue quarantaine, à laquelle cette mention de la visite de l'escadre française l'eût assujetti à son arrivée à Gibraltar, il avait gratté le visa sur les deux pièces qu'il lui suffisait de produire, mais il l'avait respecté sur son rôle d'équipage. De telles altérations, on ne peut se le dissimuler, devaient faire suspecter la bonne foi du capitaine Stellato, et suffisaient pour déterminer le capitaine du Rusé à arrêter et conduire la Carolina auprès du commandant en chef du blocus, à qui il appartenait de décider de son sort. M. le capitaine de vaisseau Latreyte jugea convenable d'envoyer la Carolina à Toulon, où ce navire et son chargement demeurés en séquestre pendant un an, ont été condamnés et déclarés de bonne prise par l'ordonnance du 4 mars 1830. Sa vente s'est élevée à 51,795 francs.

C'est dans le texte et les dispositions de l'arrêt du conseil que le baron Meitoni, propriétaire de la cargaison de la Carolina, puise les motifs de la réclamation qu'il a, dit-il, adressée en vain au conseil des ministres, et sur laquelle il invoque aujourd'hui l'intervention de la Chambre.

Le droit de la puissance qui établit un blocus n'existe que lorsque le blocus effectif a été formé, et que préalablement il a été notifié aux puissances neutres. Alors même que le blocus effec

tif est établi et qu'il a été signifié officiellement, l'exercice du droit est encore subordonné à d'autres conditions, Ces règles sont textuellement extraites des instructions données par le ministre de la marine aux forces navales françaises devant Alger. C'est sur l'inobservation de ces principes, c'est sur leur prétendue violation à son égard, que le sieur Meitoni fonde la réclamation qu'il vous adresse.

Nous voyons que le blocus n'existe que quand il est effectif, et que préalablement il a été notifié aux puissances neutres. Ce principe posé, il s'agit de constater si le gouvernement toscan avait été officiellement prévenu du blocus des ports de la régence, et l'époque précise à laquelle la notification aurait été faite. Nous voyons que, dans celle qui a été adressée aux puissances neutres le 31 mai 1827, il n'est question que du blocus du seul port d'Alger, et non de ceux de la régence. Il appert d'un certificat authentique, délivré par le secrétaire de la Chambre des communes de Livourne, vu et certifié par le président, visé le 2 septembre 1831 par le consul de France en Toscane, que ce n'est que le 24 février 1830 que fut publié, affiché et notifié à la banque des payements publics l'avis

suivant :

« Les négociants de cette ville sont prévenus, pour règle de leurs opérations, que, selon la notification que vient de faire le gouvernement français à celui de Toscane, le blocus d'Alger non seulement n'a pas été interrompu, mais qu'il s'étend aussi aux ports de Bône, Bougie et Óran. »

Ainsi, Messieurs, il est incontestable, comme vous le voyez, que le sieur Meitoni, en chargeant et expédiant la Carolina, le 16 février 1829, n'avait pas la connaissance officielle exigée, recommandée, du blocus des ports de la régence, qui n'a été notifiée à Livourne que plus d'un an après, et, par une circonstance assez remarquable, la veille du jour où le conseil d'Etat prononça la confiscation de la Carolina et de sa cargaison. Le sieur Meitoni pouvait donc croire que le port d'Oran n'était pas en état de blocus; et il devait être dans la confiance qu'au cas où une force majeure obligerait le capitaine Stellato à s'approcher de cette place, il serait à l'abri de toute inquiétude. « Autrement, dit le sieur Meitoni, je n'eusse pas fait une expédition aussi hasardeuse; j'étais dans la bonne foi, je ne dois pas être passible de mesures que mon gouvernement luimême ignorait.

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M. le ministre de la marine, à qui le ministre des affaires étrangères adressa les observations du réclamant, écrivait le 15 janvier 1830 au garde des sceaux « Quoique j'admette avec le département des affaires étrangères qu'un blocus doit être formé d'une manière effective, et officiellement notifié aux puissances neutres, je ne puis adhérer aux conséquences qu'il en déduit à l'égard de la Carolina.

Dans la notification faite aux puissances neutres, le 27 juin 1827, il n'a été question que du blocus du seul port d'Alger; et le département des affaires étrangères part de cette circonstance, ou pour mieux díre, de cet oubli, pour mettre en doute la validité de la capture de la Carolina devant Oran. On doit s'étonner que le département des affaires étrangères n'ait notifié que le blocus du seul port d'Alger, comme si l'intention de la France n'avait point été de mettre en état de blocus tous les ports de la régence; comme si le blocus, restreint au seul

port d'Alger, n'était point une mesure tout à fait illusoire, etc. Le conseil d'Etat remarquera que les instructions données aux commandants de la division française ont été communiquées au département des affaires étrangères les 31 mai 1827 et 9 août 1828, et que la notification aux puissances étrangères est du 27 juin 1827. »

Cette notification, on l'a déjà dit, ne concernait que le seul port d'Alger: malgré les avis du département de la marine, le département des affaires étrangères persista dans sa volonté, ou, si l'on veut, son oubli, et différa sa notification aux puissances neutres, comme nous l'avons dit, jusqu'au 24 février 1830. Ainsi le blocus de tous les ports de la régence indistinctement était effectué depuis deux ans en vertu des ordres que le ministre de la marine avait donnés à ses officiers, quand son collègue des affaires étrangères persistait à en méconnaitre l'existence; en effet, dans sa dépêche du 11 décembre 1829, il dit: On a cru pouvoir faire remarquer que le blocus de ce port (Oran) n'avait point été notifié aux puissances étrangères, mais encore qu'il n'avait été maintenu ni constamment, ni d'une manière régulière. » Cette dissidence entre les membres d'un même cabinet est assez remarquable, mais il paraît qu'elle cessa bientôt. Je conçois, dit le ministre de la marine à son collègue, que cette notification qui ne disposera que pour l'avenir ne saurait avoir d'effet pour la Carolina, si le conseil d'Etat ne considère pas, comme pouvant suppléer au silence de la notification du 27 mai 1827, l'avis du blocus général des ports de la régence, donné au capitaine Stellato, par le commandant de la division française.

Le conseil d'Etat adopta en effet cet avis, et écartant toutes les réclamations particulières du général Meitoni, il prononça comme il suit :

Considérant que le capitaine de la Carolina avait été, peu de jours avant son arrestation, prévenu de l'existence du blocus par le commandant de l'escadre, lequel avait fait mention de cet avertissement sur les papiers du bord de ce navire, et ordonné qu'il fut arrêté, dans le cas où il se présenterait de nouveau devant les ports de la régence; considérant que c'est d'après cet avis officiel que le capitaine de la Carolina à tenté de violer la ligne du blocus établi devant le port d'Oran, notre conseil entendu, etc., avons ordonné et ordonnons : La prise du navire toscan la Carolina est déclarée valable.

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Le sieur Meitoni signale un fait qui doit fixer l'attention de la Chambre. Il paraît que le ministre des affaires étrangères, dont vous avez vu l'opinion et les doutes sur la validité de la prise de la Carolina, prescrivit au consul général de France en Toscane, de rechercher secrètement quelle était la destination réelle de ce navire et si celle de Gibraltar n'était pas simulée. La réponse du consul, que nous avons trouvée au dossier de l'affaire, déposé aux archives du conseil d'Etat, porte que, de l'aveu même du sieur Meitoni, propriétaire du chargement, la Carolina avait Alger pour destination réelle.

Cette pièce secrète, qui était de nature à rester cachée dans les cartons où sont ensevelis les rapports de police et d'espionnage, a été transmise au conseil d'Etat, dont elle a dù influencer l'opinion; mais elle n'a pas été communiquée au défenseur des sieurs Stellato et Meitoni, qui n'a pu opposer des dénégations fondées sur des faits irrécusables, au rapport d'une conversation où l'on prête à celui qui était le plus intéressé à se taire, des indiscrétions aussi inconce

vables qu'improbables. Le défenseur n'a pas eu la connaissance de la correspondance des ministres de la marine et des affaires étrangères, qui établissait le fait si important de la non-notification du blocus d'Oran. Ce n'a été que depuis le jugement que le défenseur a été autorisé à compulser le dossier. Ainsi, Messieurs, il est évident que la défense a été privée des armes dont cet exposé vous fait, comme à nous, reconnaître la puissance. Si le consul de France s'est trompé dans les informations qu'il a transmises, comme la protestation énergique du sieur Meitoni, jointe à la pétition, donne lieu de croire, vous déplorerez les effets de ces arrêts rendus naguère à huis clos, et vous vous applaudirez d'avoir désormais prévenu ces abus en soumettant les débats à la publicité et au jugement de l'opinion publique.

Les sieurs Stellato et Meitoni espèrent que le gouvernement français régénéré ne leur opposera point pour fin de non-recevoir, la puissance de la chose jugée. Ils croient avec raison qu'il y a des choses qu'un gouvernement doit faire, alors même qu'on ne serait pas fondé à les exiger judiciairement de lui, et qu'il n'y a jamais avec la France de prescription pour l'étranger qui fait appel à votre équité, à votre justice.

Je crois donc, Messieurs, que, répondant à cet espoir, vous voudrez bien ordonner le renvoi de la pétition à M. le président du conseil des ministres.

M. Teste. Messieurs, le renvoi au président du conseil des ministres serait un précédent dangereux, ou plutôt la Chambre, en l'ordonnant, se montrerait infidèle à ses propres doctrines. Dans une récente et grande occasion elle a, à la presque unanimité, témoigné de son respect pour la chose jugée. (Très bien ! très bien !) On ne nous demande pas de décider la question préjudicielle, mais la question du fond. Le procès vient d'être fait, non seulement à la décision du conseil d'Etat, mais même au commandant de la station navale devant Alger. Les capitaines capturés ont eu leur recours au conseil d'Etat; ils ont pu faire valoir tous leurs moyens. Une décision souveraine a été portée et a validé les prises. Nous devons nous incliner devant cette décision, car, sans cela, la Chambre prendrait insensiblement l'habitude de s'ériger en tribunal et de soumettre à ses décisions ce qui aurait le moins de rapport avec ses attributions, qui sont purement législatives. (Marques d'adhésion.)

J'appuie les conclusions de la commission.

M. Estancelin. L'honorable préopinant a prétendu que j'avais attaqué la conduite du brave commandant des forces navales devant Alger. Quand il lira, dans le Moniteur, mon opinion, il verra qu'il n'y a rien qui motive cette attaque contre l'honorable capitaine Latreyte, pour lequel je professe la plus haute estime. Je n'ai attaqué que le droit maritime en vigueur, et ce que j'ai dit ne s'applique en aucune manière aux officiers de marine chargés d'exécuter les ordres de M. le ministre de la marine. C'est contre les règlements en vigueur que j'appelle l'attention de la Chambre, car j'appelle le droit de blocus une véritable piraterie légale.

M. Emmanuel Poulle. Il y a une décision passée en force de chose jugée; vous auriez dù, sous ce rapport, répondre à l'objection de M. Teste. (Aux voix ! aux voix !)

(L'ordre du jour proposé par la commission, ayant la priorité, est mis aux voix et adopté.) La parole est à M. Auguste Giraud.

M. Anguste Giraud, deuxième rapporteur. Le sieur Colas, charpentier, demeurant à BeauGrenelle près Paris, demande l'emploi de surveillant dans l'administration des travaux publics, pour l'indemniser de ce qu'il a souffert par suite de la condamnation politique pronon

cée contre lui en 1815.

Le pétitionnaire expose que, par suite de délit politique et de cris séditieux, il fut condamné en 1815 par la cour prévôtale, siégeant à Paris, à la déportation; que, renfermé au fort SaintMichel près Saint-Malo, il y est resté jusqu'en 1824, époque à laquelle des lettres de grâce furent enregistrées en sa faveur devant la cour royale de Paris;

Que, par suite de sa position, il s'est trouvé rangé dans la troisième classe des ayants droit comme condamné politique à une indemnité de 100 francs qui depuis a été réduite à 60 francs.

Le sieur Colas demande l'intervention de la Chambre pour lui faire avoir une augmentation de pension qu'il regarde comme insuffisante pour l'aider à soutenir sa nombreuse famille, ou pour lui faire obtenir l'emploi de surveillant dans les travaux publics.

La commission, tout en considérant que la position du sieur Colas est digne d'intérêt, mais ne pouvant s'immiscer dans une affaire purement d'administration, me charge de vous proposer l'ordre du jour. (Adopté.)

Le sieur Parmentier, à Lagny (Seine-etMarne), demande que la commune de VilleneuveSaint-Denis soit distraite du canton de Rosay et réunie à l'un des trois cantons de Tournon, Crecy, ou Lagny, dont elle se trouve plus rapprochée.

La disjonction comme la réunion d'une commune, d'un canton à un autre, est toujours une question grave et qui ne peut être tranchée légèrement, puisque l'un ou l'autre cas peut amener des inconvénients dans les habitudes et les inté rêts des habitants. Cette question rentre dans le domaine de l'administration; ce n'est que sur la demande de la grande majorité des habitants que les conseils généraux et d'arrondissement peuvent émettre le vœu que ces changements s'opèrent; alors seulement peut intervenir une loi qui remplisse les desseins des intéressés. Le pétitionnaire et les habitants de Lagny auraient dù suivre la marche tracée et usitée, et s'adresser à l'autorité compétente.

La commission ne peut que vous proposer l'ordre du jour. (Adopté.)

Le sieur Salmont, commandant du' bataillon cantonal de Saacy, canton de la Ferté-sousJouarre, demande des modifications à la loi sur la garde nationale.

Entre autres inconvénients que signale le pétitionnaire dont les réclamations sont exposées d'ailleurs avec convenance et conviction, il trouve qu'il faudrait admettre, dès l'âge de 18 ans, les jeunes gens à faire partie de la garde nationale active, tandis qu'il serait convenable de faire rentrer dans le cadre de réserve les hommes qui auraient atteint leur cinquantième année. Le pétitionnaire ajoute avec quelque raison que les jeunes gens sont les plus aptes et surtout les mieux disposés à faire le service, tandis que l'homme qui n'est point familiarisé avec le métier des armes, considère, à l'âge de 50 ans, comme une véritable fatigue, l'activité de service.

Le sieur Salmont voudrait qu'on trouvât le moyen de forcer les hommes en état de le faire,

à s'habiller et s'équiper. Il fait observer que ce sont souvent les plus aisés qui sont les plus négligents.

L'organisation de nos gardes citoyennes fut le premier bienfait de notre révolution dont elle devint le plus solide appui, en protégeant l'ordre public et l'exécution des lois. Mais on ne peut se dissimuler que la loi qui plus tard intervint, et qui à elle seule formerait un code tout entier, présente dans ses nombreux détails des difficultés dans l'application. Les administrations locales ont souvent à souffrir de ce défaut de clarté dont les instructions nombreuses et plus explicites viennent encore compliquer leur embarras. Ce n'est pas le tout de faire des lois, il faut juger de leur portée, et penser plus souvent à ceux qui sont chargés de les faire exécuter.

Le maintien des gardes nationales est une question vitale. Il est donc de la dernière importance de recueillir avec soin tous les documents émanés d'hommes sages et expérimentés, pour pouvoir par suite modifier dans ses dispositions une loi hérissée de difficultés; par ce moyen, nous conserverons avec fruit ces bataillons de citoyens armés pour protéger le gouvernement et la liberté, et qui déjà ont donné tant de preuves de leur zèle et de leur dévouement.

La pétition qui vous est soumise contient des observations judicieuses, et dictées par un sincère patriotisme. Votre commission me charge de vous proposer le renvoi à M. le ministre de l'intérieur, et son dépôt au bureau des renseignements.

(Le double renvoi est ordonné.)

Le sieur Bertrand Tranier, ancien militaire, à Lyon, sollicite un bureau de tabac.

Le pétitionnaire fait valoir ses services militaires, ses blessures, et les recommandations d'hommes puissants et recommandables, pour obtenir un bureau de tabac. La Chambre devant rester étrangère, par la nature de ses fonctions, à la distribution des divers emplois de l'administration, et ne devant même nullement s'immiscer dans la répartition des faveurs que le gouvernement veut bien accorder aux citoyens qui s'en sont rendus dignes; votre commission, tout en appréciant les services du pétitionnaire, ne peut que vous proposer l'ordre du jour. (Adopté.)

Le sieur Pugnant, demeurant à Belleville, demande qu'une jauge diagonale métrique, dont il est l'inventeur, soit préférée à celle employée jusqu'à ce jour par l'administration des contributions indirectes.

Cet instrument a été déjà l'objet de plusieurs pétitions de la part du sieur Pugnant.

L'une d'elles fut renvoyée en 1828 au ministre des finances. Le pétitionnaire se plaignait alors que l'administration des contributions indirectes, à Paris, faisait usage d'une jauge métrique brisée pour vérifier les liquides en dépôt chez les marchands assujettis à la visite, et il prétendait qu'il en résultait une injustice pour les débitants, cette jauge indiquant une quantité de liquide supérieure à la quantité réelle; le pétitionnaire appuyait ses réclamations sur les nombreuses expériences que lui-même avait faites, comme marchand de vin.

Le renvoi ordonné, M. le ministre des finances d'alors nomma une commission pour comparer la jauge du sieur Pugnant avec celle employée par l'administration; le rapport de la commission n'étant pas favorable au sieur Pugnant, l'administration ne donna aucune suite à la récla

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