Images de page
PDF
ePub

[Chambre des Députės.]

RÈGNE DE LOUIS-PHILIPPE.

Mattéo était chargé de cette partie du service;
Il recevait les fonds, mais au lieu d'annoter sur
ses registres tout ce qu'il recevait, il en réser-
vait une partie, et les sommes qu'il dissimulait
se trouvaient couvertes par les envois subsé-
quents; de sorte qu'il était parvenu à couvrir
successivement tous les déficits. Que pouvait
faire le contrôle à une pareille opération, et
comment, dans l'expérience du déficit Mattéo,
M. le baron Louis eût-il pu trouver un avertisse-
ment qui l'aurait dégagé de ce qui avait été fait
par tous ses prédécesseurs, et l'aurait déterminé
à user de formes plus rigoureuses?

Je crois donc qu'il faut en revenir à cette vé-
rité démontrée par l'expérience: c'est que, dans
l'administration la mieux organisée, il existe des
vices qui malheureusement ne se découvrent
que par des épreuves fâcheuses qui coûtent cher
au Trésor, et qu'il faut nécessairement subir
avant d'arriver à un perfectionnement semblable,
peut être à celui auquel nous sommes arrivés
aujourd'hui. C'est ainsi que le Trésor public a
perdu plus de 25 millions, à raison du mode de
versement des receveurs généraux. On a obligé
les receveurs généraux à envoyer leurs fonds au
Trésor par une voie indirecte, et ces déficits ne
se sont plus reproduits. Le déficit Mattéo avait
fait voir qu'on avait tort de forcer les receveurs
généraux à envoyer directement leurs fonds au
Trésor; on les leur a fait d'abord adresser à la
Banque, qui ensuite les fait parvenir au Trésor.
Le déficit Kessner a fait voir qu'il était bon
d'exiger le contrôle relativement aux emprunts.
Ce n'est qu'à l'aide de ces épreuves successives
qu'on arrive au perfectionnement; mais exiger
qu'un ministre, à son entrée au pouvoir, dé-
couvre les causes de ces déficits, c'est exiger
de lui une chose surhumaine, car personne au
monde ne peut se flatter de découvrir les vices
qui pourraient exister dans la comptabilité.

Cette opinion que j'émets, je l'appuierai du témoignage que j'ai déjà invoqué.

Dans la séance du 30 janvier 1832, l'honorable M. Laffitte examinait aussi ce qui aurait pu arriver sous son ministère, si un emprunt avait été ontracté. Voici comment il s'exprimait :

« Il est très malheureux qu'on n'ait pas adopté ne autre marche que celle qui a été suivie; mais Il est certain que les précédents sont une excuse our M. le ministre des finances; il a fait ce qu'on vait fait sous ses prédécesseurs on ne pense pas à tout. C'est un très grand malheur qui auait pu arriver sous mon administration comme ous la sienne. »

M. Laffitte avait raison, Messieurs; car l'absence de contrôle pour les emprunts a existé pendant qu'il était préposé à la direction des finances de l'Etat. Vous vous rappelez l'emprunt de 4 0/0 qui a été adjugé à un taux si avantageux. Eh bien? cet emprunt n'était pas encore parvenu à une exécution complète, lorsque, le 3 novembre 1830, M. Laffitte est arrivé au ministère. Sous son administration, 7 millions de cet emprunt ont été versés dans la caisse centrale, et aucun contrôle n'a accompagné le payement qui en a été fait.

M. Laffitte ne s'est donc pas trompé lorsqu'il a dit que sous son administration, comme sous celle du baron Louis, il y aurait eu absence de contrôle. (M. le général Demarçay adresse à l'orateur quelques paroles que nous n'entendons qu'imparfaitement.)

M. Martin (du Nord), rapporteur. Je m'empresserai de répondre à l'objection.

La voici; car il faut que la Chambre la connaisse bien pour qu'elle puisse apprécier la réponse.

Le déficit Kessner provient de détournements faits par le caissier central sur une partie des fonds qui lui étaient remis par anticipation, et M. le général Demarçay prétend que si les payements par anticipation n'avaient pas été autorisés, il ne lui aurait pas été possible de commettre des dissimulations de cette nature; en effet, peutil ajouter, les payements à terme fixe devant être faits de mois en mois, il fallait bien qu'à la fin de chaque mois la somme sur laquelle on comptait fùt versée.

M. le général Demarçay vient de vous dire, Messieurs, que l'emprunt de 4 0/0 ne comportant pas les anticipations de payement, Kessner avait été dans l'impossibilité de commettre aucune malversation.

Voilà l'objection.

M. le général Demarçay. Il y a un autre motif.

Plusieurs voix pondrez !

N'interrompez pas! Vous ré

M. Martin (du Nord), rapporteur. J'invite moimême M. Demarçay à présenter de suite son objection ces interruptions me sont indifférentes.

M. le général Demarçay. M. le rapporteur sait très bien qu'il n'y a eu que les sommes payées par anticipation qui ont été versées à la caisse centrale, et que, dans tous les temps, pour tous les emprunts, les sommes payées à des termes fixes ont toujours été payées à des sous-caisses où jamais le contrôle n'a manqué.

M. Martin (du Nord), rapporteur. Si je ne me trompe, c'est une erreur; des versements ont pu être faits et ont été faits, soit pour des payements par anticipation, soit pour des payements à termes fixes, à la caisse centrale comme aux souscaisses, et lors de l'emprunt de 1831, et lors des emprunts antérieurs.

Mais je reprends, pour y répondre, l'argument principal de M. Demarcay.

L'emprunt de 4 0/0 devait être réalisé, comconstances sont devenues telles que des délais. plété dans un délai de huit mois; mais les ciront été accordés aux prêteurs, que des payements ont dû être effectués à des termes indéterminés et l'ont été depuis le 3 novembre 1830 jusqu'au 13 mars 1831.

Il y avait donc alors, comme pour l'emprunt de 1831, faculté pour le caissier de dissimuler une l'événepartie des sommes versées. Il est vrai qu'il n'y à pas eu détournement; il est vrai que ment n'est pas venu démontrer qu'on avait eu tort, alors comme depuis, de ne pas établir le contrôlé pour les emprunts; mais parce que l'événement est venu frapper M. le baron Louis, déciderez-vous que ce ministre doit être blâmé d'avoir fait non seulement ce que quatre ministres de la Restauration avaient fait avant lui, mais ce qui avait été fait depuis la Révolution de Juillet et sous un ministre dont, à coup sûr, l'exemple doit avoir quelque poids dans l'opinion de l'orateur que je combats.

Il n'est pas vrai, au surplus, que M. le baron Louis ait supprimé le contrôle en 1831. S'il l'avait fait, je ne dis pas qu'il aurait compromis sa responsabilité, mais je conçois qu'il se serait exposé à un examen sévère de sa conduite et qu'il aurait fallu des motifs puissants pour expliquer de sa part une dérogation aussi importante à des prin

[merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]
[merged small][ocr errors]

(Département des Vosges.)

"Article unique. Le département des Vosges est autorisé, conformément à la demande qu'en a faite son conseil général dans sa session de 1832, à s'imposer extraordinairement pendant 5 ans, à dater de 1834, 5 centimes additionnels au principal des quatre contributions directes.

«Le produit de cette imposition extraordinaire sera spécialement affecté à l'achèvement de plusieurs routes départementales classées et à classer. »

M. le duc de Choiseul. Membre du conseil général des Vosges, je dois défendre cette proposition, s'il y avait contre elle la moindre objection; elle est nécessaire pour compléter un système de routes dont le département éprouve déjà les plus heureux effets, et je m'unis à la commission, qui a été unanime pour l'adoption de la loi proposée, et je supplie fa Chambre d'y apposer sa sanction.

(L'article unique est adopté.)

M. le Président. La Chambre va maintenant passer au scrutin sur l'ensemble de ces lois :

Pairs reçus et ayant voix délibérative... 254
Dont le tiers nécessaire pour voter est de
Pairs présents...

Majorité absolue.
Pour l'adoption...
Contre l'adoption...

(La Chambre a adopté).

[ocr errors]

99

M. le Président. La Chambre veut-elle nommer tout de suite les commissions auxquelles seront renvoyés les projets qui viennent de lui être présentés, et qui exigent presque tous une prompte solution? (Oui!) La Chambre abandonnet-elle à son président le choix des membres de cette commission? (Assentiment). J'aurai donc l'honneur de lui proposer la composition sui

vante:

Circonscription territoriale.

MM. le comte de Chabrillan, le comte Cornudet, le comte de Germiny, le duc de Périgord, le marquis de Talhouët, le comte de Richebourg, le marquis de Saint-Simon.

Lois d'impositions extraordinaires.

MM. le marquis d'Aragon, Besson, le comte Boissy-d'Anglas, le duc de Crillon, le baron Lallemand, le comte Guéhéneuc, le comte de Preis

sac.

Pensions de la garde nationale.

MM. le comte Exelmans, le comte d'Haussonville, le comte Reinhard, le duc de Choiseul, le comte Desroys, le marquis de Jaucourt, le comte Mathieu Dumas.

Pêche de la morue.

MM. l'amiral Duperré, le vice-amiral Emeriau, le comte Lemercier, le comte de La Villegontier, Maurice Duval, le comte de Sesmaisons.

Projet de canal et de chemin de fer.

MM. Dupleix de Mézy, le marquis de Louvois,

[Chambre des Pairs.]

le baron Louis, le comte de La Rochefoucauld, le comte Laferrière-Lévêque, le vicomte Dode, le comte de Noé.

Je demanderai maintenant à la Chambre à quel jour elle veut fixer l'ouverture de la discussion du projet de loi sur l'organisation départementale.

(La Chambre décide que cette discussion s'ouvrira mercredi prochain.)

M. le Président. Le dernier objet à l'ordre du jour est la discussion du projet de loi relatif à l'ouverture d'un crédit pour l'inscription des pensions militaires.

Quelqu'un demandé-t-il la parole sur l'ensemble du projet?

M. le comte Dejean. J'ai quelques observations à présenter.

M. le Président. Vous avez la parole.

M. le comte Dejean. Je ne prends pas la parole pour m'opposer au projet qui vous est présenté; je crois avec la commission qu'il est indispensable, et je suis persuadé que dans cette Chambre il est bien peu de personnes d'une opinion contraire.

Mais votre commission ayant critiqué l'ordonnance du roi du 5 avril 1832, qui fixe l'âge auquel les officiers généraux seront mis à la retraite, et dans mon opinion cette ordonnance étant faite dans les véritables intérêts de l'armée, je ne crois pas devoir laisser sans réponse les observations de votre commission sur cet objet.

Cette ordonnance peut être considérée sous deux points différents.

D'abord faut-il que l'âge de la mise à la retraite des officiers généraux soit fixé d'une manière précise, ou faut-il que cette retraite soit facultative, ainsi que le demande votre commission?

Je crois qu'il y a un très grand avantage à ce que ces sortes de choses soient déterminées positivement, et à ce qu'elles laissent le moins de chances possibles à l'arbitraire. Rappelons-nous ce qui s'est fait sous la Restauration on a mis à la retraite un grand nombre de généraux presque tous dans la force de l'âge, tandis qu'on en conservait d'infirmes et de beaucoup plus âgés. Il est aussi bien difficile de déterminer l'époque où un officier général n'est plus en état de servir: il est dans l'essence de la nature humaine de se faire illusion, et il n'est peut-être pas un officier général, quels que soient son âge et son état de santé, qui ne réclamât contre sa mise en retraite, si elle dépendait uniquement du ministre de la guerre; au lieu qu'avec l'ordonnance actuelle il ne peut élever aucune espèce de réclamation lorsqu'on lui en fait l'application. Je pense donc qu'il vaut beaucoup mieux que l'âge de la retraite soit fixé d'une manière précise, ainsi qu'il l'est par l'ordonnance actuelle.

Quant à la fixation de cet âge, je ne le crois pas trop élevé; il faut le dire franchement : la tête de notre armée est un peu vieille, et elle a besoin d'être renouvelée. Rappelons-nous la situation de l'armée prussienne à l'époque de la bataille d'léna: presque tous les généraux étaient vieux, les nôtres au contraire étaient tous jeunes, et c'est peut-être une des causes de notre immense supériorité.

Je crois donc, contre l'avis de votre commission, qu'on a bien fait de fixer un âge pour la mise en retraite des officiers généraux, et de le

fixer tel qu'il est dans l'ordonnance du 5 avril 1832.
M. le vicomte de Caux. Votre commission
connaît trop bien le respect que porte la Cham-
bre à l'indépendance de tous les pouvoirs, pour
avoir eu la pensée de donner des limites à la
prérogative royale. Elle s'est bornée à présenter
à la méditation du gouvernement sa pensée sur
une disposition par laquelle ce pouvoir s'est lui-
même limité.

Elle a compris que lorsqu'il y a nécessité de réduire subitement le cadre trop nombreux des officiers généraux, la mesure déjà prise sous le ministère du maréchal Gouvion Saint-Cyr, basée sur l'âge, est conforme à l'intérêt de l'Etat en frappant ceux qui offrent moins de chances d'avenir, mais elle a pensé que de semblables mesures devaient être temporaires, et ne pouvaient être converties en règle permanente.

Si le maréchal de Villars, âgé de 63 ans, a sauvé, à Denain, la France d'une invasion, et si à 84 ans il rendait d'importants services en Italie, de pareilles exceptions sont rares; et il faut reconnaître que des commandements importants ne peuvent être confiés, à la guerre, qu'à des officiers généraux en état de supporter les fatigues et les privations; mais, dans l'intérieur, les commandements de divisions, de départements et de places de guerre peuvent être utilement confiés à des officiers qui peuvent faire profiter l'Etat d'une expérience bien reconnue. Votre commission a remarqué, en outre, qu'il est dans la nature des choses que le zèle s'éteigne successivement, en approchant de l'époque déterminée à l'avance de la cessation de l'activité.

La législation sur les retraites a été fixée pour la première fois, il y a plus de 40 ans, par l'Assemblée constituante; depuis, dans toutes les lois postérieures sur les retraites, on a respecté la disposition qui autorise le gouvernement à admettre à la retraite tout officier après 30 années de service, et à l'officier le droit de la demander. Il a paru à votre commission que cette disposition était suffisante; si elle craint que l'ordonnance qui donne lieu à cette discussion prive l'Etat d'utiles serviteurs, elle craint aussi qu'elle retarde l'admission à la retraite d'officiers atteints d'infirmités prématurées, et incapables de service.

Au surplus, des opinions opposées à celles de la commission viennent de vous être présentées. Le gouvernement, dont on n'attaque pas le droit, pourra profiter des lumières jetées dans cette discussion; elle n'aura pas, dès lors, été sans utilité.

M. le maréchal Soult, président du conseil, ministre de la guerre. M. le comte Dejean a représenté avec raison que le gouvernement était dans l'impossibilité de procéder autrement qu'il l'a fait, par l'ordonnance qui fixe la limite d'âge à 65 ans pour les lieutenants généraux, et à 60 ans pour les maréchaux de camp.

Si le gouvernement avait procédé autrement, c'est-à-dire s'il eût donné des retraites au choix, sans distinction d'âge, les réclamations auraient été plus vives, et je dirai même plus fondées; car c'eût été tout à fait de l'arbitraire, et je ne pense pas qu'un ministre osât en prendre la responsabilité.

M. le vicomte de Caux a rappelé avec raison ce que le maréchal Saint-Cyr avait fait en 1818. Lorsqu'on prend une limite d'âge, il est impossible de procéder autrement; car, je le répète, il

y aurait de l'arbitraire, et je ne voudrais pas l'assumer sur ma tête.

M. de Caux a fait remarquer qu'il y avait beaucoup de circonstances où le gouvernement se priverait de services fort utiles, si indistinctement il mettait à la retraite tous les officiers généraux parvenus à une certaine limite d'âge. Čela est vrai; mais le gouvernement n'a pas entendu s'interdire le droit de conserver les officiers généraux qui se trouveraient dans le cas de rendre encore d'utiles services. Je ne pense pas qu'on juge nécessaire d'insérer à cet égard une réserve dans l'ordonnance; car c'est un droit qui appartient au gouvernement, et il n'a pas prétendu s'en dépouiller.

La création du cadre de réserve a eu pour objet principal d'offrir un refuge à des officiers généraux qui n'ayant pas encore atteint l'âge déterminé par l'ordonnance pour la retraite, sont cependant hors d'état de rendre des services. Il m'est arrivé plusieurs fois qu'ayant désigné au roi des officiers généraux pour être appelés à des emplois, eux-mêmes se sont récusés, disant qu'ils ne pouvaient les remplir pour le moment leur destination était le cadre de réserve, où ils ont le temps de se remettre de leurs infirmités ou de leurs maladies, pour reparaître ensuite dans le cadre de disponibilité. De la sorte aucun droit ne se trouvait lésé. Mais, par suite du budget imposé au ministère de la guerre, il était nécessaire de faire des réductions. Le cadre de l'état-major en 1831 était de 539 officiers généraux. Il était impossible de le maintenir dans cet état, en raison surtout que la Révolution de 1830 en avait fait surgir 131 qui étaient revenus de la retraite. Les Chambres avaient senti la nécessité de réduire ce cadre. Le roi même, qui l'avait prévu en 1830, avait déterminé la fixation d'un cadre à 250 officiers généraux. Mais pour arriver à cette limite, déterminée par une ordonnance, il fallait bien trouver un expédient, car la mortalité était insuffisante pour y arriver assez tôt, et satisfaire surtout aux exigences du budget accordé par les Chambres. C'est dans cet état de choses qu'il a fallu, pour réduire le cadre, rendre à la retraite ceux qui en étaient sortis. Depuis l'ordonnance rendue en avril 1832, 139 officiers généraux sont retournés à la retraite d'où ils étaient venus.

La limite d'âge a cet avantage qu'elle nous fait espérer que dans 3 ans, au plus tard, nous serons rentrés dans les véritables limites du cadre à entretenir pour l'armée. Alors il y aura mouvement, émulation, récompense, et l'effet de l'ordonnance dont il s'agit cessera de plein droit c'est donc une transition qu'il faut supporter, et je dois dire que tous les officiers généraux de l'armée s'y sont soumis, la regardant comme une nécessité.

(La Chambre adopte successivement les articles dont se compose ce projet.) (Voy. le texte du projet de loi, t. LXXXI, p. 740.)

M. le Président. La Chambre passe maintenant au vote par scrutin sur l'ensemble du projet. Résultat du scrutin :

Pairs reçus ayant voix délibérative..... 254
Dont le tiers nécessaire pour voter est de. 85
Membres présents..
Majorité absolue..
Pour l'adoption...
Contre..

(La Chambre a adopté.)

[ocr errors]

107

54

3

[blocks in formation]

L'ordre du jour est la discussion du rapport de la commission chargée d'examiner le projet de résolution concernant le déficit Kessner.

Plusieurs orateurs sont incrits pour et contre.
Contre MM. Réalier-Dumas et Portalis.
Pour MM. Duchâtel et Ganneron.

La parole est à M. Salverte, auteur de la proposition.

M. Salverte. Messieurs, pour la seconde fois, le déficit Kessner vient occuper l'attention de la Chambre. La commission chargée par vous, dans la précédente session, d'en examiner les causes et les résultats, pensa que le ministre qui, à cette époque, régissait les finances n'avait point mérité de reproches : le rapport qu'elle vous pré

[ocr errors]

[Chambre des Députés.]

REGNE DE LOUIS-PHILIPPE.

senta exprimait implicitement cette conclusion. Mais nous sentimes tous qu'il ne l'énonçait pas d'une manière assez positive. Lorsqu'à la fois les deniers de l'Etat et l'honneur d'un grand fonctionnaire ont été compromis, des insinuations, quelque habilement qu'elles soient présentées, ne peuvent suffire le double intérêt de la morale et de l'Administration exige un jugement définitif.

C'est ce jugement que, par une proposition formelle, j'ai eu l'honneur de vous demander. Une seconde commission a été choisie; elle a recueilli des renseignements plus amples; elle a de nouveau discuté tous les documents, et la majorité a prononcé encore que le ministre n'avait encouru aucune responsabilité.

En combattant sa décision, en provoquant un arrêt moins favorable, et que je crois plus juste, je ne me dissimule pas quelle défaveur peut m'atteindre. J'ai contre moi, et l'avis raisonné de deux réunions d'hommes éclairés, et le penchant à l'indulgence, si naturel aux Français, et la date de cette affaire, déjà ancienne aux yeux d'une nation toujours prompte à oublier les torts mêmes qu'elle n'a point pardonnés.

Le sentiment du devoir a fait, pour moi, disparaître ces difficultés, le sentiment seul du devoir et quelque besoin que j'aie de votre indulgence, Messieurs, je vous invite à user avec moi de sévérité, si, dans mes raisonnements et dans mes expressions, vous découvrez la moindre trace de passions, de partialité ou de violence.

Je ne reviendrai pas sur le détail des faits suf fisamment établis par les enquêtes; mais je les discuterai sous un autre point de vue qu'ils ne l'ont été dans les deux rapports de l'honorable M. Martin (du Nord). Il importe surtout de les rapprocher; en les isolant, en en faisant le sujet de plusieurs questions séparées, on affaiblit la lumière qui jaillit de leur ensemble.

M. le baron Louis fut rappelé au ministère des finances au mois de mars 1831. Une partie considérable de sa vie consacrée aux fonctions supérieures de l'Administration, et plusieurs années d'expérience dans ce même ministère, avaient établi sa réputation comme financier, et justifiaient la confiance de la Couronne.

Au mois d'avril, la situation des finances lui prescrivit de contracter un emprunt. Une partie des fonds que cette opération à dù produire ont été perdus pour l'Etat; ils ont disparu entre les mains d'un caissier prévaricateur, qui lui-même s'est soustrait aux poursuites de la justice. Si les mesures diverses qui ont régi le recouvrement de l'emprunt et qu'a ensuite provoquées la découverte du larcin, ont été vicieuses ou insuffisantes, quelle responsabilité le ministre a-t-il encourue?

Il n'y a point lieu à exercer contre lui de responsabilité pécuniaire. C'est ainsi que votre commission a prononcé; et j'ai dù accéder à sa décision, puisque aucun texte de loi ne motive plus d'exigence. Ce n'est pas, Messieurs, que, dans ma pensée, l'article 47 de la Charte ne renferme ce qui est nécessaire pour que la Chambre des députés étende sur tous les actes des ministres, sans exception, depuis le crime le plus grand jusqu'à la plus simple faute, son imposante juridiction. Mais cette opinion n'est pas, tant s'en faut, universellement partagée. Loin de là: on a récemment contesté que le ministre de Charles X qui a employé les fonds de l'Etat à armer les soldats contre les citoyens puisse être contraint à restitution, et l'on essayera probablement de prouver que les sommes détournées du Trésor

[12 avril 1833.]

par le fonctionnaire, afin de faire égorger des
Français et de soumettre pour jamais la nation
au joug d'un honteux despotisme, doivent tom-
ber à la charge des contribuables.

Je le répète, Messieurs, dès qu'il y a doute sur
l'étendue de la prescription de la Charte, ce n'est
point à propos d'une question particulière que
je chercherai à fixer la législation pénale. Mais,
en admettant que son silence ne permet point
ici d'invoquer la responsabilité pécuniaire, on
m'accordera qu'un autre genre de responsabilité
a pu être encouru : votre commission l'a reconnu
dans le projet même de résolution qu'elle vous
a soumis; c'est là qu'est la question à débattre,
le problème à résoudre.

Une ordonnance rendue le 18 novembre 1817, avait établi sur les caisses du Trésor public un contrôle si parfaitement organisé que, sous l'empire de ce règlement, on n'avait à craindre aucune malversation préjudiciable aux deniers de l'Etat.

Le ministre qui gérait les finances en octobre 1818 crut pouvoir s'en écarter à l'occasion d'un emprunt considérable. Observez seulement qu'alors le directeur de la caisse de service (M. Jourdan) y suppléait en vérifiant chaque jour si tous les versements faits à la caisse étaient d'accord avec ceux qu'il avait autorisés.

On n'avait point d'ailleurs perdu de vue la nécessité de revenir à l'ordonnance de 1817. Des enquêtes et des pièces annexées à une pétition déposée sur le bureau de M. le Président, il résulte que l'inspecteur général à qui le contrôle des caisses était confié (M. Petit) avait, dans deux rapports adressés à M. de la Bouillerie, réclamé ce retour dans la bonne voie; et quand 1819, dans un rapport adressé à M. Louis, le même employé signalait encore le défaut de contrôle comme éminemment dangereux.

En 1820, un événement semblable à celui qui nous occupe prouva la justesse d'une pareille crainte. Le sous-caissier Mattéo prit la fuite, après avoir soustrait au Trésor plus de 1,800,000 francs. En discutant les causes qui facilitèrent le vol, on ne mit point en doute que l'exécution de l'ordonnance de 1817 ne l'eût infailliblement prévenu.

Une ordonnance du 30 décembre 1829 parut propre à y suppléer jusqu'à un certain point. L'article 4 prescrivait au directeur de la dette inscrite de mettre, chaque mois, sous les yeux du ministre, un compte sommaire extrait des écritures de la comptabilité centrale, et présentant le mouvement pendant le mois, ainsi que la situation, à la fin du mois, des différentes parties de la dette inscrite.

:

De cet exposé rapide il suit, Messieurs, qu'il ne serait pas exact de dire, avec l'honorable rapporteur, qu'en ce qui concernait l'emprunt contracté le 19 avril 1831, rien n'ait rappelé à M. le baron Louis la nécessité des précautions et du contrôle non que je prétende que la responsabilité du ministre ait été directement compromise par l'inexécution des ordonnances antérieures; aucune loi n'en avait consacré les dispositions. Les ordonnances ne font point partie de la législation, quoique, par un abus de mots, on semble souvent les y comprendre. Ce sont de purs règlements qu'un ministre fait, et que son successeur ou lui-même peuvent modifier ou détruire, renforcer ou laisser tomber dans l'oubli, suivant que lui semble l'exiger le bien du service. En usant de cette faculté, qui constitue une partie essentielle de ses attributions, il est censé faire pour le mieux; mais, en même temps, il

« PrécédentContinuer »