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point où il se trouve aujourd'hui; et, comme l'a très bien dit l'honorable M. Bastide d'Izar, il nuit essentiellement aux progrès de l'agriculture. Je ne partage pas toute son opinion, même à cet égard; il a exagéré les avantages du sel, mais cependant il y a beaucoup de vrai dans ce qu'il a dit

Messieurs, je suis convaicu que la majorité des Français, que surtout la majorité des électeurs, pense comme la majorité de l'opposition. (Rires.) J'en ai l'intime conviction. Vous pourriez me répondre en niant ma proposition, et en citant par exemple la manière dont se font les élections qui ne donnent pas à l'opposition la majorité. C'est un fait, eh bien! je dis que ce résultat a lieu par un malentendu... (Nouveaux rires.) Par un malentendu, par une erreur dans la créance des électeurs, parce qu'ils son effrayés de l'émission de certains principes... (Ah! ah!) qui en réalité sont faux et très dangereux. (A la bonne heure!) La simple énonciation de simpôts progressifs est une chose des plus malheureuses, et qui doit jeter les plus profondes inquiétudes dans les esprits de tous les propriétaires. J'examinerai dans un instant dans quelle proportion est, sur la population, l'intérêt prétendu qu'on a presque exclusivement pour les prolétaires, c'està-dire la classe la plus pauvre, celle qui ne tient pas à la propriété, et qu'on a également exposée de manière à jeter de grandes inquiétudes. Qu'est-ce que les prolétaires sous le rapport de leur nombre? Les prolétaires ne sont pas aujourd'hui au nombre de plus de 4 millions, j'entends les chefs de famille, leurs femmes et

enfants. Il y a, au dire de tout le monde, 10 millions et quelques cent mille cotes; il y a un certain nombre de propriétaires qui possèdent plusieurs cotes, mais vu l'extrême division du nombre des petites cotes, je n'admets pas entièrement ce que vient de dire l'honorable M. de Rambuteau. Je porte le nombre des chefs de famille et des propriétaires compris sur le rôle des contributions foncières, au moins à 7 millions qui forment avec leurs enfants, leurs héritiers directs, le nombre de 26 à 28 millions.

Or, si la loi doit protéger le plus grand nombre, si les intérêts des propriétaires et des prolétaires étaient divisés, ce que je suis loin d'admettre, la justice, la nécessité voudraient que la loi fut faite pour le plus grand nombre; en conclura-t-on que la loi doive être injuste, oppressive en faveur des prolétaires contre les propriétaires? Non, sans doute, je veux seulement qu'elle soit juste. Et je dis que dans l'état actuel des choses, il n'y a pas de pays au monde, même en Amérique et aux Etat-Unis, où les prolétaires soient dans un état aussi heureux qu'en France (Très bien! très bien!); qu'il n'y a pas de pays au monde où les prolétaires puissent, avec l'amour du travail, de l'ordre et de l'économie, passer de l'état de prolétaire à celui de propriétaire. (Nouvelles marques d'adhésion.)

Ainsi donc il a été émis quelquefois des principes, je ne parle pas par des écrivains périodiques, je parle particulièrement de ce qui a été dit à cette tribune, et qui mérite de notre part des égards tout particuliers, il a été émis des principes qui ont pu et dû alarmer et profondément inquiéter une grande partie de la population, notamment la partie des propriétaires et particulièrement des électeurs. Voilà en réalité quelle est la cause qui produit dans les élections le résultat que nous voyons.

Je n'en suis pas moins convaincu que si vous
T. LXXXII.

exposez les intentions bien réelles de la majeure partie de l'opposition, je dis qu'elles se trouvent en parfait rapport avec la presque totalité des électeurs.

Messieurs, on passe pour un homme borné et routinier quand on ne dit que des choses simples, naturelles et connues, quoique ce soient presque toujours les seules vraies. C'est le vague et l'idéal qui séduisent les esprits de ceux qui ne savent pas ou qui savent mal. Messieurs, on a dit, et particulièrement un de nos honorables collègues que j'ai déjà indiqué, a dit des choses. qui ont été inspirées par l'amour du bien, par une profonde conviction, d'où est résultée cette éloquence, cet intérêt avec lequel vous l'avez entendu. Mais je me réunis aux orateurs du gouvernement; car l'intérêt de l'opposition, son véritable intérêt est toujours d'appuyer la vérité, les choses dites dans l'intérêt général. Ainsi dans l'intérêt de l'opposition, toutes les fois que les ministres, les partisans de l'Administration actuelle énonceront des vérités, si ces vérités sont les nôtres, si elles ont toujours été les principes fondamentaux des personnes qui votent avec moi, je crois qu'il est de notre droit et de l'intérêt des personnes que nous représentons de les appuyer. (Très bien! très bien!)

On parle encore des prolétaires et des impôts indirects. Il y a des faits à observer. Il n'y a pas de pays dans le monde où les prolétaires payent plus d'impôts indirects qu'en Angleterre. Je ne connais pas de pays dans le monde où les prolétaires en payent moins qu'en Espagne. Eh bien! comparez le sort des prolétaires anglais et des prolétaires espagnols; les uns sont bien vêtus, bien logés, bien nourris, et jouissent d'une belle et florissante santé; vous savez quelle est la situation physique et morale des autres.

On parle encore de l'Etat des prolétaires en France, et on se récrie sur leur triste situation et sur leurs besoins. Je ne prétends pas dire qu'il n'y ait rien de vrai dans cela; mais enfin les prolétaires, en France, se trouvent en majeure partie dans les villes et surtout dans les grandes villes; il n'y en a que très peu dans les campagnes. Prenez ces prolétaires des villes, examinez ce qu'ils gagnent, et comparez-le avec ce que gagnent et dépensent le petit nombre de prolétaires des campagnes; je vais plus loin, un grand nombre de petits propriétaires de campagne, vous verrez qu'ils dépensent beaucoup plus. Il y a donc paresse, et surtout défaut d'ordre. Il faut les instruire, Messieurs, leur donner de meilleures habitudes; c'est là le résultat vers lequel nous devons tendre (Marques d'adhésion.), car, sous ce rapport, les nôtres ont grand besoin d'être améliorés.

Messieurs, je dis que notre législation ne peut être traitée qu'avec beaucoup de respect et d'égards. Je comprends même les impôts qui auraient été mal conçus, qui n'auraient pas du être établis: je les comprends encore dans ceux qui méritent ces respects et ces égards. En effet, un impôt qui existe depuis longtemps, tout le monde s'est arrangé pour l'acquitter; il nous gêne, il nous incommode, mais enfin nous y sommes habitués, nous avons pourvu aux moyens d'y faire face.

Si, au contraire, vous supprimez cet impôt pour en établir un autre, comme on dit, plus rationnel, plus raisonnable, plus conforme à l'état des choses, eh bien! cet impôt qui aurait dû être établi de préférence à celui qui existe,

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si tous les deux avaient pu être pris en considération en même temps, je dis que cet impôt nouveau produira de plus grands inconvénients, excitera bien plus de plaintes que l'impôt ancien, quoique mal conçu, parce qu'il est nouveau, et qu'on se trouve dans une situation qui n'avait pas permis d'y faire face.

M. le ministre du commerce a émis une idée qui me paraît bien singulière; c'est celle-ci. Il en a émis beaucoup de justes, mais en voici une que je ne puis admettre. Il a parlé du luxe, et a dit qu'il fallait l'encourager. Je conviens que le luxe dans l'état actuel de la société en France, avec l'égalité des partages et la grande mobilité foncière, je dis que les excès du luxe ne peuvent pas être bien entendus, et je dis, comme M. le ministre du commerce, qu'un impôt mis sur le luxe serait peu productif et viendrait à la charge du prolétaire en le privant d'une grande quantité d'ouvrage et en faisant disparaître des professions entières. Mais quand je lui ai entendu dire qu'il fallait encourager le luxe, c'est ce que je ne puis admettre.

:

Qu'on éclaire les citoyens de manière à ce qu'ils se procurent, proportionnellement à leurs moyens, tout ce qui tend à rendre la vie commode, je l'admets; mais dire qu'il faut encourager le luxe, selon moi, c'est un sophisme. Je vais plus loin j'ai entendu les plus sensés de mes collègues, dans la conversation privée comme à la tribune, émettre des principes comme celuici il faut encourager la consommation; une nation consomme, plus elle est riche. C'est une erreur. Si l'on dit que plus une nation est riche, plus elle consomme, je le conçois; mais si l'on dit que c'est parce qu'on consomme qu'on est riche, je dis que c'est une erreur.

plus

Il en est d'une nation comme d'une famille. Qu'une nation économise; si elle restreint ses dépenses la première année, soyez certains qu'elle les augmentera pour l'avenir. Bien loin de répandre cette idée qu'il faut encourager la consommation, c'est le travail qu'il faut encourager; car les particuliers deviennent riches par suite de leur amour du travail et de l'économie. Soyez persuadés que l'ensemble de la nation y gagnera sous tous les rapports.

Messieurs, les impôts somptuaires auraient encore un autre inconvénient. J'ai dit qu'ils auraient peu de résultats avantageux dans l'état actuel de la société. Il y aurait encore un autre inconvénient non moins grand, ce serait d'exclure les étrangers; car ceux-là qui viennent en France, y viennent de leur propre mouvement, rien ne les y force, et si vous diminuez les jouissances qu'ils peuvent s'y procurer, la somme du bien qu'ils peuvent y rencontrer, ils donneront la préférence à d'autres pays. Cette considération n'est nullement à négliger.

Je me résume en appuyant le principe émis par M. le ministre des finances, tout en votant pour les changements qui pourront me paraître favorables dans le cours de la discussion.

M. le Président. La parole est à M. Pataille. Voix nombreuses: La clôture! la clôturel D'autres voix Parlez! parlez!

M. Pataille. Je demande à dire deux mots, de ma place, pour tenir lieu du discours que mon rang d'inscription m'appelle à prononcer dans la discussion générale; je déclare que je donne une adhésion pleine et entière aux principes qui viennent d'être si bien exposés par notre honorable collègue, M. Demarçay. Mon seul re

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«Des droits d'enregistrement, de timbre, de greffe, d'hypothèques, de passeports et de permis de port d'armes, et des droits de sceaux à percevoir, pour le compte du Trésor, en conformité des lois des 17 août 1828 et 29 janvier 1831.

M. Charles Dupin. Il y a des membres qui se proposent de nous présenter divers amendements, et qui ensuite demanderont que l'on vote des centimes additionnels sur la contribution foncière. Il me semble, puisqu'il s'agit en ce moment de la contribution foncière, que, c'est le cas de discuter les propositions relatives aux centimes additionnels; car ce serait suivre une marche tout à fait extraordinaire que de réserver l'impôt foncier pour en faire le souffre-douleur de tous les impôts. Je demande que l'on suive l'ordre du budget, et que la discussion ne s'établisse pas de manière à ce qu'on puisse se venger sur l'impôt foncier.

M. le Président. Tous les amendements déposés se rattachent aux divers articles du budget.

M. Havin. Je répondrai à M. Charles Dupin que l'impôt foncier est voté pour toute l'année.

M. le Président. Sur ce paragraphe, M. Blondeau a proposé un amendement dont je vais donner lecture:

«Est et demeure abrogée la disposition de l'article 2 de la loi du 16 juin 1824, qui réduit à 1 franc fixe le droit d'enregistrement et de transcription des changes d'immeubles ruraux dans lesquels l'une des parties reçoit des biens qui lui sont contigus.

« Ces échanges jouiront toutefois de la modération du droit, introduite pour les échanges en général dans la deuxième disposition du même article. »

M. Blondeau a la parole.

Voix nombreuses: Il est absent!... Aux voix ! aux voix !

M. le Président. Il serait à désirer que MM. les députés qui présentent des amendements fussent présents à la séance... (Aux voix ! aux voix!)

M. Blondeau ne se présentant pas pour développer son amendement, je demande s'il est appuyé.

Voix nombreuses : Non! non!

Quelques voix: Oui! il est appuyé! (L'amendement de M. Blondeau est mis aux voix et rejeté.)

M. le Président. Je mets aux voix le paragraphe entier.

(Le paragraphe est adopté.)

M. le Président. Je continue la lecture du paragraphe :

Des droits de douane, y compris celui des sels. »

Sur ce paragraphe, M. Mercier (de l'Orne), a proposé un amendement, qui consiste à ajouter après ces mots : des droits de douane, ceux-ci : «Dans l'énumération desquels figurera le produit des plombs apposés aux douanes sur les colis. »

L'amendement de M. Mercier est-il appuyé ? (Non! non! Oui! oui!)

Voix diverses: M. Mercier est absent!

M. Salverte. Je ferai remarquer que l'amendement de l'honorable M. Mercier est une conséquence d'un vote précédent. Le produit des plombs est un produit réel dont on ne rend pas compte. S'il tend à augmenter le salaire des émployés des douanes; je ne le blâme pas; mais, pour la régularité, il faut. qu'on sache quel en est le produit.

En conséquence, j'appuie l'amendement.

M. Humann, ministre des finances. Il est vrai que le produit des plombs ne figure pas dans le budget; mais depuis une longue série d'années, ce produit sert d'addition aux émoluments des vérificateurs des douanes. Pour arriver aux fonctions de vérificateur, les employés attachés à l'administration des douanes travaillent pendant 15 ou 20 ans. Les émoluments de la place sont faibles; c'est le produit des plombs qui vient les compléter. Il faut le dire, les vérificateurs actuellement en exercice ont compté sur ce supplément, qui, du reste, n'est pas exagéré. Si le produit des plombs devait entrer dans les recettes de l'Etat, il faudrait nécessairement augmenter les émoluments des vérificateurs. Un vérificateur au Havre, par exemple, n'a que 2,000 fr. de traitement, et il liquide, année moyenne, pour un million au moins de droits! Il est impossible qu'avec 2,000 francs un individu placé dans cette position puisse vivre au Havre. Cependant, il est nécessaire qu'il puisse offrir des garanties suffisantes pour la perception d'un impôt qui s'élève à une somme aussi considérable. Et comme ils ont compté sur cet avantage, si on les en privait, on commettrait, à leur égard, une sorte d'injustice.

Il y aurait, Messieurs, quelque inconvénient à augmenter les traitements des vérificateurs; ils ont été fixés modestement, en raison même de ce supplément des plombs. Si vous éleviez le traitement d'un vérificateur, qui n'a que 2,000 fr., à 4,000 francs, vous seriez conduits à élever aussi le traitement des inspecteurs, et toute la hiérarchie se trouverait bouleversée. Je présenterai une autre considération. L'addition que reçoit un vérificateur dans le produit du plombage ne compte pas lorsqu'on liquide sa pension. Mais si vous éleviez le traitement, comme la pension est calculée sur le traitement fixe, vous grèveriez, par là même, la caisse des pensions. Je crois, aussi, Messieurs, que quand l'Etat aura à fournir le plomb, le produit diminuera de quelque chose. La raison en est simple: quand c'est l'Etat qui fournit, on n'y regarde pas de si près.

J'ai cru devoir donner ces explications à la Chambre; elle prendra la décision qu'elle jugera à propos; mais toujours est-il que si l'on otait l'avantage du plomb, il y aurait injustice à ne pas donner aux vérificateurs un supplément de traitement.

M. Salverte. La réponse de M. le ministre des finances semble supposer que l'amendement de l'honorable M. Mercier tend à soustraire absolument le produit des plombs à sa destination actuelle. J'ai dit, au contraire, en appuyant cet amendement, que je ne blâmais pas du tout la destination de ce produit, appliqué à augmenter le traitement d'employés quí méritent cette augmentation; j'ai dit qu'il fallait, d'une part, connaître le produit du plomb, et, de l'autre, la somme qui doit servir à compléter les traitements des vérificateurs, afin que nous puissions voir si ces deux articles se balancent, et si l'augmentation qu'obtiennent par là les traitements n'est pas exagérée. Il est évident que nous ne pourrons établir cette balance que lorsque ces deux articles figureront au budget. Ainsi, je ne trouve aucun inconvénient à y faire figurer la recette des plombs, sauf à augmenter les traitements en conséquence.

Mais, a dit M. le ministre des finances, si vous procédiez ainsi, vous dérangeriez quelque chose à la hiérarchie établie dans les traitements des divers employés des douanes, puisque de cette manière le traitement du vérificateur approchera de celui de l'inspecteur.

Messieurs, ce ne sera qu'un dérangement apparent; car le traitement restera le même. Remarquez d'ailleurs qu'il y a des administrations où tel employé est et doit être beaucoup plus rétribué qu'un employé supérieur. Par exemple, les conservateurs des hypothèques dans l'enregistrement ont un traitement très fort et très mérité, et supérieur à celui de l'employé qui a un titre plus élevé. La dernière objection qu'a faite M. le ministre des finances mérite quelque considération. Si vous élevez, a-t-il dit, le traitement des vérificateurs des douanes, vous serez obligés d'élever en conséquence le taux de leur pension. Mais il me semble, Messieurs, qu'on peut échapper à cet inconvénient en donnant, à titre de gratification, le montant du produit des plombs, montant qui doit être variable, parce qu'il dépend du nombre des affaires, qui est plus ou moins considérable. De cette manière, il n'influera pas sur la fixation de la pension, et vous aurez un moyen de régulariser ce produit. J'appuie l'amendement.

M. Humann, ministre des finances. Entendu comme M. Salverte vient de l'expliquer, je ne vois pas d'inconvénient à admettre l'amendement. Si, d'une part, on fait recette du produit des plombs, et si, de l'autre, ce produit jusqu'à concurrence de la somme que la Chambre déterminera est réservé pour accroître les traitements des vérificateurs, ce qui est indispensable, je ne vois pas d'inconvénient à ce que cet article figure au budget. (Aux voix ! aux voix!)

M. de Mosbourg. Après la déclaration de M. le ministre des finances, je n'ai rien à dire; je n'ai qu'à demander que la loi confirme ce que M. le ministre propose; ce serait d'ajouter :

«En réservant à ce produit la liquidation actuelle. »

Par ce moyen, la dépense pourra être régularisée.

M. Delaroche. Lors de la loi rendue sur le transit, une réduction importante a été opérée sur le prix du plombage; mais il y a encore plusieurs abus résultant de l'intérêt qu'ont les employés des douanes à l'apposition des plombs; dans beaucoup de circonstances, ils multiplient cette apposition d'une manière onéreuse pour le

commerce. De nombreuses réclamations ont été faites à cet égard; elles ont été manifestées à la réunion du conseil général du commerce; mais on a été d'avis qu'il ne fallait s'occuper de cet objet que dans la loi des douanes, où cette discussion sera plus convenablement placée. Je n'appuie ni ne rejette l'amendement de M. Mercier; mais j'étais bien aise de vous faire part des réclamations du commerce contre les abus du plombage.

M. Gréterin, commissaire du roi. Je me bornerai à relever une expression qui est sans doute échappée à l'honorable préopinant. Il a dit que l'extension que les employés avaient donnée à l'application du plombage avait été abusive. Messieurs, je ne puis comprendre un tel reproche. La loi a déterminé de la manière la plus précise toutes les circonstances, toutes les opérations dans lesquelles il y a lieu à plomber. Je crois que M. Delaroche s'est mépris dans l'expression de sa pensée, en disant que les employés étaient intéressés au plombage. Il n'y a pas d'abus possible. La loi des douanes, à laquelle le préopinant se réfère, contient en effet une disposition relative au plombage; elle a pour objet de restreindre l'application du plombage; c'est une voie dans laquelle l'administration n'a pas cessé de marcher. Elle ne veut le plombage que quand il est utile; et dans tous les cas où cette utilité ne sera pas évidente, il n'aura pas lieu.

M. Havin. Tout cela est étranger à la discussion de la loi des recettes; attendez la discussion de la loi des douanes.

M. Thil. J'avais demandé la parole pour faire une observation dans le même sens que M. Delaroche. Je n'entends pas combattre l'amendement auquel paraît adhérer M. le ministre des finances; mais je désire qu'il soit bien entendu que la question relative au plombage, à l'importance des droits perçus, restera entière lorsqu'on s'occupera de la loi des douanes. Je voudrais que M. le commissaire du roi ne se fût pas trompé lorsqu'il a attesté à la Chambre qu'il n'y avait aucun abus dans l'apposition des plombs."

Messieurs, les droits qui seront perçus sont très onéreux pour le commerce, et causent à certaines classes un véritable préjudice. Si j'avais pu croire que cette discussion vint aujourd'hui, j'aurais mís sous les yeux de la Chambre une délibération de la chambre de commerce de Caen, qui réclame avec instance la diminution des droits. Au reste, j'entends seulement réserver la question; je me propose de la traiter lorsqu'on s'occupera de cette partie de la loi des douanes.

M. Humann, ministre des finances. On comprend très bien que les chambres de commerce demandent la réduction des droits de plombage; mais le gouvernement ne peut admettre ce vou.

Le plombage est une garantie indispensable pour le service des douanes, et surtout dans le système des entrepôts, auquel vous avez donné une très grande extension. Il est évident que lorsque des marchandises sont expédiées des entrepôts maritimes, il n'y a d'autre garantie que, celle du plomb; cela ne peut pas être une condition de convenance pour le commerce; c'est une condition nécessaire pour le Trésor, qui doit avoir ses garanties. Il n'y aura aucun inconvénient à discuter la question dans la loi des douanes. J'ai seulement voulu qu'il fût bien entendu que ce n'est pas sur la réclamation que cet objet doit être résolu.

M. Fulchiron. Dans le conseil des manufactures, dont j'ai l'honneur de faire partie et qu'on vient d'invoquer, les opinions ont été extrêmement partagées sur ce point. Il y a deux espèces de plombage, le plomb ordinaire et le plomb du transit. Le conseil a été d'avis que tout ce qui avait rapport au plomb du transît devait être rigoureusement observé, parce que c'était une garantie pour notre industrie, et que sans cela nos manufactures seraient découragées par la contrebande; mais il a été d'un autre avis relativement au plomb ordinaire, qui pourrait sans inconvénient n'être pas exigé.

M. Thil. Ce que vous a dit M. le ministre des finances et l'observation que vient de faire M. Fulchiron prouvent que je n'ai pas été bien compris. Je n'ai pas prétendu qu'il fallait supprimer le plombage; je n'ai pas dit que la chambre du commerce de Caen réclamaít cette suppression; j'ai dit seulement qu'on se plaignait de l'élévation de la rétribution exigée pour le plombage. Si j'avais pensé que la discussion dût s'engager aujourd'hui sur ce point, j'aurais apporté la délibération bien motivée de la chambre de commerce de Caen; vous y auriez vu que la diminution de cette rétribution est réclamée dans l'intérêt du commerce sainement entendu. Voilà ce que j'ai dit, et ce n'est pas à cela qu'on a répondu.

M. le général Demarçay. Je ne demande la parole que pour engager la Chambre à terminer cette discussion. Lorsqu'on s'occupera de la loi des douanes et qu'on discutera le tarif, on pourra s'attacher à démontrer que la rétribution pour le plombage est trop élevée; mais en ce moment vous n'avez à vous occuper que de l'amendement de M. Mercier, sous-amendé par M. de Mosbourg.

M. Delaroche. En parlant d'abus, j'ai voulu dire seulement qu'il y avait des cas où les plombs étaient apposés inutilement, et qu'ils étaient une charge pour le commerce, sans être une garantie pour le Trésor. Comme cet objet reviendra dans la discussion de la loi des douanes, je m'abstiens en ce moment de toute proposi

tion.

M. Alexandre Gouin, rapporteur. Je demande l'ajournement de l'amendement de M. Mercier; cette question se trouvera mieux placée dans la discussion de la loi sur les douanes, et, dans tous les cas, elle ne pourrait recevoir son application immédiate au budget de 1833, car si cette recette était portée au budget, elle comprendrait le produit brut, et dès lors il faudrait un crédit au budget des dépenses pour payer les achats de plombs et ficelles, dont les avances sont aujourd'hui prélevées sur les produits; or, le budget des dépenses est voté, et aucune allocation pour cet objet n'y a été comprise.

Cette taxe, qui a été établie par la loi du 22 août 1791, n'a point été consentie dans l'intérêt du Trésor, mais uniquement comme prime de surveillance accordée aux douanes; si cette taxe, qui est aujourd'hui de 50 centimes par chaque plomb, est trop élevée, elle pourra être réduite dans la loi des douanes, mais au profit du commerce, non du Trésor.

M. le Président. On ne procède pas par voie d'ajournement. Ceux qui seront d'avis de l'ajournement voteront contre l'amendement.

M. Alexandre Gouin, rapporteur. Je demande alors la question préalable."

M. Fulchiron. L'ajournement se fait souvent dans le cas dont il s'agit, il aurait l'avantage de poser le principe, et la Chambre serait d'accord de reprendre la question en temps et lieu. Il n'en serait pas de même si l'on prononçait le rejet.

M. le Président. On a demandé la question préalable.

M. de Mosbourg. Je demande la parole contre la question préalable.

Lorsqu'une violation flagrante des règles de notre comptabilité a été reconnue par M. le ministre des finances lui-même, pouvons-nous ajourner une régularisation que lui-même a jugée nécessaire? Je ne le pense pas. Quand on se trouve dans un état de désordre, de violation de la loi et des règlements, il faut évidemment faire cesser, sans aucun délai, cet état de choses.

M. le rapporteur prétend que vous ne pouvez porter dans le budget des recettes aucune espèce de dépense.

Mais c'est précisément parce que le vote de la dépense n'a pas eu lieu que j'ai cru nécessaire de présenter mon amendement. Il n'y a, certes, aucune irrégularité, dans le moment où l'on fait une disposition pour faire entrer un produit dans le compte des recettes, à décider que le ministre sera autorisé à porter ce même produit en dépense, en lui en laissant l'application.

L'amendement de M. Mercier, avec le sousamendement que je propose, emportera donc à la fois un vote de recette et un vote de dépense.

M. Fulchiron. J'insiste pour l'ajournement par une raison grave: c'est que, comme je l'ai dit, l'ajournement n'éteindra pas la question, et que le commerce de France, prévenu qu'on doit reprendre la question, aura le temps de préparer ses observations.

(La question préalable est mise aux voix et adoptée.)

M. le Président. Sur la partie du paragraphe relative à l'impôt du sel, plusieurs amendements ont été proposés. Le premier, qui est une proposition collective de MM. Bastide d'lzar, Muntz, Victor de Tracy, de Ludre, Luneau, Audry de Puyraveau, Beslay fils, Thouvenel, Sans, Tardieu, Roussilhe, André Koechlin, Levaillant, Anglade et Luminais, a pour objet la suppression complète de l'impôt sur le sel; le deuxième est de M. le général Thiard, qui demande que la taxe sur le sel soit réduite à 2 francs par quintal métrique, à partir du 1er octobre 1833; le troisième est de M. André (Haut-Rhin), qui propose qu'à partir du 1er octobre prochain l'impôt du sel soit réduit à 1 décime par kilogramme; le quatrième, enfin, est de M. Laguette de Mornay, qui demande qu'à partir du 1er octobre 1833 les droits sur le sel soient réduits à 6 francs par quintal métrique aux lieux de production.

L'amendement collectif étant le plus large, puisqu'il a pour objet l'abolition complète de l'impôt sur le sel, j'appelle à la tribune celui de MM. les députés qui l'ont signé qui demandera à le développer.

M. Anglade. Je le demande.

Plusieurs membres : Mais il a été développé dans la discussion générale!... Aux voix! aux voix! M. le Président. L'amendement est ainsi conçu :

Art. 1er. A partir du 1er octobre prochain, l'impôt indirect des sels sera supprimé.

Art. 2. Pour rétablir le chiffre présumé des

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M. Anglade. Messieurs, député d'un des départements les plus pauvres de la France, et qui cependant paye un million pour la consommation du sel, lorsque l'impôt foncier ne lui coùte pas la moitié de cette somme, il est de mon devoir, alors surtout que trente autres départements se trouvent dans la même catégorie, de réclamer la suppression de la taxe du sel.

Je viens, en conséquence, défendre l'amendement qui a rapport à cet objet. Il est ainsi conçu : « Art. 1er. A partir du 1er octobre prochain, l'impôt indirect sur les sels sera supprimé.

Art. 2. Pour rétablir le chiffre présumé de cet impôt pendant le dernier trimestre de 1833, il sera vendu, d'ici au 1er janvier 1834, des bois de l'Etat à concurrence de 15 millions. >>

Ce qui a été dit toutes les fois qu'il s'est agi de l'impôt du sel me dispense d'entrer dans de grands développements; car aujourd'hui la nécessité de l'emploi de cette denrée n'a plus besoin d'être démontrée, c'est de l'évidence.

Les savants en chimie, en agriculture, en économie politique, les Buffon, les Chaptal, les Smith, ont tous signalé, en effet, les salutaires influences du sel comme amendement des terrains; sa nécessité, comme hygiénique, pour les bestiaux, qu'il rend plus forts, plus vigoureux, ainsi que pour la classe qui ne se nourrit que d'aliments grossiers et indigestes, tous se sont élevés contre l'impôt qui le grève (1).

Je me bornerai donc à établir par quelques faits, et je le ferai en peu de mots, pour ne point abuser des moments de la Chambre, que l'emploi du sel est plus impérieusement commandé dans certaines localités que dans d'autres, et précisément en raison inverse de la fertilité du sol, de la richesse des départements, et que là cet emploi est encore en raison progressive de la grossièreté des substances, de la pauvreté des habitants; d'où la conséquence que l'impôt qui la grève est odieux et contraire à l'article 2 de la Constitution, qui veut que tous les Français contribuent indistinctement, dans la proportion de leur fortune, aux charges de l'Etat.

Vous le savez, Messieurs, notre sol n'est pas également propre à la même culture, aux mêmes productions. Plat dans certains endroits et heu

(1) L'un de ces hommes célèbres appelait la loi qui impose le sel a une loi de proscription contre l'aisance de l'homme et la santé des animaux, qui, faute de sel, ne vivent et ne se multiplient qu'à demí; loi de malheur, ou plutôt sentence de mort contre les générations à

venir.

a Les boeufs, les chevaux, les moutons, tous nos premiers aides dans cet art de première nécessité (l'agriculture), ont encore plus besoin que nous de ce sel, qui leur est offert comme un préservatif contre l'humidité putride dont nous les voyons périr.» (BUFFON, Histoire des minéraux.)

« Le sel est le premier besoin des animaux ruminants, dit un autre; il sert d'assaisonnement à leur insipide nourriture, il excite les forces de leurs estomacs débiles, il prévient les obstructions et les engorgements.

L'impôt sur le sel est une véritable calamité pour l'agriculture; il a tari plusieurs sources de la prospérité, et il lui coûte plus qu'il ne rapporte au Trésor.» (CHAPTAL, Chimie appliquée à l'agriculture, 1820, t. I. p. 367.)

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