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15 de ce mois, en parlant lors de la discussion générale du budget des recettes. Je dois donc ne vous offrir qu'un court résumé.

L'impôt du sel, tel qu'il existe aujourd'hui, est tout à la fois injuste, impolitique, et nuisible à l'agriculture et aux bestiaux.

1 Il est injuste; car un principe fondamental, est que l'impôt doit être réparti dans la proportion des fortunes; eh bien! celui sur le sel a une base diamétralement opposée; car la consommation du riche n'est pas égale au tiers de celle du pauvre;

2° Il est impolitique sous un double rapport. En effet, d'une part on le vend à moitié prix à l'étranger, chez qui les habitants de nos frontières se le procurent par la contrebande, même à main armée.

D'autre part, la Révolution de Juillet a dû faire naître l'espoir d'une réduction dans les charges de l'Etat; et une grande partie de la nation, étrangère à la politique, n'apprécie pas les dépenses énormes qu'ont entraînées l'accroissement du personnel et matériel de l'armée, l'armement des gardes nationales, les constructions et les réparations des places fortes, les secours aux ouvriers, au commerce, aux cholériques, aux réfugiés, et tant d'autres besoins qu'il serait trop long d'énumérer.

30 L'impôt du sel est nuisible à l'agriculture et aux bestiaux.

Quant à l'agriculture, l'Angleterre et les PaysBas ont employé le sel avec le plus grand succès; et c'est d'après les expériences réitérées que j'ai faites, que je repousse avec une pleine conviction l'opinion contraire de quelques agronomes français.

Quant aux bestiaux, l'emploi habituel du sel en favoriserait l'élève, il les multiplierait et conserverait, surtout en les prémunissant contre les épizooties qui, trop souvent, infectent à la fois plusieurs départements.

Pour couvrir le déficit résultant de la réduction de l'impôt au tiers, je propose, pour les trois derniers mois de 1833, un accroissement de 4 centimes un quart par franc à la contribution foncière.

Plus tard, on pourra asseoir un autre impôt; et, ce qui serait bien plus important, rendre celui-ci inutile, par les économies notables qui naîtraient du désarmement.

Depuis 1789, la propriété a beaucoup gagné par la suppression des dimes et des droits féodaux. Depuis 1817, elle a été dégrevée successivement de 19 centimes, dans le seul but d'éliminer des électeurs constitutionnels.

Que les propriétaires sachent donc sacrifier une légère portion d'un bénéfice, qu'ils recueillent depuis 15 ans; et il vous appartient, Messieurs, de leur en donner, par votre vote, un juste et noble exemple.

Voix nombreuses: Aux voix! aux voix! (L'amendement est rejeté.)

M. le Président. Vient maintenant l'amendement de M. de Mornay, qui est ainsi conçu: "A partir du 1er octobre 1833, les droits sur le sel seront réduits à 6 francs par quintal métrique, aux lieux de production.

Ces droits seront en outre réduits de un franc par chaque somme d'un franc 50 centimes, qui sera nécessaire pour transporter un quintal depuis les lieux de production jusqu'aux lieux de destination.

Une ordonnance royale déterminera les ta

rifs pour chaque arrondissement de sous-préfecture. »

M. Laguette de Mornay. Mon amendement a deux buts principaux : le premier, c'est d'opérer une réduction assez considérable sur le prix du sel pour qu'on puisse l'employer dans l'agriculture; le deuxième, c'est de conserver au Trésor une recette, parce que, si l'on supprimait l'impôt, la consommation serait beaucoup augmentée, et il est évident que la recette n'y gagnerait rien. Dans le système que je présente, je suis bien convaincu que la consommation s'établira dans un petit nombre d'années, de manière à ce que la recette, qui doit diminuer aujourd'hui, recouvre une somme assez importante.

Par l'amendement que je propose on arrive à ce résultat que je donne en abrégé pour faire voir son importance: le sel qui se vend actuellement de 3 sous et demi à 5 sous la livre, suivant les distances des lieux de consommation aux lieux de production, se vendrait par toute la France un sou la livre.

Il est évident, pour tous ceux qui se sont occupés d'agriculture, qu'à ce prix modéré les paysans pourraient en mettre dans les fourrages de mauvaise qualité, ce qui produirait un bien très considérable, comme l'a démontré notre honorable collègue M. Bastide d'lzar. Un grand nombre de bestiaux, de moutons principalement, périssent tous les hivers par suite de la pourriture, parce qu'on ne peut pas leur donner du sel; au lieu que ceux mêmes qui auraient pâturé dans des endroits humides, dans des endroits ombragés, où sont de mauvaises herbes, si l'on corrigeait cette mauvaise nourriture en y mêlant du sel, ne seraient pas atteints de la pourriture qui en emporte, même dans les pays de montagne, de 12 à 18 sur 0/0 tous les hivers.

Réfléchissez, Messieurs, sur le capital que représente la valeur de ces troupeaux, et vous verrez qu'en permettant aux petits cultivateurs de donner du sel aux bestiaux, et surtout aux bêtes à laine, vous en conserverez tous les ans pour une somme beaucoup plus considérable que la diminution actuelle d'impôt qui résulterait de l'adoption de mon amendement.

Voici comment les tarifs seraient établis :

Supposez qu'on trace des lignes parallèles au littoral, je ne dis pas absolument et géométriquement parallèles, et que ces lignes soient assez distantes les unes des autres pour qu'il y ait à peu près 1 fr. 50 de frais nécessaire pour transporter un quintal, le droit sera diminué de 20 sous à chacune de ces distances.

Il en résulterait, à la vérité, que le prix du sel se trouverait augmenté à mesure qu'on irait vers les régions centrales de la France, de 30 sous par quintal, c'est-à-dire du prix de transport; mais, par compensation, il se trouverait diminué de 1 franc sur le droit établi au profit du Trésor. On laisserait toujours aux départements du littoral qui sont favorisés par la nature un avantage sur les autres.

Ainsi, quoique j'aie dit que le sel se vendrait à un sou la livre pour toute la France, ce qui serait un bienfait immense dont l'application serait immédiate, cependant il ne coûterait en réalité qu'environ les trois quarts d'un sou aux bords de la mer, et un peu plus d'un sou, 6 centimes par exemple, dans les départements du centre, dans la Vienne, la Creuse, la Dordogne, l'Indre, dans les endroits les plus éloignés des lieux de production; ce ne serait que dans un

petit nombre de départements que l'impôt serait | réduit à zéro; et, malgré cette annihilation du droit, ces départements payeraient encore le sel un peu plus cher que le reste de la France.

Le résultat final de l'amendement serait qu'on payerait le sel en général dans toute la France un sou la livre.

Ce premier résultat obtenu, vous sentirez tout de suite les immenses avantages qu'en retirerait l'agriculture.

Actuellement on ne peut pas donner de sel aux bestiaux dans les endroits les plus éloignés de la mer, parce que le sel est trop cher. Dans certains pays, comme dans le département de l'Ain que j'habite, il n'y a que des propriétaires aisés et qui sont instruits des propriétés du sel, qui en donnent aux bestiaux; ceux-là ne perdent pas leurs troupeaux pendant l'hiver, ou, s'ils en perdent, ce n'est que par des accidents étrangers à la maladie qu'on appelle la pourriture. Mais les simples paysans, ceux mêmes qui connaissent les avantages de l'emploi du sel, ne peuvent pas l'employer, parce qu'il leur coûte 5 sous la livre en détail (Bruit assez général.); et pour avoir 5 sous de sel, il faut que la femme d'un pauvre laboureur consacre deux ou trois jours de sa semaine à filer, parce que ce travail ne lui rapporte que deux ou trois sous par jour. Ces nécessités de leur position exposent leurs troupeaux à périr, et ils le savent bien, mais ils ne peuvent pas faire autrement. C'est à vous, Messieurs, de faire cesser cet état de choses.

M. le ministre du commerce vous disait que le pauvre ne paye presque rien et que le riche paye une grande partie de l'impôt. C'est là un véritable paradoxe à l'aide duquel il a cherché à nous éblouir; le fait est que les pauvres payent beaucoup plus que le ministre l'a dit. Je vous ai démontré, à propos de la loterie, qu'une seule famille de pauvres, dans une grande ville, paye en surtaxe environ 150 francs par an, tant au profit du Trésor qu'au profit des grands propriétaires de terres à blé, de forêts et de forges. II y a en France six millions de familles qui sont dans une semblable situation: si toutes étaient surchargées de la même manière qu'une pauvre famille des villes, vous voyez que la surtaxe qui porterait sur les objets de première nécessité serait d'environ 900 millions: vous voyez donc qu'en conscience, en toute justice, il est bon de changer cet ordre de choses.

Mais on nous dit, quand nous voulons surtout diminuer l'impôt du sel, qui est le plus onéreux de tous, que les autorités que nous citons ne sont rien. Nous invoquons des expériences faites par les agriculteurs les plus habiles, nous citons les résultats de ces expériences qui ont été recueillis par des hommes tels que Montesquieu, Buffon, Desmarets, Chaptal surtout, et on nous dit que ce sont des ignorants, des niais, des innocents, car voilà les propres expressions de M. le ministre, et j'avoue que ce langage n'annonce pas, dans un homme d'esprit comme lui, une grande confiance en la bonté de la cause.

Chaptal ayant été ministre de l'intérieur, et auparavant très grand industriel, et ayant eu le mérite d'introduire en France l'industrie des produits chimiques, ayant acquis par ce moyen une fortune considérable, et l'ayant ensuite perdue par des motifs on ne peut plus honorables, Chaptal, après de mûres réflexions, après avoir consulté les documents qui lui arrivaient de toutes parts au ministère de l'intérieur, Chaptal a dit plusieurs fois que l'impôt du sel était une

chose si monstrueuse, qu'elle desséchait la prospérité dans son germe; il a dit qu'il fallait absolument, ou supprimer ou modifier considérablement cet impôt, et il a ajouté que, par quelque impôt si nuisible qu'il fut que l'impôt du sel serait remplacé, il le serait avantageusement.

Messieurs, je crois que vous reconnaitrez qu'il est absolument nécessaire, qu'il est urgent de faire cesser l'état de choses qui existe actuelle

ment.

Voyez quelle est l'énormité de cet impôt :

Le sel dans les lieux de production, dans les marais salants, soit de la Méditerranée, soit de l'Océan, vaut environ 1 fr. 25 ou 1 fr. 80 le quintal métrique, ce qui fait à peu près 1 fr. 50 terme moyen. Eh bien, il est frappé de 30 francs, c'està-dire de 20 fois sa valeur!...

En vérité, c'est exorbitant. Si l'on proposait, par exemple, de frapper sur la mouture, sur le blé, même quand ce serait à leur profit, un impôt qui serait de vingt fois la valeur du pain, assurément les propriétaires les plus avides se récrieraient, et la pudeur les empêcherait de voter un pareil impot. Eh bien, voilà une denrée qui vaut 30 sous le quintal métrique, et qu'on impose 30 francs le quintal métrique ! Vous voyez qu'il n'y a point d'exagération dans nos paroles, lorsque nous appelons cet impôt monstrueux et ruineux; il n'y a dans ces épithètes que la simple expression de la vérité.

Mon amendement, il est vrai, ne supprime pas l'impôt; mais il le réduit assez pour qu'on puisse utilement et généralement employer le sel à l'agriculture, tant pour le donner au bétail directement, comme on le fait dans beaucoup de provinces, que pour le lui donner en le mêlant à sa nourriture, en le mettant couche par couche dans des seconds foins, dans des foíns avariés, comme il arrive lorsque les pluies ont duré 15 jours dans le temps de la récolte. Dans ces différents cas, on pourra, le sel étant à un sou la livre, l'employer avec grand avantage. Si le gouvernement veut bien inviter les préfets, les sous-préfets, les maires, les ecclésiastiques, qui auront une grande influence à cet égard, à recommander dans les campagnes l'emploi du sel pour l'éducation des bestiaux, je crois qu'on arrivera à augmenter la consommation dès l'année 1834. Je ne me flatte pas que cette consommation sera double dès la première année, parce que en France le paysan surtout est extrêmement routinier, et ne fait des expériences qu'avec beaucoup de réserve; mais s'il est éclairé par les personnes instruites qui vivent auprès de lui, il reconnaîtra bientôt l'utilité de l'emploi du sel, et je ne doute pas qu'en 1835 la consommation ne soit double, pour être triple bientôt après.

Je sais bien qu'elle ne sera pas triple pour les hommes; elle sera augmentée pour les hommes dans la proportion de 15 à 18 environ, parce que cette consommation a des limites. A la vérité, le paysan qui mange du blé noir, des châtaignes, pourra employer beaucoup plus de sel qu'il ne le fait pour sa nourriture; mais les riches, les hommes aisés, n'en mettront pas davantage dans la leur. Par cette raison, la consommation pour les hommes ne sera guère augmentée que d'un sixième ou d'un septième.

Mais le bétail à grosse corne, qui peut utilement en consommer 50 à 60 livres par an dans toutes les parties du territoire éloignées de 6 ou 7 lieues de la mer, augmentera beaucoup cette consommation. Le paysan en donnera à ses bêtes à grosse corne, et dès lors il pourra élever beau

coup plus de bétail, ce qui nous mettra à même de soutenir la concurrence avec les contrées voisines du Rhin, avec la Suisse...

Quant aux bêtes à laine... (Bruit continu. Aux voix! aux voix!) comme le sel leur fait un bien infini et généralement senti, la consommation à cet égard sera immédiate, c'est-à-dire qu'elle commencera dès le dernier trimestre de 1833, si vous adoptez mon amendement, et en 1834, elle sera double.

Ainsi, l'amendement que je propose aurait seulement pour effet, cette année, la perte de la recette actuelle pendant le dernier trimestre. Or, l'impôt sur le sel rapporte 54 millions d'un côté, 7 millions et demi d'un autre, c'est-à-dire pour les salines de l'intérieur, 1,400,000 francs pour la ferme des sels, ce qui fait environ 63 millions; mais il y a beaucoup de frais, il reste net environ 60 millions. La recette du dernier trimestre serait donc de 15 millions.

Je suppose que mon amendement n'augmente pas du tout la consommation pendant le dernier trimestre; eh bien, il n'y aurait qu'une perte de 12 millions. Or, rien n'est si aisé que de couvrir cette perte par le moyen indiqué par le général Thiard 20 centimes sur la contribution foncière pendant le dernier trimestre seulement, donneraient 15 millions. (Au xvoix ! aux voix!—Marques d'impatience aux centres.) Vous trouveriez donc là une compensation plus que suffisante.

Vous voyez donc que ma proposition n'offre que des avantages, et ne présente pas même d'inconvénients pour le moment. En l'adoptant, vous entrerez dans une voie qui produira certainement une immense amélioration. (Aux voix ! aux voix !)

Veuillez considérer une chose: lorsqu'on vous parle d'une industrie qui emploie 30 ou 40 milfions, vous dites: Il faut la protéger; c'est très important... Eh bien, la grande manufacture de France, qui est l'agriculture, emploie un capital de plusieurs milliards; 60,000 hectares à 2,000 francs donnent 120 millions (Aux voix! aux voix!)

Si vous augmentez la production des cuirs, des laines, du blé, des fourrages, ce qui résultera de l'introduction du sel dans l'agriculture, vous proJuirez une masse de matières premières qui demanderont ensuite une grande main-d'oeuvre; de sorte que vous procurerez un bien-être à la classe pauvre, en diminuant les frais de sa nourriture; et comme il y aura une main-d'œuvre obligée pour faire valoir ces produits, il y aura en même temps augmentation du prix de la main

d'œuvre.

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préjudice aux raffineries de sel qui existent dans le département du Nord. Je suis chargé par un grand nombre de mes commettants de vous présenter un amendement qui tend à réparer cette injustice.

Les raffineries de sel qui s'établissent dans les environs des marais salants de l'Océan ou des salines de l'Est, ont un grand avantage sur les raffineries de l'intérieur. Les raffineurs qui prennent le sel sur les lieux ne payent que 30 francs par quintal métrique pour le sel qui sort raffiné de leur établissement. Mais le sel brut payant le même droit que le sel blanc, arrive dans les raffineries de l'intérieur chargé d'un droit égal à celui qui est payé pour le sel raffiné; et, pourtant dans le raffinage, il faut déduire un dixième pour les matières hétérogènes que contient le sel brut.

Vous voyez que la condition des raffineurs n'est pas égale. Il existe un bénéfice de 10 0/0 pour les uns, c'est-à-dire une sorte de privilège qui doit finir par détruire l'industrie des autres.

Depuis un temps immémorial, des raffineries de sel existent à l'intérieur; elles se sont établies, autrefois, dans les lieux de petite gabelle, dans les pays de franchise. Maintenant, c'est dans les pays de production que les raffineries vont s'établir; elles peuvent choisir elles-mêmes le lieu de leur fabrication. Vous ne voulez sans doute pas que, par ce nouvel état de choses, les anciennes raffineries soient ruinées; cependant c'est ce qui arriverait si l'on ne rétablissait pas l'égalité de manière à ce qu'elles pussent soutenir la concurrence avec les autres raffineries. Nous avons signalé cette injustice à M. le ministre des finances; il est nécessaire que la loi la fasse disparaitre.

M. Humann, ministre des finances. Il n'y a pas là d'injustice; c'est uniquement une question d'une industrie bien ou mal placée. Les raffineries de sel placées près des lieux de production ont nécessairement un avantage sur les raffineries situées dans les départements du Nord. On serait en droit de nous reprocher une injustice si, pour rétablir l'égalité, nous faisions payer aux pauvres qui habitent les lieux de production un impôt plus cher que celui qu'ils payent actuellement.

M. Foy. Je ne vous empêche pas de réduire le droit sur le sel brut.

(L'amendement de M. Foy est mis aux voix et

rejeté.)

M. le Président. Amendement présenté par M. Jouffroy.

"A partir de la promulgation de la présente loi, le gouvernement livrera en franchise le sel destiné à la nourriture des bestiaux, et aux autres usages de l'agriculture, toutes les fois qu'il y aura garantie suffisante de l'application à ces usages des quantités délivrées, et sous les conditions qui seront déterminées par des ordonnances du roi. »

M. Jouffroy a la parole pour développer son amendement.

De toutes parts: C'est inutile!... Aux voix! aux voix!

M. Jouffroy. Je sens, Messieurs, combien l'attention de la Chambre est fatiguée, et quel inconvénient il y a à se présenter à cette tribune pour développer à cette heure un amendement nouveau sur la question du sel. Permettez-moi un seul mot. Je vais adresser à M. le ministre

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des finances une question qui pourra épargner, à la Chambre les développements de mon amendement. J'ai appris deux faits qui, s'ils sont exacts, les rendent inutiles. Le premier, c'est que le gouvernement se propose de soumettre à la Chambre dans la prochaine session un projet de loi sur les sels. (Marques de satisfaction.}

Le deuxième, c'est que, dans ce projet de loi, le gouvernement insérerait une disposition analogue à celle que je propose. (Marques d'étonnement.) Je ne doute pas du tout du premier de ces deux faits, car je crois que le gouvernement a de très fortes raisons pour vous soumettre une législation nouvelle sur les sels. Quant au second, je demanderai à M. le ministre des finances s'il se propose d'insérer dans le projet de loi une disposition semblable à celle que je viens de pré

senter.

M. Humann, ministre des finances. J'ai à présenter à la Chambre, dans la seconde session qui va s'ouvrir, un projet de loi donnant au Trésor plus de garanties pour la perception de l'impôt; mais tout en cherchant à satisfaire à cette nécessité, il tâche aussi de concilier les intérêts de l'industrie et ceux de l'agriculture. Je vais lire à la Chambre un des articles du projet de loi que je me propose de lui soumettre:

« Toutes les fois qu'il y aura garantie de l'emploi du sel, des eaux salées ou des matières salifères à la fabrication des produits industriels, à l'amendement des terres ou à la nourriture des bestiaux, le gouvernement en autorisera l'enlèvement et le transport pour ces diverses destinations, en franchise ou avec modération de droits, sous les conditions qui seront déterminées par ordonnance du roi, rendue en la forme de règlement d'administration publique.» (Sensation prolongée.)

Maintenant, je prierai l'honorable auteur de l'amendement de vouloir bien en ajourner la présentation. Il faut, pour entrer dans un système tel que celui que je viens d'indiquer des garanties au Trésor; il faut qu'il acquière la certitude que, par des procédés chimiques, le sel puisse être dénaturé de manière à ne pouvoir plus le rendre à son état naturel. Je crois que cette condition peut être accomplie; mais elle demande des études, des expériences, et vous sentez qu'il est impossible, à l'occasion d'une loi de budget, d'introduire un article de cette nature. Vous compromettriez la perception de l'impôt.

Je donne à la Chambre l'assurance que le gouvernement prendra à tâche de trouver les moyens de donner du sel à l'agriculture et à l'industrie, si toutefois cela peut se faire sans compromettre les droits du Trésor.

M. Gay-Lussac. Il est impossible de dénaturer le sel de manière à ce qu'il ne puisse plus ensuite rentrer dans la consommation pour les usages domestiques. Tout sel qui aurait été dénature au point de ne pouvoir plus être employé à ces usages ne serait pas propre à la nourriture des bestiaux. Quelle que soit la substance qu'on ait fait entrer dans le sel, on pourra toujours le ramener à son état naturel; car, s'il était rendu infect par des matières étrangères, les animaux n'en voudraient pas. Ainsi on peut admettre en fait qu'il n'y a aucun moyen efficace de dénaturation.

Quant à la question qui nous occupe, je ferai remarquer que beaucoup d'amendements ont été proposés dans la vue que le sel put être employé dans l'agriculture. Je vais dire, en

deux mots, quelle est ma conviction à cet égard. J'ai pris beaucoup d'intérêt à la question de l'application du sel à l'agriculture. D'après tous les renseignements que j'ai pu recueillir, je suis convaincu que le sel n'est nullement utile à l'agriculture, en tant qu'on l'emploierait à l'amendement des terres. La question relativement aux animaux est différente. En Angleterre où la culture est très belle, dans le nord de la France et dans les Pays-Bas, on ne donne pas du tout de sel au bétail, ou du moins si l'on en donne c'est dans des cas rares, par exemple lorsque le foin est avarié et que le bétail répugne à le manger; alors on y mêle du sel, mais quand le foin est de bonne qualité cela est inutile. J'ai reçu des renseignements certains sur ce point. Je pourrais citer M. Cipré qui dit qu'on n'emploie le sel que quand le foin est de mauvaise qualité. Je crois qu'il y a avantage de l'employer dans ce cas; mais je ne voudrais pas qu'on en exagérât l'application; je sais qu'il y a sel, par exemple pour la maladie des animaux, encore d'autres cas où l'on fait aussi usage du connue sous le nom de pourriture. Mais ces questions ne sont pas décidées par les agriculteurs d'une manière assez positive, pour engager la Chambre à prendre une détermination solennelle à cet égard.

M. Senné. Je ne viens point lutter de savoir avec notre honorable collègue M. Gay-Lussac, mais je viens opposer des faits à ce qu'il a avancé.

J'habite un arrondissement dans lequel il y a une grande quantité de marais salants. Eh bien! les terres cultivées au milieu de ces marais, qui produisent depuis des siècles, chaque année et sans interruption, de magnifiques récoltes en grains et en légumes de la meilleure qualité, et dans lesquelles on ne transporte jamais de fumier, ne sont amendées que par la vase que les sauniers retirent tous les ans, après l'hiver, des marais, lorsqu'on commence à les préparer pour la saunaison. Ces terres, imprégnées d'une trop grande quantité de sel lorsqu'elles sortent des marais, sont déposées au bord de celles sur lesquelles elles doivent être répandues après qu'elles auront été suffisamment lavées par les pluies, car, mêlées de suite avec le terrain auquel elles doivent servir d'amendement, au lieu de favoriser de belles récoltes, elles seraient certainement nuisibles, soit aux céréales, soit aux plantes légumineuses; car pour être utile, le sel ne doit être employé qu'en petite quantité.

Je demande si ce fait ne vient pas à l'appui de l'opinion des agriculteurs qui pensent que le sel marin est un amendement précieux et très puissant?

Que la Chambre me permette de lui en citer un autre qui, ce me semble, vient encore à l'appui de cette opinion.

Dans l'ile d'Oléron, qui fait partie de l'arrondissement que j'ai l'honneur de représenter, on ensemence une grande quantité de terres sans y porter d'engrais dont on manque. Aussi, lorsque les grains naissent, paraissent-ils souffrants, chétifs. Mais, vers le mois de mars, toute la population de la campagne se rend sur les bords de la mer pour y ramasser des plantes marines qu'elle transporte et répand de suite très légèrement dans les champs. Peu de jours après cette opération, les grains deviennent verts, prennent de la force et promettent une belle récolte qui se réalise, s'il ne survient pas quelques-unes de ces intempé

ries qui trompent trop souvent l'espoir du culti

vateur.

Comment méconnaitre encore ici l'influence du sel comme amendement?

Il faut cependant observer que le sel ne convient pas à toutes les terres; c'est surtout dans celles qui sont fortes et humides qu'on l'emploie avec beaucoup d'avantage, et cela explique, selon moi, les opinions différentes, émises à ce sujet par les agronomes. Je suis loin de révoquer en doute les expériences de M. de Dombasle, et les résultats qu'il a obtenus de l'emploi du sel comme amendement; mais je crois que les terres sur lesquelles il a opéré sont de la nature de celles auxquelles cet amendement ne paraît pas convenir.

M. Gay-Lussac. Ce n'est qu'avec du fumier qu'on obtient des récoltes. L'honorable préopinant a dit que, dans certaines localités, on fume les terres avec le sel, et qu'on a des récoltes très abondantes. Je suis loin de nier le fait. Je sais que, dans quelques circonstances, lorsque le sol est humus, lorsqu'il a été chargé de beaucoup de débris anciens, il peut produire pendant très longtemps sans fumier; mais on sait que les récoltes sont proportionnées à la quantité d'engrais qu'on emploie. Il est certain qu'on peut faire du fumier avec des plantes marines qui ont été reposées sur le rivage. C'est ce qui se fait sur les côtes de la Manche. C'est un véritable engrais. Ces plantes contiennent tous les éléments des engrais, et particulièrement une matière animale qui contribue à les former.

Je dis plus; sur les côtes de l'Océan, à Cherbourg par exemple, on va recueillir du sable au moment où la mer se retire. On emploie ce sable pour amender les terres. Il sert à rendre plus légères les terres qui sont extrêmement grasses. Ce sable, que la mer vient d'abandonner, conserve une teinte noire, il a été le tombeau d'animaux marins, de coquillages, de vers qui l'engraissent; et vous concevez qu'il peut très bien servir d'engrais.

Mais tous ces faits ne sont pas contraires à ce que nous avons dit. Nous établissons en principe que, sans engrais, il n'y a pas de récolte à espérer.

Il est de fait qu'avant l'abolition de la taxe du sel en Angleterre, on a publié des écrits dans lesquels on prétendait que le sel était utile à l'agriculture. Eh bien! Messieurs, le sel ne paye plus d'impôt en Angleterre, et, pourtant, on n'en fait aucun usage pour l'amendement des terres. Seulement, il y a eu des essais isolés qui n'ont produit aucun résultat. Je citerai l'opinion de M. Mathieu de Dombasle qu'on a déjà invoquée; j'ai toute confiance dans son opinion, parce qu'elle est fondée sur des expériences bien faites. Ainsi, je soutiens que, jusqu'à présent, on n'a aucune preuve décisive de l'utilité du sel pour l'amendement. des terres.

Quant aux bestiaux, l'emploi du sel est inutile lorsque les foins sont de bonne qualité. On s'en sert lorsque les foins sont de mauvaise qualité; mais ce n'est pas un motif suffisant pour vous déterminer à prendre une mesure à cet égard, d'autant plus qu'il n'y a aucun moyen efficace pour dénaturer le sel de manière à ce qu'il ne puisse être employé qu'à cet usage.

M. Jouffroy. Quand j'ai rédigé mon amendement, je n'ignorais pas qu'il était très difficile, peut-être même impossible de dénaturer le sel de manière à le rendre impropre à la consommation alimentaire des individus et à ce qu'il puisse être consommé par les bestiaux. Aussi

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ai-je eu soin de dire: toutes les fois qu'il y aura garantie suffisante de l'application à ces usages des quantités délivrées. M. Gay-Lussac ne pense pas que les procédés chimiques puissent offrir de garanties suffisantes. Mais n'y a-t-il pas d'autres garanties qui peuvent être trouvées? Je suis d'autant plus porté à le croire que M. le ministre des finances vous a annoncé un article qui reproduit le mien. Lorsque ce projet de loi sera présenté, nous pourrons discuter la question. Je suis bien aise de laisser au gouvernement l'initiative sur cette matière.

D'après ces considérations je retire l'article additionnel que j'ai proposé.

M. Muntz. Je demande à dire un mot. Voix nombreuses: Non! non! Aux voix! aux voix !

(Le paragraphe est mis aux voix et adopté.) M. le Président donne communication à la Chambre de deux lettres, l'une de M. de Failly, député de la Haute-Marne; l'autre de M. Proust, député des Deux-Sèvres, qui demandent un congé. (Les deux congés sont accordés.) (La séance est levée à six heures.)

Ordre du jour du jeudi 18 avril.

A une heure précise, séance publique. Rapport de la commission chargée d'examiner divers projets de loi d'intérêt local.

Rapport de la commission chargée d'examiner le projet de loi concernant les vainqueurs de la Bastille.

Rapport de la commission chargée d'examiner la proposition de M. Portalis, relative aux empêchements au mariage.

Suite de la discussion du projet de budget des recettes pour l'année 1833.

CHAMBRE DES PAIRS.

PRÉSIDENCE DE M. LE BARON PASQUIER.

Séance du jeudi 18 avril 1833.

La séance est ouverte à deux heures. M. le secrétaire-archiviste lit le procès-verbal, et la Chambre en adopte la rédaction.

MM. les ministres du commerce, de la justice, de la guerre et de la marine sont présents.

M. le Président. L'ordre du jour appelle le rapport sur le projet de loi relatif au canal de la Sambre à l'Oise.

La parole est à M. Dupleix de Mézy, rapporteur. M. Dupleix de Mézy, rapporteur. Les documents déjà publiés sur le projet du canal de jonction de la Sambre à l'Oise ont fait connaître son utilité sous les divers points de vue du commerce, de l'agriculture et des fabriques, et les facilités qu'il donnera soit pour l'approvisionnement des places de guerre de la Fère, Landrecies, Avesnes, Maubeuge, soit pour la défense de nos frontières les plus exposées. Ce canal fera communiquer Paris avec Bruxelles, et Anvers d'une part, au moyen du nouveau canal de Charleroi à Bruxelles; d'autre part avec Liège et toutes les villes de commerce des bords de la Meuse, au moyen de la Basse-Sambre, dont la canalisation est achevée en Belgique.

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