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ques leçons à des adultes, et, il est vrai, en avoir perçu quelques émoluments.

Cette pétition, je ne la donne pas pour un modèle de style et d'élégance; mais on y voyait du bon sens et de la candeur, choses qui ont leur prix.

Ce brave homme disait : « Je le reconnais, je n'ai pas eu d'autorisation. Mais, je dois le dire, je n'ai eu connaissance de l'existence de l'Université que par la citation qui m'a forcé à comparaitre dev nt le tribunal. Et quant à la quotité de l'amende, non seulement je suis hors d'état de la payer, mais ce que je pourrais gagner dans un an serait à peine suffisant pour l'acquitter. "

Je ne sais si de pareils usages se continuent. je n'en réponds pas. Je ne sais même ce qu'est devenue la petition. Je suppose que le ministre des finances d'alors aura bien voulu faire droit à la réclamation du pauvre instituteur. Mais qu'est-ce qu un régime qui, lorsqu'on se donne toutes les peines imaginables pour faire pénétrer l'instruction dans le dernier rang de la société, punit comme coupable un malheureux qui a donné quelques leçons à des adultes?

En resumé, c'est une chose monstrueuse, suivant moi, que la simonie, la fiscalité introduite dans les rapports du corps enseignant avec les enseignés; et si je ne craignais pas de fatiguer votre attention, je vous lirais des pages entières du rapport de M. Gillon, dans lequel il fait re-` marquer que l'Université n'a jamais de rapport avec les collèges communaux que lors du piyement du trimestre. Voulez-vous que je lise textuellement le rapport? (Non! non!)

Comment s'imaginer qu'on transforme ainsi les inspecteurs de l'Université en collecteurs d'impôts?

C'est par amour pour l'instruction que je dis cela. Je voudrais voir purger le temple de la science de ces intérêts. Chassons les vendeurs du temple; que l'instruction soit libre; que les hommes qui consacrent leur vie aux sciences ne deviennent pas les agents du fisc, et vous aurez des établissements de gens de la nation française.

Je me résume en disant que l'amendement de M. Vatout, tout recommandable qu'il est, ne me parait qu'un palliatif. Je voterais les contributions nécessaires pour que ces moyens ne fussent pas employés. Je ne voudrais pas qu'on fit payer les degrés de la science, celles de bachelier, de licencié, de docteur; ces grades donnant un bénéfice aux examinateurs, je ne voudrais pas qu'on put supposer qu'on les donne pour augmenter les emoluments. D'ailleurs, forsque les l'Ecole jeunes gens subissent les examens pour polytechnique, ils ne payent aucun droit.

Ce qui appartient à la science doit être de toute supposition de simonie, et c'est à deur sein que je me sers de ce mot, car je regarde la science comme une religion qui ne doit être dominée par aucun intérêt privê.

M. Guizot, ministre de l'instruction publique. Quand, dans une précédente séance, l'honorable préopinant qualifia la rétribution universitaire d'exaction, de rétribution illégale inconstitutionnelle, je m'élevai contre ces expressions: je me crois obligé de m'élever encore aujourd'hui contre ces mêmes expressions. Quand un impôt a été voté par les Chambres, sanctionné par le roi, il ne peut être inconstitutionnel. Ce que garantit la Constitution, c'est le vote de l'impôt dans les

formes législatives. Tout impôt voté suivant ces formes est légal et constitutionnel.

C'est le cas pour toutes les rétributions universitaires; elles ont été votées librement tous les ans par les Chambres elles ne peuvent pas ètre taxées d'inconstitutionnelles.

Quand on vole un impôt, on établit le droit de le percevoir il doit être perçu selon la loi qui l'établit et les règlements dont il est l'objet. 11 est impossible que la rétribution universitaire ne soit pas perçue sur tous ceux qui y sont soumis par les lois et règlements. C'est ce que l'Administration a fit: elle n'a pas dépasse les limites, mais elle a perçu et perçoit les retributions universitaires avec plus de tolérance, plus de douceur, plus de fraternité que on ne perçoit les autres impôts au profit de l'Etat. Je puis en donner la preuve à la Chambre par les faits. En 1832 la retribution universitaire a été payée dans 314 collèges communaux, par 26,414 élèves; 3,608 ont été dispensés. C'est plus que le 10° pour lequel M. de Tracy demandait l'exception." (Interruption à gauche.)

Ce sont des faits que je soumets à la Chambre. En 1831, la rétribution a été payée par 23,000 élèves; 1,798 ont été dispensés. Les exemptions sont nombreuses; elle sont accordées soit à des communes pauvres, soit à des familles pauvres. Je le repète, la perception de l'impôt est faite avec une douceur, une tolérance, qui ne pourraient pas avoir lieu si elle se faisait par les formes génerales appliquées aux autres impôts.

Je ne prétends pas qu'il n'y ait des modifications à apporter dans le régime financier de l'Université. Je suis convaincu qu'il peut et doit subir d'importantes modifications Mais ces modifications ne peuvent pas être faites incidemment à propos d'un article du budget. Elles doivent entrer dans un système général de réforme de l'administration de l'instruction publique.

Je dirai, comme observation générale, que les changements qui peuvent être apportés dans l'instruction publique doivent porter d'abord sur l'enseignement. Les réformes dans l'enseignement importent plus que les réformes dans l'administration; et l'on ne peut réformer utilement l'adiuinistration de l'instruction publique que quand l'enseignement sera arrivé législativement à l'etat dans lequel il doit être. Voilà pourquoi j'aurai l'honneur de présenter à la Chambre une loi pour la réforme de l'enseignement a ant celle qui doit réformer l'administration.

J'ajouterai que la Chambre a voté toutes les dépenses de l'Université en même temps que les dépenses générales de l'Etat; que, quand elle a ajourné le vote de ses recettes qui étaient comprises dans son budget particulier, elle n'a pas entendu la priver d'une partie de ses ressources, Les recettes s'équilibrent avec les dé enses; vous avez voté les dépenses, si vous supprimeź une partie des recettes, il faudra y suppléer par une autre allocation. Je ne crois pas que la Chambre soit disposée à agir ainsi.

Je persiste dans la demande du gouvernement.

M. Vatout. D'après la promesse que vient de. faire M. le ministre de présenter une loi sur l'instruction publique, je retire mon amendement.

M. de Tracy. J'ai besoin de dire que l'opinion que j'ai exprimée est dans l'intérêt du ministère de l'instruction puhlique. C'est comme homme réfléchissant aux intérêts du pays que je désire

purger les fonctions de l'enseignement de ce qui tient à la fiscalité.

M. le ministre a dit qu'il n'était pas permis d'attaquer comme inconstitutionnelle une loi votée par la Chambre. D'abord je ferai observer que ce qui concerne le budget de l'Université a été voté l'année dernière et jusqu'à présent sans examen. Je dirai de plus que dans cette enceinte, non pas une fois, mais cent fois, on a attaqué des lois comme inconstitutionnelles. Je prends pour exemple la loi du double vote.

Comme membre de cette Chambre, je ne souffrirai pas qu'on attaque le droit qu'a chacun de nous de s'élever contre les lois comme inconstitutionnelles.

Je dirai que, quand les chefs d'institutions de Paris ont réclamé contre la rétribution universitaire, le ministère public, par l'organe de M. de Berville, a reconnu que l'impôt était inconstitutionnel. (Réclamations aux centres.)

Comment, ce qu'on a pu dire à la cour royale, je n'aurai pas le droit de le dire ici? On a dit que cette rétribution était contraire à la Charte, mais qu'un décret existait ayant force de loi, et qu'on lui devait respect.

M. le Président. Voici l'amendement de M. Chasles :

« Supprimer, à partir du 1er juillet prochain, la rétribution universitaire supportée par les collèges communaux. »

M. Chasles. Mon amendement a pour but d'obtenir une reduction de 216,000 francs. M. le ministre vous a dit qu'ayant voté les dépenses vous devez voter les recettes. Je crois qu'on peut supprimer 216,000 francs, sans que le ministère soit dans l'impossibilité de faire face à ses besoins.

En effet, les recettes de l'Université sont chaque annéé supérieures à celles qui figurent au budget. Comme jamais les recettes de l'Université n'ont été soumises à la Chambre dans la loi des comptes, la Chambre n'a pas pu vérifier ce fait.

Cet excédent de recettes devrait venir en déduction de la subvention fournie par l'Etat. Il n'en est pas ainsi, elle est employée à acheter des rentes. On prétend que cette somme est nécessaire pour faire face aux dépenses du premier trimestre, attendu que ces dépenses doivent être acquittées avant que les recettes rentrent. C'est une erreur toujours on a prétendu cela, que la somme excédante fût de 300,000 fr. ou de 800,000 francs. Cette somme est toujours restée en dehors des calculs. On pourrait donc supprimer 216,000 francs sans nuire au service de l'Université.

Il s'agit de voir si cette suppression est juste. La subvention se compose de trois parties. M. de Tracy demande que les trois parties soient supprimées. Je pense qu'il faudrait maintenir celle du troisième degré; mais il serait juste que le produit rentrât dans les caisses du Trésor.

Les collèges communaux ne reçoivent pas un centime de la subvention du Trésor; ils sont entretenus aux frais des communes. L'achat des bâtiments, du matériel, des frais du personnel de ces collèges sont supportés par la commune; et une partie de leur recette entre dans les caisses de l'Université. Je ne puis comprendre qu'on ait main enu jusqu'à présent, je ne dis pas cette exaction, mais une chose aussi contraire à l'équité. Les communes qui fondent des collèges communaux font des sacrifices dans l'intérêt de

la science; il y aurait lieu à leur accorder une sorte de prime, et on les grève d'un impôt, tandis qu'on accorde la subvention aux collèges royaux situés dans des villes riches.

On vous a dit: L'impôt universitaire sert à encourager l'enseignement. C'est curieux à examiner. Dans le personnel de l'Université, il faut distinguer la partie enseignante et la partie administrative. La partie enseignante à laquelle devrait revenir la rétribution, n'en reçoit rien: l'instruction primaire, les collèges royaux, c'est l'Etat qui les paye; les communaux sont payés par les villes; l'Ecole normale est payée par I'Etat. Ce sont les inspecteurs, les professeurs des académies et les recteurs qui profitent de cette rétribution. Les facultés coûtent environ 1,700,000 francs; mais leur revenu est de 1,500,000 francs en sorte que l'Université n'a que 200,000 francs environ à leur donner.

M. le ministre a parlé de la conduite paternelle de l'administration de l'Université dans la perception de ces impôts. Je rends justice à cette conduite, cet impôt est perçu avec plus de douceur qu'il ne le serait par les collecteurs ordinaires des impôts; on accorde des exemptions: mais je ne crois pas que ces exemptions soient assez larges.

M. le ministre nous a parlé d'un certain nombre d'élèves qui ont été exemptés des droits. mais la loi exempte les élèves qui déclarent se destiner à l'instruction ecclésiastique; sans doute dans les nombres qu'il nous a cités, il se trouve beaucoup d'exemptions pour ce motif.

M. Guizot, ministre de l'instruction publique. I n'y en a aucune dans les nombres que j'ai cités.

M. Chasles. Quoi qu'il en soit, je demande si, lorsqu'on devrait accorder une prime aux communes qui fondent des collèges, il est juste de prélever sur elles un impôt à cette occasion?

M. Guizot, ministre de l'instruction publique. Les recettes de l'Université sont présentées au budget tout aussi bien que ses dépenses; elles sont examinées et discutées chaque année par la Chambre comme les dépenses. On n'est pas fonde à dire que ce sont des recettes inconnues, et dont l'Université ne rend pas de comptes.

Quant à la somme des recettes restante sur chaque exercice, dont on vous a parlé, elle sert à acquitter les dépenses du commencement de l'année. Elle est indispensable. Il y a eu, e effet, pendant quelques années, un excédent de recettes, lequel a été employé soit à améliore l'instruction publique de diverses manières ainsi l'année dernière il a été consacré à des constructions nouvelles à l'Ecole de médecine soit en achat de rentes.

Les recettes de l'Université ne se font pas dans le commencement de l'année; les rétributions ne se payent que par trimestre, et, pendant 3 mois, il n'y a pas de rentrées; les examens non plus ne se font pas au commencement de l'année. Il faut que l'excédent des recettes 1 l'année antérieure serve à acquiter les dépenses des premiers mois de l'année.

J'ajouterai qu'il n'est pas exact que les collèges royaux soient payés par l'Etat. Ils sont payés en grande partie par le produit des droit universitaires. L'Etat ne fournit pour ces collèges que 920,000 francs, si je ne me trompe. F il ne faut pas croire que cette subvention pay à beaucoup près la totalité des dépenses de c collèges le revenu de ces collèges provenan de leur recette paye la plus grande partie de

leur dépense. Quant aux collèges communaux, il ne faut pas dire que la rétribution universitaire qu'ils payent est une charge imposée aux villes. Ce n'est pas la commune qui institue le collège qui paye, ce sont les familles des enfants.

Je ne discute pas en ce moment le mérite intrinsèque de la rétribution universitaire; mais elle a été établie comme prix de la surveillance exercée par l'Etat sur l'ensemble de l'instruction publique. Si l'Université en est privée, il faut qu'on lui fournisse des fonds d'une autre manière. Je n'examine pas, je le répète, le mérite intrinsèque de cette rétribution, mais je dis qu'elle a pour but de payer l'administration de l'instruction publique.

M. Chasles. M. le ministre est dans une erreur complète quand il dit que la rétribution universitaire sert à payer les collèges royaux. Ces collèges sont entretenus au moyen de la subvention de l'Etat de 900,000 francs, qui paye les traitements fixes des proviseurs, des censeurs, des professeurs; de la pension fournie par les élèves, de 600,000 francs de bourses, de la rétribution dite collégiale, qu'il ne faut pas confondre avec la rétribution universitaire, avec la pension payée par les familles. Sur 3 millions de recettes de l'Université, les collèges royaux ne prennent que 50,000 francs.

Je demande comment il se fait que la dotation de l'Université allouée par l'empereur, qui n'était que de 400,000 francs, est aujourd'hui de 521,000 francs. Je sais que cette dotation a pu s'accroître par des legs ou autrement, mais elle n'a pu atteindre cette somme sans qu'on y ait joint partie des capitaux restant chaque année.

Quant aux collèges communaux, on vous dit : Ce ne sont pas les villes qui supportent la rétribution universitaire, ce sont les familles. Mais les villes qui s'imposent une subvention pour leur collège, pourraient, si la rétribution universitaire n'existait pas, exiger une pension plus élevée des élèves, et dégrever ainsi leur budget.

M. Dubois (de la Loire-Inférieure). Comme vous l'a dit le ministre, il ne s'agit pas d'examiner le caractère de l'impôt universitaire en luimême, mais de voir s'il est possible de le supprimer.

On vous a parlé de 3 millions perçus par l'Université; mais on a confondu differents ordres. Le produit de la rétribution universitaire s'élève à 1,300,000 ou 1,400,000 francs, y compris celle des collèges royaux et communaux. Ainsi, il n'est pas exact de dire que ce produit s'élève à 3 millions.

L'excédent de recettes qu'on emploie en achat de rentes est appliqué au service. Et chaque année depuis la Révolution de Juillet, l'année dernière surtout, les dépenses comme les recettes ont été soumises à la Chambre et à la cour des comptes.

On trouve injuste que les collèges communaux supportent un impôt. Mais cette injustice, si elle existe, existe aussi pour les autres établissements de l'instruction, et à plus forte raison pour les pensions particulières. Si l'on veut arguer de cela pour supprimer la rétribution des collèges communaux, il faut aussi supprimer celles des pensions, et vous serez entraînés par une conséquence inévitable aux doctrines émises par M. de Tracy, qu'il faudrait retrancher tous les impôts universitaires.

Ce ne serait pas moins que la moitié environ

T. LXXXII.

de la perception. Comment la remplaceriez-vous? par un impôt nouveau? Cela me paraît difficile; par l'impôt général ? vous atteindriez, comme vous l'a dit M. Gillon, les classes pauvres, tandis que cet impôt, quelque injuste qu'il paraisse, ne frappe que sur les classes moyennes qui peuvent le supporter. Je dirai aussi que cet impôt est consacré à l'instruction.

On a parlé avec un peu de sévérité des fonctions des inspecteurs de l'Université. On nous a gratifiés du titre de collecteurs d'impôts. J'ose dire que nous sommes quelque chose de plus. Les collèges communaux, qu'on a représentés comme abandonnés, sont inspectés avec soin depuis 3 années. Pour mon compte, je n'en ai pas examiné moins de 10 ou 12, et dans 7 ou 8, je suis resté 5 ou 6 jours; j'ai examiné toutes les classes. Les inspecteurs constatent le nombre des élèves; mais ils examinent aussi les études. Il serait injuste d'imputer à l'administration nouvelle les malversations qui se commettaient avant la Révolution.

Cet impôt est aussi employé à payer l'enseiseignement supérieur et gratuit, particulièrement destiné aux élèves qui suivent les collèges communaux. Ainsi on peut venir à la Faculté des lettres, des sciences, sans supporter de rétribution. Ce sont des moyens que le gouvernement de l'empereur avait voulu ménager à cet enseignement.

Si vous voulez trouver un moyen d'y suppléer, rien de mieux; mais comme aujourd'hui il y a un impôt régulier, constitutionnel, vous pouvez le maintenir, à moins de réformer l'Université.

M. Dumeilet. On demande si les élèves des collèges communaux doivent payer un impôt pour élever des bâtiments à l'Ecole de médecine de Paris.

M. Prunelle. M. Dubois a dit que la rétribution n'est pas employée seulement à payer les frais d'administration, et M. le ministre a dit qu'elle a été établie uniquement dans cette intention. C'est une chose qu'il faut éclaircir. M. le ministre de l'instruction publique a raison, je le prouve par des chiffres.

La rétribution universitaire des collèges royaux s'élève à 360,000 francs; celle des collèges communaux à 465,000 francs; celle des institutions et des pensions à 625,000 francs. Total: 1,460,000 francs. Les frais d'administration générale et des académies s'élèvent à 1,122,000 fr.

Je ferai remarquer que l'administration générale, à une époque où il y avait surveillance sur l'instruction publique, avant l'établissement de l'Université impériale, l'administration de l'instruction publique coûtait 122,000 francs.

C'est la seule observation que je voulais faire. (Aux voix! aux voix !)

M. de Tracy. Je demande la parole pour un fait personnel.

Voix nombreuses: Il n'y a pas de fait personnel! M. Gillon (Jean-Landry). Cette question est simple en apparence, mais elle se complique d'éléments divers, et à moins de l'avoir étudiée soigneusement, ou d'avoir l'expérience du mécanisme de l'Université, la question oppose assez de difficulté à la solution.

Quoi qu'on en puisse dire, il reste parfaitement vrai que les colleges communaux produisent à la caisse universitaire bien au delà de ce qu'ils lui coûtent. (Rumeurs aux centres.)

Aux extrémités : Parlez! parlez !

42

M. Gillon (Jean-Landry). Oui, Messieurs, j'affirme cette proposition, et ces sourdes marques de désapprobation ne m'ôteront ni le courage ni le désir de vous dire la vérité tout entière. Un collège communal qui est suivi par cent élèves procure à l'Université environ 2,000 francs, car chacun lui paye le vingtième du prix habituel de la pension. Eh bien ! que rend l'Université à ce collège? La fugitive inspection d'un délégué du recteur une seule fois dans l'année; car, pour les inspecteurs généraux, on n'en voit que dans de rares occasions; ils apparaissent et disparaissent le même jour. Si quelqu'un, peu au courant des usages universitaires, révoque en doute mon assertion, qu'il interrogé les maires des villes qui ne possèdent qu'un collège communal, et ceux de nos collègues qui, comme moi, ont donné pendant 15 ans leurs soins gratuits à l'enseignement, dans l'exercice des fonctions municipales. Notre honorable collègue M. Chasles, s'en est exprimé assez hautement: il dirige la mairie d'une ville notable; son affirmation bien nette prouve que, depuis la Révolution de Juillet, les avantages d'une inspection continue et réfléchie sont encore à obtenir pour les collèges

communaux.

Vous comprenez maintenant pourquoi mon ami, M. Chasles, borne, par son amendement, la suppression de la rétribution universitaire aux seuls collèges communaux. Les villes s'imposent de lourds et pénibles sacrifices pour entretenir leurs collèges; elles devraient donc, comme faible dédommagement, garder tout entière l'indemnité que les élèves payent chaque trimestre, au lieu de voir une partie de cette indemnité passer dans le trésor universitaire.

Mais, à mon sens, l'amendement ne serait qu'un remède insuffisant; les pensions et les institutions tenues par de simples citoyens ne profitent pas davantage que les collèges communaux de tout le régime administratif de l'Université. Donc aussi l'amendement devrait être étendu jusqu'à ces établissements.

Mais il est une remarque essentielle à opposer au principe constitutif de l'amendement. Dans les collèges communaux, ou du moins dans un bon nombre d'entre eux, les cours d'études sont maintenant complets. On y enseigne la rhétorique et la philosophie, et on essaie quelques leçons de sciences physiques et naturelles. Il est bien qu'il en soit ainsi. Cet ordre de choses doit être conservé: il nous a coûté assez cher à nous, il y a quelques années, lorsque l'Université n'opposait que mauvais vouloir à nos efforts pour constituer des établissements où les enfants doués de quelques dispositions peuvent, sans ébrécher la fortune de leurs familles, se livrer à des études complètes qui les rendront un jour utiles au pays; car, ne l'oubliez pas, et, si vous l'oubliez, jetez les yeux autour de vous, c'est de la classe íntermédiaire que sont sortis en plus grand nombre les hommes les plus capables en tout genre, et les citoyens qui, dans les mauvais temps, ont lutte contre les tentatives de démoralisation que faisait le pouvoir.

Aux extrémités : Très bien!

M. Gillon (Jean-Landry). L'expérience apprend donc tout ce qu'on peut attendre de bon, de généreux, d'utile, des citoyens n'ayant qu'une médiocre aisance, parce que ceux-là sentent toute la nécessité du travail et de la méditation. Dès lors, il faut tenir des collèges ouverts au libre accès de cette classe si nombreuse de la société.

Mais il n'y a pas obligation de lui fournir à peu près gratuitement l'instruction; elle peut, et dès lors elle doit la payer. Cependant l'amendement aurait un résultať tout contraire.

Ce qu'il faut, Messieurs, c'est l'instruction purement gratuite pour les seuls enfants qui se dévouent à la pratique des arts industriels, c'està-dire pour les enfants qui ne suivent que les leçons de l'enseignement intermédiaire. Oui, pour eux, il y a convenance parfaite à supprimer la rétribution universitaire; c'est à la fois justice et prudence. (Rumeurs aux centres.) Messieurs, le blame de beaucoup d'entre vous ne m'empe chera pas de dire ma pensée avec franchise. Aux extrémités : Très bien! Parlez!

M. Gillon (Jean-Landry). Il n'est pas un seul membre de cette Assemblée, et surtout dans la partie d'où partent les interruptions; qui ne répète que les jeunes gens sans ressource, qui sont tout pleins de littérature, sont fort à charge à leurs familles et fort gênants pour le gouvernement, qu'ils tourmentent de leurs sollicitations pour obtenir des emplois publics. (C'est vrai! très bien!)

Vous convenez donc hautement de la vérité. Eh bien! il vous reste à vous mettre d'accord avec vous-mêmes; ouvrez aux enfants privés de la fortune une source facile d'instruction; laissez-leur la liberté de recevoir à bas prix l'enseignement qui en fera des maîtres ouvriers, des contremaîtres, des chefs d'ateliers, éclairés et habiles. Que l'économie de la dépense soit pour les familles une excitation à préférer pour leurs fils cette sorte d'instruction à l'étude du grec et du latin; le mouvement est donné, le nombre des élèves qui se livrera à cette étude s'est affaibli de 5,000 depuis 2 ans; entretenez cette heureuse tendance, l'industrie y gagnera, les familles et la tranquillité publique y trouveront aussi leur profit particulier. Une famille honnête, considérée, ne rougira plus de livrer son fils à la pratique d'un art industriel, quand elle verra que cet art est relevé par l'etude des sciences physiques et chimiques, quand elle aura la certitude qu'un placement avantageux est infaillible pour un jeune homme ainsi formé. Les familles ne s'épuiseront plus à faire des littérateurs qui leur sont à charge, parce qu'elles ne savent où ni comment les placer; et ces littérateurs disparaissant, la source de solliciteurs insatiables sera tarie. La vague inquiétude, que sait si bien propager et entretenir l'ambition, déçue cessera d'agiter la société. (Très bien En un mot, cessez de n'avoir de sollicitude que pour les littérateurs et les académies, songer aussi aux ouvriers habiles et aux ateliers; le pays vous devra prospérité et repos. Il faut songer à faire du peuple un peuple essentiellement productif; mais pour cela il faut qu'il reçoive une instruction toute industrielle. Veuillez la lui rendre facile, en abrogeant toute rétribution en faveur d'une instruction qu'il est si souhaitable de voir s'organiser à côté des cours du haut enseignement. (Très bien!)

Je résume toute ma pensée dans cet amendement, qui remplacerait celui de M. Chasles:

A partir du 1 octobre prochain, il ne sera perçu dans les collèges communaux, les institutions et les pensions, aucune rétribution universitaire pour les élèves qui n'étudient pas les langues anciennes. »

Je sais que M. le ministre accorde la dispense; mais à la place de sa bonne volonté, à laquelle

je me plais à rendre justice, il est plus sage encore d'appliquer une loi formelle et positive.

Je ne descendrai pas de la tribune sans contester que le dixième des élèves soit exempté de la rétribution dans nos collèges communaux. C'est chaque collège qui devrait jouir de ce bienfait, et au contraire il est des collèges qui n'ont d'exemption que pour le douzième, le quinzième, tandis que d'autres l'obtiennent pour le sixième, le cinquième. Il faut, pour chaque dispense, venir présenter des explications au conseil royal, comme si le bureau d'administration de chaque collège n'avait pas une bien plus sûre connaissance de la position des familles pour accorder la dispense avec un sage discernement. Je sais, par ma propre experience, tout ce qu'il faut de sollicitations pour obtenir satisfaction; je l'ai obtenue, je m'empresse de le reconnaître; je dois cette déclaration à M. le ministre. Mais lui-même doit se fatiguer de soins qui absorbent un temps qui serait plus utilement consacré à l'organisation de l'instruction publique. Qu'enfin, des soins de cette nature soient renvoyés aux administrateurs des collèges, car ils exercent une sorte de pouvoir municipal, c'est-à-dire d'autorité paternelle; ainsi s'effacera un des mille abus de la centralisation. (Très bien !)

M. de Tracy. Je rends justice à M. Dubois. Je suis convaincu que toutes les missions qui lui sont confiées sont remplies avec zèle; mais il n'est pas moins vrai que les inspecteurs de l'Université sont chargés d'une occupation qui ne me parait pas leur convenir.

J'ajouterai qu'il se trompe sur un point, en disant que ma proposition tendrait à charger les contribuables d'un nouveau fardeau; et il a omis de dire que ma proposition est conforme aux promesses de la Charte. Mais loin que mon système imposât un nouveau fardeau, il apporterait un grand soulagement.

M. Dubois (de la Loire-Inférieure). Je suis bien aise de répondre quelques mots.

Moi aussi je suis partisan de la liberté d'enseignement. L'Université est sans cesse attaquée, on la met en face de la liberté d'enseignement. Aucun des membres de l'Université ne la récuse, tous la provoquent cette liberté d'enseignement. Ils savent que du perfectionnement des études naitra de la concurrence. Je crois que tout gouvernement qui ne l'accorderait pas serait dans le même cas que celui qui interdirait la liberté de la presse ou la liberté de conscience, et se mettrait dans le cas de périr.

Mais il est permis de répondre à M. de Tracy que si on supprime les recettes de l'Université, qu'on proclame la liberté d'enseignement, il faut aussi proclamer la dissolution de l'Université qui ne peut subsister sans ressources. Mais comme celle-ci ne peut être supprimée sans qu'on ait organisé une Constitution nouvelle, je n'ai pas établi une fausse liaison entre mon opinion et celle de M. Tracy. (Aux voix ! aux voix!)

(L'amendement de M. Chasles est rejeté.)

M. le Président. Voici l'amendement de M. Gillon: A partir du 1er octobre 1833, seront dispensés de la rétribution universitaire, dans les collèges communaux, les institutions et les pensions, les élèves qui n'étudient pas les langues anciennes. (Appuyé! appuyé!)

M. Charles Dupin. Les jeunes gens qui veulent devenir médecins ou avocats, vous les expulsez de ces professions.

M. Guizot, ministre de l'instruction publique. J'aurai l'honneur de faire observer à la Chambre, qu'en fait j'accorde les exemptions de rétribution universitaire à la plupart des élèves dont il s'agit, et l'honorable rapporteur vient de le reconnaître.

Comme il s'agit d'accorder des exemptions au dixième des élèves, aux élèves pauvres, il faut discuter leurs droits, savoir quels sont les élèves les plus pauvres. Quant au principe général de l'amendement, il est difficile de l'inscrire dans la loi, jusqu'à ce que l'instruction intermédiaire ait été nettement séparée de l'instruction classique. Quand cette instruction dont a parlé le rapporteur sera donnée dans des établissements distincts, il sera possible d'établir au profit des élèves la dispense dont il s'agit; mais tant que cette instruction sera donnée dans les mêmes établissements que l'autre instruction, il sera difficile d'établir une distinction.

L'exemption peut être accordée ; mais tant que la distinction ne sera pas faite législativement, tant qu'une loi sur l'instruction secondaire né sera pas publiée, l'amendement qu'on vous propose sera difficile à adopter.

M. Bellaigue. Rien de plus facile que d'obtenir cette distinction.

Les maîtres de pension donnent à l'Université la note de tous les élèves; il est facile de noter d'un astérisque ceux qui n'apprennent pas le grec et le latin, et de faire la réduction sur le chiffre total des rétributions. Cela ne peut pas souffrir de difficultés.

(L'amendement de M. Gillon est rejeté; le paragraphe du budget est adopté.)

M. le Président. Je mets aux voix les autres paragraphes de l'article 1er du budget:

<< Des taxes imposées avec l'autorisation du gouvernement pour la conservation et la réparation des digues et autres ouvrages d'art intéressant les communautés de propriétaires et d'habitants; des taxes pour les travaux de dessèchement autorisés par la loi du 16 septembre 1807, et des taxes d'affouages, là où il est d'usage et utile d'en établir. » (Adopté.)

a Des droits de péage qui seraient établis, conformément à la loi du 4 mai 1802, pour concourir à la construction ou à la réparation des ponts, écluses ou ouvrages d'art à la charge de l'Etat, des départements et des communes, et pour correction de rampes sur les routes royales ou départementales. » (Adopté.)

«De la retenue sur les prix des livraisons de tabac autorisées par l'article 38 de la loi du 24 décembre 1814, jusqu'à concurrence de 1 centime par kilogramme, et spécialement affectée aux frais d'expertise et autres dépenses à la charge des planteurs.» (Adopté.)

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M. le Président. La commission propose à cet article le paragraphe additionnel suivant : Du produit de la moitié de la retenue de 3 0/0 exercée par la caisse des invalides de la marine sur les dépenses relatives au matériel de ce département.» (Adopté.)

(L'article 1 entier est mis aux voix et adopté.)

M. le Président. MM. Failly, Havin et le général Thiard de écrivent pour demander un congé. (Accordé.)

M. le Président. Nous revenons à l'article 2 du budget des recettes.

M. Roger. Avant de passer à l'article 2, j'au

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