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bres du conseil des ministres est illusoire. La demande des crédits supplémentaires hors des limites est une des questions les plus graves dont le conseil des ministres ait à s'occuper. Je m'étonnerais beaucoup que dans un conseil des ministres cela pût se faire autrement qu'après en avoir délibéré. Pour ma part, je ne resterais pas membre d'un conseil où cela ne se passerait pas ainsi. Cette responsabilité doit exister par le fait; elle n'est jamais écrite dans la loi.

Je le répète, l'amendement de la commission me paraît sans objet, s'il tend à rappeler ce qu'a fait la loi de 1817, c'est-à-dire que le ministre des finances est responsable quant au payement. S'il tend à faire peser sur ce ministre une autre responsabilité, cet amendement est non seulement inutile, mais il pourrait avoir de graves inconvénients.

M. le duc de Broglie, ministre des affaires étrangères. Dans les cas ordinaires, lorsqu'un budget est présenté, le ministre des finances encourt deux responsabilités : la première, comme ministre des finances; la seconde, comme gardien des limites du budget. Lorsqu'on prépare un budget, il prend part non seulement à la discussion de son propre budget, mais il exerce jusqu'à un certain point un contrôle sur le budget de chacun de ses collègues, parce que c'est lui est chargé de faire face aux dépenses qui en résultent.

Qu'arrive-t-il, lorsque la nécessité d'un crédit extraordinaire se présente? Le ministre des finances doit être consulté; et, comme chargé de faire face aux dépenses, il lui appartient de les examiner et d'en discuter l'utilité.

L'objection à cet argument, c'est que cet examen et la responsabilité qui en découle semblent attribués au ministre des finances en particulier; tandis qu'en réalité, et en ce moment, l'examen et la responsabilité appartiennent indistinctement à tous les membres du conseil.

Que dit la loi de 1817?

La loi de 1817 dit que le ministre des finances ne peut, sous sa responsabilité, autoriser des payements excédant les crédits que dans des cas extraordinaires et urgents, et en vertu d'ordonnances royales. Il est donc obligé d'examiner si les cas sout extraordinaires, urgents, et s'il y a lieu de proposer une ordonnance royale. Je ne crois pas qu'on puisse le soustraire à cette double responsabilité qui résulte, d'une part, de la création de crédits extraordinaires, et de l'autre de sa position, qui l'oblige à étudier les ressources du Trésor. Je crois que l'article ne fait qu'exprimer un fait incontestable c'est qu'un ministre des finances doit prendre part à la discussion sur l'urgence et la nécessité des crédits, et, par conséquent, encourir la responsabilité qui résulte de sa position. Je ne vois d ne aucune objection contre l'article de la loi qui ne fait qu'exprimer une chose qui aurait lieu 'indépendamment de cet article; par cela même, il n'a aucun inconvénient. (Aux voix! aux voix!)

M. le Président. Je mets aux voix l'amende ment de M. le comte Roy, lequel amende la proposition de la commission.

M. le duc de Praslin. Je demande la division.

M. le due Decazes, rapporteur. L'amendement de M. le comte Roy établit deux choses : la première, que le ministre ordonnateur contresignera l'ordonnance qu'il aura proposée; la seconde, qu'il sera responsable. Mais tout cela

n'est-il pas de droit ? Comment comprendre une ordonnance non signée par le ministre ordonnateur? faut-il aussi faire une disposition de loi pour établir que le ministre qui a contresigné est responsable? et si vous le faites dire par la loi, dans un cas particulier, n'en induirat-on pas qu'il n'y a pas de responsabilité dans les cas auxquels la loi n'en aura pas formellement attaché? D'une autre part, spécifier cette responsabilité pour le ministre ordonnateur seul, en substituant cette rédaction à celle qui appliquait également la responsabilité au ministre des finances, n'est-ce pas dégager celui-ci de tous les cas de cette responsabilité que cependant tout le monde reconnaît qu'il doit encourir, du moins comme jug des ressources et des payements? Et cela, lorsque tout le monde reconnait aussi qu'en droit, tous les ministres sont responsables des actes délibérés en commun; qu'en fait, au nombre de ces actes, sont nécessairement les crédits pour dépenses noa votées par la loi! Je soumets ces observations à l'honorable comte lui-même, qui sentira sans doute, en y réfléchissant, l'impossibilité d'admettre son amendement.

M. le baron de Fréville. Cette nouvelle rédaction laisserait subsister l'observation de M. Decazes, laquelle mérite toute l'attention de la Chambre. On ne peut faire disparaitre la responsabilité du ministre des finances saas porter atteinte à tous les principes du système constitutionnel. Dans mon opinion, M. le comte Roy a parfaitement exprimé quelles étaient les intentions et les dispositions de la loi de ls: mais il n'a pas échappé à sa sagacité que log était entré dans un système très différent de celui qui existait alors, dans le système la spécialité, qui a ses conséquences. Sous fee d'un budget immuable, je comprends piratement les deux positions qu'a expliquees M. le comte Roy. Mais dans le système actuel, qui admet des crédits supplémentaires, il y a une question de gouvernement qui engage la res ponsabilité de tout le conseil; et la Chambre des pairs a accueilli la théorie que le noble rappor teur a si bien reproduite au nom de la commission.

L'objection que l'on oppose à l'amendement la commission, c'est qu'on établit en faveur & ministre des finances une espèce de contrôle.

Je soumettrai à la Chambre une observati qui, suivant moi, suffit pour motiver l'amendement proposé par la commission.

Il y a deux affaires : 1° le besoin de subven? à une dépense reconnue par un ministre ordonnateur; 2° le moyen à employer pour y pourvoir. Cette affaire regarde essentiellement le S nistre des finances; il intervient pour rempl une partie de ses devoirs, comme le ministre ordonnateur intervient pour remplir une part de ses devoirs lorsqu'il avertit le gouvernement qu'indépendamment des prévisions du budget. il y a une nouvelle dépense à faire. D'après cette observation, qui me paraît très solide, je demande la priorité pour l'article de la commis sion.

M. le Président. La priorité étant demandée. je dois la mettre aux voix.

M. le baron Mounier. Il me semble qui faudrait voter sur l'amendement de la commission.

M. le comte Roy. Ma proposition forme un

sous-amendement, il n'y a pas à voter sur la priorité.

M. le comte Portalis. Voter sur la priorité ne fera que prolonger inutilement la délibération; car en votant l'amendement, ceux qui auraient voulu la priorité rejetteraient l'amende

ment.

(L'amendement de M. le comte Roy est mis aux voix et rejeté.)

M. le comte de Montalivet. J'ai à proposer un amendement qui me semble devoir remplir les intentions de l'honorable rapporteur.

M. le duc Decazes vient de dire tout à l'heure qu'il lui semblait que le mot de responsabilité devait être retranché de l'article; car de ce qu'on établirait la responsabilité pour un ministère, on pourrait en induire que la responsabilité collective n'est pas de droit.

M. le due Decazes, rapporteur. M. le comte de Montalivet m'a mal compris. Je n'ai point proposé la suppression des mots sous la responsabilité. J'ai combattu la proposition que faisait M. le comte Roy de restreindre cette responsabilité au ministre ordonnateur, à cause de son inutilité, puisqu'il va sans dire que tout ministre qui contresigne est responsable, et à cause de l'exclusion qui en résultait de la responsabilité du ministre des finances. Sans doute, j'ai soutenu et je répète que tous les mini-tres sont responsables des actes du cabinet; mais j'ai dit aussi et je crois encore qu'indépendamment de cette solidarité commune, il y a une responsabilité individuelle attachée aux actes de chaque membre du cabinet qu'il était utile et juste de proclamer et de consacrer. Le préopinant a dit: La doctrine de la responsabilité collective du cabinet n'est plus contestée; qu'est-il besoin dès lors de stipuler des responsabilités particulières? Et la responsabilité commune ne suffit-elle pas, puisqu'elle atteint tous les ministres? Personne n'a professé plus haut cette doctrine, et je me félicite de la voir unanimement admise dans cette Chambre; mais en est-il de même au dehors? Comment s'en flatter, lorsqu'elle est si nouvelle, qu'il est permis peut-être de croire qu'elle était loin d'être aussi générale à l'ouverture de cette discussion qu'en ce moment?

Nous nous sommes éclairés; il en sera de même du public, mais non pas si promptement que pour nous. Cette opinion, qui aurait dù s'établir au moment même de la publication de la Charte, puisqu'elle est la conséquence la plus directe de ses principes, n'a pas fait encore de grands progrès, il faut le reconnaître. Je n'en donne pour preuve que les lois et les faits qu'on a cités. Aurait-on eu besoin des stipulations des articles 152 de la loi de 1817 et 21 de la loi de 1819, si les véritables principes avaient été reconnus par les Chambres mêmes, comme ils le sont aujourd'hui par vous? Et une assemblée aussi éclairée que la Chambre des députés ellemême, aurait-elle cru qu'il était nécessaire aujourd'hui de leur donner la sanction législative qu'elle a adoptée?

On a cité des ordonnances qui portaient la mention qu'elles avaient été délibérées en conseil des ministres; qu'en conclure? que les ordonnances ne l'étaient pas toutes, et qu'elles ne l'étaient que rarement, puisqu'on a sí rarement énoncé qu'elles l'étaient. C'est ainsi que des lois mêmes ont stipulé que certaines ordonnances seraient contresignées par plusieurs ministres, sans doute pour engager leur responsabilité,

qu'on ne croyait pas liée par la délibération

commune.

Et les ordonnances coupables qui ont renversé la dernière dynastie, aurait-on cru avoir besoin de les faire signer par tous les ministres, si l'on avait pensé que la responsabilité d'actes aussi graves et qui ne pouvaient pas n'avoir pas été votés en conseil, n'avait pas besoin, pour être constatée, de ces signatures?

Rien n'est si désirable pour une nation que cette force de l'opinion qui fait les mœurs publiques et remplace les lois; mais malheureusement nous n'en sommes pas là encore, et nous avons beaucoup à envier à nos voisins, chez qui les doctrines parlementaires et les principes politiques sont si fermement établis qu'ils dispensent souvent de règles écrites. Les plus fausses doctrines et les meilleurs principes sont sans empire lorsqu'on n'est pas d'accord sur leur application. Alors, loin qu'ils dispensent des lois, ils ont besoin du recours des lois pour s'établir dans l'opinion et la former. Les principes peuvent être entendus diversement, les lois précises, seules, ne laissent pas de place au doute.

Une loi n'est nécessaire que parce que l'opinion n'est pas assez éclairée. Si les Chambres s'étaient senties appuyées par elles, les lois existantes ne leur eussent-elles pas paru suffisantes? Auraient-elles cru avoir besoin de les corroborer encore? Non, Messieurs, elles auraient trouvé en elles le droit et le devoir, les moyens et la force de volonté pour combattre les abus et faire justice au pays sans nouvelle assistance de lois, qui manquent toujours bien moins, je le répète, que la ferme résolution de les appliquer.

Que du moins la résolution que vous adopterez aujourd'hui ne soit pas vaine, qu'elle donne toutes les garanties que les règles écrites peuvent offrir. Réduite à la simple exigence d'un rapport du ministre des finances, elle serait entièrement illusoire. Vous ne pouvez, vous ne devez remplacer la proposition de l'autre Chambre et les garanties qu'elle y a cherchées, que par des garanties plus effectives. Et quelle garantie peut-on trouver dans un rapport?

Il arrivera de deux choses l'une ou ce rapport n'aura pas été favorable à la demande du ministre ordonnateur, ou il l'aura été; dans le dernier cas, si l'avis du ministre des finances n'a pas été suivi, à quoi a servi le rapport? Si le ministre conserve son portefeuille et consent à payer la dépense qu'il n'a pas approuvée, il en devient responsable, on ne le conteste pas.

Dans le second cas, il sera responsable aussi, puisqu'il aura partagé l'opinion du ministre ordonnateur. Tant qu'il restera au cabinet, il sera donc responsable. Il n'y a donc nulle injustice, nul inconvénient à consacrer cette responsabilité. Il y en aurait beaucoup, au contraire, à la retrancher de la loi.

Vainement aurez-vous solennellement proclamé que vous ne la retranchez de la loi que parce qu'elle est de droit, et qu'elle existe par ellemême, vos discussions ne laisseront pas de traces; elles ne sont que faiblement recueillies par les feuilles publiques; vos procès-verbaux ne sont lus de personne; il ne reste de vos débats que votre vote, et s'il a pour résultat de faire disparaître du projet la responsabilité qui y avait été introduite, il n'y aura d'établi qu'une chose, savoir que vous avez voulu que le ministre ordonnateur fùt seul responsable. Si vous vous croyez utile, si vous voulez que le ministre payeur le soit aussi, il est donc indispensable,

bres du conseil des ministres est illusoire. La demande des crédits supplémentaires hors des limites est une des questions les plus graves dont le conseil des ministres ait à s'occuper. Je m'étonnerais beaucoup que dans un conseil des ministres cela put se faire autrement qu'après en avoir délibéré. Pour ma part, je ne resterais pas membre d'un conseil où cela ne se passerait pas ainsi. Cette responsabilité doit exister par le fait; elle n'est jamais écrite dans la loi.

Je le répète, l'amendement de la commission me paraît sans objet, s'il tend à rappeler ce qu'a fait la loi de 1817, c'est-à-dire que le ministre des finances est responsable quant au payement. S'il tend à faire peser sur ce ministre une autre responsabilité, cet amendement est non seulement inutile, mais il pourrait avoir de graves inconvénients.

M. le duc de Broglie, ministre des affaires étrangères. Dans les cas ordinaires, lorsqu'un budget est présenté, le ministre des finances encourt deux responsabilités : la première, comme ministre des finances; la seconde, comme gardien des limites du budget. Lorsqu'on prépare un budget, il prend part non seulement à la discussion de son propre budget, mais il exerce jusqu'à un certain point un contrôle sur le budget de chacun de ses collègues, parce que c'est lui est chargé de faire face aux dépenses qui en résultent.

Qu'arrive-t-il, lorsque la nécessité d'un crédit extraordinaire se présente? Le ministre des finances doit être consulté; et, comme chargé de faire face aux dépenses, il lui appartient de les examiner et d'en discuter l'utilité.

L'objection à cet argument, c'est que cet examen et la responsabilité qui en découle semblent attribués au ministre des finances en particulier; tandis qu'en réalité, et en ce moment, l'examen et la responsabilité appartiennent indistinctement à tous les membres du conseil.

Que dit la loi de 1817?

La loi de 1817 dit que le ministre des finances ne peut, sous sa responsabilité, autoriser des payements excédant les crédits que dans des cas extraordinaires et urgents, et en vertu d'ordonnances royales. Il est donc obligé d'examiner si les cas sont extraordinaires, urgents, et s'il y a lieu de proposer une ordonnance royale. Je ne crois pas qu'on puisse le soustraire à cette double responsabilité qui résulte, d'une part, de la création de crédits extraordinaires, et de l'autre de sa position, qui l'oblige à étudier les ressources du Trésor. Je crois que l'article ne fait qu'exprimer un fait incontestable: c'est qu'un ministre des finances doit prendre part à la discussion sur l'urgence et la nécessité des crédits, et, par conséquent, encourir la responsabilité qui résulte de sa position. Je ne vois d nc aucune objection contre l'article de la loi qui ne fait qu'exprimer une chose qui aurait lieu 'indépendamment de cet article; par cela même, il n'a aucun inconvénient. (Aux voix! aux voix!)

M. le Président. Je mets aux voix l'amende ment de M. le comte Roy, lequel amende la proposition de la commission.

M. le duc de Praslin. Je demande la division.

M. le due Decazes, rapporteur. L'amendement de M. le comte Roy établit deux choses : la première, que le ministre ordonnateur contresignera l'ordonnance qu'il aura proposée; la seconde, qu'il sera responsable. Mais tout cela

n'est-il pas de droit ? Comment comprendre une ordonnance non signée par le ministre ordonnateur? faut-il aussi faire une disposition de loi pour établir que le ministre qui a contresigné est responsable? et si vous le faites dire par la loi, dans un cas particulier, n'en induirat-on pas qu'il n'y a pas de responsabilité dans les cas auxquels la loi n'en aura pas formellement attaché? D'une autre part, spécifier cette responsabilité pour le ministre ordonnateur seul, en substituant cette rédaction à celle qui appliquait également la responsabilité au ministre des finances, n'est-ce pas dégager celui-ci de tous les cas de cette responsabilité que cependant tout le monde reconnaît qu'il doit encourir, du moins comme juge des ressources et des payements? Et cela, lorsque tout le monde reconnait aussi qu'en droit, tous les ministres sont responsables des actes délibérés en commun; qu'en fait, au nombre de ces actes, sont nécessairement les crédits pour dépenses non votées par la loi! Je soumets ces observations à l'honorable comte lui-même, qui sentira sans doute, en y réfléchissant, l'impossibilité d'admettre son amendement.

M. le baron de Fréville. Cette nouvelle rédaction laisserait subsister l'observation de M. Decazes, laquelle mérite toute l'attention de la Chambre. On ne peut faire disparaitre la responsabilité du ministre des finances sans porter atteinte à tous les principes du système constitutionnel. Dans mon opinion, M. le comte Roy a parfaitement exprimé quelles étaient les intentions et les dispositions de la loi de 1817: mais il n'a pas échappé à sa sagacité que l'on était entré dans un système très différent de celui qui existait alors, dans le système de la spécialité, qui a ses conséquences. Sous l'empire d'un budget immuable, je comprends parfaitement les deux positions qu'a expliquées M. le comte Roy. Mais dans le système actuel, qui admet des crédits supplémentaires, il y a une question de gouvernement qui engage la responsabilité de tout le conseil; et la Chambre des pairs a accueilli la théorie que le noble rappor teur a si bien reproduite au nom de la commission.

L'objection que l'on oppose à l'amendement de la commission, c'est qu'on établit en faveur du ministre des finances une espèce de contrôle.

Je soumettrai à la Chambre une observation qui, suivant moi, suffit pour motiver l'amendement proposé par la commission.

Il y a deux affaires : 1° le besoin de subvenir à une dépense reconnue par un ministre ordonnateur; 2° le moyen à employer pour y pourvoir. Cette affaire regarde essentiellement le ministre des finances; il intervient pour remplir une partie de ses devoirs, comme le ministre ordonnateur intervient pour remplir une partie de ses devoirs lorsqu'il avertit le gouvernement qu'indépendamment des prévisions du budget, il y a une nouvelle dépense à faire. D'après cette observation, qui me paraît très solide, je demande la priorité pour l'article de la commission.

M. le Président. La priorité étant demandée, je dois la mettre aux voix.

M. le baron Mounier. Il me semble qu'il faudrait voter sur l'amendement de la commission.

M. le comte Roy. Ma proposition forme un

sous-amendement, il n'y a pas à voter sur la priorité.

M. le comte Portalis. Voter sur la priorité ne fera que prolonger inutilement la délibération; car en votant l'amendement, ceux qui auraient voulu la priorité rejetteraient l'amende

ment.

(L'amendement de M. le comte Roy est mis aux voix et rejeté.)

M. le comte de Montalivet. J'ai à proposer un amendement qui me semble devoir remplir les intentions de l'honorable rapporteur.

M. le duc Decazes vient de dire tout à l'heure qu'il lui semblait que le mot de responsabilité devait être retranché de l'article; car de ce qu'on établirait la responsabilité pour un ministère, on pourrait en induire que la responsabilité collective n'est pas de droit.

M. le due Decazes, rapporteur. M. le comte de Montalivet m'a mal compris. Je n'ai point proposé la suppression des mots sous la responsabilité. J'ai combattu la proposition que faisait M. le comte Roy de restreindre cette responsabilité au ministre ordonnateur, à cause de son inutilité, puisqu'il va sans dire que tout ministre qui contresigne est responsable, et à cause de l'exclusion qui en résultait de la responsabilité du ministre des finances. Sans doute, j'ai soutenu et je répète que tous les mini-tres sont responsables des actes du cabinet; mais j'ai dit aussi et je crois encore qu'indépendamment de cette solidarité commune, il y a une responsabilité individuelle attachée aux actes de chaque membre du cabinet qu'il était utile et juste de proclamer et de consacrer. Le préopinant a dit: La doctrine de la responsabilité collective du cabinet n'est plus contestée; qu'est-il besoin dès lors de stipuler des responsabilités particulières? Et la responsabilité commune ne suffit-elle pas, puisqu'elle atteint tous les ministres? Personne n'a professé plus haut cette doctrine, et je me félicite de la voir unanimement admise dans cette Chambre; mais en est-il de même au dehors? Comment s'en flatter, lorsqu'elle est si nouvelle, qu'il est permis peut-être de croire qu'elle était loin d'être aussi générale à l'ouverture de cette discussion qu'en ce moment?

Nous nous sommes éclairés; il en sera de même du public, mais non pas si promptement que pour nous. Cette opinion, qui aurait dù s'établir au moment même de la publication de la Charte, puisqu'elle est la conséquence la plus directe de ses principes, n'a pas fait encore de grands progrès, il faut le reconnaitre. Je n'en donne pour preuve que les lois et les faits qu'on a cités. Aurait-on eu besoin des stipulations des articles 152 de la loi de 1817 et 21 de la loi de 1819, si les véritables principes avaient été reconnus par les Chambres mêmes, comme ils le sont aujourd'hui par vous? Et une assemblée aussi éclairée que la Chambre des députés ellemême, aurait-elle cru qu'il était nécessaire aujourd'hui de leur donner la sanction législative qu'elle a adoptée?

On a cité des ordonnances qui portaient la mention qu'elles avaient été délibérées en conseil des ministres; qu'en conclure? que les ordonnances ne l'étaient pas toutes, et qu'elles ne l'étaient que rarement, puisqu'on a sí rarement énoncé qu'elles l'étaient. C'est ainsi que des lois mêmes ont stipulé que certaines ordonnances seraient contresignées par plusieurs ministres, sans doute pour engager leur responsabilité,

qu'on ne croyait pas liée par la délibération

commune.

Et les ordonnances coupables qui ont renversé la dernière dynastie, aurait-on cru avoir besoin de les faire signer par tous les ministres, si l'on avait pensé que la responsabilité d'actes aussi graves et qui ne pouvaient pas n'avoir pas été votés en conseil, n'avait pas besoin, pour être constatée, de ces signatures?

Rien n'est si désirable pour une nation que cette force de l'opinion qui fait les mœurs publiques et remplace les lois; mais malheureusement nous n'en sommes pas là encore, et nous avons beaucoup à envier à nos voisins, chez qui les doctrines parlementaires et les principes politiques sont si fermement établis qu'ils dispensent souvent de règles écrites. Les plus fausses doctrines et les meilleurs principes sont sans empire lorsqu'on n'est pas d'accord sur leur application. Alors, loin qu'ils dispensent des lois, ils ont besoin du recours des lois pour s'établir dans l'opinion et la former. Les principes peuvent être entendus diversement, les lois précises, seules, ne laissent pas de place au doute.

Une loi n'est nécessaire que parce que l'opinion n'est pas assez éclairée. Si les Chambres s'étaient senties appuyées par elles, les lois existantes ne leur eussent-elles pas paru suffisantes? Auraient-elles cru avoir besoin de les corroborer encore? Non, Messieurs, elles auraient trouvé en elles le droit et le devoir, les moyens et la force de volonté pour combattre les abus et faire justice au pays sans nouvelle assistance de lois, qui manquent toujours bien moins, je le répète, que la ferme résolution de les appliquer.

Que du moins la résolution que vous adopterez aujourd'hui ne soit pas vaine, qu'elle donne toutes les garanties que les règles écrites peuvent offrir. Réduite à la simple exigence d'un rapport du ministre des finances, elle serait entièrement illusoire. Vous ne pouvez, vous ne devez remplacer la proposition de l'autre Chambre et les garanties qu'elle y a cherchées, que par des garanties plus effectives. Et quelle garantie peut-on trouver dans un rapport?

Il arrivera de deux choses l'une ou ce rapport n'aura pas été favorable à la demande du ministre ordonnateur, ou il l'aura été; dans le dernier cas, si l'avis du ministre des finances n'a pas été suivi, à quoi a servi le rapport? Si le ministre conserve son portefeuille et consent à payer la dépense qu'il n'a pas approuvée, il en devient responsable, on ne le conteste pas.

Dans le second cas, il sera responsable aussi, puisqu'il aura partagé l'opinion du ministre ordonnateur. Tant qu'il restera au cabinet, il sera donc responsable. Il n'y a donc nulle injustice, nul inconvénient à consacrer cette responsabilité. Il y en aurait beaucoup, au contraire, à la retrancher de la loi.

Vainement aurez-vous solennellement proclamé que vous ne la retranchez de la loi que parce qu'elle est de droit, et qu'elle existe par ellemême, vos discussions ne laisseront pas de traces; elles ne sont que faiblement recueillies par les feuilles publiques; vos procès-verbaux ne sont lus de personne; il ne reste de vos débats que votre vote, et s'il a pour résultat de faire disparaître du projet la responsabilité qui y avait été introduite, il n'y aura d'établi qu'une chose, savoir que vous avez voulu que le ministre ordonnateur fùt seul responsable. Si vous vous croyez utile, si vous voulez que le ministre payeur le soit aussi, il est donc indispensable,

comme il est sans inconvénient, que vous le laissiez dire à la loi.

C'est avec une profonde conviction que je persiste, par tous ces motifs, dans la proposition de votre commission.

M. le Président. L'amendement proposé par M. le comte de Montalivet n'est autre que celui qui avait été proposé par M. le comte Roy et qui vient d'être rejeté. Je ne puis plus mettre aux voix que l'amendement de la commission.

M. le comte de Montalivet. Je me suis exprimé bien peu clairement si l'on a confondu mon amendement avec celui de M. le comte Roy. M. le comte Roy propose de mettre seulement sous la responsabilité du ministre ordonnateur, et moi je propose de retrancher le mot responsabilité, parce que je crois que la responsabilité collective des ministres est de droit. C'est là la théorie établie par l'honorable rapporteur, et celle qui paraît dominer dans la Chambre.

M. le Président. Je ne puis m'empêcher de faire remarquer encore une fois que l'amendement de M. le comte de Montalivet me paraît avoir le même objet que celui de M. le comte Roy. M. le comte de Pontécoulant. Je demande la parole.

M. le Président. Je demande la permission de m'expliquer. M. le comte de Montalivet propose de dire ces ordonnances seront rendues sur le rapport du ministre des finances, et M. le comte Roy propose de dire seront rendues sur le rapport du ministre des finances, et sous la responsabilité du ministre ordonnateur.

Il faut que la Chambre sache bien ce qu'elle veut faire. D'après la proposition de M. le comte Roy, la responsabilité ne pèserait que sur le ministre ordonnateur; d'après la proposition de la commission, il y a deux responsabilités celle du ministre ordonnateur et celle du ministre des finances pour le rapport qu'il est obligé de faire.

M. le comte de Pontécoulant. A tort ou à raison, M. de Montalivet a eu le droit de proposer le retranchement du mot responsabilité. Si ję me suis servi de ces expressions dubitatives à tort ou à raison, je l'ai fait par égard pour la Chambre; car, pour moi, je trouve qu'il a eu complètement raison. Remarquez bien que cet amendement n'est pas un amendement à une loi qui arrive pour la première fois à notre examen; c'est en remplacement d'un article présenté par la Chambre des députés.

La Chambre des députés n'a jamais mis en doute que la responsabilité de tous les ministres ne fût engagée lorsqu'ils faisaient (ce qui a été beaucoup trop répété depuis quelques années) des dépenses extraordinaires au delà de leurs budgets. Cette responsabilité, la Chambre des députés l'a consacrée tout entière; elle n'a pas admis la distinction que tel ministre signait ou ne signait pas il est bien certain que des ordonnances insérées au Bulletin des lois y arrivent contresignées par le ministre ordonnateur. Il me paraît, d'après le simple bon sens, que si l'on met dans l'article la responsabilité, soit pour le ministre des finances, soit pour le ministre ordonnateur, soit pour tous les deux, certainement on peut en inférer que les autres seront déchargés de la responsabilité. C'est donc pour cela que je me joins à M. de Montalivet et à M. Decazes, pour demander la suppression du mot responsabilité. Je crois qu'il faut éviter de

nous mettre en opposition avec la Chambre de députés sur une pareille question. En co quence, je me joins à la proposition faite M. de Montalivet.

L'amendement de M. le comte de Montal qui a été appuyé, est mis aux voix et rejete L'amendement de M. le comte Roy est égal ment rejeté.

(L'article 4 est adopté.)

«Art. 5 de la commission. Les ordonnan des crédits ouverts en vertu des articles ci-dessseront réunies en un seul projet de loi, p être soumises, avec les rapports à l'appui, le ministre des finances, à la sanction des Char bres dans leur prochaine session, et avant la sentation du budget. »

M. le comte Roy. L'article 5 porte que ordonnances des crédits ouverts seront réun en un seul projet de loi, pour être soumises, a les rapports à l'appui, par le ministre des fi ces, à la sanction des Chambres dans leur p prochaine session, et avant la présentation budget.

L'amendement proposé par la commission c siste dans l'addition de ces mots : et avant la sentation du budget.

Cet amendement est évidemment inutile: mots suffiront pour l'établir.

La loi du 15 mai 1818 ordonne que. la l règlement des budgets sera proposée aux bres avant la présentation de la loi annuel finances.

D'une autre part, d'après les dispositio l'article 21 de la loi du 27 juin 1819, les nances qui ont accordé des crédits ex naires doivent être présentées aux pour être converties en lois avant le définitif des budgets.

Les lois ont donc pourvu, d'une m presse et positive, à ce qui est proposé para dement qui est en discussion.

Car, puisque la conversion des ord de crédits extraordinaires en lois dore présentées aux Chambres avant la loi de ment, et que la loi de règlement doit elleprécéder celle du budget, il est bien évident de la présentation des lois qui approuvent les extraordinaires précédera la présentation budget.

M. le duc Decazes, rapporteur. Je feraire quer à M. le comte Roy que par l'article m qu'il a sous les yeux, et qui a été adopté p Chambre des députés, l'article 21 de la loi de est rapporté. Il faut par conséquent le rempl par une autre disposition.

M. le Président. La commission a mis article 5 à la place de l'article 5 du proj dans cet article on n'a pas rapporté la dispe tion adoptée par la Chambre des députés, e a pour objet l'abrogation de l'article 21 de la

de 1819.

M. le duc Decazes, rapporteur. C'est par reur que cette disposition n'a pas été rétab la suite de l'amendement de la commission. erreur sera réparée. Le deuxième paragrapat l'article 5 sera ainsi conçu L'article 21 de

loi du 27 juin 1819 est abrogé.

(L'amendement de la commission, avec ce addition, est mis aux voix et adopté.) (L'article 5 amendé est adopté.)

(Les articles 6 et 7 sont adoptés sans disces

sion.)

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