Jean Méyon vo mênèye, éhhé do coboret, Chambollant et branciant tsi sè mègue jorret. In gran rvenant to bian qu'li crie : « Errête ! errête ! » Vo vo l'epossé bé, terto rtone do li... E pòne sé pi dire au brèyant espovotè : « Qu'osqu'om'vlé? qu'osqu'om'vlé? » Vilain soulon je vie Qu'éť' chaingésse dé conduite, et té vé m'lo jirie, Aussi bé qué t'fare botte enne crèye o drau dé mo Qué t'fré tocoue, toci, sevni dé to sarmot, Meyon d'hé : « J'vo lo jire, » et n'vi pi ré qu'lè nèye. Jean Méyon vers minuit sortit du cabaret, Quand tout à coup il voit à ses yeux apparaître Un grand revenant tout blanc qui lui crie : « Arrête ! arrête ! » Vous le pensez bien, tout retourna dans lui... A peine s'il put dire en criant éperdu : « Que me voulez-vous? que voulez-vous? » Vilain soulard, je veux Que tu changes de conduite et tu vas me le jurer Aussi bien que de faire mettre une croix au droit du lac Qui te fera toujours ici souvenir de ton serment. >>> Mèyon dit : « Je vous le jure, » et ne vit plus rien que la nuit. L'eau-de-vie dans son ventre avait éteint son feu, (1) Il y avait une très forte côte là où eut lieu l'apparition, et qu'on nommait le Grippo, le lieu où l'on grimpe. Et cé n'fé mi s'no mau qu'è rgaignié so logi. Et ce ne fut pas sans mal qu'il regagna son logis. « Non, dit-il, mais écoute-moi : C'est ce soir-ci la fin Origine légendaire de Gérardmer (1). Les peuples de l'antiquité aimaient à entourer de merveilleuses légendes le berceau de leur enfance; telle est la (1) Gérardımer-Saison, No 11. Louis DULAC. tradition de la louve qui allaita Romulus et Rémus, dont un simple élève de sixième connaît les faits et gestes dans ses moindres détails. Sans avoir de prétentions aussi classiquement établies, Gérardmer n'en possède pas moins son origine mystérieuse. Lisez plutôt la Cinthyperléïade, ou l'oracle de Diane, poème épique en huit chants et trois mille trois cents vers. Cette œuvre poétique fut composée à la fin du siècle dernier par Philippe-Antoine de Chainel, seigneur du Château-sur-Perle, sis près des rives de la riante Vologne, entre Cheniménil et Docelles (1). Voici la légende expliquant l'origine de Gérardmer telle que l'a conçue le poète dans sa vive imagination : Les Titans, vaincus en Thessalie par les dieux auxquels ils avaient l'intention de ravir l'Olympe, se réfugièrent dans les Vosges. Après avoir franchi le Rhin, ils résolurent, pour assurer leur défense, d'élever à peu de distance de la rive gauche du fleuve un rempart inexpugnable. Ils formèrent ainsi la chaîne des Vosges, abrupte du côté du Rhin, en pente à l'Ouest, telles que ces montagnes existent encore aujourd'hui. Les dieux les y suivirent, les forcèrent dans leur camp qui se trouvait sur le plateau de Champdray, et les repoussèrent dans le bassin de Gérardmer où ils leur livrèrent bataille. Les dieux et les déesses, après leur victoire, construisirent le Château-sur-Perle, et c'est là qu'ils s'assemblèrent pour juger leurs prisonniers. Les quatre chefs des Titans : Typhon, Pélor, Hippolyte et Palibotte, furent condamnés à être enfermés à perpétuité dans des grottes souterraines, où, depuis cette époque, ils échauffent, par leur souffle brûlant, les sources thermales de Bains, Luxeuil, Bourbonne et Plombières. Les prisonniers vulgaires furent employés aux travaux de l'alimentation des forges ou des salines; Neptune construisit les cascades des Vosges; Eole souffla dans ses urnes et souleva une affreuse tempête qui vint fondre sur Gérardmer des (1) Ce château appartient à M. Boucher père. quatre coins de l'horizon. Il y eut des tremblements de terre, et trois crevasses s'ouvrirent qui donnèrent naissance aux lacs de Gérardmer, de Longemer et de Retournemer. Des enfants furent métamorphosés en hurlins (petites perches des lacs), et ces poissons se sont perpétués depuis dans les eaux lacustres. Vénus, en se baignant dans la Vologne, y donna naissance aux perles, jadis si célèbres, qu'a chantées le poète : La Vologne, vray Gange de la Vôge, Q'on trouve dans son sein, qui brillent sur son bord (2). Le Charbonnier du Hoheneck (3). Il est peu d'habitants de Gérardmer qui ne tentent, au moins une fois dans leur vie, l'ascension du Hoheneck, la montagne la plus élevée des environs. Tout en foulant l'herbe parfumée des hautes chaumes, l'excursionniste peut se faire conter par les schlitteurs la légende du charbonnier du Hoheneck. Voici cette légende telle que nous l'a contée, près de la Fontaine-de-la-Duchesse, un bûcheron nonagénaire, telle que l'a contée aussi, avant nous, Henri Berthoud. C'était en 1814, en Janvier, lors de l'invasion des alliés. Un détachement de Cosaques pilla la cabane où vivait le charbonnier du Hoheneck, et tua sa mère et ses trois enfants. Il était absent avec sa femme, lors de cette catastrophe. En voyant, à son retour, ces quatre cadavres et la ruine de tout ce qu'il possédait, il voulut se venger et sauta sur son fusil. Ils sont vingt-deux, dit la femme, tu (1) Il s'agit de la moule allongée (unio elongata), qu'on ne trouve dans la Vologne qu'au-dessous de son confluent avec le Neuné. Il y avait un garde spécial de ces perles; en 1734, la duchesse régente accorda à Nicolas Pierron, de Fiménil, un brevet l'exemptant des charges, car il était garde des perles de la Vologne depuis trente ans. (2) Statistique des Vosges, t. II, p. 547. (3) Gérardmer-Saison, N° 7. Louis DULAC. ne pourras en tuer qu'un, deux tout au plus; laisse-moi faire, je les tuerai tous. Pendant que tu enterreras ma mère et mes trois enfants, je les vengerai. Elle récolta, dans un panier, des légumes échappés au pillage, y joignit des racines d'aconit qu'elle alla cueillir dans les ravins du voisinage, et, se dirigeant vers le campement des Cosaques, elle fit si bien que, tout en simulant une grande peur, elle fut arrêtée par eux et conduite au poste, où ils avaient allumé un grand feu et où on préparait à manger. Feignant une résignation parfaite à son sort de prisonniére, elle s'offrit comme cuisinière et versa dans la marmite ses légumes. Après quelques heures de cuisson, elle servit elle-même la soupe aux soldats, et s'esquiva aussitôt. Le lendemain, au point du jour, elle conduisait son mari sur la montagne. Il y avait vingt-deux cadavres (1) raidis par la gelée et gisants sur le sol! Avec les armes et les munitions de ces soldats, le charbonnier et sa femme, en embuscade dans la montagne, continuèrent à venger le meurtre commis par les Cosaques. Avant la création de la route de la Schlucht, on montrait aux voyageurs un vieux sapin qu'il a fallu abattre, et qu'on appelait le livre du charbonnier. Chaque fois qu'il tuait un soldat ennemi, il avait soin d'entailler d'une large coche le tronc de cet arbre, et l'on en comptait soixante-seize ! Les Joueurs de Boules de Fachepremont (2). Pendant les longues soirées d'hiver, les montagnards aiment à se réunir pour la veillée; les hommes fument (1) Ils avaient été empoisonnés par le principe toxique renfermé dans la racine de l'aconit, qui est un poison violent (l'aconitine). (2) Gérardmer-Saison, No 12. Louis DULAC. |