Images de page
PDF
ePub

a eu cependant le tort opposé de voir dans la diastole comme dans la systole un mouvement propre du cœur. La diastole n'est que le relâchement du muscle du cœur et son gonflement mécanique par l'afflux du sang.

Ve PARTIE DU MONDE.

(VIe partie de la Philosophie.)

Physiologie de la pensée et Psychologie. De l'âme substantiellement unie au corps.

« J'avais décrit, après cela, l'âme raisonnable » et fait voir qu'elle ne peut aucunement être >> tirée de la puissance de la matière, ainsi que >> les autres choses dont j'avais parlé, mais qu'elle >> doit expressément être créée, et comment il ne

[ocr errors]
[ocr errors]

suffit pas qu'elle soit logée dans le corps humain, ainsi qu'un pilote dans son navire, sinon peut-être pour mouvoir ses membres, mais

qu'il est besoin qu'elle soit jointe et unie plus » étroitement à lui pour avoir, outre cela, des >> sentiments et des appétits semblables aux nô>> tres, et ainsi composer un vrai homme. >>

Ce que nous avons dit précédemment nous dispense de nouvelles explications sur l'union du corps et de l'âme. Ici finit, en laissant de côté

la théorie fausse de l'automatisme, — l'analyse que Descartes donne lui-même de son Monde.

Mais on s'attend, sans doute, à trouver ici quelques conclusions générales sur le mécanisme et sur le beau Traité où, pour la première fois, l'idée mécanique a essayé à reconstruire l'univers par une synthèse mathématique.

Plusieurs faits très-généraux, forcent à rejeter le mécanisme pur et séparé tel que l'a présenté Descartes. Ces faits sont, 1°. l'élasticité de la matière, 2o. la répulsion que les molécules gazeuses exercent les unes contre les autres, 5o. l'indestructible individualité des corps simples à travers toutes les modifications physiques et toutes les transformations chimiques, 4o. l'irritabilité organique, 5o. les habitudes des corps organisés, plantes et animaux. Les deux premiers sont niés explicitement ou implicitement par Descartes: or on ne peut nier des faits. Les trois derniers renversent également la théorie. L'individualité persistante, en effet, prouve dans la molécule simple une activité propre, une spontanéité innée et impérissable, ou, si on veut, une habitude indestructible, qui peut être masquée par ses alliances avec d'autres, mais qui ne peut être vaincue et ne se perd jamais. Voici, en effet, l'alternative à laquelle

on ne peut échapper: ou il y a une certaine quantité de mouvement qu'un corps ne peut perdre, et qui ne peut se communiquer, ce qui est contraire à la nature du mouvement envisagé, comme le fait Descartes, indépendamment de la force; ou le corps simple a pour essence une force indestructible, qui est la même en chacun de ses éléments, en chacun de ses points, et qui constitue son individualité et sa vie propre dans la vie générale de l'univers, ce qui renverse la théorie. L'irritabilité et l'habitude donnent lieu à des arguments encore plus invincibles. Une matière purement inerte en effet ne peut être irritable, et est incapable de prendre des habitudes quelconques.

Nous avons vu du reste que Descartes nie l'irritabilité.

Mais si le mécanisme cartésien était périssable, et s'il est mort, il n'était que le corps d'une pensée immortelle qui en était l'âme. Cette pensée, c'est que tout dans le monde matériel se fait selon les lois mathématiques.

Je lis dans Pascal (1): « Il faut dire en gros: » cela se fait par figure et par mouvement, car >> cela est vrai; mais de dire quels, et de com

(1) Pensée, éd. Havet, p. 355.

» poser la machine, cela est ridicule; car cela est » inutile, et incertain, et pénible. » Pénible, oui; incertain, quelquefois; inutile, non. Et, en effet, toute grande pensée a besoin de s'incarner dans un système et dans une grande œuvre pour vivre d'une vie durable et pour agir sur l'esprit des hommes. Sans le Monde et les autres Traités (1) qui en sont l'abrégé ou le développement, l'idée mathématique eût péri et se fût dissipée comme un rêve. Grâce au Monde, elle s'est emparée de l'esprit humain et ne lâchera plus prise.

On peut suivre son influence à travers les œuvres des Huyghens, des Newton, des Leibnitz, des Bernouilli, des d'Alembert, des Laplace, des Poisson, et des savants contemporains, depuis Descartes jusqu'à nos jours: la science de la nature lui doit ses plus belles conquêtes, et l'esprit humain ses plus brillants triomphes.

Que la science contemporaine s'en inspire franchement et avec conscience de ce qu'elle fait, et elle lui devra encore d'éclatantes découvertes.

(1) Dioptrique, Météores, Principes, Traités de l'Homme, de la Formation du Foetus, des Passions.

CHAPITRE IX.

Le Professeur libre; ses Leçons et ses Lettres. Origine de l'Académie des Sciences. Le Roman de Descartes. Les derniers Travaux qui précèdent la publication du Discours de la Méthode. Qu'est-ce que le Discours de la Méthode ? Incidents divers qui en retardent la publication.

1634-1637.

Nous avons vu plus haut quel était au xvii siècle l'équivalent de nos cours publics libres. Nous avons vu Descartes, dans une des réunions d'alors, improviser sur la réforme de la philosophie, une véritable leçon qui eut un grand retentissement. Dans d'autres réunions semblables, dans d'autres encore, d'un caractère plus intime, qui avaient lieu chez M. Levasseur, et aussi dans quelques entretiens particuliers, Descartes avait été une sorte de professeur libre, répandant autour de lui, avec la prodigalité du génie, les vérités qu'il avait découvertes; un initiateur à la

« PrécédentContinuer »