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dications, de leur ignorance, de leur orgueil, de leur penchant à parodier, sans les comprendre, les passions 1793. Ainsi, parce qu'il était arrivé à un petit nombre d'agitateurs dépourvus d'intelligence et incapables de modération, de se proclamer au hasard républicains, et de définir la république au gré de leurs aveugles colères, on mit en doute si la république n'était pas une chimère ou ne serait pas une calamité. Pour que les esprits sages fussent ramenés à une saine appréciation des choses, il fallait que le parti fût ou parût momentanément dissous, et qu'il se reformât plus homogène, plus studieux, plus calme, plus avancé dans la science des révolutions sociales. Or, à ce parti là, certes, l'avenir pouvait sourire. Car, nous ne saurions trop le répéter: le principe monarchique mis face à face avec le principe électif doit tôt ou tard le dévorer ou être dévoré par lui. Et ce dénoûment, un habile emploi de la corruption peut l'ajourner, non l'empêcher. « Que force reste à la loi! » disent les gouvernements de fait, dans l'ivresse de leur fortune. Mais à cela, les hommes qui ne croient qu'à l'immortalité de la justice, les hommes droits et sincères répondent : « Qui sait si la loi d'aujourd'hui sera celle « de demain? Il faudra bien que force reste à la « vérité. >>

CHAPITRE XI.

Première demande d'intervention, de la part de l'Espagne.- Politique extérieure de M. Thiers; en quoi elle diffère de celle du roi. — Secrètes dissidences; lutte entre le roi et M. Thiers. Le roi défini par M. Thiers.

Scepticisme politi

que de M. Guizot. — L'Angleterre consultée au sujet de l'intervention. — Attitude de l'Ambassade anglaise à Madrid. La demande d'intervention est repoussée. Complots à l'intérieur. - Bruits sinistres. - Attentat du 28 juilSang-froid de Louis-Philippe. - Arrestation de l'assassin; machine infernale. Impression produite par l'attentat. - Physionomie du Château. - Indigne arrestation d'Armand-Carrel. Exploitation de l'attentat par les

let.

ministres.

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- Funérailles. - Discours de l'archevêque de Paris au roi. —Lois

de septembre.

L'Espagne commençait à haleter sous le poids de la guerre civile. Les carlistes croissaient en force, et les destinées de la révolution espagnole semblaient sérieusement compromises. Le général Cordova, hardi et brillant officier, n'avait point dissimulé au Cabinet de Madrid que la situation était très-critique et rendait presqu'absolument nécessaire l'intervention des Français. Mais le chef du ministère espagnol, M. Martinez de la Rosa, éprouvait, pour l'intervention d'une armée française, la plus vive répugnance. L'idée que l'Espagne était trop faible pour pourvoir elle-même à son salut offensait ses susceptibilités d'Espagnol, et il tremblait d'acheter

la liberté de ses concitoyens au prix de leur indépendance. Le mal s'aggravait, cependant, de jour en jour, les périls se multipliaient autour du trône de la jeune Isabelle, et il fallait prendre un parti. Il arriva donc que, malgré la résistance de M. Martinez de la Rosa, le Cabinet de Madrid résolut de s'adresser à la France. M. Martinez dut consentir à adresser au ministère français la demande d'intervention : il s'y résigna, mais il déclara en même temps à la reine Christine qu'il déposait son portefeuille et désirait qu'on lui trouvât le plus tôt possible un

successeur.

La demande d'intervention embarrassa et troubla Louis-Philippe. Dans l'excès de son ardeur pour la paix, il s'inquiétait du moindre mouvement. Mais, parmi ses ministres, il y en avait un dont la demande d'intervention servait merveilleusement les vues politiques.

Elevé dans les idées de l'Empire et facilement tenté par l'éclat des grandes choses, M. Thiers gémissait en secret du rôle subalterne auquel la France était condamnée par la politique, opiniâtrément craintive du château. Recommencer, après 1850, la grandeur impériale, opposer à une plus longue domination des insolents traités de 1845 le veto de la France révolutionnaire, revendiquer la ligne du Rhin, accepter la Belgique qui s'offrait, ou, du moins, provoquer dans un congrès un nouveau règlement des affaires du monde, M. Thiers n'avait cru rien de cela possible. Il sentait bien, au fond, que toute partie héroïque jouée en 1830, par son pays faisait tomber la monarchie dans les chances du hasard. Or, il y avait dans l'avénement des idées

émocratiques, quelque chose dont s'émouvait la incertitude de son coeur. Mais si M. Thiers n'avait as jugé la France assez forte pour se relever de cette umiliation profonde, qui avait duré quinze ans, sez forte pour se montrer à l'Europe debout et mée, il ne l'avait plus jugée si faible qu'elle dût e traîner servilement à la suite de toutes les chanelleries de l'Europe. Il pensait que, sans aller squ'à la menace, sans affronter la guerre, sans asirer aux avantages d'un remaniement européen, ous pouvions, par une attitude ferme et une moeste ambition, nous créer dans la diplomatie une osition digne de respect. Remarquant que, dans pus les pays où l'intérêt de la maison de Bourbon vait autrefois figuré, le cours des événements avait ni par faire naître un intérêt révolutionnaire; renarquant que, partout, et notamment en Espagne, n Italie, en Belgique, le mouvement révolutionaire semblait résulter du passage de l'influence rançaise, et était, en tout cas, de nature à la contiauer, M. Thiers pensait qu'en servant l'intérêt de la -évolution en Belgique, en Italie, en Espagne, nous e nous écartions pas des traditions de notre vieille politique, puisque l'intérêt de la révolution n'était, cout autour de nous, que l'ancien intérêt de la maison de Bourbon transformé. Dans cet ordre d'idées, l'appui naturel de la France, suivant M. Thiers, c'était l'Angleterre. Aussi l'alliance anglaise faisaitelle le fond de sa politique.

Ainsi, s'unir diplomatiquement au Cabinet de Saint-James, et avec son secours, maintenir la ligne de démarcation tracée entre la Hollande et la Belgique par les journées de septembre, empêcher

l'Autriche de comprimer tyranniquement les agitations de l'Italie, et tendre la main à la révolution espagnole représentée par Christine, tel était le résumé de la politique de M. Thiers.

Ces vues manquaient de justesse en plus d'un point; car il est évident, par exemple, qu'en Belgique l'alliance de la France et de l'Angleterre ne pouvait être basée sur aucune communauté d'intérêts. Ces vues manquaient aussi de grandeur; car même après les prodiges de cette double épopée, la Révolution et l'Empire, la France étant beaucoup moindre en 1830 qu'elle ne l'était au milieu du dix-huitième siècle, pendant que la Russie, l'Autriche, la Prusse, l'Angleterre, se trouvaient avoir pris, depuis cette époque, des accroissements considérables, c'était resserrer dans des bornes bien étroites l'ambition de la France que de la confiner en d'obscures menées diplomatiques ayant pour but l'indépendance de la Belgique déclarée neutre, le triomphe de Christine à Madrid, et, pour les Italiens, la faculté de se mouvoir sans être aussitôt foulés aux

pieds par l'Autriche.

Quoi qu'il en soit, cette politique, toute réservée qu'elle était, ne paraissait au roi qu'une politique d'aventurier. Il la jugeait audacieuse, parce qu'elle n'était pas tout-à-fait inerte, et il craignait qu'elle ne nous conduisît aux abîmes, parce qu'elle ne nous conduisait pas au néant.

Aussi la demande d'intervention fit-elle éclater entre Louis-Philippe et M. Thiers les plus orageuses dissidences.

Le roi était doué, comme homme, d'une séduction de manières incomparables; dans les rapports

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