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La révision du Code de 1808 portera principalement sur trois points d'une égale importance:

1° L'abolition ou tout au moins la restriction de l'emprisonnement préventif;

2. L'usage des cautionnements étendu jusqu'à certaines matières criminelles et formant le droit commun en matière correctionnelle;

3o La publicité de l'instruction préliminaire et la consécration d'une égalité plus complète entre l'accusation et la défense, au seuil comme à l'issue de la procédure, dans le cabinet du juge comme à l'audience des cours et des tribunaux.

Nous sommes partisan des restrictions de l'emprisonnement préventif et des développements de la mise en liberté provisoire sous caution; mais nous considérons comme bien délicate et bien périlleuse la publicité des procédures.

La révision du Code de 1810 portera principalement sur la substitution, dans un très-grand nombre de cas, des pénalités pécuniaires aux pénalités corporelles.

Il existe une intime relation entre l'extension des cautionnements et celle des pénalités pécuniaires. La mise en liberté provisoire sous caution a pour effet de diminuer les mesures préventives de coactions corporelles; les pénalités pécuniaires auront pour effet d'adoucir les mesures répressives.

C'est pourquoi il nous a paru que la démonstration de la légitimité de cette substitution des peines pécuniaires aux peines corporelles, pour tous les délits secondaires, devait servir de frontispice naturel à un ouvrage qui traitait de la détention préventive et de la mise en liberté provisoire sous caution.

L'amende réunit toutes les conditions de la pénalité la plus efficace et la plus équitable.

Elle est la plus libérale de toutes les peines. Bentham l'appelle avec raison la peine par excellence.

Son nom seul l'indique. Amende signifie correction dans un but d'amendement et de moralisation. Amende vient du latin emendatio; amender, c'est corriger pour rendre meilleur.

M. Bonneville de Marsangy lui reconnaît quatre caractères qui établissent sa supériorité à la fois matérielle et morale sur toutes les peines corporelles.

Elle est essentiellement divisible: elle s'applique mathématiquement à toutes les inculpations; faible pour les délits légers, forte pour les délits importants, elle varie avec chaque nature de faits, elle atteint le riche comme le pauvre.

Elle est essentiellement économique. « A la différence des peines d'incarcération, qui sont une charge énorme pour la société, l'amende est toute conversible en profit réel'. » L'entretien des prisons est très

Bentham, des Peines et des Récompenses, chap. iv.

onéreux pour l'État; il exige un nombreux personnel d'administration et la construction de bâtiments qui imposent de grands sacrifices aux départements. Il faut joindre encore à ces frais, déjà considérables, ceux de la nourriture et de l'habillement des prisonniers : le budget des maisons d'arrêt, de justice et de correction, prélève sur la fortune publique des capitaux qui pourraient être mieux utilisés. L'amende, au contraire, au lieu d'être une charge, est un bénéfice pour la société. Le mot bénéfice ne doit être pris ici que dans une acception restreinte. La société n'a pas le droit de profiter des résultats pécuniaires de la pénalité; il lui est interdit de spéculer sur les châtiments qu'elle édicte pour le maintien de sa sécurité et de sa conservation; mais les peines pécuniaires peuvent devenir pour elle la compensation des dépenses que lui occasionne l'administration de la justice.

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L'amende est une peine libérale, équitable, divisible, économique; elle est aussi essentiellement rémissible. Il est impossible à la société de racheter une erreur judiciaire, lorsque l'innocent qu'elle a frappé a subi la peine de l'incarcération, si abrégée qu'elle ait été. Il n'en est pas de même de la peine pécuniaire: la restitution de la somme versée au Trésor par le citoyen condamné injustement est une réparation satisfaisante, qui complète pleinement sa réhabilitation.

Elle est, enfin, presque toujours analogue au délit.

M. Bonneville de Marsangy insiste surtout sur ce caractère, qui la recommande particulièrement à la sollicitude du législateur plus encore que tous les

autres.

L'appropriation du bien d'autrui est l'inculpation la plus fréquente qui soit déférée aux tribunaux correctionnels et aux cours d'assises.

L'amende n'est-elle pas la pénalité qui s'adapte le mieux à cette inculpation?

«

Théoriquement parlant, le bien le plus précieux de l'homme semble devoir être tout d'abord la vie, puis l'honneur, puis la liberté, puis la fortune. Mais, trop souvent, dans la réalité des choses, cette gradation normale est renversée. Beaucoup n'hésitent pas à sacrifier au soin de leur honneur leur vie et leur liberté; d'autres font journellement le sacrifice de leur vie, de leur liberté et de leur honneur, en vue d'acquérir la richesse, avec cette seule différence que les uns y tendent par le travail et les entreprises honorables; les autres, par les machinations frauduleuses et le crime. Toujours est-il que la richesse semble être redevenue, comme dans les temps primitifs, un des biens les plus vivement recherchés et appréciés. C'est là un des rapports par lesquels l'extrême civilisation touche à l'extrême barbarie.

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Or, plus la richesse s'élève dans l'ordre des prédilections humaines, plus il semble rationnel d'en

faire un des leviers ordinaires et principaux de la pénalité. Et puis, n'est-on pas généralement d'accord que, chez une nation libre et chrétienne, le mode et la nature des peines doivent être combinés de façon à ménager, autant que possible, la vie, l'honneur et la liberté des coupables' ?.... »

L'amende est presque toujours analogue au délit; car la convoitise des richesses et la cupidité sont les mobiles ordinaires des infractions à la loi pénale. Les attaques contre la propriété l'emportent, dans la proportion de 1 à 3, sur les attaques contre les personnes et les divers méfaits qui sont réprimés par notre législation criminelle. Le vol, l'escroquerie, l'abus de confiance, les larcins ou filouteries, et tous les expédients de la ruse, de la fraude ou de la violence, qui ont pour objet l'appropriation du bien d'autrui, enlèvent, chaque année, une valeur approximative de 20 millions à l'épargne des honnêtes gens.

Pendant l'année 1862, 3,715 accusés de vols qualifiés, c'est-à-dire accomplis avec le concours de circonstances aggravantes, ont été traduits devant les cours d'assises de l'Empire. D'après le tableau LX du Compte général de l'administration de la justice criminelle, la valeur seule de ces objets volés se porte au chiffre de 3,282,180 francs.

1 De l'Amélioration de la loi criminelle, par M. Bonneville de Marsangy, t. II, p. 251.

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