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d'aller jusqu'à leurs avant-postes avec une escorte de chasseurs à cheval. Le capitaine poussa jusqu'à douze kilomètres de la ville. Un poste avancé lui barrant la route, il s'arrête pour entrer en pourparlers; ses paroles sont accueillies par une décharge qui démonte un de nos cavaliers. Le poste romain se replie rapidement après avoir tiré. Fidèle aux instructions qu'il avait reçues, le capitaine Oudinot revint immédiatement rendre compte de sa mission. Le commandant en chef était entouré de son état-major. «< Eh bien! que veulent les Romains? demanda-t-il à son officier d'ordonnance,

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<< la guerre, répondit le capitaine Oudinot, ils m'ont reçu à coups de fusils. »--«< S'ils veulent la guerre, répliqua le général, ils l'auront, mais nous devons tout faire pour l'éviter, » l'éviter. » Cependant ce fait isolé ne détruit pas toute espérance de conciliation, le duc de Reggio savait par divers rapports que les Romains feraient un simulacre de résistance pour sauvegarder l'honneur des armes. Le lendemain, à 5 heures du matin, les troupes se remettent en route dans le même ordre que la veille, si ce n'est que le bataillon des chasseurs à pied marchait en tête, appuyé par les compagnies de voltigeurs du 20° de ligne. La chaleur était excessive; dans le but d'épargner aux hommes un surcroît de fatigue, on fit déposer les sacs à Maglianella, sous la garde d'une section du 33° de ligne :

ils ne conservèrent que leurs couvertures et leurs sacs de campement roulés en sautoir et contenant le biscuit et les munitions de guerre.

La route que suivaient les troupes se bifurque à douze cents mètres de l'enceinte bastionnée de la ville. La route de droite conduit à la porte SaintPancrace, celle de gauche aboutit à la porte Cavallagieri; la colonne s'engagea dans celle-ci après en avoir fait occuper les hauteurs. Aucun ennemi ne s'était montré depuis la reconnaissance faite par le capitaine Oudinot, tous s'étaient abrités derrière les remparts.

Dans ce moment un coup de canon se fait entendre. Un officier, qui connaissait les usages de Rome, s'écrie en regardant sa montre: « Ce n'est rien, c'est le canon qui sonne l'heure de midi; » au même instant, un second coup retentit et un boulet fait une trouée sanglante dans les rangs pressés de la colonne. La guerre était commencée ! Le commandant en chef donne aussitôt ses ordres;

alors, tandis que les chasseurs à pied et les voltigeurs de ligne se dispersent en tirailleurs, profitant de chaque accident du terrain pour s'abriter contre le feu de l'artillerie qui tonne sans intervalle, le chef d'escadron d'artillerie, Bourdeaux, place une section de deux pièces sur une terrasse située à une distance de neuf cents mètres et en

regard du bastion d'où partaient les coups qui

enfilaient la route; une seconde section de deux autres pièces se glissant au galop à travers les projectiles sous les voûtes d'un aqueduc, se porte sur la droite de la route et prend position à trois cents mètres du bastion. Placées ainsi, les quatre pièces dirigent un feu très-vif sur tout ce qui se présente sur les remparts, et cherchent à démonter les pièces ennemies admirablement servies par des artilleurs suisses. Pendant ce temps, les 20° et 33° de ligne s'élancent résolûment en avant à travers une grêle de balles pour s'embusquer dans les vignes qui garnissent le coteau. De leur côté, les Romains, au nombre de quatre à cinq mille combattants, font une sortie sous les ordres de Garibaldi et se glissent dans la villa Pamfili sous la protection des arbres qui protégent leur mouvement. Cette sortie a pour but de tourner les positions des Français et de prendre la colonne en queue pendant que le feu de la place la mitraillait en tête. Une compagnie de chasseurs à pied s'embusquant dans un ravin imprime bientôt un mouvement de retraite à l'ennemi, qui se réfugie dans plusieurs maisons voisines et inhabitées. Quelques compagnies du 20° de ligne, lancées dans cette direction, les en débusquent après leur avoir fait éprouver des pertes sensibles. Le feu s'était engagé de part et d'autre avec un grand acharnement; de part et d'autre aussi le sang coulait en

abondance. Dans la deuxième section, le lieutenant Pachon et quelques hommes tombent mortellement frappés; plusieurs cavaliers sont démontés. Alors le capitaine Fabart s'écrie : « Mon général, j'ai reconnu avant-hier un chemin qui conduit, sans être exposé au feu des remparts, à la porte Angelica, où doit se produire énergiquement la démonstration préparée en notre faveur.» Il n'y avait pas un instant à perdre; le général Oudinot, confiant dans une déclaration si positive, prescrit avec calme au général Levaillant (Charles), de se porter sur cette direction avec deux pièces et une partie de la brigade. Le capitaine Fabart, abusé par ses souvenirs, entraîne la colonne dans un chemin qui est aussitôt foudroyé par l'artillerie ennemie; ce brave et téméraire officier tombe aussitôt frappé de cinq coups de mitraille; quatre chevaux de la section d'artillerie sont renversés, mortellement atteints. On se trouvait à demi-portée de pistolet de l'ennemi; une partie de la brigade Levaillant dut s'établir et se retrancher dans les maisons voisines; l'autre partie se vit forcée de s'abriter derrière un talus sous le canon même de la place. Pendant ce temps, la brigade Mollière combattait vaillamment à la porte Cavallagieri.

Sur ce point, les colonels Marulaz et Bouat des 20 et 33° de ligne, s'élancent avec une centaine

d'hommes sur la porte Pertusa; emportés par leur bouillant courage, ils arrivent à cheval jusqu'au pied même du rempart, ils profitent d'un pli de terrain pour s'y embusquer, mais le nombre des Romains et plus encore les travaux accumulés pour la défense de la place, ne leur permettent pas de poursuivre avec succès cette audacieuse entreprise.

Tandis que les jeunes soldats de la France exposés à un ouragan de fer reçoivent ainsi bravement le baptême du feu, le chef de bataillon Picard manoeuvrant à l'extrême droite avec deux cents cinquante hommes du 20° de ligne, s'emparait d'une position avancée pour faciliter une diversion opérée, sur la gauche, par le général Levaillant. Ce mouvement réussit d'abord, mais plus tard le feu ayant cessé sur toute la ligne, les Romains sortirent en foule par la porte Saint-Pancrace, agitant des mouchoirs blancs et criant: «La paix est faite, vive la paix! Ennemis ce matin, nous sommes frères ce soir, vive la France! vivent les Français ! »> Alors le commandant Picard ne doutant pas que le mouvement opéré sur la porte Angelica, n'eût ouvert l'entrée de Rome au général en chef, se décide à se rendre lui-même en ville pour prendre ses ordres; mais ne voulant rien livrer à l'imprévu il recommande à ses hommes de conserver leur position. Les Romains profitent de son absence

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