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et de leur nombre pour entourer, presser et en-traîner dans la ville ce petit détachement, qu'ils désarment en déclarant qu'il était prisonnier de guerre.

Au prix d'efforts inouis et d'incroyables prodiges de valeur, le commandant en chef reconnaît qu'une plus longue persistance serait inutile en dehors du mouvement réactionnaire, comprimé par les bandes de Garibaldi et des Lombards, entrés dans la ville contrairement à la stipulation écrite de CivitaVecchia.

En conséquence, il donne le signal de la retraite et l'ordre de faire évacuer les blessés sur Maglianella. Mais de même que pas un soldat romain n'avait attendu les Français marchant sur Rome, pas un seul n'osa les suivre dans leur mouvement de concentration.

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Toutes les troupes de la colonne se réunirent immédiatement sur ce point, à l'exception du général Levaillant, Charles, qui dut attendre, avec quelques compagnies, l'obscurité de la nuit pour dégager et emmener à bras les deux pièces de canon abandonnées sur le chemin de la porte Angelica. De son côté, le commandant en chef les y rejoignit à deux heures du matin avec l'extrême arrière-garde; arrivé le premier sur le champ de bataille, il ne le quitta que le dernier. Alors, tandis que les soldats se reposaient de leurs fatigues,

il expédia au ministre de la guerre une dépêche télégraphique, lui annonçant le résultat de la journée du 30 avril et lui disant que Rome, ayant fermé ses portes à l'armée expéditionnaire, devait être désormais l'objet d'une attaque régulière et non d'une simple reconnaissance. Il ne put lui adresser un rapport détaillé que le 4 mai, car tous les bâtiments qu'on avait mis à sa disposition s'étaient rendus en France pour y chercher de nouvelles troupes.

Pour réparation, l'honneur de la France exigeait une victoire, le général la promit à ses soldats, et nous verrons comment il tint parole. Ainsi que nous l'avons dit, un grand nombre de nos jeunes soldats, le 30 avril, voyait le feu pour la première fois. Ils supportèrent admirablement cette épreuve. Combattant à découvert un ennemi dix fois plus nombreux et caché derrière de fortes murailles, ils n'ont pas faibli un seul instant et ils ont dignement soutenu le renom de la valeur française. Le danger grandit leur courage, l'obstacle rehaussa leur énergie.

Parmi les braves qui déployèrent le plus de courage et de sang-froid, le sous-intendant Dutheil se distingua autant par l'intrépidité avec laquelle il établit ses ambulances sous le feu de l'ennemi, que par les soins intelligents qu'il fit donner aux blessés. Plusieurs prêtres furent admirables de dé

vouement, entre autres monseigneur Luquet, évêque d'Hezebon, l'abbé du Casquer et l'abbé de Mérode.

CHAPITRE XXII.

Cruautés des Romains envers les prisonniers français. Une escadre espagnole arrive devant Terracine.-Entrée en campagne des troupes napolitaines. - Des renforts arrivent de France à l'armée expéditionnaire. Mission courageuse de M. Mangin. - Travaux de défense.-Assassinat de trois paysans.-Le capitaine Laviron.-Renvoi des prisonniers français. - Chevaleresques représailles. -Effet produit en France par l'affaire du 30 avril.-Noble lettre du prince LouisNapoléon.- Départ de M. de Lesseps pour Rome.—Opérations militaires et diplomatiques. — Fatale convention. Elle profite aux Romains. Hymne révolutionnaire.- Mouvement des armées catholiques.- Victoire et mystification. - Pamphlet.

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Le premier soin du général en chef, après avoir visité l'ambulance, fut de faire constater par l'appel des corps le nombre des absents. Cinq cents hommes manquaient à l'appel; dans ce nombre figurent les deux cent cinquante soldats du 20° de ligne que la trahison retenait momentanément captifs. A leur entrée dans Rome, les démonstrations sympathiques s'étaient changées en cris de haine et en des vociférations de mort contre les victimes de cet indigne guet-à-pens. Pour

quelques-uns de nos soldats l'effet suivit de près la menace : l'un d'eux, frappé de trois coups de feu, fut dépouillé de ses souliers, de son shako, de sa tunique, et dans cet état, marquant sa route avec du sang, forcé de parcourir à pied une assez grande distance pour arriver à l'ambulance où il mourut; un autre, au mépris des lois qui protégent les prisonniers de guerre, fut blessé mortellement dans le Corso; un troisième, enfin, reçut, dans les rues de Rome, un coup de feu qui lui traversa les deux cuisses: pendant plus de huit heures on le laissa sans pansement à l'ambulance. La cruauté se faisait l'auxiliaire et le complice de la trahison. D'un autre côté, le commandant Picard, suivi d'une populace irritée, était conduit à l'hôtel de la Minerve, qu'on lui donna pour prison. « Je proteste, s'écriait ce brave officier, contre l'acte déloyal qui me retient en vos mains. Ce n'est pas ainsi qu'on fait la guerre; je ne suis point. votre prisonnier; tuez-moi, ou rendez-moi la liberté. »> Vaine protestation; le peuple n'y répondit que par l'insulte. A son tour, l'outrage se faisait le complice et l'auxiliaire de la cruauté.

Cet état de choses ne pouvait durer. Les chefs de la république romaine, craignant d'une part des représailles envers leurs soldats prisonniers; d'un autre côté, la démocratie française avec laquelle leur correspondance était très-active, leur en

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