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vit ce jour-là s'allier dans un vote anti-national ceux-là mêmes qui avant le 10 décembre avaient réuni à Marseille le corps expéditionnaire destiné à protéger la papauté dans ses droits et son autorité.

La presse démagogique ne voulut pas rester en arrière de l'Assemblée législative, elle la surpassa. L'une avait blâmé, l'autre se fit l'insulteur public de l'armée.

Répudiant son titre, le National, après avoir dit : «Que nos soldats aient été vaincus ou vainqueurs, peu importe, » prononce ces incroyables paroles : : « Ce sont nos amis qui sont contraints. de repousser à main armée nos coupables agres

sions. >>

La Démocratie pacifique est non moins explicite : « Le Dieu de justice, dit-elle, le Dieu des nations opprimées, a donné la victoire au bon droit.>> Puis, versant de feintes larmes sur la honte prétendue de nos troupes, elle s'écrie: Cette honte leur était due.

Le Peuple va plus loin, digne émule de cet autre peuple qui avait assassiné le général Bréa, il insulte aux cadavres de nos soldats; il exalte en un concert de reconnaissance la gloire des vainqueurs du 30 avril : « Courage, et toujours du courage, s'écrie-t-il; non, tout n'est pas désespéré...>>

<< Italiens, nos frères, cessez de nous maudire et de nous renier; la vraie France, celle de 92 et du 24 février est encore une fois retrouvée ! »

Lorsque les passions mauvaises seront refroidies, on ne croira pas qu'il se soit trouvé en France des Français assez ennemis de leur pays pour l'avoir ainsi outragé.

Un homme de coeur, cependant, auquel la France anti-républicaine venait de confier le soin de sa gloire et de son salut, osa protester d'une manière digne d'elle et du grand nom qu'il portait contre ces honteuses allocutions. Le président de la république s'empressa d'écrire au général Oudinot une lettre, véritable monument historique, que nous aimons à reproduire ici :

« Mon cher général,

<< La nouvelle télégraphique qui annonce la résistance imprévue que vous avez trouvée sous les murs de Rome, m'a vivement peiné. J'espérais, vous le savez, que les habitants de Rome ouvrant les yeux à l'évidence, recevraient avec empressement une armée qui venait accomplir chez eux une action bienveillante et désintéressée. Il en a été autrement: vos soldats ont été reçus en ennemis; notre honneur militaire est engagé; je ne souffrirai pas qu'il reçoive aucune atteinte. Les renforts ne vous manqueront pas. Dites à vos soldats que j'apprécie leur bravoure, que je partage

leurs peines, et qu'ils pourront toujours compter sur mon appui et sur ma reconnaissance.

<< Recevez, mon cher général, l'expression de mes sentiments de haute estime,

« LOUIS-NAPOLÉON BONAPARTE. >>

Dans la nuit du 14 au 15, M. Ferdinand de Lesseps, porteur de cette lettre, arriva au quartier général en qualité d'envoyé extraordinaire et de ministre plénipotentiaire. Il lui était enjoint d'entretenir avec le général en chef l'échange d'une confiance mutuelle, et de concerter avec lui toutes ses démarches. Un fougueux révolutionnaire, compromis en 1831 et depuis amnistié par Pie IX, l'accompagnait. Le nom de M. Accursi, réuni à celui de M. de Lesseps, était de sinistre augure.

Le général duc de Reggio s'empressa de répondre à la missive du président de la république par cette lettre, qui établit supérieurement la situation dans laquelle se trouvait alors le corps expéditionnaire : << Monsieur le Président,

« Je reçois à l'instant la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire, sous la date du 8 courant. Je m'empresse de la porter à la connaissance du corps expéditionnaire; il y trouvera une précieuse et juste récompense de son dévouement, de sa discipline et de son courage.

« L'armée française est aux portes de Rome. Quelque vaste que soit l'enceinte de cette place,

elle est entièrement investie. Bientôt nos pièces de siége seront en batterie. Maîtres du haut et du bas Tibre, à cheval sur la route de Florence, nous avons intercepté toute communication et nous avons une pleine liberté d'action.

« Dès aujourd'hui, la soumission absolue du parti qui domine Rome nous serait infailliblement assurée, si le Moniteur du 8 n'était de nature à ranimer de fatales espérances. Quoi qu'il puisse arriver, au surplus, la France sera sous très-peu de jours l'arbitre des destinées de l'Italie centrale. Bientôt votre gouvernement recueillera le fruit de la politique énergique et généreuse qu'il prétend suivre, et que vous lui inspirez.

Les moments étaient précieux, il n'y avait pas un instant à perdre; l'envoyé ministre plénipotentiaire de la France part immédiatement pour Rome; le général Oudinot transporte son quartier général à Vinadel-Corviale, au centre de la deuxième brigade, à cheval sur la Via-Portuense; la première brigade se porte en avant de la Magliana, et la troisième va prendre position à la Casa-Maffei. Les six pièces de siége sont dirigées sur les bords du Tibre et confiées à la garde du 20me de ligne.

Le lendemain, 16, la deuxième brigade s'avance à mille huit cents mètres du canon de la place; elle occupe sans résistance le plateau de la villa

Santucci. Elle appuie sa droite sur la première brigade à Santa-Passera, elle étend sa gauche vers la villa Pamphili. Le général en chef dirige luimême ses divers mouvements; le même jour, il donne l'ordre au général Levaillant (Charles), de pousser une reconnaissance dans la direction de la villa Pamfili. Ce valeureux officier-général enlève un poste avancé de quarante-cinq Romains, établi à l'embranchement des routes de Capeletta et Corviale; ces soldats, trompés par les calomnies répandues contre la prétendue cruauté des Français, et ne doutant pas qu'ils ne soient fusillés, joignent les mains et demandent grâce de la vie. Le général Levaillant les rassure: « Ne craignez rien, leur dit-il, les Français respectent leurs prisonniers et ne tuent jamais après le combat. » Il les conduit avec les plus grands égards au quartier général. Dans ce moment même, M. Ferdinand de Lesseps revenait de Rome; il annonce au commandant en chef que, persuadé d'avance de son assentiment, il a conclu avec le triumvirat une suspension d'hostilités, et il supplie le général de rendre à la liberté les quarante-cinq prisonniers. Sur ses instances pressantes, le général, par un excès de générosité et peut-être de déférence, consent à les renvoyer.net vellan

Le duc de Reggio et l'armée toute entière ne virent pas sans peine une convention qui, enchaî

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