Images de page
PDF
ePub

nant leur ardeur, devait paralyser leurs mouvements. Les Romains, au contraire, l'accueillirent avec transport: elle leur permettait de terminer leurs travaux de défense et d'appeler à eux de nouveaux renforts. En effet, chaque jour de nombreux auxiliaires accouraient au secours de la ville menacée. Dès le 8, une colonne de quatre cent cinquante Lombards, bien armés, avaient effectué leur entrée dans Rome. Le 13, deux mille hommes et une compagnie de volontaires de Pérouse, avaient été reçus avec un enthousiasme d'autant plus grand qu'ils étaient conduits par le général Roselli. Dans la nuit du 16, on avait vụ arriver la division du général napolitain Mezzacapa. Douze pièces de canon, deux escadrons de cavalerie et quatre mille cinq cents fantassins formaient cette division, composée en partie de gardes civiques bolonais, de Suisses et de réfugiés polonais.

[ocr errors]

Ces secours inespérés devaient inévitablement prolonger la lutte et la rendre plus meurtrière, si, d'après toutes les prévisions, la suspension des hostilités était impuissante à produire la paix. Les triumvirs le comprenaient si bien, qu'ils employèrent tous les moyens qui se trouvaient en leur pouvoir pour maintenir le peuple en haleine. Non contents de convier à la défense de Rome tous les réfugiés répandus sur la surface de l'Italie, ils firent

un appel aux poëtes, pour exciter le courage des combattants et chanter leurs exploits.

Tous les soirs, alors que la ville s'illuminait pour éclairer les travaux des barricades, des refrains belliqueux et révolutionnaires se mêlaient au bruit sourd des marteaux. L'hymne de Maggazzari remporta la palme sur les nombreuses marseillaises qui se disputaient les faveurs de la mode révolutionnaire. Le maestro, jadis poétique chantre de Pie IX, avait prostitué son talent à ces paroles:

Sur le sol de l'Italie

Plus de papes, plus de roi;
Ici il n'y a plus d'esclavage
Guerre! guerre !

kot znizastont simso par

busy Les Alpes et la mer aujourd'hui ne ceignent dise

Qu'une âme, un seul vouloir;
Poussons le cri des intrépides,
Guerre! guerre !

[merged small][ocr errors][ocr errors][merged small]

A toi notre dernier soupir!

este pour toi nous voulons vaincre ou mourir,

Initials Guerre! guerre!insaneqoy ang to.

[ocr errors]

D'un grand peuple qui jadis fut,
Sous terre les ossements frémissent,
Hélas! ce peuple n'est plus,
Guerre! guerre !

Mais le souvenir des héros

Ne peut tromper, ne peut périr;
Italie, relève-toi et prends un nouvel essor;
Guerre! guerre !

Sur le sol de l'Italie,

Plus de papes, plus de rois

Ici il n'y a plus d'esclavage,
Guerre! guerre !

Les chants de la rue étaient au diapason des proclamations gouvernementales; les triumvirs, de plus en plus enivrés par leur fiévreuse éloquence et leurs fabuleux triomphes, défiaient l'Europe et jetaient le gant aux armées catholiques. Les troupes autrichiennes, après avoir envahi les frontières pontificales, assiégeaient la ville de Bologne ; d'un autre côté, le général Cordova avait rejoint la première expédition espagnole débarquée à Terracine les triumvirs répondirent ainsi aux manifestes de ces deux puissances :

« L'Espagne nous envoie aussi, en langage hautain suivant son habitude, un insolent défi. Le chorus est donc complet, l'Autriche, la France, Naples et l'Espagne recommencent l'histoire des

temps anciens et répondent à l'appel d'un pape!

« Qu'ils soient contre nous, trois ou quatre, peu importe! Rome ne déviera pas de son ferme dessein. Il y a trois siècles et demi que ces superbes agresseurs trouvèrent une Italie mourante; aujourd'hui ils trouveront une Italie qui surgit, l'Italie du peuple! »

Dans le même temps, leur journal officiel annonça, par dépêche télégraphique, une importante victoire remportée par les troupes romaines sur l'armée napolitaine. De nombreux prisonniers et plusieurs pièces de canon tombées en leur pouvoir, devaient arriver dans la soirée. Cette nouvelle, démentie le lendemain par le Moniteur luimême, fut, pour les Romains, une véritable mystification. Une foule immense, stationnée au dehors de la porte de Saint-Jean de Latran, atten-, dit en vain, toute la soirée, les trophées de la victoire qui se réduisit aux proportions d'un simple engagement d'avant-postes à Palestrine.

[ocr errors]

Pour donner une espèce de dédommagement à la populace, les triumvirs lui apprirent, par deux décrets officiels, que le couvent de Saint-Sylvestre, tous les hôpitaux de Rome et des provinces étaient déclarés propriétés de la République. Le lendemain, la statue de Pasquin offrit aux regards des passants un écriteau sur lequel une main réactionnaire avait écrit :

Réjouis-toi, bon peuple, pare-toi de ton dernier habit de fète, dépense tes derniers baioques pour illuminer ta maison, entonne en signe d'allégresse ton chant de guerre plus de pape! plus de roi! Réjouis-toi, ô bon peuple, car ceux qui ont remplacé le pape et qui voudraient se substituer aux rois, t'accorderont une liberté si grande, qu'après avoir pris ton dernier écu ils te laisseront celle de mourir de faim. En attendant, sois reconnaissant, ô bon peuple, autant qu'ils se montrent généreux et justes. A eux les palais de ton pape, de tes cardinaux, de tes princes; à eux les honneurs et la fortune, à toi les coups de fusil, les hôpitaux et la misère! réjouis-toi donc, ô bon peuple! >>

Ce pamphlet resta pendant plus d'une heure exposé aux yeux du peuple qui, tout en donnant raison à Pasquin, se rendit aux barricades pour défendre son indépendance à raison de trois francs par jour.

« PrécédentContinuer »