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et logements et repos ; puni celui qui le pouvant ne s'éloigne pas du sol que foule le pied d'un ennemi. Étendons autour de toute armée, qui ne porte pas notre drapeau, un cercle de feu et de désert.

« La république, douce et généreuse jusqu'à présent, se lève terrible dans ses menaces!

<<< Rome vivra.

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Signé ARMELLINI, MAZZINI et SAFFI. »> Cette proclamation grosse d'enthousiasme et de colère porte la date du 20 mai. Les triumvirs recourent aux menaces de la terreur et à la terreur des mises hors la loi, pour forcer les populations à se défendre. Ils ont même si peu de confiance dans les hommes employés par eux en qualité de chefs, qu'ils les menacent aussi de la vindicte publique. Et cependant, par une incroyable contradiction, l'unanimité du pays, l'accord parfait de tous les Romains, sont les grands arguments dont ils se servent pour conclure un accommodement avec le ministre plénipotentiaire de la République française.

Cette unanimité qu'ils opposaient aux objections du général en chef n'était qu'une amère dérision. Elle se traduisait chaque jour par les mesures d'une monstrueuse illégalité.

Le gouvernement républicain ne se contentait plus d'opérer des visites domiciliaires, d'enlever

chez les citoyens les matières monnayées qu'ils y trouvaient, de spolier les églises, de bâillonner, au nom de la liberté, la presse indépendante qui protestait contre la licence; il lui fallait des victimes et du sang.

Il chargea Zambianchi, l'un de ses pourvoyeurs, de lui en procurer. Zambianchi, capitaine des finanzieris, s'empressant d'obéir à ses ordres, fit enlever le curé de la Minerve. Cet excellent prêtre, l'ami des pauvres, le père des malheureux, était à table. «< Où me conduisez-vous? demanda-t-il. -« A Sainte-Calixte, lui répondit-on.

« Que me voulez-vous?

<< Bientôt vous le saurez. » Il comprit et se résigna au sacrifice. Zambianchi l'attendait à SainteCalixte; à sa vue, le curé, ne doutant plus du sort qui lui était réservé, ne peut se défendre d'un mouvement d'effroi, il pâlit.

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« A quoi penses-tu donc, lui demanda l'exécuteur politique des hautes-œuvres de la république, tu trembles, je crois?

- « Je pense à Dieu, répondit noblement le futur martyr, et je le prie pour qu'au moment de votre mort, et sur le point de paraître devant lui, vous soyez aussi tranquille que je le suis à l'heure de la mienne. >>

Un instant après, le père des malheureux, l'ami des pauvres n'existait plus. Le même jour, quatorze

prêtres furent fusillés sans jugement ét enterrés sans prières, au pied des arbres du jardin de SainteCalixte.

Pendant que M. de Lesseps poursuit ses négociations avec le gouvernement romain, le général Oudinot pousse avec ardeur ses préparatifs d'attaque, il veut être prêt à tout événement. Sous ses yeux de nombreuses corvées travaillent incessamment à confectionner les approvisionnements de fascines et de gabions. Depuis le 16 mai, le quartier général de l'armée avait été transporté à la VillaSantucci, position avantageuse et très-rapprochée de Rome. Un des premiers soins du commandant en chef avait été de faire établir un bac à traille sur le Tibre, et de jeter quelques compagnies d'infanterie sur la rive gauche du fleuve.

Le 19, une partie des renforts annoncés par le président de la république, arriva au quartiergénéral de la Villa-Santucci. Les généraux Vaillant et Thiry, désignés, l'un pour prendre le commandement du génie, l'autre celui de l'artillerie, entrent immédiatement en fonctions. Depuis, chaque jour, de nouvelles troupes vinrent successivement augmenter l'effectif de l'armée. Le gouvernement avait compris que l'honneur des armes françaises était attaché à la prise de Rome, si la population romaine n'ouvrait elle-même, à notre valeureuse armée, les portes de la ville.

Le jour même de la convention qui suspendait les hostilités, nos officiers de santé furent autorisés à donner leurs soins aux soldats blessés qui, après l'affaire du 30 avril, avaient été recueillis dans les hôpitaux de Rome. Pour reconnaître généreusement ce procédé M. de Lesseps pria instamment le général Oudinot d'envoyer un caisson d'ambulance à l'armée romaine, dont le service de santé péchait par une mauvaise organisation; le duc de Reggio se rendit à ses instances réitérées, après s'être assuré, toutefois, que les besoins dé son armée n'auraient point à souffrir de cet acte d'humanité.

Le triumvirat répondit à ce présent par l'envoi d'un fourgon contenant cinquante millé cigares et cent livres de tabac à fumer. Mais nos soldats rendirent justice au sentiment qui avait dicté cette apparente gracieuseté, en disant, dans leur langage pittoresque : << Les Romains hous ont tiré de fières carottes. » Ils faisaient allusion aux appels à la révolte et aux proclamations incendiaires qui servaient d'enveloppes aux paquets de cigares et de tabac.

L'esprit de ces proclamations était trop mal inspiré pour réagir d'une manière fâcheuse sur celui de nos soldats; il ne leur procura, outre le plaisir de fumer, que celui de faire un mauvais jeu de mot: d'ailleurs, il était évident pour tous que la

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pensée de cette propagande émanait des révolutionnaires français. De la proclamation suivante l'on jugera les autres :

<< Soldats de la République française !

« Un gouvernement de traîtres et de lâches renégats de tous les régimes déshonore la France et trahit la liberté. Dans leurs projets criminels contre l'indépendance des peuples, ils ont cru, les misérables, trouver en vous les instruments serviles d'une politique indigne. Et notre jeune république, sœur de la république française, a été, sous prétexte d'anarchie, condamnée à périr sous des balles républicaines.

<< Soldats! vous ne voudrez pas vous rendre complices du crime de lèse-nation. Vos mains sont trop pures pour les souiller du sang de vos frères d'Italie. Vous vous souviendrez que tous les peuples sont solidaires, qu'ils se doivent appui réciproque; et, dans cette lutte infâme du despotisme contre la liberté, entre ce gouvernement des prêtres, exécré, qu'on veut nous imposer par force, et la république romaine, pour laquelle nous sommes tous décidés à mourir, vous défendrez avec nous la république romaine.

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Déjà l'Autrichien au nord envahit nos provinces ; au midi le tyran de Naples, battu et mis en fuite par nos soldats, a payé cher l'audace de son approche sous Rome.

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