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<< Mais Livourne saccagée, deux cents patriotes assassinés dans ses murs, Bologne, l'héroïque Bologne, bombardée et prise d'assaut après huit jours d'une défense héroïque, et l'invasion autrichienne allant toujours croissant, présagent à la liberté de nouveaux jours de deuil.

<< Et vous, soldats de la France, en présence de pareils faits resterez-vous au port d'armes quand on égorge vos frères? Cette attitude contre les Romains qu'on opprime, ne la tournerez-vous pas contre les Croates de l'Autriche ?

<< Louis Bonaparte trahit la république par sa honteuse alliance avec les despotes du Nord: il a pour jamais déshonoré son nom. Mais ses bassesses ne salissent que lui, et la nation française est trop grande pour que son déshonneur l'atteigne.

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<<< Soldats! avant de tourner contre nous les armes de la France, rappelez-vous que vous êtes citoyens français, et dans la lutte à mort que nous allons soutenir, soyez les dignes enfants des soldats de Marengo.

« Vive l'armée! Vive la France!

-

<< Vive la république romaine! »

Le 21 mai, le général en chef passait, à Maglianella, la revue de plusieurs régiments nouvellement débarqués, le 13° léger, le 25 léger et le 13° de ligne. Le premier bataillon du 13° léger reçut l'ordre de pousser immédiatement une re

connaissance dans la direction d'Acqua-Traversa, afin de rallier le 36 et de compléter sur la rive droite l'investissement de la place.

De leur côté, ce jour-là même, les Romains reçurent un renfort d'autant plus précieux qu'ils manquaient de canonniers pour servir leur nombreuse artillerie. Une batterie suisse de six pièces de canon, de deux obusiers, conduite par des hommes instruits et aguerris, arrivait à marche forcée de Bologne par la Sabine. Après avoir évité la rencontre des colonnes françaises et suivi prudemment la route de Terni, elle entra dans Rome à deux heures de la nuit, aux acclamations révolutionnaires de la ville qui, malgré l'heure avancée, fut spontanément illuminée.

Cependant, pressé de traduire la suspension des hostilités en un accommodement définitif, M. de Lesseps avait rédigé dès le 16 le projet suivant qu'il expédia au ministère français en le prévenant qu'il subirait in failliblement quelques modifica

tions.

er

« Art. 1. Aucune entrave ne sera plus apportée par l'armée française à la liberté des communications de Rome avec le reste des États romains. « Art. 2. Rome accueillera l'armée française comme une armée de frères.

Art. 3. Le pouvoir exécutif actuel cessera ses fonctions. Il sera remplacé par un gouvernement

provisoire composé de citoyens romains et désigné par l'Assemblée constituante romaine, jusqu'au moment où les populations appelées à faire connaître leurs voeux, se seront prononcées sur la forme du gouvernement qui devra les régir et sur les garanties à consacrer en faveur du catholicisme et de la papauté. >>

Ainsi que le ministre plénipotentiaire l'avait prévu, ce projetsouleva dès sa première conférence avec les triumvirs de telles difficultés que la discussion même en parut impossible. L'article III, concernant la démission du pouvoir exécutif, fut repoussé à l'unanimité par ceux qui en étaient saisis, Les triumvirs basaient leur refus d'acceptation sur ce qu'une pareille clause ne rentraitnullement dans l'esprit de la première proclamation que le cabinet français lui-même avait rédigée et imposée au général en chef. Ce document disait d'une manière fort explicite: « Vous vous concerterez avec les autorités existantes pour que notre occupation momentanée ne vous impose aucune gêne. »>

Une nouvelle rédaction ayant été convenue entre le duc de Reggio et l'envoyé extraordinaire de la république française, trois commissaires chargés des pleins pouvoirs de l'Assemblée constituante romaine furent conviés à la discuter; mais ceuxci déclarèrent que l'Assemblée constituante ne leur avait conféré d'autre pouvoir que celui d'entendre

et de référer. M. de Lesseps, ne jugeant pas à propos d'établir avec eux des conférences au quartier général, leur envoya la minute suivante d'un second projet.

« Art. 1. Les États romains réclament la protection fraternelle de la république française.

<< Art. 2. Les populations romaines ont le droit de se prononcer librement sur la forme de leur gouvernement.

« Art. 3. Rome accueillera l'armée française comme une armée amie. Les troupes romaines et françaises feront conjointement le service de la ville. Les autorités romaines fonctionneront suivant leurs attributions légales. >>

Ce projet s'écartait évidemment de la pensée qui avait inspiré l'intervention de l'armée française; non-seulement il ne sauve-gardait en aucune manière les droits et l'autorité du Saint-Siége, mais il reconnaissait tacitement les hommes et les actes d'un pouvoir illégal, repoussé par l'Europe entière. M. de Lesseps le comprenait si bien, que, le 22, il expédia à Paris M. de la Tour-d'Auvergne, secrétaire d'ambassade, pour en référer au ministère lui-même.

En voulant réduire à sa plus simple expression l'art. 3 de son projet d'arrangement et éviter deux écueils qu'il lui était impossible de ne point toucher, la reconnaissance de la république romaine

et le rétablissement de l'autorité pontificale, il rendait impossible toute solution. Ce n'est qu'en abordant franchement les difficultés qu'on les résout rapidement.

Ainsi qu'il était facile de le prévoir, malgré ces insolites concessions, le triumvirat, considérant que les propositions de M. de Lesseps n'offraient pas de garanties suffisantes en faveur des libertés et de l'indépendance des États romains; que l'occupation militaire de Rome était contraire à l'opinion de la population; considérant que les opérations de siége et le resserrement de la place par l'armée française semblaient contraires à l'esprit de la suspension d'armes, l'Assemblée constituante romaine ne croyait pas devoir accepter lesdites propositions. Les triumvirs annonçaient, pour le lendemain, l'envoi d'une contre-proposition qui, selon eux, réunissait les meilleures chances d'arrangement.

De son quartier général, le duc de Reggio, peu confiant dans l'issue des négociations, pressait vivement M. de Lesseps d'en finir. « Je vois avec peine, lui écrivait-il le 21 à trois heures, que votre dévouement n'est point payé de retour à Rome. Aucune des promesses qu'on vous a faites ne se réalise. On oppose sans cesse des subterfuges, des faux-fuyants à votre persévérante loyauté. Toutes ces lenteurs ont en définitive pour résultat d'ac

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