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finances, Muzzarelli à l'instruction publique, Lazzarini à la justice, Sterbini aux travaux publics, Campello à la guerre, assisté de deux adjoints MM. Mezzacapa et Calandrelli. La nomination de Sterbini, attaqué d'une part avec fureur par les révolutionnaires avancés qui lui reprochaient ses tergiversations, et de l'autre par les honnêtes gens qui voyaient en lui l'un des principaux acteurs du drame qui se jouait en face de l'Europe, provoqua la verve satirique des Romains prétendant avec raison que le comité exécutif s'était trompé en nommant Sterbini aux travaux publics. Selon eux, c'étaient les travaux forcés qui lui revenaient de droit. Sterbini réduisit un instant ses adversaires au silence en activant l'exécution du décret qui avait prescrit l'inventaire des églises et des propriétés ecclésiastiques; il trouva même dans cette opération une mine féconde de ressources pécuniaires.

Ces monstrueux abus d'autorité n'étaient pas les seuls dont les ministres prévaricateurs se rendaient coupables. Ils ne se contentaient pas de spolier le clergé, ils outrageaient les mystères de la famille en violant les secrets des lettres. Rien n'était saint et sacré pour eux; ils n'avaient pas plus de respect pour les autres que de dignité pour eux

mêmes.

Les événements se précipitaient avec une telle

rapidité en Italie que chaque jour amenait une phase nouvelle.

Les révolutionnaires de la Toscane stimulés par Mazzini proclamèrent à cette époque la république en union avec celle de Rome sous le nom de République italienne centrale, et ils reconnurent la ville de Rome pour la capitale du nouvel État. Ce fut le 18 dans la soirée et à la suite d'un banquet offert par les clubistes florentins aux clubistes livournais que cet événement eut lieu. La déchéance du grand-duc, la réunion de la Toscane à Rome, la confirmation du triumvirat légèrement modifié et l'adjonction à ce gouvernement d'une commission de surveillance élue par le peuple, furent les conséquences immédiates de ce banquet révolutionnaire. Les démagogues arborèrent aussitôt la cocarde rouge et plantèrent des arbres de liberté, couronnés du bonnet phrygien. Mazzini, le grand moteur de la république unitaire, partit sans retard pour Rome, afin d'y organiser la fusion politique des deux pays et pour achever la ruine des États romains.

Pendant ce temps les troupes autrichiennes, traversant une nouvelle fois le Pô, occupaient sans coup férir la ville de Ferrare, et lui demandaient satisfaction pour avoir intercepté les communications avec la citadelle, tué trois soldats, insulté le consul de Sa Majesté impériale, et pro

clamé la république. Le général autrichien exigeait pour réparation qu'on lui cédât les portes de la ville, qu'on lui livrât les meurtriers de ses soldats, qu'on abattît les barricades, que dix mille hommes de ses troupes fussent entretenus pendant un laps de temps indéterminé, l'établissement d'hôpitaux militaires, le payement d'un million de francs, plus trente mille francs d'indemnité pour le consul insulté, la restauration des armes pontificales et six otages pour servir de garantie à l'exécution de ces conditions, le tout exigible dans les vingtquatre heures.

Guerre étrangère, défaites sanglantes, conditions honteuses, désastres, ruines, anarchie partout, tels étaient les maux qu'attiraient fatalement sur la malheureuse Italie les révolutionnaires pleins de menaces et de jactance contre leurs souverains légitimes, mais impuissants à combattre sérieusement l'étranger. Ils semblaient n'avoir pris les armes que pour se frayer un chemin au pouvoir et pour opprimer leurs concitoyens.

CHAPITRE XVII.

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Le carnaval. - Mazzini député romain. — Emprunt forcé. — Appel du gouvernement pontifical aux puissances catholiques. Nouveaux décrets révolutionnaires.

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Lorsque la nouvelle de l'entrée des Autrichiens à Ferrare parvint à Rome, la ville éternelle se trouvait en plein carnaval. Rome fermait les yeux aux sinistres présages et le cœur aux avertissements qui lui arrivaient de toutes parts. Malgré la nouvelle protestation du Saint Père, malgré les craintes de la banqueroute et les excès des Catilinas qui l'opprimaient, non pas à ses portes, mais dans son propre sein, Rome se livrait à de folles joies. Éclairée par un brillant soleil et parée comme aux jours de ses splendeurs et de ses prospérités, le front ceint de fleurs, à cheval, en voiture, à pied, Rome courait, dansait, jetait des bouquets et des confettis aux croisées, ornées de femmes; Rome avait ses courses de barberis et l'étincelante fête

des Moccolettis. Les officiers, revêtus de leurs brillants uniformes, traînaient leurs sabres dans les rues : les cocardes rouges, les rubans de la même couleur ornaient toutes les têtes, pavoisaient toutes les poitrines et flottaient au vent. Tout à coup, cette physionomie de fête changea comme par enchantement, ceux-là seuls qui furent témoins de ce changement à vue peuvent se faire une idée de la mobilité italienne. A ce cri: Les Autrichiens sont à Ferrare! les cocardes rouges s'éclipsèrent, les traîneurs de sabres disparurent, les figures belliqueuses pâlirent, les visages souriant se ridèrent, et dans toute la longueur du Corso un silence de deuil succéda aux bruits des réjouissances. Dans cés graves circonstances, l'Assemblée constituante, croyant faire face aux événements avec d'éloquents discours, multiplia ses séances; les orateurs de la révolution, unissant leurs voix patriotiques à celle des triumvirs, en appelèrent au courage et au civisme des peuples de la Péninsule. Les ordres du jour, sonores et creux, se succédaient sans relâche, mais la phraséologie, suppléant à l'absence de l'idée, cherchait vainement à réveiller l'enthousiasme populaire. Les belliqueux du café des Beaux-Arts qui, lorsque Pie IX était au Quirinal, embouchaient du matin au soir la trompette des combats, s'étaient retranchés dans une prudente inaction. Vaillants et forts contre de pauvres pré

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