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tres qui pour unique défense n'avaient que des prières, ils s'effaçaient devant les baïonnettes de l'Autriche. Cependant, le ministre de la guerre n'épargnait rien pour exciter en eux la fibre militaire. « Citoyens, leur disait-il, si dans le passé nous paraissons moins que des femmes, c'est que le soldat romain n'a de cœur que sous la République; mais l'avenir trouvera en nous plus que des hommes. Vous redeviendrez des Romains de l'antiquité. Là où flottera votre drapeau, l'ombre de Brutus frémira de joie, et la prunelle de Marius lancera des éclairs. »>

En attendant l'heure de la résurrection si pompeusement prédite, les petits-fils de Brutus remportèrent une nouvelle victoire : Mazzini fut proclamé député à la constituante romaine par neuf mille suffrages.

Alors l'assemblée constituante présentait un phénomène unique dans les fastes parlementaires. Le petit nombre de représentants arrivés à Rome avec des idées d'opposition, ayant presque tous donné leur démission, avaient procuré une homogénéité complète aux deux cent cinquante factieux qui garnissaient, sans distinctions et sans nuances politiques, les banquettes de droite, de gauche et même l'hémicycle de la salle servilement décorée du nom de montagne. Étroitement unis entre eux par les mêmes instincts, communiant à une seule

et même pensée, ces députés agissaient, délibéraient et votaient d'ensemble, comme un seul homme. Cette union intime, absolue, n'était pas cependant l'image de la force, elle était celle du ridicule. Un jour, ces farouches républicains, gonflés d'orgueil, se grandissant dans leurs prétendus mérites, décrétèrent que l'Europe les admirait. Cependant ils savaient tous que l'Europe indignée s'apprêtait à les combattre. Sur ces entrefaites, pour faire face aux besoins de la position qui devenait de plus en plus critique, ils ordonnèrent qu'un emprunt forcé de dix-sept millions ́de francs fût levé sur les familles riches, les capitalistes, les négociants, les sociétés industrielles, les corporations religieuses et les propriétaires. Cet emprunt, basé sur le système progressif, devait prélever de mille à six mille, le quart; de six mille à huit mille, le tiers; de huit mille à douze mille, la moitié; enfin de douze mille et au-dessus, les deux tiers. De bruyants applaudissements accueillirent ce moyen révolutionnaire.

La désorganisation qui produit les ruines ne marchait pas encore assez vite au gré des nouveaux maîtres de Rome : rien ne les arrêtait dans leur marche destructive. Quelques jours après, ils décidèrent, par un nouveau décret, que les cloches des églises, à l'exception de celles des basiliques, seraient descendues de leurs clochers et fondues

pour être converties en canons. Le prince de Canino fut l'un des principaux moteurs de cette proposition, qui devait faire une machine de guerre et de destruction d'un instrument de religion et de paix; il se réjouissait en pensant que ces mêmes cloches qui, depuis tant de siècles, sonnaient les heures de la vie éternelle, subissant une transformation révolutionnaire, tonneraient bientôt en la donnant, celles de la mort.

Ce jour-là même, les pâles copistes des répu blicains français, voulant célébrer l'anniversaire de la Révolution de février, illuminèrent le Capitole et provoquèrent une démonstration aux flambeaux dans la rue de Corso.

Tandis que la révolution romaine s'avançait ainsi vers le terme marqué par la Providence, le cardinal Antonelli adressait, au nom du SaintSiége, aux gouvernements de la France, de l'Autriche, de l'Espagne et de Naples un document d'une importance extrême. Après un remarquable exposé de tous les faits qui s'étaient passés depuis le départ de Sa Sainteté de Rome jusqu'au 18 février, il finissait en réclamant, de la manière la plus formelle et la plus pressante, l'intervention de ces quatre puissances catholiques.

Les puissances répondirent avec empressement à cet appel, en envoyant des plénipotentiaires à Gaëte, où le souverain Pontife avait désiré voir

s'ouvrir la conférence diplomatique; déjà même, elles avaient prévenu les intentions du Saint Père, les unes par des actes, les autres par des votes éner→ giques. D'une part, le général Cavaignac à qui, momentanément, la France avait prêté son épée, avait réuni dès le mois de septembre 1848, sous les ordres du général Mollière, un corps de troupes destiné à s'embarquer pour l'Italie, au premier signal. D'autre part, l'Espagne armait ses vaisseaux, le roi des Deux-Siciles contenait à peine l'impatience de ses soldats, l'Autriche adressait à son représentant à Paris une note signée: prince Schwartzemberg. Enfin, le Portugal lui-même, oublié dans l'appel adressé aux quatre puissances catholiques, crut devoir faire représenter au gouvernement du pape, par l'entremise de son ministre, le baron de Venda-da-Crux, que le peuple portugais serait heureux d'agir à main armée dans l'intérêt de la cause pontificale. L'un des premiers, après la journée du 16 novembre 1848, le gouvernement du Portugal avait offert au souverain Pontife l'hospitalité dans une des plus belles résidences de la chrétienté, le magnifique palais de Mafra.

Comme on le voit, l'Europe entière se soulevait contre les crimes et les prétentions des hommes qui, au nom de la liberté,s'étaient faits les oppresseurs du peuple romain. D'un aveuglement égal à leur ambition, ces hommes, livrés à eux-mêmes,

continuaient à détruire de fond en comble l'édifice social, pour reconstruire dans le vide, et au milieu des tempêtes, ce qu'ils appelaient l'œuvre de la régénération italienne.

Le 20 février, la commission exécutive autorise la banque romaine à émettre pour un million et trois cent mille écus de billets, à la condition de fournir sans intérêt, au gouvernement de la République, une somme de cinq cent mille écus.

Le 21, l'Assemblée prenant en considération une proposition antérieure, déclare propriétés de la République tous les biens écclésiastiques.

Le même jour, elle ordonne que tous les dépôts d'argent appartenant aux institutions de mainmorte, tant chez les particuliers, que dans les caisses publiques, soient versés dans les caisses du gouvernement républicain, pour être appliqués aux besoins urgents de la patrie. Ce décret fut si rigoureusement exécuté que les soi-disant amis du peuple s'emparèrent de ses épargnes, et feignirent de les remplacer en déposant dans les caisses du mont-de-piété une somme équivalente, représentée par des billets qui perdaient déjà de 20 à 30 pour cent.

Le 22, l'Assemblée prohibe l'exportation des chevaux et des mulets.

Le 23, elle décrète le cours forcé des billets de la banque,

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