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de Rayneval au milieu d'une grande partie de la garnison napolitaine sous les armes, le duc de Reggio, accompagné seulement de l'amiral, fut immédiatement admis en présence de Sa Sainteté qui se plut tout d'abord à le qualifier du titre de libérateur de Rome.

Après une demi-heure d'audience Pie IX autorisa le duc de Reggio à lui présenter tous les officiers réunis avec lui à Gaëte; le saint Pontife les reçut avec une noble émotion, leur parlant de ses sympathies pour la France et de son admiration la valeur et la discipline de nos soldats.

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Le général en chef et les officiers de sa suite se rendirent ensuite chez le roi des Deux-Siciles. Ferdinand II les entretint avec un intérêt aussi bienveillant qu'éclairé des épisodes d'un siége dont il avait suivi toutes les phases en général expérimenté. L'auguste monarque donna aussi à la marine des éloges mérités, et prouva une fois de plus en cette circonstance que le service de la marine et celui de l'armée de terre lui étaient également familiers.

Le lendemain matin le duc de Reggio et ses aides de camp entendirent avec recueillement le saint. sacrifice de la messe que le souverain Pontife luimême célébra dans sa chapelle privée. Le général obtint ensuite une seconde audience particulière.

Après s'être courbé en chrétien devant la majesté suprême de la plus grande puissance du

monde, il se releva pour aborder franchement la question politique.

A l'appui des arguments qu'il déduisait de la situation des choses pour démontrer la nécessité du prompt retour de sa Sainteté dans la capitale de ses États, il rédigea, dans le cabinet même du ministre secrétaire-d'État, le cardinal Antonelli, une note qui devient un véritable monument historique; la voici :

« Le retour de Sa Sainteté à Rome est la question qui embrasse et domine toutes les autres. Les calamités morales et matérielles qui affligent les États pontificaux sont grandes, et réclament des remèdes aussi prompts qu'énergiques. La distance qui sépare Rome de Gaëte est à elle seule un obstacle qui ralentit et paralyse l'action gouvernementale.

« La présence du Saint Père au milieu de ses sujets serait un éclatant témoignage de conciliation et d'oubli du passé.

Quand le souverain Pontife voudra bien se charger de résoudre directement les difficultés, elles perdront de leur complication et de leur gravité. Les affaires seront alors plus aisément étudiées et centralisées, les décisions seront plus promptes et plus homogènes.

<«< Il faut reconnaître que les divers services manquent aujourd'hui d'ensemble et d'unité; de

là résulte un désaccord et un tiraillement inévitables. Tout retard à la rentrée du Saint Père à Rome ne pourrait qu'accroître l'incertitude de la France, la prolongation des misères publiques encouragerait les factions et leur donnerait de nouvelles armes contre l'autorité temporelle du Saint Père.

«Le gouvernement pontifical, diraient-elles, a fait son temps, il n'a pas foi dans son avenir; avec le concours même des puissances catholiques il se reconnaît impuissant à accomplir l'œuvre de sa réorganisation.

<< Peut-être même la calomnie cherchera-t-elle à persuader que Sa Sainteté appréhende des dangers imaginaires, et qu'elle n'a pas pour ses sujets cette réciprocité de sympathie qui est une égale source de félicité pour le souverain et pour le peuple.

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Quoi qu'il puisse arriver, l'armée française fera partout et toujours son devoir. Elle restera fidèle aux habitudes d'ordre, de discipline et de dévouement qui la distinguent; mais si nos soldats dont elle se compose n'ont plus qu'à comprimer des désordres intérieurs, si la sollicitude du Saint Père ne s'exerce qu'avec lenteur et dans un avenir éloigné, l'opinion en France deviendra hostile à l'expédition française à Rome.

«Que fera alors le gouvernement français? Je l'ignore. Toutefois, il est un fait incontestable,

mon devoir est de le déclarer, c'est que le retour du Saint Père à Rome est impérieusement réclamé par l'intérêt public. Il ne peut, à notre avis, entraîner aucun danger. Tout retard, au contraire, serait funeste.

<< Dans cette conviction, le général en chef soussigné émet très respectueusement le vœu que Sa Sainteté daigne honorer le plus tôt possible la ville de Rome d'une présence ardemment et justement désirée. »

A ces motifs qui prouvaient une connaissance parfaite de la situation, et que les événements postérieurs devaient bientôt justifier, le souverain Pontife répondit, ainsi qu'il l'avait fait récemment à M. de Corcelles, par des raisons non moins plausibles :

«<< Comment voulez-vous, dit-il, que j'oublie assez la nature purement morale de mon pouvoir pour m'engager d'une manière positive lorsque je ne suis pas encore fixé sur les questions de détail et surtout lorsque je suis appelé à parler vis-àvis d'une puissance de premier ordre dont les exigences ne sont un mystère pour personne? Doisje me condamner à paraître subir l'impression de la force? Si je fais quelque chose de bon, ne faut-il pas que mes actes soient spontanés et aient l'apparence de l'être? Ne connaissez-vous pas mes inclinations? Ne sont-elles pas rassurantes? N'ai-je

pas donné à mes peuples les preuves irrécusables d'un amour et d'un dévouement portés jusqu'au sacrifice? L'ingratitude, les tristesses de l'exil, les angoisses du malheur n'ont point changé mon âme, Je n'ai qu'un seul désir en ce monde comme une seule prière, la prospérité de la religion, le bonheur de tous les peuples en général, et en particulier, celui des hommes que la Providence a mis plus spécialement sous ma juridiction.

<< Néanmoins, j'ai l'intention de me rendre sous peu de jours dans mes États et de m'arrêter quelque temps à Castel-Gandolpho au milieu de l'armée française. »

Le général Oudinot revint à Rome avec l'assurance du retour prochain du Saint Père. En attendant, il voulut visiter lui-même les cantonnements extérieurs. Il reconnut là, comme à Rome, que de notables améliorations devaient encore être apportées à l'installation des troupes. En conséquence, il prescrivit aux diverses municipalités de prendre les mesures nécessaires pour fournir à nos soldats un nombre de lits suffisant, tant pour les casernes que pour les hôpitaux. Cette dernière disposition acquérait une importance extrême. La saison des fièvres était arrivée et l'influence de la malaria inoffensive pendant le siége commençait à s'étendre des habitants à l'armée.

Dans ses diverses explorations, le commandant

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