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fois un chef-d'oeuvre artistique et un monument de la foi catholique de la seconde ville de France. Dans l'état des choses, le rappel du général en chef fut une faute et un malheur; les Romains aussi bien que l'armée française le déplorèrent amèrement : l'armée perdait un chef aimé, les Romains perdaient un protecteur dévoué. Dans le but de consolider les rapports entre les habitants et les soldats, le duc de Reggio avait pris les mesures nécessaires pour faire exécuter, dans de larges proportions, des carrousels et des fêtes militaires; d'un autre côté, dans un intérêt général, il avait fait d'autres dispositions pour effacer à Rome toutes les traces de la guerre ; la partie des remparts renversée par le canon, devait être réparée sous la direction du génie français. Cette opération aurait eu le double avantage d'occuper un grand nombre de bras désœuvrés, et de rendre inexpugnable la ville occupée par nos troupes.

En quittant Rome, le général se rendit, le 25 août, à Gaëte, pour prendre congé du Saint Père, lui exprimer son opinion sur la situation générale, et réitérer ses instances sur l'opportunité du retour du souverain Pontife. L'entrevue dura plus d'une heure, l'accueil du pape fut affectueux et empressé. Déjà on avait vaguement appris à Gaëte que le lieutenant-colonel Edgar Ney avait apporté à Rome des instructions sur la politique à

suivre. La cour pontificale, celle de Naples et les diplomates étrangers, en étaient profondément inquiets. Le général Oudinot n'avait plus à intervenir, cependant il ne négligea rien, dans l'intérêt de la France, pour atténuer autant que possible des appréhensions dont les conséquences pouvaient être si funestes. « Votre nom, général, lui dit le Saint Père, votre nom est désormais intimement lié au mien. L'histoire n'aura pas assez d'éloges pour glorifier le grand événement que vous avez accompli avec autant de sagesse que d'énergie. Vous acheverez votre œuvre à Paris et ma paternelle bénédiction s'étendra toujours sur vous ainsi que sur tous les vôtres. »

Le Saint Père, qui avait créé spécialement pour le général en chef, une classe à part de l'ordre de Pie IX, lui en avait remis les insignes à son premier voyage. Les diamants précieux dont se composait la plaque lui avaient été envoyés en présent et sous une autre forme, par le Grand Seigneur de la Porte-Ottomane. En outre, il avait autorisé le général à lui proposer pour les décorations des ordres de Pie IX et de saint Grégoire-le-Grand, les officiers, sous-officiers et soldats des armées de terre et de mer, qui s'étaient le plus distingués; de plus, il promit de faire frapper, pour l'offrir à chaque soldat, une médaille commémorative en bronze.

Le duc de Reggio se rendit ensuite chez le roi des Deux-Siciles; l'accueil de Ferdinand II ne fut pas moins affectueux que celui du souverain Pontife; il lui remit le grand cordon de l'ordre de Saint-Janvier.

Le duc de Reggio quitta Naples le 1o septembre et se rendit à Marseille sur la frégate le Labrador, qui avait hissé son pavillon en des circonstances si diverses. Ainsi se termina une mission dont le résultat fut si glorieux, malgré d'innombrables difficultés. Presque tous les souverains et les hommes les plus considérables de l'Europe adressèrent au général Oudinot les plus honorables félicitations. Nous nous bornerons à reproduire deux lettres parmi les plus significatives, l'une de l'empereur de Russie, l'autre du maréchal Dode de la Brunerie. Voici la première :

« Général,

« J'ai suivi avec plaisir vos opérations contre le parti anarchique, qui avait couvert de ruines et de confusion la ville de Rome.

« La tâche que vous aviez à remplir était délicate, et, en tant que son accomplissement pouvait dépendre de votre conduite personnelle, je me plais à reconnaître que vous y avez fait constamment présider un louable esprit de modération et de conciliation.

« Le rôle qu'a joué l'armée française a été aussi

brillant qu'honorable, et elle a fait preuve, sous vos ordres, d'une discipline égale au courage qu'elle avait montré dans les combats.

« Si mon suffrage peut ajouter pour vous quelque satisfaction à celui de votre conscience, il m'est agréable de vous le témoigner ici en vous réitérant l'assurance de mon affectueuse estime. << NICOLAS.

« Château de Gatchina, le 10 octobre 1849. »> Par la seconde lettre, le maréchal Dode de la Brunerie, s'exprime ainsi :

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« Mon cher général,

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J'ai souvent eu l'occasion de répéter, pendant le cours de vos opérations devant Rome, que je n'avais jamais vu dans ma longue carrière militaire un général en chef aux prises avec une situation si compliquée et si difficile sous tous les points de vue qui s'y rattachaient : c'est vous dire combien j'apprécie les hautes qualités que vous avez eu à déployer pour en sortir aussi glorieusement et j'ajoute si promptement. L'insuffisance des moyens dont vous disposiez, eu égard à la nature des obstacles à vaincre, les ménagements impérieusement commandés en face de la capitale du monde chrétien et d'une immense population subissant le terrorisme le plus humiliant, les complications de la diplomatie s'ingérant dans la direction des opérations militaires les plus délicates

à poursuivre, tout cela formait un faisceau de difficultés que votre sagacité, votre prudence et votre énergie vous ont permis de surmonter.

« J'aime à croire que les divers généraux sous vos ordres, animés du même esprit que celui de leur général en chef, vous ont efficacement secondé; et j'ai vu avec une bien vive satisfaction que le corps du génie, auquel je tiens toujours par le cœur et par la reconnaissance, avait eu sa bonne part dans les glorieux épisodes qui ont signalé le siége de

Rome.

« Ces pensées et ces sentiments, ce n'est pas seulement à vous que je les confie, mon cher général, j'ai eu l'occasion de les exprimer au président de la République.. .. Au temps où nous vivons et plus que jamais, l'esprit de parti dénature tout et pervertit tout, et ce n'est pas à mes yeux une des moindres gloires de notre jeune armée, d'avoir marché comme toujours sous le drapeau du devoir et de l'honneur sans se laisser troubler par ces clameurs révolutionnaires qui ont tenté de l'ébranler et ont produit de si funestes résultats chez d'autres nations. Je veux dire que, fort de votre conscience et heureux d'avoir accompli la mission qui vous fut confiée, vous ne devez point tenir compte des appréciations erronées ou injustes dont l'expédition de Rome a pu être l'objet dans certaines publications ou de la part d'une certaine

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